Vert, le média qui avale la couleuvre (par Nicolas Casaux)

Vert, le média qui avale la couleuvre (par Nicolas Casaux)

Dans la petite famille des médias « alter­na­tifs » ou « indé­pen­dants », outre Bas­ta ! (voir ici), on retrouve « Vert, le média qui annonce la cou­leur », créé en 2020 par Juliette Quef et Loup Espar­gi­lière, qui tiennent éga­le­ment une chro­nique sur France Inter. Le fait que Quef et Espar­gi­lière soient régu­liè­re­ment invité∙es à dis­cou­rir sur France Inter signale d’emblée à celles et ceux qui com­prennent que l’État, comme la pro­gram­ma­tion de Radio France, n’est pas une enti­té « neutre », que la pers­pec­tive de Quef et Espar­gi­lière rentre dans le cadre des vues approu­vées par la direc­tion de la radio d’État.

Un bref coup d’œil au conte­nu publié par Vert nous le confirme. La vision du monde dif­fu­sée par le média ne remet pas en ques­tion l’existence des prin­ci­pales forces res­pon­sables de la catas­trophe sociale et éco­lo­gique en cours. Une des pre­mières choses qu’on note, par exemple, c’est que l’État en lui-même n’y est pas consi­dé­ré comme un pro­blème ou une nui­sance. Vert ne pro­pose qu’une cri­tique des figures diri­geantes et des poli­tiques qu’elles mettent en œuvre, mais n’interroge pas la nature même de l’institution éta­tique. Une telle pos­ture tra­hit un aveu­gle­ment face au rôle fon­da­men­tal de l’État dans la per­pé­tua­tion de la domi­na­tion tech­ni­cienne et capi­ta­liste. Elle ignore que l’État consti­tue par défi­ni­tion, fonc­tion­nel­le­ment, un type d’or­ga­ni­sa­tion sociale inéga­li­taire, impli­quant un pou­voir sépa­ré et une dicho­to­mie gouvernants/gouverné∙es ; et que l’État moderne a été conçu pour orga­ni­ser et défendre les condi­tions de repro­duc­tion du capi­ta­lisme indus­triel. Qu’il n’est pas un outil mal employé par des diri­geants incom­pé­tents ou cor­rom­pus ; mais le pivot d’une logique qui écrase la diver­si­té humaine et natu­relle au pro­fit de la cen­tra­li­sa­tion et du contrôle. Ce refus de remettre en ques­tion les fon­de­ments mêmes de la socié­té indus­trielle confine Vert.eco à une forme d’écologie inco­hé­rente, inca­pable de sai­sir que les ravages éco­lo­giques sont indis­so­ciables de l’existence même des ins­ti­tu­tions. En appe­lant à une meilleure « ges­tion » éco­lo­gique par l’État, les dirigeant∙es de Vert détournent l’attention de ce qui serait réel­le­ment éman­ci­pa­teur : l’autonomie des com­mu­nau­tés humaines et le déman­tè­le­ment du sys­tème indus­triel et des grands appa­reils de pouvoir.

Pour illus­trer le carac­tère inco­hé­rent et super­fi­cielle de l’écologisme de Vert, un exemple. Il y a quelques jours, le média par­ta­geait sur les réseaux sociaux l’image suivante :

Accom­pa­gnant l’image, on trou­vait ce petit texte :

« Selon le think thank Ember, l’énergie solaire a dépas­sé le char­bon pour la pre­mière fois dans la pro­duc­tion d’électricité de l’Union Euro­péenne en 2024.

