Je savais que cette interview était importante, j’en ai régulièrement parlé au fil des années. Aujourd’hui, je considère Richard Strohman comme le George Orwell de la tyrannie génomique naissante.
« Si nous pensons que le monde des organismes est un monde de machines, nous commencerons à nous traiter mutuellement comme des machines. C’est l’énorme danger de tout ce modèle mécaniste des organismes. C’est ce terrible cauchemar qui devient réalité. Mon inquiétude à ce sujet correspond à celle exprimée par William Blake :
« Ce qui semble être, est, à ceux à qui cela semble être, productif des conséquences les plus épouvantables, jusqu’aux tourments, au désespoir, à la mort éternelle. »
~ Richard Strohman, Professeur émérite — Source
Pour ceux qui ont lu ce [précédent – NdT] article, dans lequel j’ai assimilé le Covid à la biologie luciférienne — vous vous souvenez peut-être que j’ai cité une interview du regretté professeur Richard Strohman, dont je n’avais à l’époque pas donné le lien. Eh bien, je l’ai retrouvée. En la lisant aujourd’hui, les mots et les mises en garde de Strohman sont bien plus saisissants que ce que j’ai été capable de comprendre à l’époque, il y a plus de vingt ans.
C’est toujours l’une des interviews que je chéris le plus.
En préambule à cette interview, je dois dire que j’avais compris, à l’époque, le quoi mais pas le pourquoi. Je savais que les choses étaient très bizarres, et malfaisantes, mais je ne comprenais pas de quelle dimension idéologique tout cela émergeait — à savoir quelle en était l’origine. J’ai fait une mise au point post-facto et ajouté quelques liens et mises à jour. J’espère que vous prendrez le temps de lire les avertissements prophétiques du Dr Strohman sur la génomique technocratique.
Il existe d’ailleurs des personnes qui revendiquent de grands domaines de pensée et qui ont le sens des relations publiques — trop pour citer les géants qui ont tracé les chemins permettant à leurs idées d’exister. C’est la raison pour laquelle je ressens un besoin impérieux de pénétrer dans ma forêt d’anciens géants — tous méconnus — et de leur donner la parole. J’ai été témoin du fait que Kary Mullis [inventeur du test PCR et dissident du VIH] et Peter Duesberg [formulateur de la théorie du cancer de l’aneuploïdie, père de la dissidence du VIH] sont devenus des noms familiers, en dépit de l’existence depuis trente ans d’un dispositif mondial consacré à immoler leur « crédibilité ». Je pense que Richard Strohman devrait être le prochain, tout comme le seront particulièrement des héros scientifiques plus connus tels que Barbara McClintock et Lynn Margulis — dont les travaux ont joué un rôle déterminant dans l’opposition au déterminisme génétique, au réductionnisme biologique et, in fine, au génocide qui ne dit pas son nom.
Une brève note, comme une luciole dans ma mémoire — authentique, mais me croirez-vous ?
En 1988, après avoir réalisé ma première interview avec Peter Duesberg, il m’a demandé de téléphoner à Barbara McClintock. J’avais peut-être 22 ans. Je ne savais pas qui elle était, mais je savais qu’elle était lauréate du prix Nobel. Tout ce dont je me souviens est ceci : une voix très faible au téléphone a dit : « Oui, Peter a raison ».
L’histoire exige des fouilles, du temps, de la patience et, dans certains cas, des miracles.
Je viens de découvrir que Richard Strohman était né le même jour que mon père Barry — le 5 mai — alors je me réjouis que ce soit la fête des pères aujourd’hui.
Bonne fête des pères, Pères, que vous soyez les pères de vos propres enfants, des enfants d’autres hommes ou, d’ailleurs, de formes de pensée, d’animaux, de champs, de tout ce qui exige un dévouement sacrificiel à la protection de la vie biologique [texte récupéré écrit par Celia Farber, 2009, The Truth Barrier, les parties du texte en gras sont de moi, pour l’emphase].
Richard Strohman, professeur émérite de biologie moléculaire et cellulaire à l’université de Californie à Berkeley, est décédé le 4 juillet 2009, à l’âge de 82 ans.
Je me suis sentie profondément reconnaissante du privilège qui m’a été donné d’avoir, à deux reprises, pu m’entretenir avec lui au cours de la dernière décennie de sa vie. Il incarnait l’une des anciennes voix scientifiques les plus poignantes que j’aie jamais rencontrées, dans ce que j’ai fini par nommer la tradition « éplorée » de la science, laquelle contraste avec celle plus révolutionnaire, zélée et lucrative.
Strohman, 2003, sur l’échec et le danger du déterminisme génétique.
