Voici un nouveau point de situation des opérations militaires sur le front Nord du Donbass, où l’état-major russe, après que la libération de Marioupol ait été actée, a concentré son principal effort offensif terrestre pour engager l’encerclement du principal corps de bataille situé sans le rectangle formé par les villes de Slaviansk, Kramatorsk, Severodonetsk et Lissitchansk.
Dans le précédent SITREP sur ce secteur, j’ai eu l’occasion de rappeler les enjeux stratégiques et les caractéristiques naturelle de cette région émaillée de villes industrielles fortes mais aussi de collines boisées et de rivières nombreuses, contrastant sensiblement avec la steppe pontique constituant le Sud du Donbass.
Depuis avril la ville d’Izioum et ses alentours proches sont sous le contrôle des forces russes qui l’ont transformé en base arrière de leurs opérations vers le Sud et en carrefour logistique de leurs ravitaillements venant du Nord. Lorsque l’état-major russe passe à la deuxième phase opérationnelle, ses effectifs dans ce secteur du front sont considérablement renforcés et réarticulés pour engager la capture des villes occupées par les forces ukrainiennes (alors que pendant la première phase opérationnelle, les résistance urbaines étaient juste contournées et isolées).
La stratégie globale qui semble se dessiner au vu des premiers axes d’efforts russes est à la fois une capture des défenses lointaines de Slaviansk, Severodonetsk, Lissichiansk, Kramatorsk et un enveloppement large à l’Ouest et au Sud pour :
- leur couper leurs voies de ravitaillement, de renfort mais aussi de retrait,
- encercler le maximum d’unités dans un chaudron d’épuisement avant l’assaut,
- faire une jonction avec le front Sud pour un autre chaudron vers Donetsk.
Situation générale du secteur de Kramatorsk
Durant la dernière semaine d’avril, le dispositif russo-républicain s’est confirmé sur les axes visibles aujourd’hui, notamment avec les offensives dans les directions marquées sur cette carte de présentation : Barvinkove (A), Krasni Liman (B &C), Roubijnoe (D), Popasnaïa (E).
Estimation des forces en présence
Il est très difficile de définir quelle est le rapport des forces en présence du fait de leurs mouvements permanents, de leurs rotations, de leurs articulations changeantes au grés des opérations particulières etc. mais on peut estimer approximativement que :
1- Du côté des forces russes
Environ 40 000 hommes 600 chars de combat, 1500 véhicules blindés divers, de l’artillerie et de l’aviation
Au vu du déploiement des divisions l’axe d’effort principal est bien celui déployé sur les 60 km de centrés dans la direction de Kramatorsk qui peut aligner, selon les modes opératoires de l’armée russe environ 22 Groupe Bataillonnaires Tactiques en 1ère ligne (env. 800 hommes/ BTG). Puis vient le secteur de Severodonetsk où les divisions présentent peuvent projeter 19 BTG vers l’avant et ensuite le secteur de Popasna plus au Sud avec 9 BTG en première ligne.
Côté logistiques les forces russes disposent de lignes d’approvisionnement courtes de 150 km environ et très bien protégées leur permettant de réaliser un flux continu de matériels pièces de rechange, munitions et personnels ainsi que des recomplétement et rotations d’unités fréquentes.
2- Du côte des forces ukrainiennes
Environ 25 000 hommes, 500 chars de combat, 500 véhicules blindés, de l’artillerie, pas d’aviation
Du fait de leur stratégie défensive, les forces ukrainiennes sont dans des dispositifs de brigades autonomes articulées autour d’un bastion urbain principal et auprès desquelles des renforts d’artillerie, d’unités diverses, de brigades territoriales, de bataillons spéciaux nationalistes et d’unités spéciales du ministère de l’Intérieur ont été rajoutés. 6 à 7 nouvelles brigades seraient en cours de constitution rapide du côté de Dnipropetrovsk et Poltava.
Côté logistique, les forces ukrainiennes ont d’une part des lignes d’approvisionnement très longues, avec la plupart des dépôts stratégiques détruits et surtout sous la menace permanente de l’aviation et des missiles russes. détruisant convois et concentrations mais aussi ponts routiers et systèmes ferroviaires.