47% de l’électricité du conti­nent est désor­mais géné­rée par les renou­ve­lables grâce à l’essor du solaire et de l’hydraulique, contre seule­ment 29% par des com­bus­tibles fos­siles (39% en 2019). »

Se réjouir d’une telle chose indique un double aveu­gle­ment, social et éco­lo­gique. Sur le plan social, la pro­duc­tion de pan­neaux solaires pho­to­vol­taïques ou la construc­tion de bar­rages, à l’instar de la pro­duc­tion de voi­tures die­sel, de télé­vi­seurs, de smart­phones, d’ordinateurs, des infra­struc­tures et des appa­reils néces­saires au réseau inter­net et d’à peu près l’entièreté de l’univers tech­no-indus­triel dans lequel nous vivons désor­mais repose sur et requiert un vaste sys­tème d’exploitation appe­lé capi­ta­lisme, impo­sé par l’État. Impos­sible de pro­duire des pan­neaux solaires pho­to­vol­taïques ou de construire des bar­rages sans un tel sys­tème, sans une socié­té de masse hié­rar­chi­que­ment orga­ni­sée selon les besoins d’une impor­tante divi­sion spé­cia­li­sée du tra­vail. Ces tech­no­lo­gies appar­tiennent à la caté­go­rie des « tech­no­lo­gies auto­ri­taires » selon la dis­tinc­tion de Lewis Mum­ford. Sur le plan social, la vision de Vert est une impasse ou un leurre dans la mesure où elle sug­gère que la jus­tice sociale est com­pa­tible avec la pré­ser­va­tion du mode de vie tech­no­lo­gique. Les machines et les tech­no­lo­gies pro­duites par le sys­tème indus­triel orga­ni­sé par l’État et le capi­ta­lisme requièrent l’État et le capi­ta­lisme – ou un sys­tème social simi­laire, auto­ri­taire et hié­rar­chique – pour être pro­duites. Si vous sou­hai­tez l’abolition des domi­na­tions sociales, de l’exploitation capi­ta­liste, faire la pro­mo­tion de machines pro­duites par le capi­ta­lisme n’est sans doute pas la voie à suivre.

Sur le plan éco­lo­gique, les jour­na­listes de Vert ignorent complètement :

  • les impli­ca­tions éco­lo­giques de la pro­duc­tion des pan­neaux solaires pho­to­vol­taïques (quels maté­riaux sont uti­li­sés ? extraits où ? trai­tés où ? ache­mi­nés com­ment ? avec quel(s) impact(s) ?) ;
  • les impli­ca­tions éco­lo­giques de la pro­duc­tion et de la main­te­nance de toutes les infra­struc­tures et de toutes les machines qui per­mettent de pro­duire des pan­neaux solaires pho­to­vol­taïques (des routes aux excavatrices) ;
  • les impli­ca­tions éco­lo­giques de la pro­duc­tion de tous les appa­reils et de tous les acces­soires néces­saires au fonc­tion­ne­ment d’une cen­trale solaire (ondu­leurs, câbles, etc.) ;
  • les effets éco­lo­giques de l’utilisation de l’électricité photovoltaïque.

Au-delà du fait que la pro­duc­tion de pan­neaux solaires pho­to­vol­taïques implique tout un tas de nui­sances, de pol­lu­tions et de dégra­da­tions éco­lo­giques, ce qui échappe à la plu­part des « éco­los » et des gens de gauche, c’est que la civi­li­sa­tion indus­trielle est fon­da­men­ta­le­ment et entiè­re­ment insou­te­nable. La foca­li­sa­tion de la ques­tion éco­lo­gique sur la seule pro­blé­ma­tique de la pro­duc­tion éner­gé­tique per­met de dis­si­mu­ler l’ampleur de ce qui pose réel­le­ment pro­blème, à savoir que toutes les indus­tries sont pol­luantes, que toutes sont toxiques, que toutes sont insou­te­nables (de l’industrie chi­mique à l’industrie tex­tile, en pas­sant par les indus­tries agri­cole, auto­mo­bile, élec­tro­nique, infor­ma­tique, numé­rique, cos­mé­tique, phar­ma­ceu­tique, du jouet ou encore de l’armement). Même si elle par­ve­nait à être entiè­re­ment ali­men­tée par des éner­gies dites « renou­ve­lables », « vertes » ou « propres » (qui n’ont en réa­li­té rien de réel­le­ment vert, rien d’écologique), même si cela s’avérait pos­sible, la civi­li­sa­tion indus­trielle conti­nue­rait d’être un désastre social et écologique.