De 1973 à 1976, Strohman avait été président du département de zoologie de Berkeley à l’université de Californie, et de 1976 à 1979, directeur du programme de santé et des sciences médicales, toujours à Berkeley. Il étudiait « […] la régulation de la croissance des cellules et des tissus et la différenciation cellulaire en utilisant des approches moléculaires et cellulaires ». Il fut l’un des premiers signataires du Groupe pour la réévaluation scientifique de l’hypothèse du VIH/Sida, et avait qualifié le paradigme du VIH/Sida de « désastreux ».
Après avoir pris sa retraite de Berkeley, il a parcouru le monde pour donner des conférences sur les dangers du déterminisme génétique et du réductionnisme biologique.
En 2000, dans le cadre d’une mission pour le TALK Magazine, j’ai pour la première fois interviewé le professeur Strohman. Le professeur Strohman m’avait été recommandé par Harvey Bialy, alors rédacteur en chef de Nature Bio/Technology, après avoir confié à ce dernier que j’avais été chargé d’une mission étrange, qui semblait exiger un article positif, voire euphorique, sur la « thérapie génique ». J’avais en effet été contacté par un rédacteur en chef pour m’informer du souhait de Tina Brown que j’écrive un article sur le sujet pour le magazine. J’ai décliné l’invitation, parce qu’il existait très peu sinon aucune chance que je puisse le présenter comme étant « de bon augure », mais le rédacteur en chef a insisté.
Pour vous donner une idée de l’engouement de l’époque, lisez cette présentation informative, qui date de 1999 :
Imaginez un monde où une personne pourrait modifier sa structure génétique et réorienter le cours futur de l’évolution chez son enfant et chez elle-même. Grâce à la thérapie génique, c’est une possibilité très réelle. À l’avenir, il pourrait être aussi facile de modifier sa santé physique ou mentale que de se faire vacciner contre la grippe aujourd’hui. Mais les effets de la thérapie génique sont durables et pourraient affecter votre future progéniture ainsi que votre propre santé.
Découverte au milieu des années 1970, la thérapie génique a permis aux chercheurs d’isoler certains gènes de l’ADN. Dans les années 1980, le terme thérapie génique a fait son entrée sur la scène scientifique et a fait avancer la recherche.
La définition de la thérapie génique est la suivante :
« technique dans laquelle les gènes responsables d’un défaut sont eux-mêmes remplacés par des gènes corrects chez le patient afin de guérir une maladie (Macer, 1990). »
[!]
Note du traducteur : La « thérapie génique » est le terme qui a remplacé celui d’eugénisme, lequel devait faire peau neuve après la Seconde Guerre mondiale et le Nazisme, mais son idéologie sous-jacente est restée la même.
En raison de mon déni du VIH (définition de la maladie ici – Hyperlien en français – NdT]), je ne voulais rien avoir à faire avec la « thérapie génique », et ce, même avant d’avoir entendu parler de Jesse Gelsinger.
Qui était Jesse Gelsinger ?
Jesse Gelsinger avait 18 ans lorsqu’il s’est porté volontaire pour un essai clinique à Penn State [université en Pennsylvanie – NdT] afin de tester l’effet de la thérapie génique sur un trouble métabolique rare appelé déficience en OTC [le déficit en ornithine transcarbamylase est une maladie héréditaire qui entraîne une accumulation d’ammoniac dans le sang – NdT]. Quelques heures après avoir été perfusé avec des « gènes correcteurs » contenus dans un adénovirus affaibli, Jesse a souffert d’une défaillance de plusieurs organes, et quelques jours plus tard, son sang était presque totalement coagulé, il était boursouflé au point d’être méconnaissable et en état de mort cérébrale — avant d’être débranché.
Sa mort a provoqué un silencieux arrêt brutal des recherches alors en plein essor en thérapie génique. Quand je suis allé à Penn, première étape de ma tournée d’interviews pour l’article du TALK, le responsable des relations publiques m’a confié :
« Je ne sais pas trop quoi vous dire. Nous avons tué un jeune de 18 ans. »
Permettez-moi de souligner :
« Ces mots ont été prononcés par le responsable des relations publiques du centre médical où le meurtre a eu lieu. J’ai également interviewé de manière exhaustive le père endeuillé de Jesse, Paul. Il m’aura fallu attendre 20 ans pour apprendre que non, la thérapie génique ne s’est pas arrêté net, comme le veut le mythe. Au contraire, en 2000, le scientifique qui était chargé de l’essai clinique et qui a, dans son zèle inconsidéré, causé la mort de Jesse, a été discrètement et secrètement financé par une subvention de 29,4 millions de dollars versée par GlaxoSmithKline, pour continuer à travailler sur la thérapie génique — juste après le drame. Vous pouvez lire l’histoire de la « rédemption » du Dr James Wilson et l’histoire de GlaxoSmithKline, ainsi que d’autres histoires de gros sous ici. »
Note du traducteur : Jesse Gelsinger est décédé le 17 septembre 1999. Voir ce lien pour comprendre ce qu’est et ce qu’implique un déficit en ornithine transcarbamylase.
