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par Valérie Bugault.
Le présent article a pour objet de contextualiser et de clarifier les enjeux – existentiels – de la guerre du droit.
Cette guerre du droit est menée, tambour battant, par l’empire commercialo-maritime anglo-saxon mais elle n’est toujours pas considérée comme devant être relevée par la France et les pays européens de tradition continentale. Or, vous savez que seules les batailles non menées sont définitivement perdues.
État des lieux du droit civil français
Depuis les années 1960-1980, avec une très nette accélération à partir de la décennies 1990, le droit civil français a fait l’objet de vagues successives de « modernisation ». Par « modernisation », il faut comprendre sa modification afin de le rendre compatible avec le droit commercial anglo-saxon.
Contrairement aux grandes déclarations hypocrites de la Magna Carta, la recherche opérationnelle de la vérité, la recherche de l’équilibre des forces et de la justice n’ont jamais fait partie des projets portés par le prétendu droit anglo-saxon, simple règlementation utilitariste et outil de prédation au profit des puissances d’argent. Cette volonté a toujours été, en revanche, portée par notre droit continental traditionnel.
La première violente étape du « grand remplacement juridique » fut sans aucun doute l’intégration en droit français – qui s’en passait et aurait continué à s’en passer parfaitement bien – de la « fiducie ». Cette intégration avait pour objectif réel de faciliter la circulation des capitaux, de façon à fluidifier leur destination vers les paradis fiscaux gérés et contrôlés par la haute finance anglo-saxonne. En effet, reconnaître la « fiducie » en droit français a permis de légaliser le véhicule, anglo-saxon, permettant d’abriter les capitaux aux paradis artificiels que sont les « paradis fiscaux off-shore ».
Rappelons à cet égard que la lutte de l’OCDE contre lesdits paradis fiscaux en 2009, lancée à grand renfort de trémolos dans la voix et de leçons de morales par N. Sarkozy, a fait disparaître les comptes numérotés sous le contrôle politique de l’État suisse. Depuis lors, tous les paradis fiscaux sont gérés au moyen de trusts anonymes sous la houlette du droit anglo-saxon. Ainsi, depuis 2009, tous les paradis fiscaux de la planète sont tombés sous la dépendance et la gestion de la haute finance anglo-saxonne, conformément au principe de « propriété économique ».
Remise dans son contexte international, la loi sur la fiducie de 2007 apparaît clairement comme faisant partie d’une opération juridique et financière concertée consistant à garantir discrètement aux français concernés par les comptes off-shore (avant même que les grandes manœuvres internationales se soient produites) la possibilité d’accès aux paradis fiscaux nouvelle formule (née de la lutte contre les paradis fiscaux de 2009). Le sénateur Marini fut-il concerné personnellement par l’accès à ces comptes, est, semble-t-il, une question qui devrait, ou aurait due, être posée…
Au cours de la décennie 2010, le droit contractuel a été « modernisé » afin, notamment, de faire disparaître la recherche de la cause du contrat, qui permettait au juge d’aller chercher la vérité contractuelle. Cette disparition s’est faite au profit d’une périphrase qui tend à faire correspondre le droit contractuel français avec le droit contractuel anglo-saxon (britannique). On pense également à la cession de créance civile, qui s’est alignée sur la cession de créance commerciale puisqu’on se passe désormais du consentement du débiteur cédé.
Ensuite, le « droit de la responsabilité » fut à son tour modernisé.
De sorte qu’il ne reste quasi aucun pan du droit civil traditionnel qui n’est pas passé sous les fourches caudines de la « modernisation » à la sauce commercialiste anglo-saxonne.
Ceci comprend d’ailleurs le droit des personnes, du corps humain et de ses produits qui, bien que restant théoriquement hors du champ commercial, tendent à devenir des objets dans le commerce (voir à cet égard la récente loi dite bioéthique qui n’a, à l’évidence, rien d’éthique et qui ne doit rien au respect de la biologie du corps humain). Sans compter l’éventuelle capacité du corps humain à devenir un OGM breveté…
Il faut encore préciser que la tendance lourde à la brevetabilité du vivant s’inscrit parfaitement dans la lignée du droit anglo-saxon, mais a toujours été à l’opposé direct du droit continental, lequel était fondé sur le respect du droit naturel et du vivant.
Ajoutons à cela la légalisation de l’accaparement par le biais de la mise en œuvre sournoise du concept, tiré du droit anglo-saxon, appelé « propriété économique ». Selon ce dernier concept, peu importe le propriétaire juridique nominal, seule la personne ou l’entité (personne morale) ayant un pouvoir sur l’usage ou le contrôle du bien (ou du service) en est le propriétaire réel, en un mot, le propriétaire économique.
Dans un parfait sophisme, la prise en compte du « fait », en l’occurrence le violent accaparement illégal et illégitime des richesses par les banquiers, est appelé en renfort pour justifier la légalisation du concept d’accaparement dans les pays de droit continental !