Ces chiffres sont bien sûr théoriques, s’appuyant sur les organigrammes de bataille des uns et des autres et même si les effectifs ukrainiens sont inférieurs en nombre, leur position défensive préparée rééquilibre le rapport des forces et il est donc nécessaire de projeter ce dernier dans le temps et l’usure des combats : Car chaque partie subit quotidiennement des pertes mais, la différence logistique qui est très en faveur des russes permet leur remplacement très rapide tandis que du côté ukrainien les effectifs opérationnels et matériels de combats continuent de présenter une courbe décroissante.
Les renseignements filtrant des communiqués nous apprennent par exemple que la 106e division parachutiste russe est allée vers l’arrière pour se reconstituer puis revenir en première ligne tandis que les unités ukrainiennes dont les pertes humaines et matérielles peuvent aller jusqu’à 40%, restent et se recomplètent avec des unités territoriales et de réserves locales,
Et ces courbes opérationnelles vont continuer à s’éloigner les unes des autres au fir et à mesure que l’intensité des combats et bombardements va s’accélérer.
Face à des positions fortifiées et souvent enterrées l’artillerie russe a souvent recours au TOS,
un lance roquettes multiples tirant des roquettes incendiaires thermobariques brulant l’oxygène lors de l’impact
Pendant cette première semaine de mai les actions russo-républicaines et réactions ukrainiennes se sont radicalement intensifiées sur l’ensemble de ces axes d’effort comme on peut le voir indirectement sur ces photos satellite nocturnes montrant la densité des feux de forêts consécutifs aux bombardements et combats.
Stratégies opératives observées
Les combats en cours sur ce front Nord du Donbass confirment les tactiques opératives observées depuis le début du conflit (voir l’article précèdent) :
• Du côté russe leur supériorité militaire en terrain libre est nette sur l’ensemble de ce front du Donbass, bénéficiant notamment d’un appui feu décisif fourni par l’artillerie et l’aviation, leur permettant de poursuivre une progression qui aujourd’hui privilégie la sécurité à la vitesse. Dans les zones urbaines dont la capture est décidée on observe entre cessez le feu pour permettre les évacuations humanitaires, des bombardements puissants sur les ceinture défensives extérieures suivies d’attaques terrestres où des forces spéciales spécialisées et expérimentées au combat en zone urbaine (Tchétchènes, Wagner) sont en pointe.
• Du côté ukrainien pour compenser un rapport de forces et de moyens défavorable, on observe un repli systématique dans des bastions urbains à partir desquels les forces ukrainiennes cherchent à gagner du temps à travers une guerre d’attrition à la fois militaire et propagandiste. En terrain libre, les ukrainiens tentent par des embuscades (menées principalement par une techno-guérilla antichar mobile) et des tirs de barrages d’artillerie, de freiner les forces russes par des pauses d’appui d’artillerie dans leurs progressions. À noter l’importance vitale à cette stratégie des aides matérielles et de renseignement militaire de l’OTAN (missiles antichars et antiaériens, géolocalisations).
Succès militaires russes importants
Pendant cette première semaine du mois de mai les forces russes ont obtenu des victoires décisives sur ce front Nord du Donbass, faisant s’emparant d’une série de verrous ukrainiens qui protégeaient l’accès à des localités des voies d’approvisionnement ou des axes de pénétration dans ce secteur.
Du Nord au Sud :
Dans la direction de Barvinkove (A)
Dans cette direction, les objectifs des forces russes sont principalement d’atteindre et couper les voies logistiques approvisionnant le corps de bataille ukrainien de Kramatorsk et d’engager le mouvement Nord de son encerclement, mais tout en sécurisant chaque pouce de terrain conquis pour ne pas se retrouver elles mêmes face à des attaques de flanc capables d’isoler leur avant garde (comme cela s’est produit en avril au Nord-Ouest de Nikolaïev sur le front de Kherson dans le Sud de l’Ukraine). La progression dans ce secteur est donc lente et concentrée sur des réductions des batteries d’artillerie ukrainiennes environnantes.
Dans la direction de Krasni Liman (B & C)
Dans ce secteur développé dans l’article précédent, l’encerclement de Krasni Liman et le franchissement de la rivière Donets continuent avec notamment du côté russe :
- Une capture de petites localités situées au Nord de Krasni Liman : Serednje et les parties Nord de Shandryholove et Novoselivka,
- Une poursuite des progressions russo-républicaines dans les quartiers Sud Est de KrasniLiman atteints au début du mois de mai,
- Une augmentation des concentrations et des attaques sur le verrou de Dibrova, qui contrôle le franchissement de la Donets au Sud Est de Krani Liman.