Au fait, quand des gens sont tués dans leurs « essais cliniques », ils ont une expression très précise pour ça : « Leçons apprises ».
La troublante actualité d’alors concernant la thérapie génique auraient pu devenir le nouveau sujet de mon article pour TALK — mais non, ils n’en voulaient pas. Après de nombreuses réécritures et tentatives linguistiques pour ne pas faire de ce drame une chose sans importance, l’article a été enterré.
Lors de la conférence « Repenser le sida » qui s’est tenue à Oakland en 2009, j’ai rencontré le petit-fils de Richard Strohman, Josh Nicholson, et je lui ai dit que j’avais cette interview quelque part, que je la retrouverai, la transcrirai et la publierai. Je lui ai dit que son grand-père était un grand homme.
Je suis également redevable à Harvey Bialy pour m’avoir remis dans le droit chemin, alors que mes éditeurs m’envoyaient dans un abîme abject. Merci encore à Harvey. [La nouvelle m’est parvenue que Harvey Bialy est mort en 2020, mais personne dans mon entourage ne me l’a dit, je ne suis donc pas sûr que cela soit vrai].
L’interview avec Richard Strohman, professeur émérite
[Entretien réalisé en 2000 ; l’original a été précédemment publié sur Truth Barrier, 2009].
Q : Je crois savoir que la thérapie génique, en tant que domaine, a connu une crise après la mort de Jesse Gelsinger, mais qu’elle reprend de l’élan…
R : Oui. Le drame a vite été oublié. Notre mémoire de ces choses est si vite dépassée par le battage médiatique suivant sur le tout nouveau gène et le tout nouveau traitement potentiel. Le monde est plein de remèdes potentiels qui n’arrivent jamais.
Q : Vous donnez des conférences sur les interprétations erronées de la médecine génétique, c’est bien cela ?
R : Ma perspective sur ce sujet est un peu plus large. C’est ma nouvelle vocation, examiner les limites du déterminisme génétique, examiner les lacunes de la science que j’ai moi-même pratiquée pendant 30 ans.
J’ai beaucoup travaillé sur la sclérose en plaques, qui est une véritable maladie génétique. Mon point de vue est qu’il existe des maladies génétiques. La thérapie génique est en théorie quelque chose à examiner, mais en même temps nous devons dire qu‘il n’existe pas un seul cas de thérapie génétique qui ait jamais fonctionné avec succès. Pas un seul.
Q : Mais l’autre camp revendique des succès en France, etc.
R : Je ne sais pas où se trouvent les données. Dans les journaux ? Tous ces gens à Penn se sont totalement laissés emportés par leur propre battage médiatique. Il y a toujours, dans ces centres médicaux, un bio-éthicien attitré qui n’est rien d’autre qu’un manipulateur, et dont le rôle est de reconnaître les difficultés et de les expliquer.
Mais ces personnes supposent que la génétique moléculaire peut réellement faire ce qu’elle dit pouvoir faire. Ils nous préparent à ce qu’ils pensent être inévitable. Puis ils affutent leurs patins pour que tout cela avance plus vite.
J’ai été interviewé par la télévision suédoise au sujet de Gelsinger.
La critique qui en est habituellement faite est que si l’on prend un cas simple, l’introduction de gènes dans des plantes, des plantes génétiquement modifiées, où les tests peuvent être effectués sur un grand nombre de personnes sans avoir à se soucier de l’éthique, ce que l’on voit c’est la chose suivante : si on introduit le gène à l’aide d’un vecteur viral et que le vecteur est là parce qu’il — et nous revenons ici à notre vieil ami Peter Duesberg — constitue un puissant facteur, le gène sélectionné sera exprimé à des niveaux qu’il n’atteint jamais dans la Nature, donc… ce robinet d’expression génétique qui est ouvert en permanence pour exprimer la protéine en question est en lui-même un phénomène totalement anormal. Il y a un autre problème. En laboratoire, on constate que le gène est activé [pour rendre la] plante résistante au pesticide. Dans le cadre de cette étroite analyse du succès attendu, on constate que le transfert de gène a réussi, qu’il a été incorporé dans le génome de l’hôte, qu’il est stable, qu’il peut être hérité, et enfin que la protéine pour laquelle le gène code est bien présente, qu’elle est exprimée. Le caractère non naturel tend à disparaître. Les questions qui ne sont pas posées sont les suivantes : Quels sont les autres effets secondaires de ce transfert de gènes ? C’est comme si l’on entrait dans une pièce remplie de gens et que l’on y insérait une opinion qu’ils n’ont jamais entendue auparavant, et que l’on s’attendait à ce qu’elle disparaisse comme si elle n’avait jamais été prononcée. À New York, par exemple. Cela n’arrive jamais. Et ça n’arrive jamais dans ces cellules non plus.
