Le mouvement trans est réactionnaire : les féministes le dénoncent depuis plus de 40 ans (par Nicolas Casaux)

Le mouvement trans est réactionnaire : les féministes le dénoncent depuis plus de 40 ans (par Nicolas Casaux)

À en croire nombre de médias et de mili­tants de gauche, l’opposition au phé­no­mène trans serait ori­gi­naire de l’extrême droite, qui serait d’ailleurs aujourd’hui le seul camp poli­tique à s’y oppo­ser. Cette idée est dou­ble­ment fausse.

Une brève généalogie de l’opposition au phénomène trans

L’opposition au phé­no­mène trans trouve son ori­gine dans le mili­tan­tisme et les écrits fémi­nistes et consti­tue, dans cette pers­pec­tive, un geste pro­gres­siste – dans le sens de ce qui favo­rise la jus­tice sociale, l’égalité, y com­pris entre les sexes. En 1979, aux États-Unis, Janice Ray­mond, une fémi­niste radi­cale les­bienne, pro­fes­seure émé­rite d’études des femmes et d’éthique médi­cale à l’université du Mas­sa­chu­setts à Amherst, connue pour son tra­vail contre la vio­lence, l’exploitation sexuelle et les abus médi­caux dont sont vic­times les femmes, publie un livre inti­tu­lé L’Empire trans­sexuel (que nous avons réédi­té avec l’association Le Par­tage et que vous pou­vez vous pro­cu­rer ici). Pour la rédac­tion de cet ouvrage, elle demande les conseils de son amie Andrea Dwor­kin, une essayiste états-unienne, théo­ri­cienne du fémi­nisme radi­cal, figure majeure du fémi­nisme de la Deuxième vague, connue pour sa cri­tique de la por­no­gra­phie, du viol et des autres formes de vio­lence contre les femmes. Dwor­kin écri­vit d’ailleurs une brève recom­man­da­tion en faveur du livre de Ray­mond qui fut publiée sur la cou­ver­ture de l’édition de poche :

« L’Empire trans­sexuel de Janice Ray­mond est un ouvrage sti­mu­lant, rigou­reux et nova­teur. Ray­mond exa­mine minu­tieu­se­ment les liens entre la science, la mora­li­té et le genre. Elle pose des ques­tions dif­fi­ciles et ses réponses pos­sèdent une qua­li­té intel­lec­tuelle et une inté­gri­té éthique si rares, si impor­tantes, que le lec­to­rat ne peut qu’être ame­né à réflé­chir, à entrer dans un dia­logue cri­tique avec le livre1. »

Dans L’Empire trans­sexuel, Janice Ray­mond note très jus­te­ment que :

« fon­da­men­ta­le­ment, une socié­té qui assigne un rôle sté­réo­ty­pé à cha­cun des deux sexes ne peut qu’engendrer le trans­sexua­lisme [et/ou le trans­gen­risme]. Bien enten­du, cette expli­ca­tion ne figure pas dans la lit­té­ra­ture médi­cale et psy­cho­lo­gique qui pré­tend éta­blir l’étiologie du trans­sexua­lisme. Cette lit­té­ra­ture ne remet nul­le­ment le sté­réo­type en cause […]. Tou­te­fois, tant que ces spé­cu­la­tions sur les causes de trans­sexua­lisme per­sistent à éva­luer l’adaptation ou l’inadaptation des trans­sexuels en fonc­tion de normes mas­cu­lines ou fémi­nines, elles sont à côté de la véri­té. À mon avis, la socié­té patriar­cale et ses défi­ni­tions de la mas­cu­li­ni­té et de la fémi­ni­té consti­tuent la cause pre­mière de l’existence du trans­sexua­lisme. En dési­rant les organes et le corps spé­ci­fiques au sexe oppo­sé, le trans­sexuel ne cherche sim­ple­ment qu’à incar­ner l’“essence” du rôle qu’il convoite.

