par Christelle Néant.
Interrogé par plusieurs journalistes lors de sa grande conférence de presse annuelle sur les relations entre la Russie et l’Ukraine et les rumeurs de guerre à venir sur fond d’escalade militaire, le Président russe, Vladimir Poutine, a expliqué pourquoi Moscou exige des garanties de sécurité de la part des États-Unis pour éviter d’en venir à la guerre, et a déclaré que l’avenir du Donbass doit être déterminé par ses habitants.
Répondant à la question d’un journaliste concernant les lignes rouges dessinées récemment par la Russie, et les négociations qui s’ensuivent afin d’éviter le déclenchement d’une guerre à grande échelle à cause de l’escalade récente, Vladimir Poutine a souligné que cette dernière a en fait commencé en 2014, avec le coup d’État du Maïdan, et qu’avant, même si l’Ukraine avait déjà une orientation pro-occidentale, cela n’avait pas dérangé la Russie.
« L’aggravation a commencé en 2014. Jusqu’alors, malgré le fait que l’Union soviétique a cessé d’exister, une partie des territoires russes historiques avec la population de la Russie historique s’est retrouvée en dehors de la fédération de Russie, principalement en Ukraine, nous avons accepté cela, nous étions d’accord avec cela, de plus, nous avons contribué à la formation de nouveaux États et nous avons travaillé et étions prêts à travailler, et nous travaillons avec tous les gouvernements, quelle que soit leur orientation de politique étrangère. Il suffit de se rappeler nos relations avec le président Iouchtchenko et le Premier ministre Timochenko, qui, comme les dirigeants actuels de l’Ukraine, parlaient de leur orientation pro-occidentale absolue. Nous avions l’habitude de travailler avec eux », a répondu le Président russe.
Vladimir Poutine a ensuite rappelé les événements qui ont eu lieu en Ukraine en 2014, et qui ont été le déclencheur de la réintégration de la Crimée et du déclenchement de la guerre dans le Donbass.
« Que s’est-il passé en 2014 ? Un coup d’État sanglant, des gens ont été tués et brûlés. Maintenant, je ne dis pas qui a raison et qui a tort. Il est clair que les citoyens ukrainiens étaient légitimement indignés et mécontents de ce qui se passait dans leur pays. Alors le Président en exercice Ianoukovitch – il a tout accepté. Trois ministres des affaires étrangères – la Pologne, l’Allemagne et la France – ont donné des garanties quant à l’évolution pacifique de la situation et au processus de paix. J’ai parlé au président des États-Unis à l’époque, à son initiative. Il m’a demandé de soutenir également ce processus. Tout le monde était d’accord. Un jour plus tard, deux jours plus tard, un coup d’État. Pour quelle raison ? Pas de réponse. Pourquoi ? Le président Ianoukovitch avait déjà tout accepté ; il était prêt à quitter le pouvoir dès le lendemain. Les élections, la victoire de l’opposition était imminente, tout le monde l’a compris. Alors pourquoi l’ont-ils fait ? La Crimée est apparue après cela. Et comment pouvions-nous refuser Sébastopol et la Crimée, et les gens qui y vivent, et de les prendre sous notre protection et notre aile ? Impossible. Nous avons simplement été mis dans une situation où nous ne pouvions pas faire autrement », a-t-il ajouté.
Le Président russe a ensuite évoqué la situation de la guerre du Donbass, et comment cette région russe historiquement a été intégrée de force à l’Ukraine par l’URSS.
« Ou aurions-nous dû regarder ce qui se passe dans le sud-est, dans le Donbass, qui, à l’origine, même lorsque l’Union soviétique a été organisée en 1922-1924, ne pouvait pas se considérer autrement que comme faisant partie de la Russie ? Mais il a été poussé là par Lénine et ses compagnons d’armes par la force. […] C’est ce qu’ils ont fait. Ils ont créé un pays qui n’existait pas auparavant. […] Ils y ont collé des territoires historiques [russes – NDLR] avec un peuple à qui personne n’a demandé comment et où il voulait vivre. […] C’est ainsi qu’est née la crise, qui se poursuit aujourd’hui », a-t-il déclaré.
