Un texte de Pascal Bastien et Lucas Vivas
Dr. Bastien et Dr. Vivas sont tous deux spécialistes en médecine interne en milieu hospitalier et soignent des patients atteints de la COVID-19 depuis le début de la pandémie.
Dans son article Des messes inclusives sous la neige, Le Verbe a brillamment exposé la sainte débrouillardise manifestée à travers le Québec face à la fermeture de nos églises. Ces efforts sont d’authentiques marques de foi et sont dignes de louanges, mais ils ne peuvent cacher le problème tabou sous-jacent. Un commentaire de l’abbé Clément Lafitte de Châteauguay devrait résonner dans nos esprits : « Si l’Eucharistie est la source et le sommet de la vie chrétienne, il me semble qu’il faut faire tout ce qui est possible pour célébrer et nourrir notre ferveur ».
Entre les célébrations de la Nativité du Seigneur et de l’Épiphanie, il est facile de perdre de vue la fête qui a lieu le 29 décembre du calendrier romain. Pourtant, la fête de saint Thomas Becket, évêque et martyr, que l’Église célèbre le cinquième jour de l’Octave de Noël, tombait à pic cette année.
Saint Thomas Becket a été archevêque de Cantorbéry au cours d’un siècle où les monarques, tirant leur autorité de droit divin, étaient fréquemment tentés d’étendre leur pouvoir à l’Église. En refusant de soumettre son clergé aux pressions royales, saint Thomas s’est mis à dos son souverain : pour sa loyauté ultime envers Dieu, le saint évêque a reçu la couronne du martyre.
Une forteresse aux portes ouvertes
L’histoire de son meurtre en 1170, lors des vêpres dans la cathédrale, est particulièrement poignante:
Des chevaliers se présentèrent à Cantorbéry, exigeant que saint Thomas se plie à l’autorité du roi. Suite à son refus, ils sortirent de la cathédrale se saisir de leurs armes. Les moines se ruèrent pour barrer les portes, mais malgré le risque à sa propre vie, saint Thomas aurait déclaré :
« Il ne convient pas qu’une maison de prière, une église du Christ, soit changée en forteresse, alors qu’avec ses portes ouvertes, elle est une forteresse pour Son peuple ».
Saint Thomas est mort ce jour-là parce qu’il était convaincu que rien ne saurait justifier la fermeture des portes de l’église, l’éloignement du pasteur de son troupeau ou l’interruption de la sainte liturgie et des sacrements.
Comme un autre Thomas, saint Thomas More, qui offrirait son témoignage à un autre roi Henri d’Angleterre trois siècles et demi plus tard, il est mort « bon serviteur du roi, mais celui de Dieu avant tout ». Il conviendrait tout à fait d’invoquer saint Thomas Becket comme « patron défenseur des portes d’église ouvertes ».
Laïcité unilatérale
Nombreux sont ceux qui aujourd’hui font appel à la doctrine républicaine de « séparation de l’Église et de l’État » pour soustraire l’espace public à toute influence religieuse. Il est malheureux de voir comme cette même doctrine apparaît toute dégonflée dès lors qu’il s’agit de défendre l’Église contre l’intrusion des autorités civiles.
Dans ce contexte, la décision du gouvernement québécois de limiter l’accès aux lieux de culte aux seuls détenteurs de passeports vaccinaux, puis cinq jours plus tard de les fermer carrément (sauf pour les funérailles), n’a rien de surprenant.
Par ignorance ou par malveillance, notre classe dirigeante accorde bien peu d’importance au culte divin, voire aucune, et cette décision est donc cohérente. Ce qui ne l’est pas du tout, en revanche, c’est la complaisance de beaucoup de catholiques et de chrétiens en général face à une violation aussi flagrante de l’autorité propre de l’Église.
L’Église offre d’innombrables exemples de saints évêques ayant exercé leur mission à travers la persécution.
Sautant du XIIe siècle aux années 1970, on est confronté à l’exemple héroïque et édifiant d’un certain archevêque de Cracovie, menant son Église locale alors sous le joug communiste. Se heurtant à des problèmes et à l’hostilité des pouvoirs publics, on rapporte que le jeune Karol Wojtyła (Jean-Paul II) avait l’habitude de demander : « Quelle est la vérité de foi qui élucide ceci ? ».
Il est assez peu probable qu’on trouve la réponse à cette question dans les conférences de presse des autorités de santé publique. La réponse, toutefois, se trouve dans l’Évangile. Elle se reflète dans la vie dans le Christ telle qu’elle a été vécue par les saints. Et elle mérite d’être proclamée courageusement par l’Église.
En attendant, le silence est assourdissant.
Un faux dilemme
Que devons-nous faire, nous autres chrétiens, lorsque l’État déclare que nous devons fermer nos églises ? Comme saint Thomas Becket, notre réponse est que rien ne saurait justifier leur fermeture.
Nous n’avons pas à choisir entre une obéissance aveugle aux demandes de l’État, d’une part, et la mise en danger d’autrui et le rejet de la science, d’autre part. C’est là un faux dilemme. Les fidèles devraient chercher à coopérer avec les autorités de santé publique pour limiter la propagation de la COVID-19. L’Église, cependant, ne peut cesser d’administrer ses sacrements au profit des fidèles.
Nous n’avons pas à choisir entre une obéissance aveugle aux demandes de l’État, d’une part, et la mise en danger d’autrui et le rejet de la science, d’autre part. C’est là un faux dilemme.
Dans un monde où les portes de Metro et de Jean-Coutu restent ouvertes, comment oserait-on prétendre que les chrétiens doivent s’abstenir du Pain de Vie et de la médecine de l’immortalité ? Avec le nombre de cas de COVID au Québec plus nettement dissocié de la mortalité qu’il ne l’a été depuis le début de la pandémie, comment pourrait-on qualifier cette nouvelle approche gouvernementale de proportionnelle ?
L’Évangile, les sacrements et les prières de l’Église sont essentiels. Est-ce que l’État peut redéfinir ce qui est essentiel pour la vie du monde ? Y-a-t-il moyen pour l’Église d’accomplir sa mission tout en fermant ses portes à ceux qui y cognent, en quête de nourriture ? L’Église tout entière – les évêques unis à leur clergé et aux laïcs – doit rejeter ces erreurs avec clarté, faute de quoi elle trahirait l’esprit de l’Évangile et le témoignage ultime de saint Thomas Becket.
La prière et l’évangélisation sont plus importantes que la sécurité.
Le monde aspire à un témoignage extraordinaire et authentique de notre foi dans l’amour. Ne craignons pas de partager notre dépendance à l’égard de l’Évangile, des sacrements et de la prière. Il se peut que notre époque demande une prédication plus claire quant aux priorités chrétiennes, et un engagement plus franc et soutenu avec l’État. L’Évangile a toujours demandé courage et sacrifice.
Saint Thomas Becket, priez pour nous !
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Source : Lire l'article complet par Le Verbe
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