Au sein d’une telle socié­té, le trans­sexuel ne fait qu’échanger un sté­réo­type contre un autre, et ren­force ain­si les maillons qui main­tiennent la socié­té sexiste, ce qui exerce une influence fon­da­men­tale sur les aspects du trai­te­ment du trans­sexua­lisme. En effet, dans une telle socié­té, il est désor­mais par­fai­te­ment logique d’adapter le corps du trans­sexuel [ou du trans­genre] à son esprit si son esprit ne peut s’adapter à son corps. »

L’é­di­tion anglaise de 1994 et l’é­di­tion fran­çaise de 2022.

En juin 1979, le psy­chiatre Tho­mas Szasz rédige une chro­nique élo­gieuse du livre de Ray­mond dans une colonne du New York Times : « Le déve­lop­pe­ment et la docu­men­ta­tion de cette thèse par Ray­mond sont sans faille. Son livre est une réa­li­sa­tion impor­tante2. »

Szasz remarque :

« Étant don­né que le “trans­sexua­lisme” implique et est en fait pra­ti­que­ment syno­nyme d’importantes modi­fi­ca­tions chi­rur­gi­cales du corps humain “nor­mal”, on peut se deman­der ce qui arri­ve­rait, par exemple, à un homme qui irait voir un chi­rur­gien ortho­pé­dique, lui dirait qu’il se sent comme un droi­tier pié­gé dans un corps ambi­dextre et lui deman­de­rait de lui cou­per son bras gauche par­fai­te­ment sain ? Que se pas­se­rait-il pour un homme qui irait voir un uro­logue, lui dirait qu’il se sent comme un chré­tien pri­son­nier d’un corps juif et lui deman­de­rait de recou­vrir le gland de son pénis d’un pré­puce (une telle opé­ra­tion est peut-être évo­quée dans 1 Corin­thiens 7:17–18.)

[…] Si un tel désir peut être qua­li­fié de […] “trans­sexuel”, alors la per­sonne âgée qui désire être jeune est “tran­schro­no­lo­gique”, la per­sonne pauvre qui veut être riche est “tran­sé­co­no­mique”, et ain­si de suite. Ces affir­ma­tions hypo­thé­tiques et les demandes de “thé­ra­pie” qui en découlent (ain­si que les réponses cog­ni­tives et médi­cales que nous leur appor­tons) consti­tuent, à mon avis, le contexte dans lequel nos croyances et pra­tiques contem­po­raines concer­nant le “trans­sexua­lisme” et la “thé­ra­pie” trans­sexuelle doivent être envi­sa­gées3. »

En France, la sor­tie de L’Empire trans­sexuel, en 1981, est saluée par une brève chro­nique rédi­gée par la fémi­niste belge Fran­çoise Col­lin, fon­da­trice, en 1973, de la revue fémi­niste fran­co­phone Les Cahiers du GRIF (« Groupe de recherche et d’information fémi­nistes »). Col­lin écrit :

« L’analyse de Janice Ray­mond pro­jette un éclai­rage ori­gi­nal et essen­tiel sur “l’empire trans­sexuel”. Sa thèse va même à l’encontre de l’idée assez habi­tuelle selon laquelle le trans­sexua­lisme mar­que­rait une sorte de pas­sage entre les sexes, sou­li­gnant leur rela­tive indifférenciation.

Janice Ray­mond montre que, bien au contraire, le trans­sexua­lisme, qui est à 90% l’adoption du sexe fémi­nin par les hommes, est pour ceux-ci une manière sup­plé­men­taire de s’approprier la fémi­ni­té. Comme si vou­loir être une femme était la forme limite de vou­loir avoir une ou des femmes, et en quelque sorte prendre leur place, se sub­sti­tuer à elles. En outre, la fémi­ni­té que le trans­sexua­lisme contri­bue à conso­li­der est la fémi­ni­té tra­di­tion­nelle, celle que les hommes ont cultu­rel­le­ment fabri­quée et défi­nie en termes d’ailleurs sché­ma­tiques. La science médi­cale inter­vient ici par le biais des opé­ra­tions pour ren­for­cer les stéréotypes.