Rendre compatible le droit civil avec les principes du droit commercial correspond à une claire et nette subversion de notre droit. En revanche, il va de soi que « rendre compatible » le droit civil avec le droit anglo-saxon ne signifie pas rendre le droit anglo-saxon formellement applicable sur le territoire français et européen en général.
La France reste régie, au moins de façon formelle, par le droit continental.
L’Europe (Union Européenne) est, de ce point de vue, à la convergence des deux systèmes tout en étant dès le départ, en vertu de l’orientation même des Traités constitutifs, de nature éminemment « commerciale » ; le tropisme commercialiste est, en quelques sortes, inhérent au droit européen, lequel ne peut pas non plus être décrit comme étant une réplique du droit anglo-saxon.
Exposé des différences entre droit anglo-saxon et droit continental
Rappelons que le droit anglo-saxon est fait de Common Law, dans laquelle la jurisprudence est la principale source du droit ; ce droit est donc principalement fondé sur des « cas ». « L’Equity », qui a, tardivement, complété la Common Law se rapprochait davantage du droit continental tout en ayant évidemment suivi la pente empruntée par le droit britannique à compter de 1531. Les « Judicature Acts » de 1873 et 1875 ont, de toutes façons, aboli la traditionnelle distinction britannique entre Common Law et Equity pour finalement laisser perdurer un droit utilitariste, nécessaire outil des puissances financières dominantes.
Il nous faut encore préciser que le droit britannique est devenu un simple outil de domination au service des puissants (à l’époque, il s’agissait du Roi) à compter de l’année 1531, lorsque Georges VIII s’est définitivement émancipé de l’Église catholique romaine ; laquelle était, en terme législatif et politique, un véritable contrepouvoir. La méthodologie même du droit en fut changée car ce dernier, en tant que droit positif, devenait disponible à des individus chargés de le rédiger sans aucun contrepouvoir réel ; cette perversion institutionnelle s’est manifestée sous la forme du parlementarisme dit représentatif.
A l’opposé, le droit civil – issu du droit continental – était traditionnellement fondé sur des grands principes, écrits, résultant du droit naturel. Ce droit, dont la synthèse fut, en France, la publication du Code civil de 1804, était le résultat d’un rapport de force permanent entre la capacité législative du pouvoir temporel (Roi et seigneurs) et la capacité législative du pouvoir spirituel. Ce droit était fondé sur plusieurs strates dont voici les très grandes lignes :
- Les apports de la Grèce antique pour ses aspects logiques ;
- Les apports de la période romaine pour son esprit de système ;
- Les apports du droit canon pour tous les aspects de protection de la personne humaine.
Les enjeux nationaux et internationaux de la guerre du droit
Le droit continental est à l’origine du droit international public, lequel est fondé sur le concept de personne morale de droit public, par nature hors du champ commercial. Ces personnes morales de droit public, les États, sont au-dessus des personnes morales de droit privé qu’elles sont, en particulier, chargées de réguler.
Il est tout à fait clair que des instances comme l’OCDE, l’OMC, la banque mondiale (avec ses cours d’arbitrages), la BRI et le FMI ont eu pour objet, et partiellement pour effet, de renverser cet ordre juridique établi afin de faire passer les personnes morales de droit privé au-dessus des personnes morales de droit public que sont les États, dont la capacité normative et régulatrice est de plus en plus ouvertement contestée.
Il est tout aussi clair que la contestation de la suprématie étatique correspond, in fine, à une ligne rouge que les États appartenant à l’OCS refuseront toujours, à très juste titre, de franchir ; du moins tant que perdurera la domination juridique, financière et économiques desdites entités privées par la Haute finance de la City.
Récemment, la rumeur a couru (et a surtout beaucoup enflée) selon laquelle tous les problèmes de la commercialisation des personnes et des États seraient résolus par le fait d’adhérer à la Common Law Court anglo-saxonne qui prétend s’affranchir de la domination financière.
Cette rumeur, partie du Canada, très probablement de certains milieux financiers, prétend que l’État civil est une institution commerciale ayant pour objet de rendre tous les gens qui y sont inscrits objet de commerce.
Rien n’est plus faux ! Cette interprétation relève d’une pure et simple imposture. Le droit continental a bâti la notion d’État civil sur la nécessité de cohérence du groupe : il s’agit d’acter aux yeux de tous l’arrivée d’un nouveau membre (naissance), le départ d’autres (décès) et les mariages, divorces etc., toutes les étapes importantes qui rythment la vie en commun. L’État civil, qui n’a jamais été une institution commerciale, a tout au contraire pour objet d’acter la place de l’individu dans le groupe. Nous avons ici à faire à une grossière manipulation du réel, destinée à discréditer notre droit millénaire, lequel est pourtant – seul – à l’origine de la Civilisation Européenne.
