Par Marianne Williamson – Le 2 octobre 2021 – Source Transform
L’une des affaires judiciaires les plus révélatrices de ces dernières années est la poursuite de l’avocat spécialisé dans les droits de l’homme et l’environnement, Steven Donziger, par Chevron Oil. Le juge a condamné Steven Donziger à six mois de prison fédérale.
Oui, vous avez bien lu.
Un géant multinational des combustibles fossiles a pu utiliser un tribunal américain pour poursuivre – et faire condamner à la prison ! – un avocat spécialiste de l’environnement, diplômé de Harvard, qui dirigeait une équipe ayant réussi à dénoncer les pratiques criminelles de cette compagnie pendant ses forages dans l’Amazonie équatorienne. Cette affaire a fait frémir le mouvement écologiste, car elle témoigne de la violence avec laquelle les conglomérats pétroliers s’en prennent à ceux qui osent menacer leur hégémonie.
Dans les années 1960, Texaco Oil a commencé à effectuer des forages illégaux en Équateur, économisant intentionnellement 3 dollars par puits en refusant de les couvrir. Cela a provoqué des émanations cancérigènes dévastateurs dans l’eau, la nourriture et l’air – dont des milliers de fermiers dépendaient pour leur survie. Chevron a acheté Texaco en 2000, mais lorsque la Cour suprême de l’Équateur a prononcé un jugement de 9,5 milliards de dollars que Chevron devait en compensation aux agriculteurs équatoriens, la société a refusé de payer – et a décidé de s’en prendre à Steven Donziger à la place !
Et elle s’en est prise à lui. Le crime présumé de Donziger est un délit de classe B, il a refusé une ordonnance du tribunal de remettre un équipement électronique à Chevron. Lorsqu’un tribunal de New York a décidé de ne pas le poursuivre pour cela, le juge Lewis Kaplan a utilisé une faille juridique pour confier la poursuite de l’affaire à Chevron. Étant donné que l’ordinateur de Donziger était rempli d’informations confidentielles concernant les noms et la localisation de militants écologistes équatoriens, la violation du secret professionnel aurait eu des conséquences particulièrement graves dans son cas.
Le procès et la condamnation de Donziger ont été précédés de deux années d’assignation à résidence – du jamais vu pour un délit de classe B. Le public a alors manifesté son mécontentement à l’égard de cette décision. Pendant ce temps, le tollé public en sa faveur n’a cessé de croître. Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a appelé les États-Unis à libérer Donziger, affirmant que son emprisonnement constitue une violation arbitraire de ses droits fondamentaux. Des membres du Congrès, des sénateurs et de nombreux lauréats du prix Nobel ont exigé sa libération. Des membres du Congrès ainsi que des citoyens ont demandé à l’Attorney General, Merrick Garland, de renvoyer l’affaire devant la justice américaine. De plus en plus d’Américains sont conscients des dangers de permettre à une multinationale d’utiliser un tribunal américain pour poursuivre ceux qui résistent à ses politiques.
Aujourd’hui, le juge soutenu par Chevron, aidé par l’accusation soutenue par Chevron, a condamné Donziger à la peine maximale de six mois de prison fédérale. Un puissant mouvement demandant la libération de Donziger s’est développé autour de cette affaire, car beaucoup en sont venus à y voir le signe de quelque chose de bien plus dangereux que la simple poursuite injuste d’un homme. Il est devenu un symbole de la tyrannie des entreprises et de la réaction des gens face à elle. C’est certainement un message effrayant pour tous les citoyens soucieux de l’environnement : « N’essayez pas de vous en prendre à nous, ou nous nous en prendrons à vous. »
Comme prévu, la juge Loretta Preska a condamné Steven Donziger à la peine maximale de six mois de prison fédérale pour le délit mineur d’outrage à magistrat déposé par l’ancien avocat pro-Chevron de l’industrie du tabac, aujourd’hui juge, Lewis Kaplan.
Ces accusations ont été portées par le cabinet d’avocats d’affaires Seward & Kissel (un cabinet de Chevron) nommé par Kaplan lui-même. Preska elle-même a été choisie par Kaplan pour juger l’affaire. Preska a non seulement rejeté la récente décision du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, selon laquelle Donziger devrait non seulement être libéré mais aussi indemnisé, car sa détention constitue une violation des droits de l’homme, mais elle a également employé, avec un mauvais goût flagrant, la métaphore brutale selon laquelle Donziger devrait être frappé fort entre les deux yeux.
La saga de la perversion de la loi par Chevron et du déni de justice pour le peuple équatorien a atteint un nouveau chapitre, puisque Donziger s’est même vu refuser la liberté sous caution en attendant l’appel de la décision. Son équipe juridique a une semaine pour contester ce refus et s’il perd, il devra se présenter à la prison fédérale pendant six mois et faire appel pendant son incarcération. Bien qu’il s’agisse d’un nouveau camouflet pour la justice environnementale, Chevron, ses avocats de Gibson, Dunn & Crutcher, Kaplan, Preska et Rita Glavin de Seward et Kissel n’ont réussi qu’à susciter un soutien accru pour Donziger et le mouvement pour la justice en Équateur.
Une pression considérable continuera à s’exercer sur l’administration Biden pour qu’elle intervienne et mette fin à cette farce qui a placé les droits et les profits de la deuxième plus grande compagnie pétrolière des États-Unis – Chevron – au-dessus de ceux des communautés affectées et de leurs défenseurs.
Marianne Williamson
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
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