Monsanto sait que tout cela est bien réel. Toutes ces entreprises de technologies agricoles sont conscientes du processus, mais elles choisissent délibérément — et c’est là le profond problème éthique que la science devrait examiner et [qu’elle ignore] — elle choisit en toute connaissance de cause les limites les plus étroites pour estimer qu’il s’agit d’un succès. Il s’agit d’un acte criminel. Et je pense que la FDA y adhère.
Lorsque l’on doit utiliser ces méthodes en laboratoire, et appliquer vos critères de réussite, puis prendre ces mêmes critères de réussite et les appliquer aux biens et services qui sortent du laboratoire et qui se retrouvent sur des milliers d’hectares de terres cultivées ou dans les organismes des jeunes hommes hospitalisés à Philadelphie, ces critères étroits sont dépassés par les réalités du monde réel. Ce qui se produit ici est un acte criminel entièrement imputable à l’impudence de ces scientifiques et à leur ignorance de la complexité biologique. Pour eux, rien de mieux ne peut en être dit, en raison du fait que la majorité d’entre eux sont conscients des mesures qui pourraient être effectuées pour vérifier tout cela, mais qui sont trop coûteuses à réaliser.
Ces personnes ne veulent pas que la FDA approuve un quelconque inventaire de ces produits. Nous avons beaucoup à apprendre des aliments génétiquement modifiés que nous pouvons transposer dans les cas très rares de modifications génétiques chez l’homme.
La biologie de l’ADN comporte toute une palette de nouvelles connaissances dont ces personnes ne sont pas conscientes. C’est en cela que dans le processus de transfert de gènes, la moindre perturbation environnementale des caractères liquide et fluide du génome lui-même change tout.
C’est la métaphore de la machine appliquée à la biologie. La biologie est dominée par un point de vue mécaniste. Et c’est l’une des plus grandes erreurs. Les êtres vivants [rires] ne sont pas des machines. Ils peuvent agir comme des machines, mais ils n’en sont pas.
La science, à laquelle nous devons attribuer une certaine qualité, a complètement capitulé devant les intérêts des entreprises, et comment s’en sortir ? Il s’agit d’un sujet très difficile.
Q : Comment pouvons-nous retracer le fil de cette histoire ? Où cela commence-t-il ?
R : Tout a commencé lorsque Barbara McClintock [dans les années 1940 et 1950] a montré que les gènes pouvaient être transférés de manière transversale entre les organismes, et même entre les espèces, mais lorsque la technologie s’est améliorée, il est devenu évident que l’on pouvait manipuler les gènes en laboratoire et transférer des gènes normaux. Nous participions à ces recherches dans le cadre de la sclérose en plaques ; nous avions des modèles animaux et nous pouvions réaliser des expériences très simples et transférer des gènes normaux dans des cellules qui contenaient la mutation. C’est ce qui a alimenté ce battage médiatique selon lequel on pouvait guérir des êtres humains ou des organismes entiers, et que l’on pouvait faire des choses très intéressantes avec des cellules individuelles, mais c’était en culture et donc dans des conditions limitées.
Donc, oui, il y avait beaucoup d’excitation autour de tout cela, mais ce n’était pas très élaboré. Nous ne savions pas grand-chose de ce que nous saurions cinq ans plus tard sur la complexité du génome et sa capacité à être déstabilisé lorsque ce genre de choses était réalisé. On pouvait obtenir un effet positif en introduisant un bon gène, mais on n’était pas capable de mesurer le revers de la médaille. Quelle était la réponse de la cellule, que se passerait-il si cela concernait le corps entier, et quelle serait les interactions avec cet énorme éventail de possibilités computationnels.
C’est la raison pour laquelle les entreprises ne veulent pas s’y intéresser, car c’est trop complexe. La quantité d’argent et d’efforts qu’il faudrait investir dans cette technologie revient à la rendre impossible. Vous ne pouvez pas vous le permettre ; vous devez prendre ces raccourcis.
[Ces choses sont] transcalculatives [au-delà de la capacité humaine à configurer un ordinateur pour le calculer – NdT].
