De plus en plus de preuves suggèrent que le vaccin Spoutnik V contre le COVID est sûr et efficace
Par Bianca Nogrady
Le vaccin russe est utilisé dans près de 70 pays, mais son adoption a été ralentie par des controverses et des questionnements sur des effets secondaires rares, et il n’a pas encore obtenu l’approbation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Source : Nature, 6 juillet 2021
Traduction : lecridespeuples.fr
Note du Cri des Peuples : Nature est une revue scientifique généraliste de référence, à comité de lecture et publiée de manière hebdomadaire. C’est l’une des revues scientifiques les plus anciennes et les plus réputées au monde.
Cet article a l’intérêt de répéter toutes les accusations portées contre le vaccin russe, tout en établissant, à contrecœur voire à demi-mot, qu’elles sont gratuites et sans fondement, étant le fruit de pures spéculations & de postures politiques et idéologiques a priori et non issues des données empiriques. Le vaccin russe étant aussi efficace, voire plus, que ses concurrents occidentaux, et ne présentant pas d’effets secondaires graves, il leur est donc supérieur, même si Nature n’énonce pas la conclusion, trop occupé à justifier son long silence au sujet de Spoutnik en entretenant un halo de soupçon.
« Pour des raisons commerciales, les lobbyistes et Big Pharma aimeraient que le vaccin russe ne soit pas distribué en Europe. Pour des raisons d’antirussisme systémique, tout sera fait pour que le vaccin russe ne soit pas autorisé », affirme Sébastien Cochard, ancien diplomate et conseiller de députés européens au micro de Sputnik. Clément Beaune, notre secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, vraisemblablement en réaction à cet article de Nature, a appelé l’UE à ne pas reconnaître les vaccins russe et chinois, estimant «regrettable » la décision de la Grèce de les accepter. « Des déclarations inacceptables », lui a répondu Maria Zakharova. « C’est un hybride de racisme, d’hégémonie impériale et de néonazisme : des peuples entiers se voient refuser l’égalité des droits et des chances, contrairement aux lois, à l’éthique et à la morale, poussant le monde à la confrontation à un moment où il est mis à rude épreuve par la pandémie. »
Le veto implacable et criminel de Washington et de Big Pharma contre Spoutnik V, avec la coopération servile de l’Europe, tiendra-t-il encore longtemps ?
Rappelons, à destination des Européens qui voudraient se faire injecter le vaccin russe, que le micro-Etat de Saint-Marin, en Italie, propose un tourisme vaccinal assez abordable (il suffit de réserver 2 fois 3 nuits d’hôtel à ~25 jours d’intervalle + 50€ pour s’y faire administrer les deux doses de Spoutnik).
Le vaccin russe contre le COVID-19, Spoutnik V, fait l’objet de fascination et de controverse depuis que le gouvernement russe a autorisé son utilisation l’année dernière, avant même que les résultats des essais à un stade précoce ne soient publiés. Des preuves en provenance de Russie et de nombreux autres pays suggèrent désormais qu’il est sûr et efficace, mais des questions subsistent quant à la qualité de la surveillance des effets secondaires rares possibles.
Spoutnik V –également connu sous le nom de Gam-COVID-Vac– a été le premier vaccin COVID-19 à être enregistré pour une utilisation dans un pays, et il a depuis été approuvé dans 67 pays, dont le Brésil, la Hongrie, l’Inde et les Philippines. Mais le vaccin –et son frère à dose unique Spoutnik Light– n’a pas encore reçu l’approbation pour une utilisation d’urgence de l’Agence européenne des médicaments (EMA) ou de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’approbation de l’OMS est cruciale pour une distribution généralisée via l’initiative COVID-19 Vaccines Global Access (COVAX), qui fournit des doses aux pays à plus faible revenu.
