par Mohamed El Bachir.
« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». (La Fontaine : les animaux malades de la peste. Fables)
Deux poids, deux mesures
Huitième jour de guerre en Ukraine. Du matin au soir et à tout moment, on est informé sur la situation que vit la population ukrainienne. Mais nul besoin d’information pour savoir que, sous les bombes, les conditions de vie d’une population, sans oublier les enfants, sont tout simplement atroces. Le soutien unanime des populations européennes avec, à leurs têtes, les États occidentaux, États-unis compris, ne peut-être qu’applaudi, si j’ose dire.
Cette unanimité m’a réconforté et au début de la guerre, j’ai pensé qu’elle allait m’aider à dormir tranquille.
Que nenni ! Depuis le premier jour de la guerre en Ukraine, la nuit, je fais des cauchemars.
Dans mon premier cauchemar apparaît un peuple vivant sous les bombes dans une prison à ciel ouvert. Des êtres humains venant d’ailleurs exproprient sa terre, occupent ses lieux sacrés. De temps en temps, des sages se penchent sur sa situation mais pour mieux l’oublié le lendemain… Je me réveille en sursaut tout en me rassurant, ce n’est qu’un cauchemar.
Et pour mieux oublier le cauchemar de la veille, je m’informe de nouveau sur la guerre en Ukraine. Je suis rassuré, l’indignation est toujours vivante. Enfin, les États occidentaux et les États-Unis déclarent officiellement l’envoi d’armes aux résistants ukrainiens… Je peux dormir tranquille…
Rien n’y fait. Mes nuits sont hantées par les mêmes cauchemars… Je vois des enturbannés armés et financés par des défenseurs démocratiques des droits de l’homme massacrer des êtres humains dans des contrées lointaines… La terre d’Abraham… Dans le désert… Vendre des armes et des bombardiers et aider militairement des propriétaires d’un produit noir. Des armes qui tuent des populations parce qu’elles veulent vivre sous leur propre drapeau.
À chaque fois, je me réveille en sursaut. Et j’essaie de me rassurer en écoutant de nouveau les informations. Parmi toutes les paroles indignées sur les conditions de vie de la population ukrainienne, une me fait sursauter :
« N’oublions pas, Bernard-Henri Lévy, les souffrances, le martyr qu’a connu le peuple irakien, le martyr, la souffrance qu’a connu le peuple libyen. Je vous parle de la souffrance des peuples […] N’oublions pas les souffrances que nous avons infligées, par des interventions militaires sans issue ».
Je réalise enfin que je ne cauchemardais pas mais que, tout simplement, il y a des guerres que le monde occidentale considère « normales » et des guerres condamnables. Et il y a peuple et peuple. Palestinien, Afghan, Irakien, Libanais, Syrien, Libyen, Yéménite… sont du « mauvais côté de la manche »… Sans oublier les peuples d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie.
Pour ses peuples, brandir à l’occasion, les Droits de l’homme est largement suffisant. Ceci, d’autant plus, que le drapeau « Droits de l’homme » sert doublement : assurer mon petit monde et diaboliser l’autre monde où les guerres sont « normales ».
Mais que signifie être du « mauvais côté de la manche » ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de mettre sur la table le sujet qui fait que l’Histoire de l’humanité, est toujours une page à écrire… Le capitalisme sans frontière avec comme postulat : la propriété privée et son corollaire, l’accumulation des richesses aux mains d’une petite minorité et au détriment de la majorité de l’humanité. L’impérialisme occidental est l’avocat principal de cette vision du monde. Sur ce point, le « démocrate » financier occidental n’a rien à envier à « l’oligarque » russe ou « l’honorable » cheikh du Golfe.
Et toute volonté de vouloir s’affranchir un tant soit peu de cette vision du monde est considérée par l’impérialisme comme un danger à éliminer.
Aussi la guerre en Ukraine – comme les guerres « normales » – est la conséquence d’une confrontation géo-politique entre l’impérialisme occidental et les forces politiques dont la Russie, la Chine et l’Iran qui veulent s’affranchir de cet état de fait. Sans rentrer dans les détails, il faut préciser que cette guerre en Ukraine a commencé en 2014. Aujourd’hui, elle ne fait que passer à un degré supérieur parce que l’Union européenne et les États-Unis n’ont pas pris en considération les intérêts légitimes de la Russie dans le domaine de la sécurité. Et pourquoi ?
Les pivots géopolitiques : Azerbaïdjan, Ouzbèkistan et Ukraine
La réponse est donné en 1997 par l’ancien conseiller du 39ème président américain, Jimmy carter : « les trois quarts des ressources énergétiques connues y sont concentrées… L’Eurasie demeure, en conséquence, l’échiquier sur lequel se déroule le combat pour la primauté globale… Les conséquences géostratégiques de cette situation pour les États-unis sont claires : l’Amérique est bien trop éloignée pour occuper une position dominante dans cette partie de l’Eurasie, mais trop puissante pour ne pas s’y engager… Les États qui méritent tous les soutiens possibles de la part des États-Unis sont l’Azerbaïdjan, l’Ouzbèkistan et l’Ukraine car ce sont tous les trois des pivots géopolitiques ».
Aussi s’engager dans cette voie, c’est accepter d’affronter le Russe, le Chinois et l’Iranien.
En 2015, l’ancien ambassadeur français en Syrie, Michel Rimbaud , dans son livre « Tempête sur le Grand Moyen-Orient », avertissait déjà que cette volonté de domination états-unienne est porteuse d’un danger à l’échelle mondiale. Concernant l’Ukraine, son avertissement était sans ambiguïté : « quand s’ouvrira en Ukraine un débat sur l’éventualité d’une double adhésion aux deux organisations – OTAN et UE – une ligne rouge aura été franchie. Il y a donc une volonté délibérée de frapper la Russie au cœur de son domaine historique, russe et slave ».
Nous y sommes !
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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