Chaque fois qu’elle part en voyage, Brigitte Bédard rencontre des difficultés qui s’avèrent toujours être des moments de grâce. Alors qu’elle est partie en France pour la tournée promotionnelle de son récent livre Je me suis laissé aimer…, elle nous offre ce deuxième épisode de ses carnets de voyage (Pour lire le premier, c’est par ici).
Entre Paris et Angers, j’ai presque eu le temps de finir mon texte à venir sur ma rencontre avec le peintre François-Xavier de Boissoudy, devenu, sans contredit, un ami.
Mais comme toujours, on me dérange toujours. Il y a d’abord eu le contrôleur. Puis, mon voisin d’à côté qui voulait prendre son sac. Et qui, après, voulait aller à la toilette. Et puis, il y avait la petite famille d’à côté, une mère avec ses trois enfants trop mignons. Les deux garçons se faisaient la guerre pour savoir qui aurait le téléphone. Et la campagne, dehors… ça fait du bien de sortir de Paris après trois jours de rendez-vous none stop.
Ce soir, à Angers, je vais donner mon témoignage à la paroisse Saint-Jean-Paul II. Mais la question qui est sur toutes les lèvres, avant même que je parte de Paris, c’est : « Qui gagnera ce soir au rugby : la France ou l’Angleterre ? ». C’était la question existentielle de Stevens, le gars de la réception. Un homme charmant. Plein d’attention. Originaire de la Martinique. En 2019, lors de ma première tournée française pour J’étais incapable d’aimer, on avait fait connaissance et là, trois ans et une pandémie plus tard, on s’est reconnus tout de suite. Des partages de vie, ça ne s’oublie pas.
Prier au Jardin du Luxembourg
Avant de prendre le train, j’avais mon premier deux heures de liberté. Ma conscience me disait d’écrire ce texte de Boissoudy, mais mon âme aspirait à prier et à respirer. Un café plus tard, je décide d’aller faire un tour au Jardin du Luxembourg, à dix minutes de marche.
Les rues du quartier Montparnasse sont bondées. Les cafés débordent. La veille au soir, on faisait la ligne, juste à côté, chez Bouillon Chartier. « C’est le matche de rugby, me disait Stevens. On vient de partout. C’est presque une religion, vous savez… mais vous, au Québec, c’est le hockey, non ? ».
Ouais. Ce soir à Angers, il faudra choisir entre deux religions : le rugby ou Brigitte ? Je ris toute seule. Je longe le boulevard Montparnasse. Je monte la rue Vavin. J’entre au Jardin et je prie de tous mes yeux, et de toute mon âme, et de tout mon esprit.
Voilà le rucher du Jardin. Impressionnante, la vie. Les cerisiers sont en fleurs. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne peux m’empêcher de penser à Joe Dassin. Abeille… amoureux… Je cherche des amoureux. Je n’en trouve pas. Je ris. Voyons, Brigitte, les amoureux, le samedi matin, sont ailleurs…
Ça pullule de familles. Beaucoup de grands-papas et de papas qui jouent avec leurs enfants. Les mamans causent. C’est beau. Ici, des joueurs de pétanque. Je souris à la vue des portemanteaux qui séparent les deux terrains. C’est ça, la vie à la française. On prend nos aises. On s’installe. On discute. Et partout, dans tous les racoins, les allées et les places, des chaises, éparses, qu’on déplace au gré des rencontres.
Bogue informatique
Je dois rentrer. Boulevard Montparnasse, je passe devant la « Place Ozanam ». Eh oui, c’était bien ici, à Notre-Dame de Longchamp, que j’avais eu la joie indicible, trois jours plus tôt, de tomber sur la messe de 17 h 30… sans masque, et en chantant en plus ! Gros privilège. Stevens me redonne ma valise et je file à la gare.
Arrivée à Angers, Odile m’attend. Je loge au presbytère. Le père Magloire me prête son vélo et on part faire tout Angers avec Alice, Emmanuelle et une jeune Allemande en visite pour quelques mois.
Je rentre faire une courte sieste avant le diner chez Marie, Antoine et leurs cinq enfants. On fête comme si on s’était toujours connus. On est fébrile. On prie tous ensemble. Les hommes iront au rugby. Les femmes entendre « Brigitte Bédard du Québec ».
Surprise. La salle est comble, et il y a même des hommes ! Deux heures plus tard, on rentre dormir. Je suis fourbue. J’ai mal aux fesses ; la selle du vélo n’était pas women friendly…
J’allume mon ordi pour terminer mon texte. Je ne le retrouve pas. Je cherche pendant une heure. Bogue informatique. Je le disais : comme toujours, on me dérange toujours.
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Source : Lire l'article complet par Le Verbe
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