Un combat autour de Krasni Liman, avec une section motorisée russe intervenant
en appui d’une unité prise sous le feu d’une position ukrainienne qui sera détruite
Du côté ukrainien les forces de Krasni Liman ont cédé du terrain pour resserrer leur dispositif de défense et ne peuvent que s’enfermer dans cette petite ville de 20 000 habitants et y mener un combat perdu d’avance et qui, au vu de leurs faibles effectifs, sera rapide ou s’exfiltrer au Sud vers les lignes de défense de Slaviansk (15 km) avant leur encerclement total. En attendant, on observe du côté ukrainien :
- Un engagement en première ligne des forces territoriales illustrant l’usure importante des unités régulières dont les effectifs ont été détruits parfois à 40%,
- La permanence d’un appui d’artillerie fort qui peut encore (à partir du bastion de Slaviansk) mener des tirs de barrage sur des unités russes géolocalisées par les USA,
- Une petite guérilla antichar mobile et des destructions importantes des ponts visant à freiner au maximum les mouvements opératifs russes.
En dehors des avancées territoriales le succès le plus significatif obtenu par les forces russes dans ce secteur particulier est l’encerclement et le début de capture d’un groupe ukrainien important (estimé à 1000 soldats environ) qui était resté positionné sur le barrage de la rivière Oksil, entre Izioum (au N-W) et Krani Liman après le retrait des forces.
Dans la direction de Roubijnoe (D)
Alors que les combats continuent pour le contrôle total de Roubijnoe, les forces russo-républicaines ont réussi à prendre Vojevodivka, une petite localité au Sud de la ville et située en périphérie de Severodonetsk d’où elle contrôle son accès Nord mais aussi l’accès à la vallée de la Donets permettant son contournement.
Au Sud de Severodonetsk, les forces russo-républicaines ont pris le contrôle de Voronove, à 5 km sur la rive gauche de la Donets et, 15 km plus au Sud de Nyzhnie, une localité située sur la rive droite de la Donets et à seulement 5 km de la route R66. Cette route majeure permet d’aller au Nord vers Lissichiansk dont la prise bouclerait l’encerclement de Severodonetsk et au Sud vers Pospana où une percée vient d’être achevée. Actuellement les forces russes poursuivent leur assaut sur Toshkivka la dernière localité entre Nyzhnie et la R66.
Dernière minute !
Des forces russes venant du secteur Nord ont pris le contrôle de Belogorovka une petite localité à l’Ouest de Severodonetsk, sur la route menant à KrasniLiman. La capture de cette localité poursuit la manœuvre d’encerclement du secteur de Severodonetsk/Lissichiansk qui est tenu par environ 8000 soldats ukrainiens.
Dans la direction de Popasnaïa (E)
Au Sud-Est de ce front de Kramatorsk a eu lieu le succès le plus important avec la prise de Popasnaïa, une ville de 20 000 habitants à partir de laquelle la progression des forces russo-républicaines peut se poursuivre vers l’Ouest (vers Artemovsk) pour le mouvement Sud d’un grand chaudron autour de Kramatorsk qui rejoindrait le mouvement Nord de Barvinkove, ou plus modestement remonter vers le Nord pour opérer un petit chaudron visant les forces ukrainiennes de Severodonetsk/Lissichiansk. L’avenir nous le dira, mais on observe déjà une poussée des unités ayant conquis Popasnaïa vers le Nord.
Superbe vue du cockpit d’un Sukhoï 25 russe survolant la ville à peine libérée de Popasnaïa
(repères marqués (centre, école, marché…)) pour au final bombarder
avec des roquettes une position ukrainienne au Sud de la cité
La bataille pour Popasnaïa, occultée par l’hyper médiatisation du siège de Marioupol a été le théâtre de combats urbains très violents et qui ont duré pendant plus d’un mois (occasionnant des dégâts importants dans la ville). entre les forces ukrainiennes et les forces russo-républicaines qui pour leur assaut final se sont vues renforcées par des unités spéciales des forces Tchétchènes et du groupe « Wagner ».
Réactions ukrainiennes limitées
Les forces ukrainiennes, tout en donnant une priorité à leur stratégie de freinage et de défense urbaine cherchent à obtenir des succès symboliques et à se donner « bonne figure » pour une communication propagandiste qui seule aujourd’hui peut tenter de cacher la misère d’une armée qui malgré des résistances honorables et des aides occidentales délirantes se délite de jour en jour.
