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par André Garcin.
C’est désormais acté. Engie compte bien se séparer d’Equans, sa filiale multi-services créée il y a à peine quelques mois. S’agit-il du premier acte d’une autre vente à la découpe d’un fleuron français ? C’est en tout cas la crainte des représentants syndicaux d’Engie et Equans, mais aussi celle des syndicats des potentiels repreneurs. De synergies en économies d’échelle, le futur acheteur pourrait être amené rapidement à tailler dans les effectifs, les siens ou ceux d’Equans, pour rentrer dans ses frais. Pour les syndicats unis dans leur opposition à une reprise industrielle, l’heure de la mobilisation approche.
Equans, un nom qui pour l’instant n’évoque pas grand-chose au grand public. Mais derrière ce groupe fraichement créé, plusieurs grands noms des services à l’énergie autrefois sous bannière Engie : Cofely, Axima, Ineo, Endel… Qui sait ce qu’il en restera dans peu de temps, après ce qui s’annonce très certainement comme le feuilleton politico-économique de cet automne, et même de cet hiver. Equans, c’est en fait cette nouvelle entité créée au sein-même d’Engie en juin dernier et regroupant les services d’installation et de maintenance (électricité, chauffage, ventilation, climatisation), la réfrigération, la mécanique et la robotique, le numérique ainsi que des services généraux. Cette « entreprise de 74 000 personnes, d’à peu près 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires, présente dans à peu près 17 pays » comme l’a présentée Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie lors d’une audition à l’Assemblée nationale, n’est ni plus ni moins que le numéro 2 mondial du secteur. C’est dire si les enjeux de cette cession sont donc colossaux et que les organisations syndicales sont particulièrement attentives aux conséquences sociales et économiques au sein d’Engie et Equans bien sûr, mais aussi chez Eiffage et Bouygues, deux des trois principaux candidats à la reprise au côté du fonds d’investissement américain Bain Capital. Le dépeçage d’Engie a peut-être commencé, mais il est encore temps de sauver Equans, ses emplois et ses compétences.
Les salariés d’Engie et Equans en première ligne
Déjà échaudés par le premier acte du dépeçage en règle d’Engie, la vente à marche forcée de Suez à Veolia alors même que l’État avait voté contre, les syndicats d’Engie comptent bien peser de tout leur poids dans le processus de vente d’Equans et dans le choix du repreneur. « On a bien fait comprendre à la direction qu’on ne voulait pas être mis sur le fait accompli comme l’an passé », affirme résolument un élu syndical. Si elles n’ont pu empêcher ni la création d’Equans alors que le comité d’entreprise européen (CEE) d’Engie avait pourtant rendu un avis négatif sur le projet de réorganisation du géant français de l’énergie, ni la vente de cette entité alors qu’elles y étaient farouchement opposées, les organisations syndicales entendent donc bien éviter un démantèlement à terme et surtout limiter la casse sociale.
Du côté d’Engie, la CGT dénonce « un plan de cession insensé et destructeur » et anticipe désormais, avec quelques raisons, sur un prochain et complet « démantèlement du groupe », tandis que chez Equans, c’est bien le devenir des 74 000 emplois qui est au cœur des préoccupations. « Ce dossier n’est pas qu’une simple opération financière mais la vente d’un leader français mondial des services multi techniques. L’avenir des 74 000 salariés, et plus particulièrement des 26 000 salariés français et de leurs familles, est aujourd’hui entre les mains de votre gouvernement », explique la CTFC Equans dans une lettre ouverte adressée au président de la république française Emmanuel Macron le 6 octobre dernier.
