S’appuyant sur des études scientifiques qui se multiplient depuis quelques années, Le Verbe a plusieurs fois fait le procès de la pornographie dans ses pages. Les accusations sont nombreuses et la preuve est accablante : promotion de la culture du viol, exploitation sexuelle des mineurs, vision dégradée de la femme, dépendance… Or, voilà que 2021 nous quitte en nous laissant de bonnes raisons d’espérer : ce procès a maintenant lieu dans nos institutions judiciaires et politiques.
Certes, n’exagérons pas l’ampleur de ce changement : il ne s’agit pas ici de la pornographie en général, mais de ce que les anglophones appellent « Big Porn », c’est-à-dire les plus grands producteurs et diffuseurs de vidéos pornographiques.
Rappelons l’affaire Pornhub, un des dix sites internet les plus fréquentés au monde. La compagnie mère, Mindgeek, dont les bureaux sont à Montréal, a fait l’objet de plusieurs accusations pour diffusion de pornographie juvénile, exploitation et trafic sexuel.
L’affaire a fait boule de neige : le New York Times a publié le témoignage choc d’une jeune victime de ce système, les compagnies Visa et Mastercard ont retiré leurs options de paiement sur le site et diverses poursuites judiciaires ont été entendues, dont une action collective démarrée au Québec demandant 600 millions $ en indemnisation. Certaines ententes d’indemnisation de gré à gré ont déjà été signées.
Ces avancées sont bien réelles, mais elles ne sont qu’un jalon dans la lutte contre ce qui s’avère une véritable culture pornographique.
Aujourd’hui, Mindgeek, dont les têtes dirigeantes ont dû comparaitre cet été devant un comité parlementaire fédéral, a supprimé des millions de vidéos de ses plateformes et a même complètement fermé Xtube, un autre de ses sites à grande affluence. En plus de Visa et Mastercard, des compagnies comme Paypal, Roku et Grant Thornton ont cessé de collaborer avec Pornhub. Des compétiteurs ont également été forcés de revoir leurs pratiques.
Des héros contre la porno
Derrière ces victoires, il y a des individus qui ont courageusement fait avancer la cause. Mentionnons d’abord Mme Laila Mickelwait, originaire des États-Unis, fondatrice du mouvement global #Traffickinghub s’opposant à Pornhub et du Justice Defense Fund qui accompagne les victimes du milieu pornographique, toxique s’il en est un.
Mickelwait travaille aussi avec l’organisme américain Exodus Cry, qui lutte contre l’exploitation sexuelle par l’accompagnement, la sensibilisation et la production de films documentaires : après Nefarious, traitant de l’esclavage sexuel moderne, Exodus Cry a récemment produit le court métrage Raised on Porn, abordant les effets néfastes de la pornographie sur les jeunes.
Plus près de nous, la sénatrice et ex-journaliste québécoise Julie Miville-Dechêne a vaillamment porté le dossier au Parlement du Canada aux côtés du député conservateur Arnold Viersen. Elle parraine actuellement le projet de loi S-210, qui vise à limiter « l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite ».
Au Québec, le problème de l’exploitation sexuelle des mineurs a aussi fait l’objet d’une commission parlementaire spéciale, dont le rapport a été déposé en décembre 2020. Un an plus tard, le gouvernement Legault dévoilait des investissements de 150 millions $ pour réaliser les recommandations du rapport. L’année prochaine, nous soulignerons également la première semaine nationale contre l’exploitation sexuelle des mineurs (première de mars).
Grands maux, grands moyens
Ces avancées sont bien réelles, mais elles ne sont qu’un jalon dans la lutte contre ce qui s’avère une véritable culture pornographique. Voici quelques faits en vrac, déjà présentés ici : au Québec, au moins deux tiers des adolescents auront visionné de la pornographie à la fin de leur secondaire, beaucoup quotidiennement ; les sites pornographiques reçoivent plus de visiteurs que Netflix, Amazon et Twitter combinés ; la catégorie « adolescent(e)s » est depuis six ans au top des recherches pornographiques.
Or, plusieurs études démontrent non seulement les effets néfastes de la pornographie sur les consommateurs individuels (anxiété, dépression, diminution des capacités cognitives, etc.), mais aussi par rapport aux femmes en général (violence, diminution du respect porté aux femmes, hausse de la demande pour des services sexuels).
L’année 2021 a été pleine de promesses sur les lignes de front du combat contre la pornographie et la culture du viol. Aux grands maux les grands moyens ; espérons que des décisions radicales seront prises, comme en Allemagne où, par exemple, les autorités de l’État fédéré de Rhénanie-du-Nord-Westphalie ont carrément banni trois sites pornographiques jugés particulièrement nocifs et dangereux pour les jeunes.
Outre les mesures collectives, l’ampleur du phénomène induit aussi une responsabilité individuelle. Chacun doit faire sa part pour changer ses pratiques, aider des victimes et personnes souffrant de dépendance, protéger des enfants. Alors 2022 offrira de plus belles promesses encore.
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