« Par deux fois, les autorités ukrainiennes ont tenté de résoudre le problème du Donbass par la force. Bien qu’ils aient été persuadés de ne pas le faire. J’ai personnellement persuadé Porochenko : pas d’opérations militaires ! « Oui, oui », et il a commencé. Le résultat ? Encerclement, pertes. Les accords de Minsk. Sont-ils bons ou non ? Je crois que c’est la seule option possible », a ajouté le Président russe.
Vladimir Poutine a ensuite détaillé comment Kiev viole constamment les accords de Minsk, en votant des lois qui les contredisent totalement.
« Alors quel est le problème ? Ils ne veulent pas les mettre en œuvre. Ils ont adopté une loi sur les peuples autochtones, déclarant que les Russes vivant sur ce territoire, sur leur propre territoire, étaient un peuple non autochtone. Tout comme les Polonais, les Hongrois et les Roumains, d’ailleurs. […] Et puis à propos de la langue. Les Russes et la population russophone sont tout simplement évincés de leur territoire historique – c’est ce qui se passe. […] Le gouvernement a soumis au parlement une loi sur la période de transition. Où sont les accords de Minsk ? Au lieu d’une amnistie, il y a une interdiction d’amnistie, presque des poursuites pénales pour cette amnistie. Au lieu d’élections, on introduit une gouvernance militaro-administrative, et au lieu d’une amnistie, une répression de la population », a-t-il rappelé.
Le Président russe a ensuite expliqué pourquoi ce qui se passe dans le Donbass et en Ukraine est important pour la sécurité même de la fédération de Russie.
« Maintenant ils nous disent : guerre, guerre, guerre. On a l’impression qu’ils préparent peut-être une troisième opération militaire. Et nous sommes avertis à l’avance : « N’intervenez pas, ne protégez pas ces gens. Si vous interférez, les défendez, de nouvelles sanctions suivront ». Et ils se préparent pour ça, peut-être. La première option est de réagir et de faire quelque chose de manière réfléchie. La deuxième option est la création (je l’ai déjà dit dans mon article) sur ce territoire d’une « anti-Russie » avec l’envoi constant d’armes modernes, avec le lavage de cerveau de la population. Pouvez-vous imaginer comment, dans la perspective historique, la Russie devrait vivre, continuer à vivre ? […] Nous devons penser aux perspectives de notre sécurité, pas même pour aujourd’hui ou la semaine prochaine, mais pour un avenir proche. Comment la Russie est-elle censée vivre avec ça ? Tout le temps, avec un œil sur ce qui va se passer là-bas et quand ils vont frapper ? Il s’agit d’une question sérieuse. Je parlais justement de nos projets en matière de développement des infrastructures, de politique sociale, de soins de santé. Que signifie tout cela si tout mène aux conflits sur lesquels vous posez vos questions ? Mais ce n’est pas notre choix, nous ne voulons pas ça », a-t-il déclaré.
Vladimir Poutine explique ensuite que c’est pour cela que la Russie a défini ses lignes rouges et tient à négocier avec les États-Unis pour obtenir, entre autre, la non-extension de l’OTAN plus à l’est, en soulignant que la balle est désormais dans le camp de Washington, et qu’il espère que la situation pourra se débloquer par la négociation. Mais au vu des déclarations récentes des Américains sur leur refus d’accepter les propositions de sécurité de la Russie concernant l’OTAN, je pense que ces négociations n’aboutiront à rien.
Un journaliste de Sky News lui demande alors s’il peut garantir sans conditions que la Russie n’attaquera pas l’Ukraine ou tout autre État souverain, ou si cela dépendra du déroulement des négociations.