Plus de 65 pays (3.2 milliards d’habitants au total) utilisent le vaccin russe
Développé par des scientifiques du Centre national de recherche en épidémiologie et microbiologie de Gamaleya à Moscou, le vaccin a été autorisé pour utilisation par le ministère russe de la Santé le 11 août 2020, plus d’un mois avant la publication des résultats des essais de phase I et II, et avant que l’essai de phase III ait même commencé.
La communauté scientifique [sic] a accueilli avec indignation l’annonce par le Président russe Vladimir Poutine de l’enregistrement du vaccin. « Si le gouvernement approuve un vaccin avant même de connaître les résultats de l’essai, cela ne renforce pas la confiance », a déclaré l’épidémiologiste Michael Toole du Burnet Institute de Melbourne, en Australie.
Accès aux données complètes
Une partie de cette inquiétude a été apaisée lorsque les résultats de l’essai de phase III, publiés en février par les développeurs du vaccin, ont indiqué qu’il était efficace à 91,6% pour prévenir l’infection symptomatique au COVID-19 et à 100 % pour prévenir les infections graves. Cependant, certains scientifiques ont critiqué les auteurs pour ne pas avoir fourni l’accès aux données brutes complètes des essais à un stade précoce, et ont également exprimé des inquiétudes concernant les changements dans le protocole d’administration du vaccin et des incohérences dans les données.
Les auteurs ont répondu en disant qu’ils avaient fourni aux autorités réglementaires toutes les données nécessaires pour obtenir l’approbation, et que les données incluses dans l’article étaient suffisantes pour que les lecteurs confirment le degré d’efficacité du vaccin. Ils ont également répondu aux requêtes de protocole et ont déclaré que les incohérences numériques étaient de « simples erreurs de frappe qui ont été formellement corrigées ».
Malgré l’absence d’approbation de l’EMA ou de l’OMS, plusieurs pays, dont la Corée du Sud, l’Argentine et l’Inde, fabriquent déjà Spoutnik V. Et l’Inde prévoit de pomper au moins 850 millions de doses, pour aider à accélérer la vaccination de sa population rudement éprouvée par l’épidémie. De nombreux autres pays, tels que la Hongrie et l’Iran, importent Spoutnik V, et il est devenu un élément clé de leurs campagnes de vaccination.
Mais tout n’a pas été simple. Le régulateur brésilien de la santé a rejeté une demande d’importation de Spoutnik V en avril en raison d’inquiétudes concernant le manque de données sur la sécurité, la qualité et l’efficacité du vaccin. Cette décision a été annulée en juin, mais le vaccin n’a été approuvé que pour les adultes en bonne santé.
Deux vecteurs viraux valent mieux qu’un ?
Spoutnik V est un vaccin à adénovirus, ce qui signifie qu’il utilise un adénovirus modifié –une famille de virus qui ne causent généralement qu’une maladie bénigne– comme mécanisme de livraison pour insérer le code génétique de la protéine Spike du SARS-CoV-2 dans les cellules humaines.
Il est en ce sens similaire aux vaccins Oxford-AstraZeneca et Johnson & Johnson. Mais au lieu d’utiliser un seul adénovirus modifié, comme le font ces deux vaccins, Spoutnik V utilise différents adénovirus, appelés rAd26 et rAd5, pour les première et deuxième doses, respectivement.
Dmitry Kulish, chercheur en biotechnologie à l’Institut des sciences et technologies de Skolkovo à Moscou, qui n’est pas impliqué dans le développement de Spoutnik V, affirme que le raisonnement scientifique aurait été d’augmenter l’efficacité du vaccin. Les deux adénovirus ont des méthodes légèrement différentes pour introduire leur matériel génétique dans une cellule hôte, dit-il, ce qui améliorerait théoriquement le taux de réussite pour diffuser le matériel génétique viral là où il doit aller.