Mais ce ne sont là que quelques idées-force du livre qui repose sur une très vaste infor­ma­tion et fait appa­raître de manière sub­tile les divers plans qui inter­fèrent dans la défi­ni­tion du sexe. On trouve ici un regard fémi­niste de plus en plus déve­lop­pé4. »

Deux ans avant la paru­tion de L’Empire trans­sexuel aux États-Unis, en 1977, dans la revue fémi­niste Chry­sa­lis, Janice Ray­mond avait publié un texte inti­tu­lé « Le trans­sexua­lisme ou l’ultime hom­mage au pou­voir du rôle sexuel5 », dans lequel elle esquis­sait à grands traits l’essentiel de son livre à paraître. L’analyse de Ray­mond était pres­ciente à plus d’un égard. Elle remar­quait par exemple :

« Il est impor­tant de noter, cepen­dant, que la “convoi­tise de l’utérus” (womb envy) et “le mater­nage mas­cu­lin” (male mothe­ring), appe­lez-les comme vous vou­lez, sont des réa­li­tés poli­tiques et pas seule­ment des concepts psy­cha­na­ly­tiques. Ain­si, en tant que réa­li­té poli­tique, le trans­sexua­lisme […] tend lui aus­si à arra­cher aux femmes les pou­voirs inhé­rents à la bio­lo­gie fémi­nine. Dans un sens très réel, le trans­sexuel mâle-vers-femelle-fabri­quée ne veut pas seule­ment des capa­ci­tés bio­lo­giques fémi­nines, il veut deve­nir une femme bio­lo­gique. […] Le trans­sexua­lisme est donc l’aboutissement ultime et, pour­rait-on même dire, la conclu­sion logique de la pos­ses­sion des femmes par les hommes dans une socié­té patriar­cale6. »

Ce qui se mani­feste aujourd’hui, entre autres choses, par un nombre crois­sant d’hommes (d’êtres humains mâles adultes) qui se disent femmes (femmes trans), qui prennent des hor­mones de syn­thèse et exigent de pou­voir « allai­ter » leur bébé. Grâce à l’aide de diverses orga­ni­sa­tions médi­cales, cer­tains le font réel­le­ment (pour qu’ils puissent pro­duire du « lait » dont la qua­li­té est, pour le dire avec euphé­misme, dou­teuse, dif­fé­rentes sub­stances leur sont pres­crites, dont cer­taines sont notoi­re­ment néfastes pour la san­té, et donc pour celle du bébé7).

Janice Ray­mond for­mu­lait aus­si cet avertissement :

« Nous devons être très atten­tives aux formes plus sub­tiles de contrôle et de modi­fi­ca­tion du com­por­te­ment qui se mettent en place. Il n’est pas incon­ce­vable que les cli­niques d’identité de genre, au nom de la thé­ra­pie, bien sûr, deviennent des centres poten­tiels de contrôle du rôle sexuel pour les non-trans­sexuels — par exemple pour les enfants dont les parents ont des idées bien arrê­tées sur le type d’enfants mas­cu­lins ou fémi­nins qu’ils veulent8 […]. »

C’est chose faite. Désor­mais, au nom d’une « non-confor­mi­té de genre », ou d’une « incon­gruence » entre leur « genre vécu » et leur « sexe assi­gné » à la nais­sance, on pro­pose à des enfants par­fai­te­ment sains de se médi­ca­li­ser, de suivre un trai­te­ment à base de blo­queurs de puber­té puis d’hormones de syn­thèse de l’autre sexe, et de chi­rur­gies dès la majo­ri­té (voire avant, dès 16 ans par­fois, en France, pour les mam­mec­to­mies). En effet, dans le sys­tème de croyances tran­si­den­ti­taire, on consi­dère que cha­cun des deux types de corps sexués est cen­sé aller de pair avec un type d’« iden­ti­té de genre ». La « tran­si­den­ti­té » cor­res­pond au « fait d’avoir une iden­ti­té de genre qui n’est pas en adé­qua­tion avec le sexe assi­gné à la nais­sance » (Larousse). On parle aus­si d’« incon­gruence de genre », défi­nie comme « une incon­gruence mar­quée et per­sis­tante entre le genre vécu par un indi­vi­du et le sexe qui lui a été assi­gné » (ICD-11). Autre­ment dit, dans l’univers trans, le sexe du corps est cen­sé déter­mi­ner un type de per­son­na­li­té (l’univers trans rejoint en cela l’univers conser­va­teur). Une enfant de sexe fémi­nin qui pré­sente des com­por­te­ments, des pré­fé­rences ou des goûts cultu­rel­le­ment consi­dé­rés comme mas­cu­lins peut être jugée « non-conforme de genre ». Et afin de remé­dier à son « incon­gruence de genre », on peut lui pro­po­ser de confor­mer son corps sexué à son esprit (consi­dé­ré comme appar­te­nant à l’autre sexe, en quelque sorte) au moyen de trai­te­ments médico-chirurgicaux.

