
Je ne publie quasiment plus mes textes sur le phénomène trans ici, sur Le Partage, je les publie désormais sur un blog substack essentiellement dédié à ça. (Celles et ceux que le sujet intéresse c’est par ici : https://nicolascasaux.substack.com). Mais je fais une exception pour l’article suivant parce qu’il a à voir avec l’écologie (d’une certaine manière).
L’histoire que je m’apprête à vous raconter a initialement été rapportée par l’hebdomadaire australien The Saturday Paper dans son n°541 du 15 au 25 mars 2025.
Drew Hutton est une icône du parti écologiste australien. Désormais retiré de la vie politique active, il a autrefois participé à la création du parti des Verts de l’État du Queensland, puis à la création du parti des Verts national en Australie. Il a également réussi à unir les défenseurs de l’environnement et les agriculteurs dans un combat contre l’industrie des combustibles fossiles au sein de l’alliance Lock the Gate. Bob Brown, ancien sénateur australien et dirigeant des Verts de 2005 à 2012, considère Hutton comme un héros du mouvement écologiste et la « force motrice » derrière la formation du parti Vert australien. En 2017, lorsque Hutton s’est retiré de la vie politique à l’âge de 70 ans, Brown l’a qualifié de « figure emblématique de la politique écologique et sociale australienne des quatre dernières décennies ».
Seulement, aujourd’hui, Drew Hutton est victime d’une lutte idéologique qui fait rage depuis plusieurs années au sein des Verts. Il a été exclu du parti du Queensland, qui lui avait accordé le statut de membre à vie. En juillet 2023, le comité de constitution et d’arbitrage des Verts a suspendu son adhésion, suite à des plaintes concernant des publications sur Facebook concernant les revendications du mouvement trans.
La principale allégation à son encontre comportait deux volets. La première stipulait que, dans une série de posts, il avait enfreint le code d’éthique du parti en « rabaissant les femmes trans en tant que groupe (en renforçant l’idéologie critique du genre selon laquelle les femmes trans ne sont pas des femmes) ». Cette plainte n’a pas été retenue.
La seconde partie de la plainte portait sur le fait qu’il aurait enfreint le code en « se conduisant d’une manière menaçante et irrespectueuse (c’est-à-dire en fournissant une plate-forme pour la rhétorique anti-trans) ». Cette décision a été confirmée. Il a été décidé que Hutton resterait suspendu jusqu’à ce qu’il supprime les messages incriminés. La décision comportait une longue liste de commentaires – dont aucun n’avait été écrit par lui, mais plutôt en réponse à son message initial – qu’il était tenu de supprimer. « J’ai refusé de supprimer les commentaires pour des raisons de liberté d’expression », explique Hutton, parce que « la liberté d’expression est un élément clé de la politique des Verts ».

Il s’en est suivi un long bras de fer au cours duquel il s’est opposé à la décision par le biais de procédures internes. « J’ai gardé tout ça au sein des Verts. Je n’ai rien rendu public et je n’ai pas plaidé ma cause auprès d’eux. Tout s’est fait par courrier électronique », a‑t-il confié au journal australien The Saturday Paper. Mais aujourd’hui, sa patience est à bout. « Je leur ai dit que j’en avais assez. Cela fait 18 mois que cela dure, et cela pourrait durer éternellement. J’ai donc dit que j’allais faire des déclarations publiques à ce sujet à moins que mon statut de membre ne soit rétabli. Il ne l’a pas été, alors je vous fais une déclaration. »
La publication initiale de Hutton, sur Facebook, le 21 juin 2022, ne contenait même pas de véritable critique des idées ou revendications transidentitaires. On y lisait : « Je crois aux droits humains pour les personnes transgenres tout en soutenant le droit des femmes à être protégée de l’oppression patriarcale. » Hutton dénonçait ensuite les mesures disciplinaires « autoritaires et antidémocratiques » prises à l’encontre de féministes qui avaient exprimé leur point de vue dans les forums du parti. Deux jours plus tard, dans un long message de suivi, il s’est montré plus précis, en faisant référence à des événements survenus au début du mois, qui ont vu la nouvelle présidente élue des Verts de l’État de Victoria, Linda Gale, évincée de son poste à la suite de querelles intestines concernant ses opinions sur les questions relatives aux revendications transidentitaires.
Hutton a réaffirmé qu’il n’avait pas l’intention de « dire quoi que ce soit sur les questions transgenres elles-mêmes », mais qu’il était « préoccupé par la démocratie du parti et par la nécessité d’une discussion et d’un débat au sein des Verts qui soient à la fois ouverts d’esprit et respectueux des opinions des autres ». L’appel de Hutton à un discours respectueux a suscité des centaines de réponses, dont beaucoup n’étaient ni ouvertes ni respectueuses. Sa plainte concernant une transgression des procédures du parti (ayant mené à la destitution de Lina Gale) lui a valu une action disciplinaire « d’une objectivité douteuse », comme le formule le Saturday Paper.