Parce qu’encore une fois, la des­truc­ti­vi­té de la civi­li­sa­tion indus­trielle ne relève pas que — ni même prin­ci­pa­le­ment — de la manière dont elle pro­duit l’énergie qu’elle consomme. La civi­li­sa­tion indus­trielle détruit la pla­nète au tra­vers des acti­vi­tés, des pro­ces­sus et des pra­tiques qui sont ren­dus pos­sibles grâce à l’énergie qu’elle obtient. Que cette des­truc­tion soit ali­men­tée par des éner­gies dites « vertes » ou « renou­ve­lables », par des com­bus­tibles fos­siles ou par du nucléaire, quelle dif­fé­rence ? Nous ne vou­lons pas choi­sir entre détruire la pla­nète avec des éner­gies « vertes », détruire la pla­nète avec des com­bus­tibles fos­siles ou détruire la pla­nète avec du nucléaire. D’ailleurs, bien avant le début de l’utilisation des com­bus­tibles fos­siles, la civi­li­sa­tion (le type d’organisation humaine repo­sant sur l’État, la ville et l’agriculture) avait déjà appau­vri la bio­di­ver­si­té mon­diale, alté­ré le cli­mat et signi­fi­ca­ti­ve­ment déboi­sé la pla­nète. La pro­duc­tion indus­trielle d’énergie (pré­ten­du­ment verte, renou­ve­lable, etc., ou pas) a seule­ment per­mis une vive accé­lé­ra­tion et une mul­ti­pli­ca­tion de ces des­truc­tions, ain­si qu’une diver­si­fi­ca­tion du type de dégâts que la civi­li­sa­tion inflige au monde natu­rel (avec sans cesse de nou­veaux types de pol­lu­tions plas­tiques, chi­miques). Et plus on aug­mente la quan­ti­té d’énergie dis­po­nible, plus les atteintes se multiplient.

Au même titre que l’énergie fos­sile ou nucléaire, l’énergie pro­duite par les pan­neaux solaires (ou les éoliennes, ou n’importe quelle autre source d’énergie dite verte, propre, renou­ve­lable ou décar­bo­née) ne sert par défi­ni­tion qu’à ali­men­ter d’autres appa­reils, d’autres machines issues du sys­tème tech­no-indus­triel ; à ali­men­ter la machine à détruire la nature qu’est la civi­li­sa­tion indus­trielle, à ali­menter les smart­phones, les ordi­na­teurs, les écrans de télé­vi­sion, les voi­tures (élec­triques), les réfri­gé­ra­teurs, les fours micro-ondes, la pol­lu­tion lumi­neuse, les ser­veurs finan­ciers, les data cen­ters, les usines d’aluminium, les écrans publi­ci­taires dans l’espace public pous­sant à sur­con­som­mer et même l’industrie minière (de plus en plus de com­pa­gnies minières se tournent vers les cen­trales de pro­duc­tion d’énergie dite renou­ve­lable, verte ou propre, notam­ment le solaire ou l’éolien, afin d’alimenter leurs ins­tal­la­tions d’extractions minières, pour la rai­son que ces cen­trales sont rela­ti­ve­ment simples à mettre en place).

Une der­nière chose.

L’image sus­men­tion­née, par­ta­gée par Vert, men­tionne le think tank « Ember ». C’est de lui que pro­vient la fausse « bonne nou­velle » célé­brée par Vert. Qu’est-ce donc que ce think tank ? Le mini­mum n’exigerait-il pas de savoir avec qui nous sommes ain­si censé∙es nous réjouir ? Les jour­na­listes de Vert n’en disent rien. Le site du think tank Ember explique : « Nous sommes un groupe de réflexion mon­dial sur l’éner­gie qui vise à accé­lé­rer la tran­si­tion vers l’éner­gie propre grâce à des don­nées et des poli­tiques. » Mais encore ? Quel type d’intérêts défend-il ? Le think tank se pré­sente comme « indé­pen­dant » et « à but non lucra­tif ». On connaît la chan­son. Mais qu’en est-il vrai­ment ? Pour le com­prendre, jeter un œil au finan­ce­ment aide sou­vent. Le think tank Ember a été créé par la baronne bri­tan­nique Bryo­ny Kathe­rine Wor­thing­ton, membre à vie de la Chambre des Lords. D’après ce qui est indi­qué sur son site, Ember est finan­cé par six orga­ni­sa­tions : la Qua­dra­ture Cli­mate Foun­da­tion, la Euro­pean Cli­mate Foun­da­tion, le Sun­rise Pro­ject, la Cli­ma­te­Works Foun­da­tion, Bound­less Earth et la Sequoia Cli­mate Foun­da­tion. Voyons donc.