Repre­nons. En octobre 1978, quelques mois avant la paru­tion du livre de Janice Ray­mond, Mar­cia Yud­kin, une autre fémi­niste, publie un texte inti­tu­lé « Le trans­sexua­lisme et les femmes : une pers­pec­tive cri­tique9 » dans la prin­ci­pale revue fémi­niste anglo­phone, Femi­nist Stu­dies. Elle y défend à peu près la même pers­pec­tive que Janice Raymond :

« Ce que j’es­saie de mon­trer, c’est que la “condi­tion” du trans­sexua­lisme ne peut exis­ter que s’il existe une concep­tion com­mune ren­voyant à l’idée d’“agir comme une fille” ou d’“agir comme une femme”, accep­té sans esprit cri­tique par le sujet et par la socié­té qui l’en­toure. Le phé­no­mène ne peut être détec­té et décrit que s’il existe une iden­ti­té sociale “fille/femme” main­te­nue dis­tincte de l’i­den­ti­té sociale “garçon/homme” et jugée incom­pa­tible avec une iden­ti­té bio­lo­gique mâle. Mal­heu­reu­se­ment, les auto­ri­tés sont aveugles à cette dimen­sion du pro­blème, que j’ap­pel­le­rais avec Janice Ray­mond la dimen­sion poli­tique du problème. »

La conclu­sion de son article, for­mu­lée sous forme de ques­tion, appe­lait à une abo­li­tion des normes sociales res­tric­tives qui consti­tuent un des fac­teurs cau­saux du trans­sexua­lisme (ou du transgenrisme) :

« Existe-t-il une alter­na­tive à notre sys­tème actuel qui consiste à enre­gis­trer un sexe bio­lo­gique à la nais­sance, à socia­li­ser la per­sonne dans le rôle cen­sé aller de pair avec ce sexe, à attendre d’elle qu’elle déve­loppe une iden­ti­té de genre congruente et, comme nous le fai­sons actuel­le­ment, à pro­po­ser la mesure d’urgence que consti­tue la chi­rur­gie trans­sexuelle lorsque le pro­ces­sus échoue désespérément ? »

Quelques mois aupa­ra­vant, en février 1977, la fémi­niste et jour­na­liste Glo­ria Stei­nem, aujourd’hui mon­dia­le­ment célèbre, publiait, dans son maga­zine Ms., un article inti­tu­lé « Si la chaus­sure ne convient pas, chan­gez le pied10 », dans lequel elle dénon­çait la « direc­tion anti­fé­mi­niste » du phé­no­mène transsexuel :

« Quelle que soit la diver­si­té de leurs ori­gines et de leurs per­son­na­li­tés, qu’ils aient fait le voyage homme-vers-femme ou vice ver­sa, un thème com­mun sous-ten­dait les expli­ca­tions de leur choix radi­cal : la convic­tion écra­sante et per­ma­nente que leur propre per­son­na­li­té avait été empri­son­née et inhi­bée par l’identité sexuelle de leur nais­sance. Leur désir de liber­té était si grand qu’ils allaient jusqu’à subir des muti­la­tions chi­rur­gi­cales pour obte­nir des rôles sociaux cor­res­pon­dant à leur personnalité.