Tout le concept relatif à la capacité de l’organisme vivant le plus simple qui soit à résister à notre interprétation scientifique de manière complète est, je pense, bien acceptée.
Ce sont des interactions qui atteignent ce que l’on appelle une catastrophe de calcul. Les informaticiens disent qu’il n’y a pas d’ordinateur qui pourrait faire le calcul et qu’il n’y en aura jamais.
Q : Mais la thérapie génique repose sur le fait que ce n’est pas le cas, n’est-ce pas ?
R : Oui, il y a deux choses. Premièrement, il ne faut pas s’attendre à ce que nous puissions déterminer ce qu’est l’organisme à partir du génome, parce que l’organisme lui-même ne le fait pas.
L’organisme se détermine lui-même à partir d’une vaste gamme de données, y compris les données génétiques. L’idée du succès de la thérapie génique est qu’en plaçant un seul gène, il sera exprimé et que l’insertion et l’adaptation à l’insertion seront normales à tous les autres égards. Il s’agit d’une hypothèse et c’est une énorme supposition.
Q : Mais c’est pourtant ce sur quoi tout repose.
R : C’est en effet là-dessus que tout repose ! Et ils évitent tous les autres [aspects].
La seule avancée que j’ai vue, c’était le comité AAA sur la thérapie de la lignée germinale qui a publié un rapport la semaine dernière dans lequel ils déclarent que c’est trop dangereux, que cela ne devrait pas être fait avec des œufs et des cellules. Il y a trop de choses que nous ignorons et que nous ne pouvons probablement pas savoir.
Le transfert de gènes d’une manière telle qu’ils ne peuvent être hérités.
Le transfert de gènes ne devrait pas se faire dans les cellules de la lignée germinale, dans les œufs et les spermatozoïdes. C’est la première fois que le comité a donné des signes de contrainte aux intérêts des entreprises en leur disant qu’elles doivent ralentir. Que les chercheurs doivent ralentir.
Q : Pourquoi leur alarmisme s’est-il limité à la thérapie génique de la lignée germinale ?
R : C’est une bonne question. Je n’en sais rien.
Si l’on comprend l’hypothèse qui est faite, il n’existe pas pour autant de réponse scientifique qui soit appropriée. Il n’existe aucun moyen pour eux de dire « Ne vous inquiétez pas, nous allons arranger ça ».
Et s’ils le disent, on peut alors leur poser cette question : « Voulez-vous dire que vous ne savez vraiment pas ce que vous faites ? ».
Ils ne savent pas ce qu’ils font.
Ils se sont mis à penser que ce que nous devons savoir, c’est qu’il existe des programmes génétiques responsables des traits les plus complexes des êtres humains et d’autres organismes, et que si nous pouvions vraiment comprendre le génome humain dans sa totalité, si nous pouvions savoir ce qu’est le génome humain juste en l’imprimant sur papier, alors tout à coup, d’une manière ou d’une autre nous aurions, grâce à cette version imprimée, une sorte d’illumination. C’était presque comme si on en attendait une sorte d’expérience religieuse. Une certaine épiphanie viendrait une fois que cette image d’ensemble serait publiée. Il y a dix ans, nous en étions tous béats, ou du moins la plupart d’entre nous l’étaient, mais pas dans les classes d’étude, pas dans la formation des étudiants, ces laboratoires moléculaires sont allés de l’avant avec toute cette notion que d’une manière ou d’une autre, tout serait compris et qu’il fallait attendre et voir, et ne pas sous-estimer la science et toute l’importance de la patience, et bla bla bla et c’était ça, et c’est toujours ça, et ces gars sont là avec leurs gros ordinateurs et ils ne comprennent pas les limites comme le font les physiciens. Et les physiciens semblent rester silencieux sur tout cela, vous l’avez remarqué. C’est ainsi que le Projet génome humain cherche maintenant désespérément un moyen d’expliquer ce qu’il va faire avec les données qu’il a collectées et l’humiliation qui s’annonce est presque du même ordre que le phénomène du VIH/SIDA. Ces gens-là ne savent pas comment passer du génome à l’organisme, point final. Ils ne peuvent rien faire et la raison pour laquelle ils ne peuvent rien faire est la raison que Tom Kuhn a expliquée : Si vous avez un paradigme qui s’essouffle, vous ne pouvez pas le remplacer par un nouveau tant que ce dernier n’est pas opérationnel. Nous n’avons pas de nouveau paradigme opérationnel, et nous sommes donc coincés et il est très difficile de s’en sortir.