Trois exemples récents montrant la communication propagandiste est devenue la seule bouée de sauvetage pour cacher le naufrage militaire de Kiev c’est :
• le narratif insensé prétendant que Marioupol résiste toujours alors que le dernier carré du régiment Azov n’est plus opératif et s’est juste terré au plus profond des souterrains d’Azovstal. Tout comme les évacuations des civils dont les médias ukro-atlantistes refusent de reconnaitre qu’elles ont été empêchées pendant des semaines par les ukrainiens, ces mêmes médias prétendent aujourd’hui que Marioupol résiste encore et subit un génocide de la part des forces russes au moment même où la population restée majoritairement sur place (je connais même plusieurs familles qui y retournent) célèbre la libération de sa ville, tout en pleurant les presque 5000 tués dans les bombardements et les combats
• cette avalanche de communiqués annonçant une contre offensive victorieuse à l’Ouest d’Izioum qui serait parvenue à seulement quelques kilomètres de cette ville qui est la clef de voûte des opérations militaires vers Kramatorsk. En réalité s’il y a bien eu des attaques ukrainiennes sur le front à l’Ouest d’Izioum elles ont été en revanche repoussées immédiatement par des tirs de barrages et des attaques aériennes. Ces actions ukrainiennes cherchaient peut-être à délester la pression offensive russe vers Barvinkove, ce qui n’a probablement pas été réalisée vu la brièveté de leurs actions et la grande concentration d’unités russes autour d’Izioum.
• Les attaques ukrainiennes menées contre le groupe de défense russe de l’île aux serpents au Sud Ouest d’Odessa, par des drones d’attaque Bayraktar TB2 qui revendiquent la destruction d’installation radar, d’un MI8 et d’un troisième patrouilleur Raptor (et non confirmée de la frégate « Makarov »). Ces attaques malgré le tapage médiatique qui est organisée autour d’elles par Kiev restent des succès mineurs (et qui ont couté très cher aux forces les ayant mené) et surtout sans aucune incidence sur les opérations terrestres. Cependant elles confirment rétroactivement 2 choses très importantes :
1 – L’importance du croiseur amiral « Moskva » coulé le 13 avril dernier et qui était le dôme antiaérien unique de la flotte russe de la mer Noire à l’Ouest de la péninsule de Crimée, avec ses missiles S300 embarqués. Cette destruction a été revendiquée par Kiev suite à une attaque de missiles Neptune renseignés par des Bayraktar TB2 sauf que…
2 – Alors que la propagande ce Kiev inonde les réseaux de vidéos des attaques récentes sur l’île aux serpents prises par les TB2 engagés, pas une seule image n’est encore apparue concernant le Moskva, confirmant par défaut que la théorie de sa géolocalisation par les ukrainiens est un mensonge mais qu’elle était bien le fait de moyens aériens de l’OTAN.
On doit cependant, pour être honnête dans l’analyse, créditer Kiev de quelques succès militaires obtenus à l’Ouest et au Nord de Kharkov en reprenant quelques villages aux forces russes dont certaines ont préféré se retirer sur la rive droite de la Donets dont les nombreux ponts détruits les menaçaient d’un encerclement. Ces faibles avancées ukrainiennes du côté de Kharkov sont en relation avec le front de Kramatorsk qui a capté une partie des forces russes qui y étaient déployées, n’y laissant qu’une dizaine de Groupes Bataillonnaires Tactiques (BTG). Le but de ces opérations ukrainiennes autour de Kharkov est multiples :
- Faire reculer au delà de leur portée les batteries d’artillerie russes bombardant les défenses de la ville, et atteindre les frontières avec le Russie, objectifs en cours,
- Pousser plus à l’Ouest vers Koupiansk pour couper une des voies logistiques principales approvisionnant Izioum, objectif utopique vu la supériorité aérienne russe,
- Offrir des images positives à la propagande ukro-atlantistes pour justifier une augmentation des aides occidentales et inventer de nouveaux charniers russes.
Même si les forces ukrainiennes ne peuvent pas s’aventurer trop loin vu a faiblesse de leurs moyens, de leur logistique et de la supériorité de l’aviation russe, l’état-major russe devra certainement envoyer des renforts au Nord et à l’Ouest de Kharkov pour éviter le renforcement des unités ennemies sur une nouvelle ceinture défensive extérieure qui pourrait soutenir et prolonger d’autres attaques.
En attendant, du côté du Donbass cà avance, certes doucement mais sûrement !
source : Alawata Rebellion
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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