Tout cela avait ren­for­cé ma convic­tion selon laquelle le trans­sexua­lisme repré­sente peut-être le témoi­gnage le plus fervent et le plus radi­cal du pou­voir des rôles sexuels dans ce sys­tème poli­tique qu’est le patriar­cat. Après tout, quel plus grand hom­mage pour­rait-on rendre à l’idée que les dif­fé­rences géni­tales doivent dic­ter nos vies et nos ave­nirs ? Si notre huma­ni­té était réel­le­ment un ter­rain com­mun et par­ta­gé, les rôles sexuels seraient-ils des pri­sons telles que cer­taines per­sonnes se sentent obli­gées de se muti­ler pour libé­rer leur personnalité ? »

Le numé­ro de Ms. en question.

Comme elle le rele­vait encore, « pour les indi­vi­dus socia­le­ment contraints de mettre leur vie en dan­ger, voire de ris­quer de deve­nir des objets d’exposition bizarres pour l’autojustification d’une culture obsé­dée par le genre », les trai­te­ments médi­caux ne sont « qu’un moyen de trai­ter chi­rur­gi­ca­le­ment la non-confor­mi­té » aux rôles et aux sté­réo­types que la socié­té patriar­cale assigne à chaque sexe. En fin de compte, ajou­tait-elle ensuite, « les fémi­nistes devraient peut-être consi­dé­rer l’essor et la célé­bra­tion [du phé­no­mène trans­sexuel] comme une par­tie du retour de bâton que subit la révo­lu­tion féministe ».

Dans un livre publié en 1980, inti­tu­lé The Double Stan­dard (« Le double stan­dard », jamais tra­duit), Mar­grit Eichler (1942–2021), une socio­logue et fémi­niste d’origine alle­mande, qui occu­pe­ra par la suite d’importantes posi­tions uni­ver­si­taires au Cana­da11, remarque :

« que les patients trans­sexuels ont une image trop étroite de ce qui consti­tue un com­por­te­ment “conforme à leur sexe” (sex appro­priate), ce qui se reflète dans les atti­tudes des cli­ni­ciens trai­tants (psy­cho­logues, thé­ra­peutes et méde­cins) et de la famille d’origine du patient. Si les notions de mas­cu­li­ni­té et de fémi­ni­té étaient moins rigides, les opé­ra­tions de chan­ge­ment de sexe ne seraient pas néces­saires. Plu­tôt que d’identifier comme malade une per­sonne ayant un “pro­blème d’identité de genre”, nous pour­rions défi­nir comme malade une socié­té qui insiste pour éle­ver les gar­çons et les filles d’une manière clai­re­ment dif­fé­ren­ciée. Ce qui devrait être trai­té comme une patho­lo­gie sociale est trai­té comme nor­mal. Et lorsque [ce pro­blème d’origine sociale] se mani­feste chez des indi­vi­dus, on le traite comme une patho­lo­gie indi­vi­duelle à “cor­ri­ger”, au lieu de ten­ter de com­battre le pro­blème à sa racine : la défi­ni­tion oppres­sive […] de rôles appro­priés pour chaque sexe12 […]. »

Eichler relève que dans les récits des trans­sexuels (on dirait aujourd’hui des per­sonnes trans), l’on est frap­pée par une « dis­tinc­tion très rigide et très nette qui est faite entre les attri­buts dits fémi­nins et mas­cu­lins et, plus signi­fi­ca­ti­ve­ment, par leur per­cep­tion selon laquelle il est inap­pro­prié d’adopter des com­por­te­ments qui sont consi­dé­rés comme conve­nant à l’autre sexe ».

En conclu­sion :

« Le patient et le méde­cin ren­forcent ain­si conjoin­te­ment l’idée que le com­por­te­ment et les traits de carac­tère sont légi­ti­me­ment déter­mi­nés par le corps, en dépit des preuves qui sug­gèrent que notre iden­ti­té sexuelle est impo­sée à une struc­ture de carac­tère lar­ge­ment ou entiè­re­ment indif­fé­ren­ciée sur le plan sexuel et que, par consé­quent, l’identité sexuelle est un pro­duit social plu­tôt que biologique.