Étant donné le pouvoir et l’argent des multinationales intéressées, cette affaire se réglera d’elle-même. Tout se joue autour des applications. Le Projet génome humain est financé — et il l’a été dès le début — afin de guérir les maladies humaines et de fournir les moyens d’augmenter l’espérance de vie.
Les Japonais vont bientôt vivre jusqu’à 90 ans, les gènes ne sont même pas mentionnés.
C’est un autre problème : l’espérance de vie n’a rien à voir avec la génétique.
Toute l’excitation est venue du fait qu’il y a quinze ans, certains parmi les biologistes s’accrochaient à l’idée qu’il existait quelque chose appelé « programmes génétiques ».
La seule chose qui leur restait à découvrir était cette thérapie génique, en utilisant les résultats du Projet génome humain et les outils moléculaires pour alimenter ce battage médiatique et tenter de devenir une industrie majeure. Il s’agit là de servir la recherche fondamentale.
Ils n’ont tout simplement pas anticipé cette réalité. En fait, ils l’ont fait mais… ils ont décidé d’ignorer les inquiétudes qu’ils pouvaient avoir. Il y avait d’autres patients qui montraient des signes de sensibilité. Il y avait des signaux d’alarme qui clignotaient. Ce qui a tué Jesse Gelsinger, c’est cette insistance du laboratoire à vouloir se concentrer sur la computation.
Ils ne savent pas ce qui s’est passé.
Ils ne savent pas ce qui s’est passé !
Il existe beaucoup de rapports sur toutes les différentes choses qui peuvent se produire lorsque l’on introduit de l’ADN étranger dans une cellule, mais ils sont tous ignorés. Il existe des articles qui montrent que quand on prend des cellules en culture et qu’on y introduit de l’ADN pour les mettre dans l’organisme d’un animal, des choses bizarres se produisent.
Q : Quelles genres de choses ?
A : Les cellules deviennent sensibles, elles présentent une réponse d’hypersensibilité, toute séquence d’ADN aussi petite que 25 paires de bases environ va générer des réactions vraiment imprévisibles de la part des cellules. Le simple fait de mettre des cellules en culture afin de procéder à cette manipulation crée des instabilités génétiques, qui sont héritées. On le voit très clairement dans les cellules végétales. Le fait que l’expérience ne génère rien et que c’est dû à l’énorme quantité de variabilité dont vous ne savez rien est… tout cela est négligé au grand péril de tout le monde.
Q : Une industrie naît grâce à un quelconque moment d’eurêka, n’est-ce pas ?
R : Oui.
Q : Comment expliquer les raisons pour lesquelles ils ont pensé que cela fonctionnerait ?
R : C’est tellement simple, c’est comme pour le VIH, on ne peut pas à y croire.
Ils ont fait toutes leurs expériences dans des conditions contrôlées en laboratoire, ce qui les a fait fonctionner, les résultats étaient visibles. Tout a changé d’une manière prévisible. Bien sûr, ce qu’ils n’ont pas montré, ce sont les choses qui se sont produites et qui n’était pas prévisibles. Mais toutes ces données sont justement celles qu’ils ont jetées à la poubelle. Et on continue à faire les expériences de différentes manières jusqu’à trouver la méthode qui donne la réponse souhaitée.
Q : Puis le filon a commencé à être exploité ?
R : Oui. Autrefois, la science aurait pu trouver une solution, mais elle a tellement été accaparée par les relations avec les entreprises et la hâte de transposer au marché les résultats obtenus en laboratoire qu’elle a créé tout cela. Donc la [vraie] méthode de la science est ancienne.
[Par le passé], nous n’avons jamais eu cette pression incessante pour produire quelque chose d’utile — utile dans le sens rentable. Et dans ces circonstances, tout le monde est pris dans l’engrenage. Tout le monde s’y laisse prendre, et les subventions et les millions de dollars affluent dans les laboratoires, et des carrières se créent.
Q : Le battage médiatique autour de la thérapie génique n’est-il pas venu du sida et du cancer ?
R : Oh oui, tout est dû aux gènes, que ce soit un gène humain, un gène normal ou un gène viral. Toute causalité commence par le gène.
Q : Et d’où vient cette croyance ?
R : Cela vient, ma chère, de Gregor Mendel. Une ligne droite et une ligne droite simple, c’est absurdement, grotesquement simple. Passer de Mendel aux centres médicaux est la chose la plus absurde du monde.
Note du traducteur : Gregor Johann Mendel était un météorologue, mathématicien, biologiste, frère augustin et abbé de l’abbaye Saint-Thomas de Brno, dans le Margraviat de Moravie. Né dans une famille germanophone de la partie silésienne de l’Empire autrichien (l’actuelle République tchèque), il a été reconnu à titre posthume comme le fondateur de la science moderne de la génétique.