Le Président russe rappelle alors que ces exigences de sécurité ont été rendues nécessaires par le déploiement de missiles américains près de la frontière russe, et que ce n’est pas la Russie qui a installé des missiles près des États-Unis.
« Nous avons clairement indiqué qu’un nouveau déplacement de l’OTAN vers l’est est inacceptable. Qu’y a-t-il d’incompréhensible ? Mettons-nous des missiles à côté des frontières des États-Unis ? Non. Ce sont les États-Unis avec leurs missiles qui sont venus chez nous, ils sont sur le pas de notre porte. Est-ce une sorte d’exigence superflue de ne pas mettre d’autres systèmes de frappe près de chez nous ? Qu’y a-t-il d’inhabituel à cela ? Que penseraient les Américains si nous décidions de placer nos missiles à la frontière entre le Canada et les États-Unis ou entre le Mexique et les États-Unis ? », a-t-il souligné.
« Mais la question maintenant est la sécurité – bon sang […]. Ce n’est donc pas le déroulement des négociations, c’est le résultat qui nous importe. Ne savons-nous pas, je l’ai déjà dit plusieurs fois, et vous le savez probablement très bien : pas un pouce vers l’est – c’est ce qu’on nous a dit dans les années 90. Et ensuite ? Nous avons été trompés. Ils ont triché : cinq vagues d’expansion de l’OTAN, et maintenant en Roumanie, maintenant en Pologne, les systèmes concernés apparaissent. […] Ce n’est pas nous qui faisons des menaces. Sommes-nous arrivés là, aux frontières des États-Unis ? Ou aux frontières de la Grande-Bretagne, ou ailleurs ? Ils sont venus à nous et maintenant ils disent : non, l’Ukraine sera aussi dans l’OTAN. Cela signifie qu’il y aura des systèmes là aussi. Ou que Dieu fasse qu’elle ne soit pas dans l’OTAN – il y aura des bases et des systèmes de frappe sur une base bilatérale. C’est de cela qu’il s’agit. Et vous exigez une sorte de garantie de ma part. Vous devez nous donner des garanties – vous ! Et immédiatement, maintenant », a déclaré fermement Vladimir Poutine.
Un journaliste de l’Écho de Moscou a ensuite poursuivi sur le même thème que le journaliste de Sky News, demandant si Vladimir Poutine avait des vues communes sur ce que le futur du Donbass devrait être, alors que les déclarations tant côté russe que côté américain parlent de guerre, et comment le Président russe pouvait envisager la guerre avec l’Ukraine, de donner l’ordre aux soldats russes de tirer sur des Ukrainiens.
Vladimir Poutine a alors répondu que l’avenir du Donbass ne pouvait être déterminé que par ceux qui y vivent, et que la Russie n’est là que pour aider en tant que médiateur.
« L’avenir du Donbass doit être déterminé par les personnes qui vivent dans le Donbass, c’est tout, et il ne peut en être autrement. Nous considérons que notre rôle est d’être des médiateurs pour créer les meilleures conditions pour déterminer l’avenir des personnes qui vivent sur ce territoire. Y a-t-il un problème ? Oui, car selon les accords de Minsk, la Russie est un médiateur et ils veulent faire de nous une partie au conflit. Il n’y a rien de tel dans les accords de Minsk et nous n’avons pas accepté cela », a déclaré le Président russe.