La jus­ti­fi­ca­tion de la chi­rur­gie de réas­si­gna­tion sexuelle semble repo­ser sur une logique cir­cu­laire qui va comme suit. Le sexe déter­mine le carac­tère. C’est natu­rel. Par consé­quent, les cas où le sexe bio­lo­gique n’aboutit pas aux iden­ti­tés sexuelles atten­dues sont contre nature. Par consé­quent, nous devons chan­ger le sexe bio­lo­gique (c’est-à-dire la nature) afin de main­te­nir le prin­cipe selon lequel le sexe bio­lo­gique déter­mine le carac­tère d’une personne.

Les trans­sexuels sont des per­sonnes qui souffrent si pro­fon­dé­ment de la struc­ture sexuelle qu’elles sont prêtes à endu­rer de ter­ribles dou­leurs et une lourde soli­tude afin d’alléger leur peine. Ces per­sonnes pour­raient être les plus déter­mi­nées à faire pres­sion en faveur d’une modi­fi­ca­tion de la struc­ture sexuelle, parce que leur aver­sion pour les rôles “sexuel­le­ment appro­priés” est appa­rem­ment insur­mon­table. En les décla­rant, par décret chi­rur­gi­cal, membres de l’autre sexe, ce poten­tiel de chan­ge­ment est détour­né et devient aus­si conser­va­teur qu’il aurait pu être révolutionnaire. »

Jusqu’ici, je n’ai cité que des femmes défen­dant une cri­tique fémi­niste du phé­no­mène trans (qui, à l’époque, cor­res­pon­dait au trans­sexua­lisme). Mais à l’instar de Tho­mas Szasz, men­tion­né plus haut pour sa recen­sion parue en 1979 dans le New York Times du livre L’Empire trans­sexuel de Janice Ray­mond, des hommes aus­si le dénon­çaient. En février 1982, dans une revue socio­lo­gique, deux socia­listes, Dwight B. Billings et Tho­mas Urban, res­pec­ti­ve­ment de l’université du Ken­tu­cky et de Yale, publient une cri­tique anti­ca­pi­ta­liste et anti­sexiste (pro­fé­mi­niste) du trans­sexua­lisme sous la forme d’un essai inti­tu­lé « La construc­tion socio­mé­di­cale du trans­sexua­lisme : Une inter­pré­ta­tion et une cri­tique13 ». Les deux auteurs y démontrent « que le trans­sexua­lisme est une réa­li­té socia­le­ment construite qui n’existe que dans et par la pra­tique médi­cale. En outre, nous sou­te­nons que la chi­rur­gie de chan­ge­ment de sexe reflète et étend les logiques de réi­fi­ca­tion et de mar­chan­di­sa­tion du capi­ta­lisme tar­dif, tout en réaf­fir­mant simul­ta­né­ment les rôles tra­di­tion­nels de l’homme et de la femme. » Ils affirment qu’en « offrant un rite de pas­sage entre les iden­ti­tés sexuelles, la chi­rur­gie de chan­ge­ment de sexe réaf­firme impli­ci­te­ment les rôles mas­cu­lins et fémi­nins tra­di­tion­nels. Mal­gré le témoi­gnage muet de patients confus et ambi­va­lents sur l’éventail des expé­riences de genre, les indi­vi­dus qui ne peuvent ou ne veulent pas se confor­mer aux rôles sexuels qui leur ont été attri­bués à la nais­sance sont tailla­dés sur la table d’opération afin d’être accueillis dans le rôle du sexe oppo­sé. » C’est pour­quoi, concluent-ils, « en sub­sti­tuant la ter­mi­no­lo­gie médi­cale au dis­cours poli­tique, la pro­fes­sion médi­cale a indi­rec­te­ment domp­té et trans­for­mé une grève sau­vage poten­tielle à l’usine du genre ».

