La vidéo ci-avant est un petit montage réalisé à partir du documentaire La face cachée des énergies vertes. Mais avant d’en venir au documentaire lui-même, deux choses concernant cet extrait :
1. « Purifient l’air en Europe » : quelle formule absurde, en soi, rouler en voiture électrique ou installer des éoliennes ou des panneaux solaires ne purifie évidemment pas l’air en Europe (sachant qu’on respire tous dans la même atmosphère, si leur production et transport, etc., polluent l’air ailleurs, c’est pour nous aussi).
2. « Il n’y a pas de produits qui soient zéro impact zéro CO2 100% écolo », « tout a toujours un impact » (Bihouix), sous-entendu : un impact négatif sur le monde. C’est exact, dans la civilisation industrielle, tout a toujours un impact négatif sur le monde. Toutes les industries polluent, toutes, toutes ont des effets délétères sur la biosphère. C’est pour cette raison que même si l’on trouvait une source d’énergie et notamment d’électricité abondante et réellement non-polluante, n’ayant aucun impact négatif sur l’environnement [ça n’existera jamais, mais admettons], le problème écologique de la civilisation serait très loin d’être réglé. Cela pourrait même le faire empirer : cette énergie serait massivement utilisée dans divers processus, pour diverses choses toujours nuisibles pour le monde naturel. Mais en dehors de la civilisation, nombre de cultures, de peuples savent (savaient, pour ceux que la civilisation a détruits) vivre, produire des denrées alimentaires, se divertir, etc., sans nuire au monde. Au contraire, le système technologique, issu du capitalisme et de l’État, est foncièrement incompatible avec la nature et la liberté humaine.
𝗛𝗘𝗨𝗥𝗦 𝗘𝗧 𝗠𝗔𝗟𝗛𝗘𝗨𝗥𝗦 𝗗𝗘 𝗟𝗔 𝗖𝗥𝗜𝗧𝗜𝗤𝗨𝗘 𝗧𝗘𝗖𝗛𝗡𝗢𝗖𝗥𝗔𝗧𝗜𝗤𝗨𝗘 𝗗𝗘 𝗚𝗨𝗜𝗟𝗟𝗔𝗨𝗠𝗘 𝗣𝗜𝗧𝗥𝗢𝗡
Le principal mérite de ce documentaire (à voir ou télécharger en suivant ce lien) coréalisé par Guillaume Pitron et Jean Louis Pérez, produit par JL Millan et JL Pérez (Grand angle Productions), et inspiré du livre de Pitron intitulé La Guerre des métaux rares, est d’exposer des réalités évidentes et pourtant largement occultées par les médias de masse (et les éco-célébrités, les éco-ministres, etc.) concernant les technologies de production d’énergies prétendument « vertes », « propres » ou « renouvelables », et les technologies dites « vertes » plus généralement. À savoir que la fabrication industrielle de tous ces appareils — panneaux solaires, éoliennes, voitures électriques, etc. — implique elle-même diverses pratiques polluantes, nuisibles pour le monde naturel — extractions minières de cuivre, de graphite, de lithium, transports et traitements de ces matières premières, etc.
Le problème, c’est que la perspective qu’il adopte est celle de technocrates désireux de gérer au mieux la civilisation industrielle. C’est-à-dire que ses réalisateurs et intervenants se fichent pas mal du fait que la fabrication de quoi que ce soit en usine, et plus largement que tout travail, dans la civilisation industrielle, repose sur l’entr’exploitation généralisée des êtres humains entre eux, et plus particulièrement sur l’exploitation du plus grand nombre par le petit nombre que permettent aussi bien les États prétendument démocratiques que ceux qui ne s’embarrassent pas d’une telle prétention.
Les deux principales critiques que formulent Pitron et Pérez, ainsi que Bihouix et les nombreux intervenants (Montebourg, etc.), c’est d’une part que les technologies de production d’énergies dites vertes et les technologies dites vertes plus généralement ne sont pas exactement vertes, et d’autre part que leur production implique un extractivisme et des pollutions délocalisées plutôt que locales. Non seulement ils n’ont rien à dire sur le système d’exploitation de l’humain par l’humain et de marchandisation de tout qu’on appelle capitalisme, mais en plus ils n’ont rien à dire sur l’usage de l’énergie faussement verte produite, sur le développement technologique — la technologie — et ses effets (sur les implications sociopolitiques de la technologie, l’antinomie entre démocratie et technologie).
S’ils déplorent le fait qu’en matière d’énergies et de technologies dites « vertes », des patrons chinois l’aient emporté sur des patrons français, autrement dit que ce soit des prolos chinois et non pas français qui aient présentement l’honneur de fabriquer des panneaux solaires en usine ou de travailler dans des mines, s’ils déplorent le manque à gagner en termes d’emplois, de travail (de servitude salariale) que cela représente, ils se moquent éperdument du fait que tout cela implique, en premier lieu, qu’il y ait des patrons et des travailleurs, une immense division hiérarchique du travail, etc. Le capitalisme et l’État — ces deux systèmes imbriqués de dépossession, d’exploitation et d’aliénation, qui se combinent pour former la technocratie mondialisée — ne leur posent aucun problème. À ce titre, ils rejoignent la plupart des écologistes, pardon, la plupart des électrologistes — de Greta Thunberg à Cyril Dion.
En outre, leur critique de la non-vertitude des technologies de production d’énergie prétendument verte débouche sur un plaidoyer à la fois en faveur de l’innovation-technologique-qu’elle-pourrait-nous-sauver (plus de recyclage, meilleur recyclage, même si Philippe Bihouix reconnait qu’en l’état des choses, les terres rares, on ne sait pas les recycler, nouvelles technologies, etc.), « il faut faire ce pari » (de l’innovation technocapitaliste) nous dit Olivier Vidal, directeur de recherche au CNRS, et en faveur de quelque « sobriété », diminution ou rationnement planifié et imposé par l’État dans la consommation (sorte de décroissance, purement matérielle, mais ils n’emploient pas le terme parce que Pitron ne l’aime pas).
C’est-à-dire que les technologies dites « vertes » ça pollue, oui, certes, mais on s’améliore, elles pourraient polluer moins à l’avenir (peut-être), ou du moins émettre moins de CO2 (peut-être) — et puis, ainsi que l’explique le documentaire, toute activité humaine pollue ou nuit forcément à l’environnement (« tant qu’il y aura des activités humaines, il y aura de la pollution » nous dit le secrétaire adjoint de la société chinoise des terres rares, en assimilant, en bon civilisé, activité humaine et activité industrielle), alors bon, un moindre mal comme objectif, une destructivité plus douce, un meurtre plus lent, c’est bien tout ce qu’on peut faire, contraints que nous sommes de continuer avec le mode de vie techno-industriel, avec la civilisation.
On peut donc toujours reconnaître à Pitron & Co. le mérite — que n’ont pas les électrologistes type Thunberg, Dion, YAB & Co. — d’admettre que de toute façon il n’existe pas vraiment de civilisation techno-industrielle capitaliste soutenable, bio, propre ou renouvelable. Même si, au bout du compte, ils se retrouvent à encourager à peu près la même chose qu’eux : innovation, technologie, sobriété‑s’il-vous-plait.
Nicolas Casaux
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