La Qua­dra­ture Cli­mate Foun­da­tion « est diri­gée par des mil­liar­daires dont le fonds détient des par­ti­ci­pa­tions d’une valeur de 170 mil­lions de dol­lars dans des entre­prises du sec­teur des com­bus­tibles fos­siles », comme l’explique un article du Guar­dian paru en juin 2023. La Qua­dra­ture Cli­mate Foun­da­tion a « été créée par Qua­dra­ture Capi­tal, un fonds d’in­ves­tis­se­ment de plu­sieurs mil­liards d’euros fon­dé par les énig­ma­tiques mil­liar­daires Greg Skin­ner et Suneil Setiya ». En outre, Greg Skin­ner a récem­ment acquis une par­ti­ci­pa­tion de 50 % dans la com­pa­gnie d’éner­gie « renou­ve­lable » bri­tan­nique Ethi­cal Power Group, qui opère en Europe et en Nou­velle-Zélande, est spé­cia­li­sée dans la concep­tion et l’installation de cen­trales pho­to­vol­taïques et consti­tue un des plus grands ins­tal­la­teurs de sto­ckage par bat­te­ries du Royaume-Uni. Le sché­ma est donc le sui­vant : des mil­liar­daires qui détiennent toutes sortes d’entreprises, y com­pris dans l’industrie des fos­siles et celle des éner­gies pré­ten­du­ment « renou­ve­lables » (ils s’en foutent, du moment que ça rap­porte), financent des think tank – et aus­si des ONG et bien d’autres types d’organisation – qui font la pro­mo­tion des éner­gies renou­ve­lables. Et les médias relaient les « bonnes nou­velles » com­mu­ni­quées par les­dits think tank. Les médias comme Vert, mais aus­si les médias de masse tra­di­tion­nels. BFM TV, France 24, Libé­ra­tion, Le Figa­ro, Ouest-France, Bour­so­ra­ma, RTBF, 20 minutes, Le Monde, etc., ont aus­si célé­bré la même « bonne nou­velle », tou­jours en pro­ve­nance du think tank Ember.

La Euro­pean Cli­mate Foun­da­tion est une des plus impor­tantes fon­da­tions pré­ten­du­ment « phi­lan­thro­pique » d’Europe, de type pass-through, c’est-à-dire spé­cia­li­sée dans la redis­tri­bu­tion de fonds en pro­ve­nance d’autres fon­da­tions. Par­mi les­quelles on retrouve, entre autres, la William and Flo­ra Hew­lett Foun­da­tion (liée à l’entreprise d’informatique HP), la Bloom­berg Fami­ly Foun­da­tion, le Rocke­fel­ler Bro­thers Fund, la IKEA Foun­da­tion, ou encore la Cli­ma­te­Works Foun­da­tion, elle aus­si une fon­da­tion de type pass-through, finan­cée, entre autres, par la William and Flo­ra Hew­lett Foun­da­tion, mais aus­si par la Fon­da­tion David et Lucile Packard, le Bezos Earth Fund, Bloom­berg Phi­lan­thro­pies, la fon­da­tion Ford et la IKEA Foundation.

