L’auteure est députée du Bloc Québécois.
Comprendre la gouvernance et la gestion des déchets nucléaires au Canada n’est pas chose facile, mais ce qui est clair, c’est que le système actuel comporte des lacunes majeures. Que ce soit au niveau de la transparence, de la mise en place des politiques et de la réalisation des projets, les adeptes du nucléaire sont prêts à tout pour générer des profits et ce même au détriment du bien-être de la population et de la protection de l’environnement. Cela devrait tous nous inquiéter au plus haut point.
Pour bien cerner l’enjeu du nucléaire au Canada, il faut savoir que cette forme d’énergie est réglementée, entre autres, par deux lois fédérales : celle sur la sûreté et la réglementation nucléaire et celle sur les déchets de combustible nucléaire. En partie sous la gouverne du ministère des Ressources naturelles, le nucléaire est aussi régi par les conventions internationales auxquelles le Canada a adhéré ainsi que par les directives de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) que le Canada n’applique malheureusement pas dans bien des cas.
Actuellement, le gouvernement Trudeau est devenu le principal promoteur de l’industrie nucléaire. Il dit vouloir exploiter cette énergie pour sa rentabilité. Or, il ne se soucie guère des coûts reliés à la gestion des déchets radioactifs. Des coûts importants qui devraient, en toute logique, faire partie de l’équation. Il est bon aussi de mentionner, au passage, l’implication du ministère de l’Environnement et sa loi sur l’évaluation des impacts dans ce dossier.
À toute cette ribambelle d’intervenants, s’ajoutent encore plus d’organismes gouvernementaux; il y a la CCSN, la SGDN, l’EACL, LNC, OPG, Énergie NB et enfin HQ. Pouvez-vous croire qu’il existe un document de près de dix pages pour expliquer juste tous ces acronymes.
Vous me suivez ?
Comme il est facile de se perdre, tellement il y a de gens, de ministères, d’organismes différents impliqués dans le nucléaire, je vais me concentrer sur la Commission canadienne de sûreté nucléaire, la CCSN. Cet organisme fédéral supposément indépendant est responsable de la réglementation, de l’autorisation et de la surveillance des activités et des installations nucléaires, y compris pour les déchets radioactifs. En d’autres mots elle doit protéger notre société et notre environnement.
Sauf que cet organisme prend des décisions majeures qui ne sont surtout pas dans l’intérêt ni de la société ni de l’environnement.
Voici quelques exemples concrets.
1- La CCSN loin d’être indépendante
Premièrement, la CCSN n’est pas indépendante de l’industrie nucléaire puisqu’elle laisse à l’industrie l’initiative de proposer des solutions pour gérer ses déchets. C’est aussi l’industrie qui fait sa propre classification des déchets. Sont-ils de faible, moyenne ou haute intensité ? En gros, on demande au loup de surveiller la bergerie.
Est-ce normal que les pollueurs dictent les solutions pour contrer la pollution ?
Pourtant, l’Agence internationale d’énergie atomique (AIEA) élabore des normes de sûreté pour l’élimination des déchets radioactifs et précise que « la crédibilité de l’organisme de réglementation auprès du grand public dépend de son indépendance par rapport aux organismes qu’il réglemente et aux autres organismes gouvernementaux ou groupes de l’industrie qui font la promotion des technologies nucléaires ».
Visiblement, ce n’est pas le cas au Canada.
2- L’art de brouiller les cartes
À l’été 2020, la CCSN a effectué des modifications pour catégoriser différemment les déchets selon leur niveau d’activité radioactive. Donc, des déchets auparavant classés de moyenne activité sont devenus, par un coup de baguette magique, de faible intensité. La commission nous induit en erreur et, quand on lit qu’il y a diminution de la quantité de déchets radioactifs de moyenne activité dans l’inventaire canadien, c’est simplement qu’on a modifié les définitions.
3- Des passe-droits
La CCSN a milité et s’est mobilisée pour que le nouveau bébé de l’industrie nucléaire, les Petits Réacteurs Nucléaires Modulaires, soit exemptés des évaluations environnementales prévues à la plus récente loi d’évaluation des impacts. Cette loi en vigueur depuis 2019 aurait permis une évaluation publique indépendante, ce qui n’aura pas lieu. Les conséquences sont majeures : les risques de radioactivité causés par ces réacteurs ne seront tout simplement pas évalués. Et dire que la CCSN est censée nous protéger !
4- Importation de déchets radioactifs étrangers
La Commission doit informer la population, mais elle manque à son devoir. Saviez-vous que des sources de Cobalt-60 extrêmement radioactives, vendues par le Canada, seraient rapatriées de plusieurs pays étrangers comme déchets pour être placées dans le dépotoir nucléaire à Chalk River situé aux abords de la rivière des Outaouais ? Ce faisant, le Canada devient officiellement un dépotoir mondial pour les déchets radioactifs. La population n’est pas informée de tout cela ; elle est maintenue dans l’ignorance par la CCSN. Pourtant, il y existe un principe essentiel disant que les déchets radioactifs devraient être éloignés des sources d’eau potable, rien n’y fait.
Rappelons que la rivière des Outaouais se déverse jusqu’à la région de Montréal, là où des millions de personnes puisent leur eau potable.
On pourrait aussi demander combien cela coûtera d’entreposer les déchets de Cobalt-60 rapatriés d’autres pays. C’est un contrat lucratif pour les LNC au détriment des contribuables. Mais qui encourage l’entreprise LCN à faire de tels profits ? Le gouvernement canadien, le même qui n’a toujours pas de solutions pour gérer ses propres déchets radioactifs. C’est un non-sens.
5- Détourner la démocratie
Le bureau du Vérificateur général du Canada, dont dépend le commissaire à l’environnement, entreprend un audit sur la gestion des déchets radioactifs. Ce rapport sera publié au cours de l’année 2022. Ce sera fort intéressant de prendre connaissance de ce rapport.
De plus, le Comité de l’environnement de la Chambre des communes, sur lequel je siège, a entrepris une étude sur le même sujet.
Avant même que ces études soient réalisées, la CCSN a déjà pris la décision de mener des audiences afin d’approuver un permis pour la construction et l’exploitation d’un monticule à Chalk River pour une installation d’élimination des déchets. Les audiences commencent à la fin février 2022. Nous sommes donc captifs de l’industrie nucléaire. Si on autorise déjà la poursuite du projet, quelle est la logique de tenir des audiences ?
Que doit-on comprendre du respect que la CCSN démontre pour les élus qui siègent sur le Comité et pour les officiers supérieurs de la Chambre au bureau du Vérificateur général ?
À la lumière de tous ces manquements de la part d’une commission pourtant chargée de protéger la population et l’environnement, il est facile de conclure que le gouvernement, promoteur du nucléaire, avance aveuglément à partir d’un processus, tout sauf démocratique.
C’est inquiétant pour notre eau potable, c’est inquiétant pour notre environnement, c’est inquiétant pour notre santé, c’est inquiétant pour nous et surtout pour toutes les générations futures.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec