Les panneaux solaires ne sont pas écologiques (par Jean Autard)

Les panneaux solaires ne sont pas écologiques (par Jean Autard)
Les panneaux solaires ne sont pas écologiques (par Jean Autard)

Après les lotis­se­ments, par­kings, zones com­mer­ciales, aéro­ports et autres formes d’artificialisation des sols, la dévas­ta­tion de la nature prends une nou­velle forme : il s’agit de vastes éten­dues de plas­tique, métal et sili­cium : les « fermes » — l’appellation sert à don­ner une image buco­lique à la chose, aus­si et mieux nom­mée « cen­trales » — solaires. Tan­dis que jusque-là, on détrui­sait les forêts, terres agri­coles et autres espaces natu­rels au nom de la crois­sance, du déve­lop­pe­ment, de la pro­duc­tion, de l’économie et de l’emploi, aujourd’hui, on le fait en plus au nom de l’écologie (désor­mais assi­mi­lée au « déve­lop­pe­ment durable »).

Depuis quelques temps, au hasard de mes ran­don­nées, je ren­contre de plus en plus sou­vent dans le pay­sage d’hideuses balafres dans les forêts et les champs, sou­vent sur des coupes rases dans les bois, le plus à l’écart pos­sible des routes et vil­lages pour pré­ser­ver l’illusion d’un pay­sage natu­rel intact. Ici plu­sieurs sites, au pieds de la Mon­tagne de Lure, sur les hau­teurs du lac de Serre-Pon­çon, entre la plaine de la Durance et les Monges et dans le Sud de l’Aude.

Les com­men­ta­teurs mi-lucides, mi-incon­sé­quents déplorent l’absurdité évi­dente consis­tant, pour ins­tal­ler des pan­neaux solaires, à abattre des arbres, raser des bois, ou sim­ple­ment à recou­vrir des terres par­ti­cu­liè­re­ment cru­ciales pour la bio­di­ver­si­té autant que pour le cli­mat, tan­dis qu’existent plé­thore de toits, han­gars, par­kings, routes (sachant, certes, que cer­tains toits de villes sont pro­té­gés au titre du patri­moine, qui accorde donc plus d’importance aux ardoises de Paris qu’aux arbres des forêts de mon­tagne) pour ce faire. Cepen­dant, il importe d’aller au-delà de cette absur­di­té évi­dente et de réa­li­ser que :

LES PANNEAUX SOLAIRES NE SONT PAS ECOLOGIQUES

1/ La construc­tion, l’installation, l’entretien (usage de pro­duits net­toyants, de désher­bant) des « fermes » solaires pos­sède un lourd impact éco­lo­gique. Il faut extraire les métaux et autres mine­rais, fondre la silice a très haute tem­pé­ra­ture pour obte­nir le sili­cium, etc. Et qui dit extrac­tions minières dit des­truc­tions envi­ron­ne­men­tales et pol­lu­tions. Au préa­lable, il faut avoir construit les machines qui per­mettent d’extraire, trans­por­ter et trai­ter les­dits mine­rais, ain­si que les machines pour construire ces machines, et ain­si de suite — c’est un large ensemble d’industries qui sont néces­saires pour fabri­quer des pan­neaux solaires (la même chose est vraie de n’importe quel objet de la civi­li­sa­tion indus­trielle). Par ailleurs, leur durée de vie ne dépasse guère vingt à trente ans ; ils ne sont ensuite que par­tiel­le­ment recy­clés, génèrent donc des déchets, et n’ont pas grand-chose de « renou­ve­lables » (sachant que le recy­clage est en lui-même une indus­trie éner­gi­vore, qui requiert des machines, des machines qu’il faut construire, etc. — sachant, en d’autres termes, que le recy­clage n’est pas non plus éco­lo­gique). Enfin, des études récentes semblent mon­trer que la haute tem­pé­ra­ture des pan­neaux est mor­telle pour les insectes qui les sur­volent, déjà dure­ment éprou­vés pour d’autres raisons.

2/ Les pan­neaux solaire n’ont de plus pro­ba­ble­ment jamais per­mis d’éviter un seul gramme d’émissions de gaz à effet de serre. En effet, les nou­velles sources d’énergie ne font que s’ajouter aux pré­cé­dentes tan­dis que la pro­duc­tion totale ne fait que croitre. On exploite les hydro­car­bures par­tout où on le peut (gaz de schiste, sables bitu­mi­neux, gise­ments arc­tiques) et de sur­croit on détruit les forêts pour construire des pan­neaux solaires. Il y a addi­tion, et non remplacement.

La part prise par l’énergie solaire pho­to­vol­taïque est au demeu­rant extrê­me­ment faible dans la consom­ma­tion totale d’énergie (une trom­pe­rie com­mune consiste à ne par­ler que de l’électricité en oubliant que le gros de notre éner­gie est issue d’hydrocarbures de façon directe sans pas­ser par la forme élec­trique), soit 0,4% du total dans le monde[1] et 0,8 % en France[2]. Cette légère aug­men­ta­tion ne suf­fit pas même à com­pen­ser la pro­fu­sion de nou­veaux « besoins » éner­gé­tiques créés par les tech­no­lo­gies nouvelles.