En 1984, la phi­lo­sophe et fémi­niste radi­cale les­bienne états-unienne Mary Daly, qui ensei­gna long­temps à l’université de Bos­ton, publie un livre inti­tu­lé Pure Lust : Ele­men­tal Femi­nist Phi­lo­so­phy (« Pure convoi­tise : phi­lo­so­phie fémi­niste élé­men­taire », non tra­duit), dans lequel elle défend la pers­pec­tive de Janice Ray­mond. Daly raille la pro­pa­gande absurde et sexiste qui cherche à nous faire croire « qu’une “vraie femme” » pour­rait se cacher « der­rière les appa­rences d’un corps mâle14 ».

En 1991, dans une com­pi­la­tion d’essais écrits par de mul­tiples auteur∙es, inti­tu­lée Body Guards : The Cultu­ral Poli­tics of Gen­der Ambi­gui­ty, l’anthropologue Judith Sha­pi­ro dis­cute de la « capa­ci­té des sys­tèmes tra­di­tion­nels de genre à absor­ber, voire à exi­ger, des formes de croi­se­ment de genre telles que le trans­sexua­lisme15 », en exa­mi­nant briè­ve­ment, en plus du trans­sexua­lisme euro-amé­ri­cain, le cas des ber­daches amé­rin­diens et des xaniths du sul­ta­nat d’Oman. Sha­pi­ro remarque que :

« De nom­breux trans­sexuels sont en fait “plus roya­listes que le roi” en matière de genre. Le socio­logue Tho­mas Kan­do, qui a tra­vaillé avec un groupe de trans­sexuels ayant subi une opé­ra­tion de chan­ge­ment de sexe à l’université du Min­ne­so­ta en 1968–1969, a rap­por­té des résul­tats de tests et de ques­tion­naires mon­trant que les trans­sexuels étaient plus conser­va­teurs que les hommes et les femmes (ou, pour être pré­cis, que les hommes et les femmes non trans­sexuels) en ce qui concerne les normes rela­tives aux rôles sexuels, les femmes étant les moins conser­va­trices. Les trans­sexuels hommes-vers-femmes ont obte­nu des résul­tats plus éle­vés en matière de fémi­ni­té que les femmes. La plu­part des trans­sexuels de l’échantillon de Kan­do occu­paient des emplois fémi­nins sté­réo­ty­pés et sem­blaient, en moyenne, mieux adap­tés au rôle fémi­nin que les femmes. Comme l’a noté Kan­do, “[les trans­sexuels] sont, dans nombre de leurs acti­vi­tés quo­ti­diennes, de leurs atti­tudes, de leurs habi­tudes et de leurs accents, ce que notre culture attend des femmes, et plus encore” (Kan­do 1973). »

Ain­si : « Le conser­va­tisme des trans­sexuels est encou­ra­gé et ren­for­cé par le corps médi­cal dont ils dépendent pour leur thé­ra­pie. Le conser­va­tisme des méde­cins est à son tour ren­for­cé par leur besoin de se sen­tir jus­ti­fiés d’entreprendre une pro­cé­dure aus­si impor­tante qu’une opé­ra­tion de chan­ge­ment de sexe. »

Sha­pi­ro cite un autre com­men­taire de Tho­mas Kan­do n’ayant rien per­du de sa justesse :

« Contrai­re­ment à divers groupes libé­rés, les trans­sexuels sont réac­tion­naires, se rap­pro­chant de la culture tra­di­tion­nelle au lieu de s’en éloi­gner. Ils sont les Oncle Tom de la révo­lu­tion sexuelle. Avec ces indi­vi­dus, la dia­lec­tique du chan­ge­ment social accom­plit un cycle com­plet et la posi­tion de la plus grande déviance devient celle de la plus grande confor­mi­té. (Kan­do 1973 : 145) »

C’est pour­quoi, observe Shapiro :

« Bien que l’analogie ne puisse être pous­sée trop loin, trai­ter les ques­tions de genre par le biais de la chi­rur­gie de chan­ge­ment de sexe revient un peu à se tour­ner vers les der­ma­to­logues pour résoudre le pro­blème de la race. »

