Québec, 25 millions d’habitants

Québec, 25 millions d’habitants

Century Initiative

Ou bien un Etat prospère de 12 millions

La politique d’immigration massive du gouvernement fédéral actuel semble s’inspirer de la proposition d’un lobby torontois, Century Initiative, selon laquelle le Canada devrait viser une population de 100 millions d’habitants d’ici la fin du siècle. Dans son excellente chronique du 6 juin sur Vigile, Rodrigue Tremblay analyse en profondeur cette orientation politique, démontre que les avantages présumés ne sont pas réels et que des risques importants en découleraient pour les Canadiens. Comme d’autres analystes, il conclut que la part du Québec dans la population canadienne pourrait diminuer dramatiquement, à environ 10%. Il me semble que c’est oublier que le Québec est une province canadienne, qu’il n’a pas les pleins pouvoirs en immigration et qu’il n’y a aucune contrainte sur les migrations interprovinciales au Canada. Ainsi, le Québec pourrait à partir d’aujourd’hui embarquer tous les nouveaux venus du chemin Roxham dans des autobus à Montréal et les conduire dans d’autres grandes villes canadiennes. Selon le plan d’Ottawa, c’est plutôt dans le sens inverse que se feraient les migrations au cours des prochaines décennies et la population du Québec augmenterait aussi vite que celle du Canada, à 20 ou 25 millions d’habitants.

Québec pourrait essayer de résister à la vague migratoire en s’appuyant sur ses pouvoirs en immigration et en se traînant les pieds dans le traitement des demandes mais les immigrants arrivés ailleurs au Canada n’auront qu’à accepter les offres d’emploi proposées par les entreprises du Québec. Le Canada sera trop heureux de faciliter cette relocalisation des immigrants et il pourra compter sur l’appui des hommes d’affaires québécois qui réclameront leur juste part de cette main d’œuvre immigrante. C’est justement le pouvoir accordé aux entreprises dans nos démocraties et au niveau mondial qui génère des politiques de croissance maximale impliquant le déplacement de travailleurs pauvres vers les pays développés. Le parti de François Legault qui bénéficie de l’appui des milieux d’affaires a comme priorité une très forte croissance économique, il subventionne sans retenue l’augmentation de la production des entreprises et accélère la construction d’infrastructures publiques. Les taux de croissance de l’économie qui résulteraient du maintien de telles politiques ne peuvent se réaliser, même en comptant sur un certain progrès technologique, sans l’apport d’une immigration massive. Malgré le discours rassurant sur le contrôle de l’immigration, les orientations économiques du gouvernement Legault s’inscrivent dans l’esprit du Century Initiative.

Une croissance plus faible ferait disparaître progressivement les pénuries de main-d’œuvre et permettrait de fixer les seuils d’immigration au niveau voulu, sans pression du marché du travail et en fonction de notre capacité d’intégration des nouveaux arrivants. Elle réduirait aussi la spéculation immobilière liée à des attentes infinies quant à l’arrivée de nouveaux Québécois. Un tel changement du paradigme de croissance, contraire aux valeurs du Canada anglo-saxon, ne peut se faire simplement en remplaçant un parti fédéraliste par un autre. Seule l’indépendance permettra au Québec de devenir un État francophone prospère de quelques 12 millions de personnes d’ici la fin du siècle.

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