Q : Pourquoi ?
R : Parce que Mendel a décrit des caractéristiques très simples chez les plantes.
C’est ce que j’ai publié il y a un an, les données sont qu’il y a ces maladies chez les humains auxquelles on peut attribuer une causalité à un seul gène, et on peut avoir un certain espoir de faire quelque chose contre ces maladies. Mais si l’on cherche dans l’almanach mondial dans quelle mesure l’une de ces maladies génétiques ou toutes ces maladies génétiques combinées entrent en jeu dans l’espérance de vie ou les taux de mortalité, on ne trouverez rien. Il existe des milliers de maladies génétiques, mais elles ne représentent que moins de 2 pour cent de notre charge de morbidité. Maintenant, on prend cette même logique infructueuse et on l’applique aux maladies complexes, on parle maintenant des maladies cardiaques et du cancer, et c’est totalement étrange — c’est une science bizarre et terrible. Quiconque dit que ça ne fonctionnera pas est un Luddite, un anti-intellectuel et un anti-scientifique.
Note du traducteur : Un Luddite était, à l’époque de la révolution industrielle, un membre d’une des bandes d’ouvriers du textile anglais, menés par Ned Ludd, qui, de 1811 à 1813 et en 1816, s’organisèrent dans un mouvement clandestin pour détruire les machines, accusées de provoquer le chômage.
Ils pensent qu’ils font de la science pour le plaisir de la science. Ils pensent que si leurs travaux nous mènent dans un tunnel obscur, ils trouveront la sortie et la lumière, etc. La question est de savoir ce que nous faisons dans le monde réel en attendant que tout le monde découvre où se trouve la lumière. Il s’agit d’une autre question éthique à laquelle la science n’a pas de réponse et nous devons envisager la question du point de vue de l’élaboration de lignes directrices pour la science, ce qui suscite également une forte résistance. C’est comme un déni du premier amendement ou quelque chose comme ça. J’appelle cette technologie une invitation au diable. Un des phénomènes les plus destructeurs de l’histoire du monde.
Bande n°2
Q : Le paradigme dans lequel nous nous trouvons actuellement s’appelle comment ?
R : Le modèle machine de la biologie. La vie est une machine, les éléments de la machine sont les gènes et les protéines, et nous pouvons réduire la machine à ses parties. C’est l’idée que nous pouvons contrôler la vie.
Q : Et quel est le paradigme qui a été remplacé par ce modèle ?
R : C’est une question intéressante. Il n’y a jamais eu de paradigme monolithique autre que l’évolution, qui fait ces temps-ci l’objet de nombreuses critiques. Je pense que nous sommes en pleine révolution. Lilly Kay, du MIT, a écrit un livre à ce sujet il y a quelques années.
Il y a 50 ou 60 ans, il existait un pluralisme dans les sciences de la vie, nous pouvions avoir un paradigme évolutionniste ou un paradigme holistique… mais les pouvoirs en place, même avant la Seconde Guerre mondiale, ont décidé que la direction que nous allions prendre serait la biologie moléculaire et une voie déterministe. Que la vie était contrôlée par ces structures que nous pouvions maîtriser et donc que nous pouvions de cette façon contrôler la vie.
Je ne sais pas s’ils étaient assez machiavéliques pour se dire « voilà comment nous pourrions tous nous enrichir ». Mais [dans le passé], il existait un pluralisme au sein de la science, et de nombreuses directions différentes, [cela a disparu]. Aujourd’hui, rien n’est scientifique en biologie à moins qu’il ne s’agisse de génétique. C’est ce qui s’est produit. On le voit dans l’évolution structurelle de l’université. Il y a 50 ans, nous avions des départements dédiés aux organismes, zoologie et botanique. Dans la plupart des grandes universités, ces départements ont été supprimés. J’étais le président du département de zoologie ; maintenant, il a disparu. J’appelle cela le programme de rénovation urbaine intellectuelle, ils ont démoli les quartiers et construit tous ces gratte-ciel et personne ne se parle.
Toutes ces directions de recherche sont peut-être encore là, mais elles suivent néanmoins la même musique. Les anciennes idées métaphysiques, selon lesquelles la vie n’était que partiellement matérialiste et qu’il fallait quelque chose appelé force vitale pour expliquer complètement la vie… C’était obscur à bien des égards, et la biologie tentait depuis longtemps de s’en libérer lorsque Mendel est arrivé avec les particules héréditaires. Au début du XXe siècle, nous avons commencé à associer les particules conceptuelles de Mendel à des éléments appelés chromosomes, puis aux gènes, d’une manière qui a permis à l’ensemble de la structure de la biologie de se rapporter à la grande question cosmologique de l’évolution. C’était la fin de toute forme d’étroitesse d’esprit. Un passage en force vers le matérialisme et le déterminisme.