C’est bien pour se prémunir contre la tentation d’une vente à la découpe que le CEE a formulé des demandes de garanties « pour un investissement socialement responsable, en vue d’un accord tripartite » entre Equans, le repreneur et les représentants syndicaux européens. Ce document de sept pages énumère une vingtaine de demandes portant sur le projet d’entreprise, l’actionnariat et la structure financière, le projet social, ainsi que l’association des salariés à la gouvernance et à la réussite de l’entreprise. Concernant le volet social, le CEE exige notamment que le repreneur, quel qu’il soit, s’engage à ne mettre en œuvre aucun plan de départs contraints pendant au moins 36 mois, car la destruction des emplois est bien l’une des principales préoccupations des salariés d’Equans. De fait, les principaux candidats au rachats d’Equans ont dû se présenter face aux membres du CEE afin de leur exposer le volet social de leurs projets. « Tous viennent nous voir et acceptent toutes nos demandes », se félicite un représentant des salariés, bien conscient du pouvoir inédit dont jouit le CEE dans le processus de vente et dont il compte bien user au moment crucial du choix du repreneur.
Les salariés de Bouygues et Eiffage inquiets du rachat d’Equans
Si les salariés d’Equans sont, à juste titre, inquiets quant à leur avenir, ils ne sont pas les seuls à voir cette vente d’un mauvais œil. Chez Bouygues et Eiffagev, les deux seuls groupes industriels encore en lice pour la reprise après le retrait de Spie le 12 octobre dernier, les employés sont loin d’être rassurés à l’idée d’un rapprochement avec l’entité multi-services d’Engie. Fait rare, les différents représentants CGT des potentiels repreneurs se sont alliés avec leurs homologues chez Engie pour s’exprimer d’une seule et même voix afin de faire savoir qu’ils étaient « unis et solidaires » dans leur opposition au rachat d’Equans. Il faut dire que les motifs d’inquiétude sont nombreux et que les risques de casse sociale non négligeables au sein des deux géants de l’industrie.
Premier motif d’inquiétude, avec un prix d’achat estimé entre 6 et 7 milliards d’euros, les représentants syndicaux craignent que le repreneur ne souhaite un retour sur investissement rapide au vu de la somme engagée ce qui ne pourrait se faire, selon eux, qu’au prix d’un plan social de grande ampleur, de façon à éliminer les doublons inévitables qu’un tel rachat va générer.
Les syndicats émettent également des réserves sur la capacité des deux groupes à absorber Equans, une entreprise bien plus grosse qu’eux, sans que l’emploi n’en pâtisse. Eiffage et Bouygues s’étant tous deux engagés à ne pas recourir à un plan de départs contraints sur le périmètre d’Equans dans les trois ans suivant la cession, les représentants des salariés des deux candidats à la reprise craignent que les suppressions de postes se fassent au détriment des employés de leurs propres entreprises : une fois Equans « sanctuarisée », c’est sur les salariés de Bouygues et d’Eiffage que le couperet risque de tomber.
Idem dans le cas où l’Autorité de la concurrence pointerait du doigt des situations de monopole ou de quasi-monopole dans le cadre de certaines activités communes à Equans et au futur propriétaire, ce qui semble inévitable tant leurs missions se recoupent dans plusieurs secteurs. Là encore, les syndicats de Bouygues et d’Eiffage craignent que les mesures à prendre pour se conformer aux décisions de l’Autorité de la concurrence pénalisent les salariés qu’ils représentent.
Dans les deux cas, l’inévitable restructuration suite à la reprise industrielle d’Equans risque fort de se faire dans la douleur. Il y a aussi fort à parier que les syndicats ne resteront pas inactifs et les actions sociales pourraient bien se multiplier et paralyser l’activité des entreprises concernées, compliquant encore un peu plus la donne dans cette affaire. Personne ne sortira vainqueur d’une telle situation mais les premiers à s’en inquiéter devraient être les candidats aux élections présidentielles à venir : le sujet Equans risque d’apparaitre très vitre dans les débats, particulièrement au détriment de Emmanuel Macron dont la proximité avec l’un des protagonistes de cette affaire risque de raviver certaines critiques.
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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