La Sequoia Cli­mate Foun­da­tion (éga­le­ment connue sous le nom de Sequoia Cli­mate Fund) est une fon­da­tion très dis­crète, qui ne divulgue que le mini­mum requis d’informations, et qui est a prio­ri une créa­tion du mil­liar­daire cali­for­nien C. Fre­de­rick Tay­lor, l’un des trois fon­da­teurs du fonds spé­cu­la­tif TGS Mana­ge­ment, décrit comme « un fonds spé­cu­la­tif quan­ti­ta­tif extrê­me­ment secret ». Un rap­port de Bloom­berg Busi­ness­week a révé­lé en 2014 que les par­te­naires de TGS étaient les dona­teurs d’un groupe d’organismes cari­ta­tifs qui déte­naient des actifs com­bi­nés de 9,7 mil­liards de dol­lars (12,8 mil­liards de dol­lars en 2024). A l’époque, ce groupe était donc « plus impor­tant que les fon­da­tions Car­ne­gie et Rocke­fel­ler réunies » et « l’un des plus grands pools de finan­ce­ment phi­lan­thro­pique aux États-Unis ». D’après le rap­port « quel­qu’un avait recou­ru à des méthodes éla­bo­rées pour s’as­su­rer que per­sonne ne découvre l’o­ri­gine de cet argent, en uti­li­sant des couches de filiales d’en­tre­prises pour obs­cur­cir ses ori­gines », en uti­li­sant des entre­prises et des cabi­nets d’a­vo­cats issus de plu­sieurs États.

Les res­sorts du phi­lan­thro­ca­pi­ta­lisme, qui s’efforce d’être dis­cret, sont lar­ge­ment incon­nus du grand public. Peu de jour­na­listes s’intéressent au sujet, pour­tant majeur. Le poli­to­logue Edouard More­na s’y est inté­res­sé dans son livre Fin du monde et petits fours. Les ultra-riches face à la crise cli­ma­tique (La Décou­verte, 2023). Il montre bien com­ment les ultra-riches ont entre­pris, il y a des années, d’utiliser une par­tie de leur pognon pour orien­ter le mou­ve­ment éco­lo­giste dans une direc­tion qui ne menace pas leurs inté­rêts, et même mieux encore, qui les favo­rise : la pro­mo­tion des éner­gies dites « renou­ve­lables » ou « propres » et des tech­no­lo­gies dites « vertes ». Autre­ment dit, la pro­mo­tion du capi­ta­lisme vert. D’ailleurs, ce qu’on appelle le « mou­ve­ment cli­mat » est essen­tiel­le­ment une créa­tion d’ONG lar­ge­ment finan­cées par des fon­da­tions pri­vées de mil­liar­daires ou d’entreprises mul­ti­na­tio­nales ou des fonds éta­tiques. La réduc­tion de l’écologie à la seule ques­tion cli­ma­tique, à un taux de car­bone atmo­sphé­rique, per­met plus faci­le­ment de pré­sen­ter les éner­gies dites « renou­ve­lables » ou « propres » ou « décar­bo­nées » et les tech­no­lo­gies dites « vertes » ou « bas car­bone » comme des « solu­tions ». Plu­sieurs cha­pitres de mon livre Men­songes renou­ve­lables et capi­ta­lisme décar­bo­né : notes sur la récu­pé­ra­tion du mou­ve­ment éco­lo­giste (édi­tions Libre, 2024) sont consa­crés à ces questions.

Le fond de l’absurde, la per­ver­sion du capi­ta­lisme, l’insupportable iro­nie de la situa­tion, c’est qu’un nou­veau média qui pré­tend pro­po­ser une autre vision des choses, qui dénonce régu­liè­re­ment « les mil­liar­daires », défend en fait des idées qui les arrangent très bien. Le déve­lop­pe­ment des tech­no­lo­gies dites « vertes » et des éner­gies dites « renou­ve­lables » ou « propres » ne chan­ge­ra rien à la catas­trophe sociale et éco­lo­gique en cours. Au contraire, il ne fait que la pro­lon­ger. Une éco­lo­gie digne de ce nom doit avoir pour objec­tif la dis­pa­ri­tion des infra­struc­tures tech­no-indus­trielles, pas leur impos­sible et indé­si­rable verdissement.