L’histoire commence en fait dans l’État de Victoria en décembre 2018, lorsqu’une proposition est soumise au conseil directeur du parti affirmant que les Verts devaient adopter une position de « non-tolérance vis-à-vis des discours haineux à l’égard des personnes trans ». La proposition affirmait qu’il y avait une « quantité préoccupante de discours transphobes dans l’espace autrement sûr [safe] des Verts. Cette rhétorique se fait passer pour un débat respectueux, mais en réalité, quel que soit le degré de civilité du débat, l’effet de certains arguments est tout autre. »
Ensuite – et là les choses prennent une tournure incroyablement orwellienne – la proposition énumérait une longue liste de termes considérés comme des indicateurs de transphobie, notamment « il y a deux sexes », mais aussi, comme le rapporte le Saturday Paper, l’idée que « les femmes trans sont biologiquement masculines », que « les femmes trans n’ont pas de menstruations » et qu’il « existe a un débat actif au sein du féminisme » concernant l’intersection des droits des trans avec les droits des femmes (supposément « cisgenres »). Or tout ça est vrai. Il existe bel et bien deux sexes (si vous en avez découvert un troisième, n’hésitez pas à nous expliquer quel type de gamète il produit et quel est son rôle dans la reproduction sexuée). Les soi-disant « femmes trans » sont des mâles de l’espèce humaine, c’est-à-dire des hommes. Ces individus n’ont pas de menstruations. Et il existe effectivement un âpre conflit au sein du féminisme concernant tous ces sujets (on pourrait aussi considérer qu’il existe surtout un conflit entre les féministes qui plient lâchement devant cet autre mouvement masculiniste qu’est le mouvement trans, et les autres féministes). Dans tous les pays du monde, d’éminentes féministes, historiquement reconnues, s’opposent au mouvement trans, de Marcela Lagarde au Mexique à Alice Schwarzer en Allemagne, en passant par Kajsa Ekis Ekman en Suède et Amelia Valcarcel en Espagne.
Mais revenons-en à notre sujet. Normalement, lorsqu’une proposition est soumise au conseil directeur des Verts, en Australie, les personnes ayant des objections ont le droit de présenter un document sur les « points de vue divergents », afin que les quelque 70 membres du conseil puissent examiner les différents aspects de l’affaire avant de prendre une décision. Deux membres du conseil, Nina Vallins et Linda Gale, ont rédigé un document d’objections, soulevant des inquiétudes concernant les implications que la proposition aurait pour les droits des femmes (non « trans ») dans des domaines tels que le sport, les procédures médicales, les refuges pour victimes de violences domestiques, les services hospitaliers et les prisons. Voici, par exemple, ce qu’ont écrit Vallins et Gale :
« Si le terme ”femme” devient une catégorie entièrement fondée sur l’auto-identification subjective d’une personne plutôt que sur un fait objectif et identifiable tel que la biologie, quelles seront les implications politiques et pratiques pour ces espaces sexo-spécifiques durement gagnés ou pour les discriminations positives relatives au sexe ? »
Insupportable, n’est-ce pas ?

Six jours après, les membres du conseil ont publié une déclaration rejetant leurs objections. « Ces opinions ne sont pas compatibles avec les valeurs ou la politique des Verts », précise leur déclaration. « Nous tenons à vous assurer que notre politique en matière de droits des personnes transgenres n’est pas menacée et qu’il n’y a aucune intention de la modifier. Les femmes transgenres sont des femmes. Les hommes transgenres sont des hommes. Les identités de genre non binaires existent et sont valables. C’est aussi simple que cela. » Les femmes sont des hommes, les hommes sont des femmes, les chiens sont des chats, la guerre c’est la paix. Virez-moi toutes celles et ceux qui objectent. C’est toujours la même chose. Face à des objections cohérentes, à des critiques argumentées, les zélateurs du mouvement trans répondent par des slogans absurdes, martelés comme des mantras, ad nauseam.
Deux ans plus tard, Linda Gale a été élue par les membres du parti pour occuper le poste vacant de coordinateur de l’État de Victoria, à la grande consternation des militants pro-trans et de leurs partisans, notamment Janet Rice, alors membre des Verts et sénatrice, et Samantha Ratnam, la dirigeante des Verts au niveau national. Rice a qualifié la position de Gale d’« intenable », à moins qu’elle ne revienne sur ses déclarations antérieures. Ce qu’elle n’a pas fait. Alors, une semaine après l’élection de Gale, la veille d’un rassemblement du conseil des Verts de l’État de Victoria, une réunion urgente du comité administratif national du parti a été convoquée. Et finalement, Gale a été destituée en raison de prétendues « irrégularités électorales ».