Ain­si, la consom­ma­tion d’électricité mon­diale du seul bit­coin est dix fois supé­rieure à la pro­duc­tion d’électricité pho­to­vol­taïque de la France[3], et trois fois supé­rieure à celle de l’Allemagne dont on vante l’avance dans le domaine. Inter­dire une cryp­to-mon­naie, qui n’est au fond pas grand-chose de plus qu’une pyra­mide de Pon­zi per­met­tant à cer­tains de spé­cu­ler, à d’autres de blan­chir de l’argent et finan­cer des acti­vi­tés illi­cites, ferait plus pour limi­ter les besoins en élec­tri­ci­té fos­sile que des décen­nies de sub­ven­tions mas­sives du photovoltaïque.

3/ Un argu­ment encore plus fort est celui du can­ni­ba­lisme éner­gé­tique, qui prend en compte le fait que la construc­tion de pan­neaux solaires est très cou­teuse en éner­gies fos­siles sous une forme ou sous une autre (mines, fonte des métaux, du sili­cium, camions pour leur mise en place…). Si le déploie­ment de l’énergie cen­sé rem­pla­cer les fos­siles se fait à un rythme éle­vé, le sec­teur de sub­sti­tu­tion sera pen­dant la période de déploie­ment consom­ma­teur net d’énergie. En effet, si un pan­neau solaire, sur ses 20 à 25 années de durée de vie pro­duit en 7 ans une quan­ti­té d’énergie qui com­pense celle néces­saire à sa construc­tion, mais que dans le même temps on a construit deux autres pan­neaux, alors il fau­dra encore attendre pour que la construc­tion de tous ces pan­neaux soit com­pen­sée, et si on ne cesse d’en construire tou­jours plus, alors le sec­teur aug­mente la demande de fos­siles au lieu de la réduire. Au mieux, ce ne sera qu’au bout de longues décen­nies que le sec­teur ces­se­ra de croître et pour­ra réel­le­ment com­pen­ser les émis­sions liées à son déploie­ment. Le pro­blème c’est que, comme le disent les cli­ma­to­logues, après plu­sieurs décen­nies, il sera trop tard.

4/ Pire encore. Au même titre que l’éner­gie fos­sile ou nucléaire, l’énergie pro­duite par les pan­neaux solaires (ou les éoliennes, ou n’importe quelle autre source d’énergie dite verte, propre, renou­ve­lable ou décar­bo­née) ne sert par défi­ni­tion qu’à ali­men­ter d’autres appa­reils, d’autres machines issues du sys­tème tech­no-indus­triel ; à ali­men­ter les infra­struc­tures indus­trielles et numé­riques de la machine à détruire la nature qu’est deve­nue notre socié­té, à ali­men­ter les smart­phones, les ordi­na­teurs, les écrans de télé­vi­sion, les voi­tures (élec­triques), l’inutile pol­lu­tion lumi­neuse, les ser­veurs finan­ciers, les usines d’aluminium, les écrans publi­ci­taires dans l’espace public pous­sant à sur­con­som­mer, etc. (de plus en plus de com­pa­gnies minières se tournent vers les cen­trales de pro­duc­tion d’énergie dite renou­ve­lable, verte ou propre, notam­ment le solaire ou l’éolien, afin d’alimenter leurs ins­tal­la­tions d’extractions minières, pour la rai­son que ces cen­trales sont rela­ti­ve­ment simples à mettre en place). L’électricité pro­duite par les cen­trales de pro­duc­tion d’énergie dites vertes, propres ou renou­ve­lables est donc elle-même lar­ge­ment néfaste éco­lo­gi­que­ment, dans ses usages, indé­pen­dam­ment de la façon dont elle est produite.

5/ On pour­rait enfin évo­quer un argu­ment d’ordre cultu­rel et poli­tique. Les pan­neaux solaires (et éoliennes), négli­geables en ce qui concerne les réa­li­tés du sys­tème éner­gé­tiques, sont omni­pré­sent dans les dis­cours, images et com­mu­ni­ca­tion du grand récit offi­ciel : « le déve­lop­pe­ment durable ». À ce titre, on peut pen­ser que leur rôle prin­ci­pal est celui d’une diver­sion, d’objets inutiles mais ras­su­rant au ser­vice du consen­te­ment à l’ordre éta­bli. Il n’y a pas à s’inquiéter pour l’avenir, ni à res­treindre sa consom­ma­tion, ce n’est pas la peine de renon­cer à l’automobile ou à l’avion : les éner­gies renou­ve­lables sont là pour nous per­mettre de conser­ver pour tou­jours la débauche éner­gé­tique actuelle. Il suf­fit d’investir où il faut son épargne, de favo­ri­ser la finance verte ou de lan­cer un vaste plan d’investissement public.