Prétendre résoudre les problèmes de l’intégrisme commercial par le droit britannique relève, à peu de chose près, de la même aberration que celle consistant à dire : « l’Europe nous mène au bord du gouffre, il nous faut encore plus d’Europe… ».
En effet, puisque la Common Law s’est dès le départ, par construction, affranchie des règles du droit naturel, pour devenir un simple outil au service de l’empire commercialo-maritime britannique, comment imaginer qu’elle sera durablement en mesure de protéger les personnes et les États ?
Là réside le paradoxe : sous prétexte de nous libérer de la domination financière qui nous vient justement du concept de droit utilitariste développé par l’empire britannique, il nous est enjoint de renoncer à tous les fondamentaux juridiques millénaires qui ont permis le développement de la Civilisation européenne, bâtie autour du respect et la protection de la personne humaine et de l’existence d’un champ politique, par essence hors du commerce. Ces fondamentaux politiques – hors du commerce – n’ont pu se développer que parce que le Droit, entendu comme une science humaine développée par des légistes avisés et cultivés, était par essence – c’est-à-dire à la fois par nature et par fonction – borné par les principes intangibles du « droit naturel ».
Le paradoxe, qui est en réalité la négation de toute la culture historique et juridique européenne, confine ici à l’opération géopolitique de subversion ! La confusion des esprits est utilisée, comme souvent, à des fins de propagande politique. La maxime « agitez le peuple avant de s’en servir » a encore de beaux jours devant elle…
Par ailleurs, il faut également constater qu’en France même, tous ceux qui crient et pleurnichent en dénonçant l’extraterritorialité du droit américain, sont bien souvent ceux-là même qui sont à l’avant-garde de l’abandon de notre droit continental traditionnel, droit commun de nature civile ! A tout le moins, ces gens ne se sont jamais levés pour défendre notre droit continental, qui est pourtant le seul patrimoine commun qui nous permettrait de retrouver notre indépendance.
Il est tout à fait ridicule de dénoncer l’extraterritorialité d’un « droit » qui de facto est la négation du concept de droit au profit d’un outil d’hégémonie politique des puissances financières alors même que l’on s’efforce, par tout moyen, de le copier. « Dieu se rit des hommes qui dénoncent les effets dont ils chérissent les causes ».
Le droit commun est civil ou n’est pas, de la même façon que le droit civil est commun ou n’est pas. Les personnes et les États sont hors du champ commercial ou ne sont tout simplement pas, car ils sont alors niés dans leur nature même. Le droit public, qui a pris en France le nom de « droit administratif » doit également être réintégré dans le giron du droit civil commun et ne plus faire l’objet d’un droit d’exception, qui justifie toutes les dérives. La plupart des matières développées par le droit administratif, en particulier les contrats et – à l’exception de certaines spécificités que l’on pourra conserver – le droit de la responsabilité, sont d’ailleurs parfaitement compatibles avec les mêmes matières traitées par le droit civil. Il suffira de faire un travail de synthèse parfaitement réalisable.
Sortir du droit commun civil nous amène au retour du « privilège », à la « privata lex », où tout est droit d’exception et dans lequel le concept même de droit disparaît. Cette « privata lex », qui nous est actuellement imposée correspond justement au droit commercial privé développé par l’empire britannique fondé sur et pour la finance apatride.
La « privata lex » a eu, en France de multiples applications depuis la fin de la 2nde GM, passant de la multiplication des codes, relégués au rang de simples compilations de textes souvent (de plus en plus) mal rédigés, jusqu’à intégrer directement l’anglais dans les avatars juridiques, avec le tout dernier né, un « code de la compliance ».
Le grotesque le dispute ici au ridicule car tous les juristes sérieux savent que « trop de droit tue le droit ». Ainsi, la logorrhée législative débouche de façon spontanée sur des textes contradictoires, incohérents et finalement inapplicables… et nous voilà revenu au point de départ, qui est le point d’arrivée souhaité par les puissances financières dominantes : la loi du plus fort, celle de la jungle fabriquée de toute pièce par l’anti-modèle de société (comme il existe une antimatière) issu du projet capitalistique hollando-britannique, qui est un simple projet d’hégémonie financière.
Le droit est ainsi l’arme géopolitique ultime qui permettra de modeler l’avenir dans le sens de l’esclavagisme intégral (le droit anglo-saxon) ou du retour à la conception politique de la vie en commun, de la vie en Société, et donc de l’État (le droit continental).
Lorsque la France et les pays d’Europe continental voudront bien relever la tête et se souvenir qu’ils ont une colonne vertébrale millénaire qui a largement fait ses preuves en termes de civilisation, ils réhabiliteront simplement leur droit traditionnel, le droit continental fondé sur le respect du droit naturel.
Esclavage versus Civilisation, tels sont les réels enjeux de la guerre du droit.
source:https://valeriebugault.fr/
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