Une nouvelle élection est organisée. Gale s’est représentée, a envoyé un e‑mail aux membres pour se plaindre de l’autoritarisme rampant au sein du parti, en particulier sur cette question, puis s’est retirée.
Il existe d’autres manifestations de cette guerre intestine qui fait rage au sein des Verts en Australie. En 2023, une commission disciplinaire a décidé que la sénatrice Rice devait être blâmée pour une campagne « calculée et incendiaire » visant à forcer Gale à quitter son poste de présidente, ce qui a jeté le discrédit sur le parti et nui à ses perspectives électorales. La commission a été licenciée. Elle avait auparavant rejeté de nombreuses plaintes pour transphobie contre Gale et d’autres personnes.
Si l’État de Victoria a été le théâtre des conflits internes les plus intenses, ceux-ci se sont étendus à d’autres divisions des Verts, y compris au Queensland, avec Drew Hutton. Des sources du parti ont déclaré au Saturday Paper que ces querelles font fuir des membres des Verts, en particulier des membres plus âgés et de longue date, qui sont également d’importants donateurs. Certains ont décidé de soutenir les indépendants de la communauté.
Hutton se dit aujourd’hui très au fait de la question et déterminé à lutter contre ceux qu’il considère comme déterminés à « purger » le parti des personnes qui ne partagent pas leur point de vue sur le phénomène trans. « C’est pire qu’une simple intolérance », déclare-t-il. « Ils utilisent des moyens autoritaires pour forcer les membres à se taire. C’est de cela qu’il s’agit dans le cas de ma suspension. »
Et ailleurs
Ce désastre politique ne s’observe pas qu’en Australie. En Autriche, Faika El Nagashi, une féministe et lesbienne du parti des Verts, qui a perdu son siège au parlement national lors des dernières élections, s’oppose elle aussi aux idées et aux revendications trans. Ce qui lui vaut les pires injures et une haine intense au sein du parti. Elle a même été exclue d’une conférence lesbienne annuelle qu’elle avait contribué à mettre en place.

Au Royaume-Uni, le parti des Verts est le théâtre de tensions et d’évictions autoritaires du même genre. En février 2024, Shahrar Ali, un ancien porte-parole des Verts britannique, qui avait été démis de ses fonctions parce qu’il osait soutenir, notamment, que le sexe existe et est une réalité immuable et que le fait de rejeter toute définition cohérente du mot femme portait préjudice aux femmes, a remporté son procès contre son ancien parti.
En France aussi, les revendications transidentitaires ont provoqué des conflits chez les Verts. Comme je le rappelais dans une précédente publication, d’après un récent sondage, en France, la majorité des membres du parti des Verts considèrent aujourd’hui qu’il « n’existe pas deux sexes ».

Dans le monde entier, les Verts sont le parti qui adhère le plus religieusement aux inepties irrationnelles, sexistes, misogynes et particulièrement nocives pour les enfants que constituent les idées trans.
Et de même que cela a nui aux démocrates états-unien, l’adoption d’une telle position politique ne peut et ne pourra que nuire à la gauche, partout. Il n’est pas dit qu’elle s’en remette un jour. À gauche, le mouvement trans agit comme un rouleau compresseur. Il écrase toutes celles et ceux qui osent lui objecter quoi que ce soit. Et après avoir purgé les rangs d’un parti, il permet aux pires imbéciles malhonnêtes et opportunistes d’en prendre le contrôle.
Je n’apprécie pas particulièrement les Verts. Ils sont un parti politique comme les autres. Ils mentent en affirmant que « les femmes trans sont des femmes » comme ils mentent en affirmant que la civilisation industrielle pourrait devenir écologique au moyen de quelque « transition » (qui ne fait que prolonger la catastrophe environnementale que constitue l’industrialisme, mais sous couvert de « développement durable », de développement de technologies ou d’énergies supposément « vertes » ou « propres » qui ne sont rien de cela en vérité). Mais en théorie, quelque part, les Verts (qui se sont renommés Les Écologistes, en France) sont censés représenter le parti qui se soucie de la nature. Et je sais que beaucoup de leurs membres s’en soucient réellement. Malgré tout ce que je peux leur reprocher, c’est tout de même des Verts que je suis le proche politiquement. C’est pour ça que je ne peux pas leur pardonner leur adhésion terriblement autoritaire aux idées terriblement délétères du mouvement trans.
Nicolas Casaux
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