Bref, une des choses que je trouve les plus navrantes dans le monde poli­tique actuel (pour­tant peu avare en ce domaine) est la façon dont une large part de l’écologie poli­tique, jadis mou­ve­ment sub­ver­sif remet­tant fron­ta­le­ment en cause la socié­té indus­trielle, tend à ne plus être rien d’autre qu’une agence de com’ et de lob­bying béné­vole au ser­vice d’un sec­teur indus­triel capi­ta­liste hau­te­ment pro­fi­table pour ses actionnaires.

Du pro­gramme poli­tique des can­di­dats sup­po­sés éco­lo­gistes pour les pro­chaines pré­si­den­tielles aux inves­tis­se­ments dits éthiques de banques coopé­ra­tives (par­mi les­quels ces éner­gies renou­ve­lables se taillent la part de lion), on retrouve par­tout cette façon de pré­sen­ter comme un sum­mum d’écologie la des­truc­tion des forêts, l’extractivisme et l’industrie capitaliste.

Nota bene : Il est consi­dé­ré ici comme évident que le char­bon, le pétrole, le gaz natu­rel sont des cala­mi­tés éco­lo­giques, et que le nucléaire est une abo­mi­na­tion qui n’apporte pas plus de réponses aux pro­blèmes éco­lo­giques sus­men­tion­nés et auquel on pour­rait trans­po­ser la plu­part des cri­tiques sus­men­tion­nées + les déchets mor­tels pour des mil­lions d’année dont on ne sait sérieu­se­ment que faire.

En bonus : il existe une tech­no­lo­gie tota­le­ment dis­rup­tive, per­met­tant à rebours de tout ce que j’ai dit ici d’obtenir des « pan­neaux solaires » 100% bio­dé­gra­dables, non pol­luants, renou­ve­lables, res­pec­tueux du pay­sage et à impact posi­tif sur la bio­di­ver­si­té, pro­duc­tibles de façon arti­sa­nale n’importe où dans le monde à un cout très bas et sans dépendre de matières pre­mières loin­taines. Mieux encore, cette tech­no­lo­gie est auto-répli­cante (on croi­rait de la science-fic­tion !) et per­met la syn­thèse directe de nour­ri­tures et matières pre­mières. Vous devinez ?

Jean Autard


  1. L’électricité repré­sente 19% de la consom­ma­tion finale d’énergie mon­diale en 2018, d’après le rap­port 2021 “Chiffres clefs de l’énergie” du minis­tère de la tran­si­tion éco­lo­gique. URL : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2021/11-international (consul­té le 18 mars 2022). Par ailleurs, le solaire pho­to­vol­taïque repré­sente 2,1% de l’électricité pro­duite dans le monde d’après EDF, URL : https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l‑energie-de-a-a‑z/tout-sur-l-energie/produire-de-l-electricite/le-solaire-photovoltaique-en-chiffres (consul­té le 18 mars 2022). Le pho­to­vol­taïque repré­sente donc 19%*2,1% = 0,4 % de l’énergie consom­mée dans le monde.
  2. La pro­duc­tion pho­to­vol­taïque de la France est de 11,6 Twh d’après EDF, URL : https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l‑energie-de-a-a‑z/tout-sur-l-energie/produire-de-l-electricite/le-solaire-photovoltaique-en-chiffres (consul­té le 18 mars 2022). La pro­duc­tion totale d’énergie pri­maire est de 1423 Twh d’après le rap­port 2021 “Chiffres clés de l’énergie” du minis­tère de la tran­si­tion éco­lo­gique déjà cité. Le pho­to­vol­taïque repré­sente donc 11,6 / 1423 = 0,8% de l’énergie pro­duite en France.
  3. Pour la consom­ma­tion élec­trique du bit­coin, 80 à 130 Twh en 2021 d’après Alex de VRIES. « Bit­coin boom : What rising prices mean for the network’s ener­gy consump­tion ». In : Joule 5.3 (17 mar. 2021). Publi­sher : Else­vier, p. 509–513. ISSN : 2542–4785, 2542–4351. DOI : 10.1016/j.joule.2021.02.006. URL : https://www.cell.com/joule/abstract/S2542-4351(21)00083–0 , cité par Pierre Bou­let, “Consom­ma­tion éner­gé­tique des tech­no­lo­gies blo­ck­chain”, Ecoinfo.cnrs. URL : https://ecoinfo.cnrs.fr/2021/11/05/consommation-energetique-des-technologies-blockchain/ consul­té le 18 mars 2022.Pour la pro­duc­tion pho­to­vol­taïque de la France et de l’Allemagne : 11,6 Twh en 2019 pour la France et 45,8 Twh en 2018 pour l’Allemagne d’après EDF, URL : https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l‑energie-de-a-a‑z/tout-sur-l-energie/produire-de-l-electricite/le-solaire-photovoltaique-en-chiffres (consul­té le 18 mars 2022).

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