« Quant à la question « peut-on donner l’ordre de tirer », demandez aux dirigeants politiques actuels de l’Ukraine comment ils donnent quotidiennement l’ordre de tirer sur le Donbass. Vous savez, il y a quelque temps des accords ont été conclus selon lesquels seuls les fonctionnaires de rang supérieur, dans les ministères concernés, pouvaient donner l’ordre de riposter en cas de tir d’un côté. Ainsi, dans un cas, c’était Donetsk, Lougansk, dans l’autre cas, c’était Kiev. Pourquoi cette décision a-t-elle été prise ? Pour arrêter complètement les bombardements. Les autorités de Kiev sont ensuite revenues sur cette décision, transférant le pouvoir de décision au niveau des commandants de terrain, et tout a repris. Demandez-leur pourquoi ils ont fait cela et comment ils ont pu le faire en donnant l’ordre de tirer sur leurs propres citoyens s’ils considèrent les personnes vivant dans le Donbass comme leurs propres citoyens ? Les leurs, pas des étrangers ! », a-t-il ajouté.
Une question pertinente, alors que ce matin même, à Alexandrovka, en RPD, un civil a été blessé par un tir de lance-grenade mené par les soldats ukrainiens, alors qu’il passait sur un pont visible depuis les positions ukrainiennes pour se rendre au travail. L’homme, qui a reçu de multiples blessures par éclats est à l’hôpital en soins intensifs, dans un état grave.
Le Président russe a ensuite rappelé que non seulement l’Ukraine adopte des lois qui violent les accords de Minsk, mais qu’en plus, elle refuse de discuter avec la RPD et la RPL (Républiques Populaires de Donetsk et de Lougansk), comme le prévoient pourtant ces accords, signés par les chefs des deux républiques du Donbass, à la demande de Kiev !
« Il est écrit dans les accords de Minsk qu’il est nécessaire de modifier la Constitution de l’Ukraine et d’assurer, en fait, l’autonomie, d’organiser des élections et de déclarer une amnistie. Que voyons-nous – je l’ai déjà dit – dans le projet de loi sur la période de transition ? Au lieu d’élections, une administration militaire. Au lieu de l’amnistie, la répression. Au lieu d’élections et de solutions politiques aux problèmes politiques – le retour des troupes sur les lieux de déploiement permanent. C’est ainsi que la question est posée. Qu’est-ce que le « retour des troupes sur les lieux de déploiement permanent » ? C’est-à-dire introduire des troupes sur ce territoire sans aucun processus politique, sans aucune élection. Écoutez, il y a une exigence dans les accords de Minsk, je l’ai déjà dit, de modifier la Constitution. Où sont ces changements dans la Constitution ? Dans le même temps, il est précisé qu’ils doivent être convenus avec les représentants de la RPL et de la RPD. Ils doivent être d’accord ! Je m’en souviens très bien, car j’ai participé à l’élaboration de ces décisions. Non seulement ils ne se mettent pas d’accord, non seulement ils ne font aucune proposition pour modifier la constitution, mais ils refusent de parler aux représentants du Donbass, alors que lorsqu’ils ont signé ces accords à Minsk, ils ont eux-mêmes insisté pour que les représentants du Donbass apposent leur signature sur ce document. Et ces signatures sont là. Je dois être honnête avec vous, ils ont refusé. Nous avons dû travailler avec eux pour les persuader de mettre ces signatures. Ils l’ont fait, mais maintenant ils refusent de leur parler, ils les déclarent terroristes et disent : nous ne leur parlerons pas. Pouvez-vous expliquer pourquoi ? », demande Vladimir Poutine.
Pour le Président russe, Volodymyr Zelensky est tombé sous l’influence des néo-nazis ukrainiens, ce qui rend impossible d’établir des relations normales avec les dirigeants ukrainiens actuels, à cause de leurs actions. Il a aussi rappelé qu’en Ukraine ceux, qui tel Viktor Medvedtchouk veulent de bonnes relations avec la Russie sont persécutés, emprisonnés, voire assassinés en pleine rue.
Même si la Russie ne veut pas d’une guerre avec l’Ukraine, il semble malheureusement que ses lignes rouges soient prises à la légère par l’Occident, alors que l’escalade se poursuit dans le Donbass.
source : https://www.donbass-insider.com
Adblock test (Why?)
Source : Lire l'article complet par Réseau International
Source: Lire l'article complet de Réseau International