« Les premières images de camps m’ont tellement traumatisé », se souvient le dessinateur. « C’est immontrable. Surtout en BD. Avec Spirou, on reste dans l’univers des enfants. »
Tous les moyens sont bons pour enseigner la Shoah aux enfants. Spirou a été mobilisé, Tintin ne le sera pas, car la série n’a pas été reprise, Hergé étant mort sans héritier graphique. En revanche, on peut avoir un Astérix & Obélix contre la Shoah, ou contre les nazis, car la collection continue de grandir, tout en se dépréciant. De la même façon, on a déjà eu un Lucky Luke consacré à la Terre promise.
Voici maintenant l’interview de Bravo, l’auteur du Spirou antinazi.
– La Rédaction d’E&R –
Le dessinateur Emile Bravo poursuit la publication de Spirou – L’Espoir Malgré tout, fresque qui permet au jeune lectorat de découvrir une page d’histoire essentielle, sans cesse remise en question par des négationnistes.
Comment raconter la Shoah aux jeunes alors que ses survivants meurent un à un et que le discours négationniste occupe de plus en plus de place dans l’espace public ? Il y a trente ans, ils auraient lu Maus d’Art Spiegelman. En 2021, ils peuvent lire Spirou – L’Espoir Malgré tout d’Émile Bravo, qui confronte le célèbre groom à l’occupation nazie en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale.
« Si ça peut apporter quelque chose aux enfants, c’est le but », insiste le dessinateur, qui destine son œuvre au plus large public possible et dès huit ans, « du moment où on comprend le monde où on vit ».
Émile Bravo, qui a consacré près d’une décennie à cette ambitieuse et bouleversante évocation des heures sombres du XXe siècle, veut « faire écho à notre monde d’aujourd’hui », marqué par le retour du nationalisme.
« Grâce à Spirou, cette histoire ne disparaîtra pas des librairies. Quand on te donne un personnage comme ça, il vaut mieux raconter quelque chose de fort, qui transmette quelque chose qui aide à se construire. C’est important, plutôt que d’utiliser Spirou pour raconter une nouvelle aventure. Il y en a déjà tellement… »
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Pour les besoins de sa fresque, Émile Bravo s’est inspiré en particulier de Mr. Klein, célèbre film de Joseph Losey où Alain Delon incarne un marchand d’art qui après avoir été confondu avec un homonyme juif va progressivement accepter cette supposée judéité.
« Enfant, j’avais vu ce film. Il m’avait vraiment marqué. On se disait que Juif ou pas Juif, tout le monde pouvait être embarqué. Il y avait quelque chose de terrifiant. »
Comme dans Mr Klein, Spirou monte à bord d’un train à destination d’Auschwitz. Mais le groom va parvenir à s’en échapper.
« On ne peut pas l’envoyer à Auschwitz, sinon ce ne serait plus Spirou ! Il doit rester naïf et continuer à croire en l’humanité. Il serait revenu différent ou il y serait mort : comme c’est un gamin, il aurait été directement gazé. »
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Émile Bravo suit en cela les préscriptions de Claude Lanzmann, le réalisateur de Shoah, pour qui il était impensable de montrer l’holocauste.
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Le quatrième et dernier album, prévu pour avril, va confronter Spirou à l’horreur de la Solution Finale, avant de se conclure avec « une révélation choquante » sur un des personnages de sa fresque. Il n’y aura pas forcément de happy end, prévient Émile Bravo : « Il faut créer un petit choc pour les gens qui ne connaissent pas ».
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