Dick Rowan a déclaré dans un de ses articles publiés dans la New York Review of Books :
« Vous devez comprendre que la biologie moderne est matérialiste. Nous sommes acquis au matérialisme. Et nous n’allons pas laisser Dieu revenir s’immiscer dans la partie. »
Au nom de ne pas laisser Dieu revenir s’immiscer dans la partie, nous ne faisons pas face à la réalité. Ce que l’on pourrait considérer comme mystique est simplement quelque chose que d’autres personnes appellent complexité et la complexité est scientifique, elle ne coïncide tout simplement pas avec cette pensée linéaire qui caractérise la majeure partie de la génétique.
L’épigenèse est tout ce qui concerne le génome et qui n’est pas le gène. C’est un vieux mot. La forme moderne de l’épigenèse est la découverte scientifique dont ne parlent pas ces sociétés… si vous perturbez une cellule en culture, le génome répondra à ce changement de façon très spécifique, une partie de la réponse d’une cellule aux stimuli, beaucoup de choses changeront dans la façon dont les gènes sont exprimés. Les gènes qui étaient silencieux avant que vous ne leur donniez un stimulus sont maintenant amenés à s’exprimer selon un schéma différent de celui que vous veniez d’utiliser. Et ce n’est pas tout, les gènes seront marqués par des voies chimiques que désormais nous connaissons mais dont nous ne comprenons pas le schéma.
On change les structures organisationnelles des gènes sans changer les gènes eux-mêmes, car l’idée que l’on puisse changer les gènes autrement que par mutation aléatoire serait hérétique [en référence au néo-darwinisme – NdT].
Tous ces changements compliqués [se produisent] lors de l’exposition du génome de la cellule à un certain nombre de stimuli, et particulièrement par l’intervention d’un ADN étranger. Les gènes fabriquent des protéines, les protéines interagissent les unes avec les autres. Ils forment des réseaux et ces réseaux acquièrent une vie qui leur est propre. Ils ont une logique qui fait défaut au génome. Ils n’existent que dans le monde réel de l’expression. [C’est le] phénomène épigénétique, et l'[immense] complexité n’apparaît nulle part dans cette impulsion des entreprises qui veulent tout soigner par le biais de l’interventionnisme.
Q : Quels sont vos motifs d’inquiétude ? Quel est le scénario le plus dangereux qui peut découler de tout cela ?
R : Je crains que nous ne contaminions la planète entière avec des plantes génétiquement modifiées. Et que cela soit irréversible. Et nous n’avons même pas la moindre idée de ce qui pourrait s’en suivre.
Le PDG de Sun Microsystems, Bill Joy, a publié un article important dans Wired, en mars de cette année. Bill Joy appelle à un ralentissement de la technologie. Le co-fondateur de Sun Microsystems. Vous savez de quoi il a peur ? Il a peur que ce que nous allons faire… ça fait déjà partie de toute cette affaire de manipulation génétique des humains, des embryons… Joy a peur que nous commencions à créer des hybrides, entre les êtres humains et les circuits nanotechnologiques fabriqués dans des endroits comme Sun Microsystems, et que ces hybrides prennent le dessus. C’est le dirigeant, il parle sérieusement. C’est un gars sérieux. Et nous, les biologistes… Je crains qu’avant de fabriquer les robots, nous ayons déjà créé les conditions qui exigeront les robots, car il n’y aura plus rien d’appelé agriculture.
[Mention d’un bulletin d’information sur l’eugénisme technocratique.]
Q : Est-ce la perte potentielle de la vie organique sur notre planète Terre ?
R : Oui.
Q : Qu’est-ce qui vous inquiète le plus quand vous pensez à la soi-disant thérapie génique ?
R : Ce qui m’inquiète, c’est l’inquiétude exprimée par William Blake :
« Ce qui semble être, est, à ceux à qui cela semble être, productif des conséquences les plus épouvantables, jusqu’aux tourments, au désespoir, à la mort éternelle. »
Si nous pensons que le monde des organismes est un monde de machines, nous commencerons à nous traiter mutuellement comme des machines. C’est l’énorme danger de tout ce modèle mécaniste des organismes. C’est ce terrible cauchemar qui devient réalité.
Source de l’article initialement publié en anglais le 20 juin 2021 : celiafarber.substack.com
Traduction et emphases : Sott.net
Source: Lire l'article complet de Signes des Temps (SOTT)