Nico­las Casaux

P.-S. : Les méandres de l’univers du « com­plexe indus­triel non-lucra­tif », ain­si que cer­tains nomment les orga­ni­sa­tions et les réseaux sup­po­sé­ment « phi­lan­thro­piques » et « cari­ta­tifs » au sein du capi­ta­lisme mon­dia­li­sé, sont innom­brables. Exemple. Depuis 2023, la Euro­pean Cli­mate Foun­da­tion (ECF) cha­peaute ReNew2030, « une coa­li­tion d’ex­perts, d’or­ga­ni­sa­tions de la socié­té civile et d’or­ga­ni­sa­tions phi­lan­thro­piques qui rece­vront des finan­ce­ments de la part du Auda­cious Pro­ject afin d’ac­cé­lé­rer la tran­si­tion mon­diale vers l’éner­gie éolienne et solaire au cours des cinq pro­chaines années ».

Ledit Auda­cious Pro­ject est « une ini­tia­tive de finan­ce­ment col­la­bo­ra­tif qui cata­lyse l’im­pact social à grande échelle. Il réunit des bailleurs de fonds et des entre­pre­neurs sociaux dans le but de sou­te­nir des solu­tions auda­cieuses aux défis les plus urgents du monde. ReNew2030 est l’un des dix pro­jets de la cohorte 2023 du Pro­jet Auda­cieux. » Le col­lec­tif de finan­ce­ment de l’Audacious Pro­ject « est com­po­sé d’or­ga­ni­sa­tions et d’in­di­vi­dus res­pec­tés dans le domaine de la phi­lan­thro­pie, notam­ment la Fon­da­tion Bill & Melin­da Gates, ELMA Phi­lan­thro­pies, Emer­son Col­lec­tive, Mac­Ken­zie Scott, la Fon­da­tion Skoll, la Fon­da­tion Val­hal­la, et bien d’autres encore ».

ReNew2030 com­prend « un réseau de fon­da­tions régio­nales pour le cli­mat et d’or­ga­ni­sa­tions trans­na­tio­nales qui financent et coor­donnent un groupe diver­si­fié de par­te­naires de mise en œuvre à tra­vers le monde. Ce réseau com­prend l’A­fri­can Cli­mate Foun­da­tion, l’E­ner­gy Foun­da­tion Chi­na, l’U.S. Ener­gy Foun­da­tion, l’Eu­ro­pean Cli­mate Foun­da­tion, l’I­ni­cia­ti­va Climá­ti­ca de Méxi­co, l’Ins­ti­tu­to Cli­ma e Socie­dade, le Sun­rise Pro­ject et la Tara Cli­mate Foun­da­tion. L’European Cli­mate Foun­da­tion accueille ReNew2030 dans le cadre d’une col­la­bo­ra­tion avec ses pairs. »

Basée dans le pays de nais­sance d’Elon Musk, l’African Cli­mate Foun­da­tion est aus­si une fon­da­tion de type pass-through, qui redis­tri­bue le pognon d’autres fon­da­tions. Sur son site web, aucune infor­ma­tion sur ses finan­ceurs. Mais une brève recherche nous apprend qu’ils com­prennent au moins la fon­da­tion de Bill et Melin­da Gates, la fon­da­tion Ikea, la Rocke­fel­ler Foun­da­tion, la fon­da­tion Ford ou encore la Hew­lett Foun­da­tion. Les acteurs habi­tuels des réseaux du com­plexe indus­triel non-lucratif.

Tout ce beau monde vise à accé­lé­rer le déve­lop­pe­ment des indus­tries de pro­duc­tion d’énergie dite « renou­ve­lable » ou « verte », mais aus­si par­fois de l’industrie du nucléaire et des indus­tries de cap­ture et de sto­ckage du car­bone, et des tech­no­lo­gies dites « vertes » ou « propres » en géné­ral. Tout ce qui peut ser­vir à per­pé­tuer le capi­ta­lisme indus­triel. Fort heu­reu­se­ment, ils peuvent comp­ter sur Vert pour pro­mou­voir leurs pro­jets et leurs aspirations.

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À propos de l'auteur Le Partage

« Plus on partage, plus on possède. Voilà le miracle. »En quelques années, à peine, notre collec­tif a traduit et publié des centaines de textes trai­tant des prin­ci­pales problé­ma­tiques de notre temps — et donc d’éco­lo­gie, de poli­tique au sens large, d’eth­no­lo­gie, ou encore d’an­thro­po­lo­gie.contact@­par­tage-le.com

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