Les deux études préliminaires des développeurs du vaccin, publiées en septembre 20202, ont porté sur 76 adultes en bonne santé qui ont reçu les deux doses avec des vecteurs viraux différents à trois semaines d’intervalle. Tous les participants ont produit des anticorps contre la protéine Spike du SRAS-CoV-2, et les effets secondaires signalés étaient principalement une douleur légère au site d’injection, de la fièvre, des maux de tête, de la fatigue et des douleurs musculaires, des événements indésirables typiques des autres vaccins contre le SRAS-CoV-2.
L’essai de phase III, publié sous forme provisoire en février, a randomisé 14 964 adultes pour recevoir le vaccin à deux doses et 5 476 pour recevoir deux doses de placebo. Seuls 16 sujets du groupe vaccin ont développé un COVID-19 symptomatique, contre 62 dans le groupe placebo, ce qui représente une efficacité vaccinale de 91,6 %. De plus, il n’y a eu aucun cas de maladie modérée à sévère dans le groupe vaccin, mais 20 dans le groupe placebo.
Des données inédites de 3,8 millions de Russes vaccinés avec deux doses indiquent également une efficacité de 97,6%, selon un communiqué de presse d’avril de l’Institut Gamaleya. Les chiffres publiés par le ministère de la Santé des Émirats arabes unis, sur quelque 81 000 personnes ayant reçu deux doses du vaccin, suggèrent une efficacité de 97,8% dans la prévention du COVID-19 symptomatique et une efficacité de 100% dans la prévention des formes graves.
L’étude de phase III menée en Russie a également révélé qu’une seule dose était efficace à 73,6% pour prévenir une maladie modérée à sévère. Cela a conduit les autorités sanitaires russes à approuver le Spoutnik Light à dose unique –qui utilise le vecteur rAd26– en mai, sur la base des données du programme de vaccination du pays, qui suggéraient qu’il était efficace à 79,4 % pour prévenir les formes symptomatiques.
Depuis lors, une étude encore non publiée du ministère de la Santé de Buenos Aires en Argentine, portant sur 40 387 personnes vaccinées et 146 194 personnes non vaccinées âgées de 60 à 79 ans, a révélé qu’une seule dose de Spoutnik Light réduisait les infections symptomatiques de 78,6 %, les hospitalisations de 87,6 % et décès de 84,7%.
Questions sur les effets secondaires
Les effets secondaires de Spoutnik deviennent également plus clairs ; jusqu’à présent, les études suggèrent qu’ils sont similaires à ceux des autres vaccins adénoviraux [en ce qui concerne les effets bénins], à l’exception notable de rares troubles de la coagulation sanguine. Contrairement aux vaccins Oxford-AstraZeneca et Johnson & Johnson, il n’y a eu aucun rapport de ces troubles de la part des autorités sanitaires russes ou des autres pays utilisant Spoutnik V.
Une prépublication de l’hôpital italien de Buenos Aires en Argentine n’a signalé aucun cas de troubles de la coagulation ou d’événements indésirables d’intérêt particulier chez 683 agents de santé vaccinés avec Spoutnik V. Et une analyse de 2,8 millions de doses de Spoutnik V administrées en Argentine n’a signalé aucun décès associé à la vaccination, et n’a relevé que des effets indésirables bénins. En outre, une étude publiée en tant que prépublication en mai, de la République de Saint-Marin, n’a trouvé aucun événement indésirable grave chez 2 558 adultes qui ont reçu une dose de Spoutnik V et 1 288 qui ont reçu deux doses.
La virologue Alyson Kelvin de l’Université Dalhousie à Halifax, au Canada, affirme qu’il existe une théorie selon laquelle le trouble de la coagulation est associé aux vaccins à vecteur viral, mais ajoute : « Je ne pense pas que nous ayons la causalité exacte de quel composant de ces vaccins le cause », ou si Spoutnik pourrait également être affecté. Elle note que bien que l’étude de phase III de Spoutnik V n’ait concerné que 21 977 personnes, et était donc trop petite pour détecter des événements indésirables rares, le vaccin est désormais largement utilisé dans le monde, ce qui signifie que des rapports devraient apparaître « si un signal de sécurité se présente. »
Des agents de santé palestiniens déchargent des boîtes de vaccin Spoutnik V d’un camion dans la bande de Gaza.
