par Alexander Markovics.
Les États-Unis au milieu des années 1980 : après la médiatisation des crimes de guerre commis par l’armée américaine au Vietnam, un important mouvement pacifiste dans les années 1960 et 1970 et une vague de films anti-guerre comme « Apocalypse now » et « Ceux qui traversent l’enfer » ont ruiné la réputation des forces armées américaines. Mais un film a largement contribué à changer la donne : « Top Gun », de Jerry Bruckheimer, avec Tom Cruise dans le rôle principal. Doté d’un budget de 15 millions de dollars, le film a rapporté 356,8 millions. Le grand succès du film est sans aucun doute dû en partie à l’US Navy qui, par le biais du DOD Entertainment Office, met des porte-avions et des chasseurs à la disposition de la production. Ce bureau du ministère américain de la Défense existe curieusement depuis 100 ans et a coopéré pour la première fois avec des cinéastes en 1927 pour le film Wings, sur les pilotes de chasse pendant la Première Guerre mondiale. Et la marine en a également profité : après la sortie du film en 1986, on a assisté à une augmentation de 500% du nombre de jeunes pilotes dans la marine, notamment parce qu’il y avait en même temps des recruteurs militaires devant les salles de cinéma.
Parallèlement, le ministère américain de la Défense contrôle ainsi les messages véhiculés par le film : l’ensemble du scénario doit être approuvé au préalable. « Top Gun », avec ses scènes d’action rapides et ses manœuvres aériennes audacieuses, n’est donc pas seulement un bon film d’un point de vue technique, mais aussi un message publicitaire efficace en faveur de l’impérialisme américain. Il ne fait aucun doute que le film laisse un goût amer lorsque l’on sait que ce sont précisément les pilotes américains qui ont bombardé l’Irak, la Yougoslavie, la Libye et bien d’autres pays au cours des trente dernières années, causant la mort de millions de personnes. Trente-six ans plus tard, Tom Cruise et les forces armées américaines réitèrent cette manœuvre dans les salles de cinéma, cette fois avec le film « Top Gun : Maverick ». Cette fois encore, il s’agit essentiellement d’un film pornographique de guerre qui glorifie l’armée américaine de manière ridicule et dépeint une troupe qui place la camaraderie et l’abnégation au-dessus de tout. Si l’on considère le taux élevé de suicides dans les forces armées américaines, cela aussi se moque de la réalité.
Ce qui est intéressant dans ce film, c’est qu’il manque de contexte ou qu’il le laisse dans l’ombre : « Top Gun Maverick » ne prend même pas la peine de justifier la politique étrangère américaine. Un État voyou non identifié veut construire un réacteur nucléaire et l’escadron d’élite Top Gun doit le détruire lors d’une opération commando. Il n’y a pas de débat sur la motivation de l’État voyou à vouloir construire ce réacteur (peut-être pour pouvoir défendre sa souveraineté contre les États-Unis ou pour ne pas avoir à subir les sanctions énergétiques américaines ?), et on ne montre pas non plus les protagonistes de l’État ennemi sans visage, qui ne servent que de chair à canon anonyme pour les as de l’aviation américaine. Du point de vue des États-Unis, de tels films peuvent être compréhensibles, mais seuls les maîtres du complexe de divertissement militaire d’Hollywood et de Washington savent pourquoi les spectateurs allemands et européens, qui ont également eu à souffrir des bombes américaines dans le passé, sont contraints de voir de tels films.
source : Euro-Synergies
Adblock test (Why?)
Source : Lire l'article complet par Réseau International
Source: Lire l'article complet de Réseau International