Il n’est pas clair si la Russie est en mesure de détecter des événements aussi rares [sic]. Ceux associés au vaccin Oxford-AstraZeneca sont apparus pour la première fois grâce à la surveillance des événements indésirables en Autriche, ce qui a incité l’EMA à examiner la sécurité du vaccin.
Voir Moscou : en boycottant le vaccin russe, Macron mène une « guerre contre son propre peuple »
Mais la surveillance des effets indésirables par la Russie pourrait être moins efficace, soutient Kulish, en partie à cause d’une résistance culturelle à la recherche de soins médicaux. « La plupart des Russes n’appelleront [le] médecin que lorsqu’ils ne pourront plus respirer », lance-t-il. En outre, les médecins des régions éloignées de la Russie pourraient ne pas lier un accident vasculaire cérébral causé par des caillots sanguins, par exemple, à une vaccination récente, dit-il.
L’Argentine n’a signalé aucun événement de coagulation, malgré la réception de plus de quatre millions de doses de vaccin, note Kulish. La Serbie, qui a également largement utilisé Spoutnik V, n’a jusqu’à présent signalé aucun cas de coagulation sanguine signalé avec d’autres vaccins adénoviraux.
L’OMS et l’EMA attendent d’autoriser Spoutnik
Des scientifiques disent que les préoccupations concernant la surveillance des effets secondaires pourraient être la raison pour laquelle l’OMS et l’EMA n’ont pas encore délivré d’autorisation d’utilisation d’urgence. L’OMS a demandé plus de données à l’Institut Gamaleya, et des inspections par l’agence des installations de fabrication de vaccins et d’essais cliniques de la Russie sont en cours. Jusqu’à présent, neuf sites ont été inspectés et l’OMS a signalé des inquiétudes concernant un site de fabrication. De même, l’EMA répertorie l’autorisation du vaccin comme étant en « cours d’examen ».
Les développeurs de Spoutnik ont accusé l’Union européenne d’être partiale, citant un commentaire du commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton en mars selon lequel l’UE n’a « absolument pas besoin de Spoutnik V ».
Kulish suggère qu’il existe également une position « pro-Pfizer » au sein de l’EMA qui entrave la demande d’autorisation de Sputnik –une référence au vaccin Pfizer-BioNTech co-développé par Pfizer à New York et BioNTech à Mayence, en Allemagne. Un porte-parole de l’EMA a répondu à cette suggestion en soulignant que « les mêmes normes » s’appliquent à tous les candidats au vaccin COVID-19, « peu importe où ils se trouvent dans le monde ».
Toole dit qu’il soupçonne que la principale préoccupation de l’EMA est qu’ « ils ne sont pas si à l’aise » avec la surveillance des événements indésirables par la Russie.
Il y a également des inquiétudes concernant Spoutnik en Russie même, qui a des taux élevés d’hésitation au vaccin COVID. Une enquête en mars a suggéré que 62% des Russes n’avaient pas l’intention de se faire vacciner, et la Russie introduit maintenant des vaccinations obligatoires pour certains fonctionnaires et autres métiers au contact du public afin d’augmenter les taux de vaccination. Au 28 juin, environ 15 % seulement de la population russe de plus de 140 millions d’habitants avait reçu une dose de vaccin.
Voir Covid-19 : pourquoi les Russes boudent-ils le vaccin Spoutnik V ?
Plusieurs autres études sont actuellement en cours dans les pays qui ont approuvé Spoutnik, notamment en Argentine, au Venezuela, en Russie et en Turquie, ce qui devrait aider à se faire une idée plus précise de l’innocuité et de l’efficacité du vaccin.
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