En novembre 1993, dans un article publié dans le numé­ro 10 de la revue fémi­niste Off Our Backs (« Lâchez nous la grappe »), une fémi­niste les­bienne, Beth Walsh-Bol­stad, se demande :

« Pou­vez-vous défi­nir ce qu’est une femme ? Vous devrez peut-être y réflé­chir un jour, car des hommes tentent d’accéder à la com­mu­nau­té les­bienne en pré­ten­dant qu’ils sont des femmes. Pour ma part, je refuse de répondre à cette ques­tion. Les hommes ne sont pas les bien­ve­nus dans l’espace les­bien. Un point c’est tout. On a tou­jours atten­du des femmes qu’elles acceptent une défi­ni­tion mas­cu­line de la femme. Et main­te­nant, on nous dit que nous devons faire un pas de plus et croire que les hommes peuvent deve­nir des femmes et des les­biennes, qu’une femme peut être construite chi­rur­gi­ca­le­ment. Sommes-nous à l’âge de Fran­ken­stein du genre ?

[…] Bien que notre socié­té soit à blâ­mer pour le phé­no­mène de la trans­sexua­li­té en rai­son du manque total de flexi­bi­li­té dans les rôles des femmes et des hommes, et des types d’expression rigi­de­ment contrô­lés auto­ri­sés pour une femme ou un homme, cela ne signi­fie pas que la com­mu­nau­té les­bienne devrait être obli­gée de s’ouvrir aux hommes cas­trés ou à tous les hommes qui pré­tendent être des “femmes pié­gées dans des corps d’hommes”. Une femme n’est pas la somme de plu­sieurs mor­ceaux, elle est une uni­té spi­ri­tuelle et phy­sique, entière et inimi­table16. »

En jan­vier 1994, dans la même revue, un article de la fémi­niste les­bienne Clau­dine O’Leary dénonce pareille­ment la volon­té d’imposer des hommes (qui se disent femme) dans les espaces les­biens17.

En 1995, Ber­nice L. Haus­man, diplô­mée en lit­té­ra­ture et en études fémi­nistes de l’université de Yale et de l’université de l’Iowa, publie un excellent livre inti­tu­lé Chan­ging Sex : Trans­sexua­lism, Tech­no­lo­gy, and the Idea of Gen­der (« Chan­ger de sexe : le trans­sexua­lisme, la tech­no­lo­gie et l’idée de genre »), qui n’a mal­heu­reu­se­ment jamais été tra­duit. Elle y montre com­ment « l’évolution de la tech­no­lo­gie et des pra­tiques médi­cales a joué un rôle cen­tral dans la mise en place des condi­tions néces­saires à l’émergence de la demande de chan­ge­ment de sexe, consi­dé­rée comme l’indicateur le plus impor­tant de la sub­jec­ti­vi­té trans­sexuelle », et y expose « le biais hété­ro­sexiste » qui sous-tend « les construc­tions médi­cales de l’intersexualité et du trans­sexua­lisme18 », en rejoi­gnant sur ce point les thèses de Janice Raymond.

Dans un article inti­tu­lé « Le mili­tan­tisme trans­genre : une pers­pec­tive de fémi­niste les­bienne », publié en 1997 dans une revue les­bienne (Jour­nal of Les­bian Stu­dies), la fémi­niste et poli­to­logue bri­tan­nique Shei­la Jef­freys, sous­cri­vant aux thèses de Janice Ray­mond, écrit :

« Le trans­sexua­lisme, dans cette ana­lyse, est pro­fon­dé­ment réac­tion­naire, une façon d’empêcher la per­tur­ba­tion et l’élimination des rôles de genre qui est à la base du pro­jet fémi­niste. Le trans­sexua­lisme s’oppose au fémi­nisme en main­te­nant et en ren­for­çant des notions fausses et socia­le­ment construites de la fémi­ni­té et de la mas­cu­li­ni­té. La grande majo­ri­té des trans­sexuels adhèrent encore au sté­réo­type tra­di­tion­nel de la femme et cherchent à deve­nir de “vraies” femmes fémi­nines. Le conser­va­tisme de leur concep­tion de la fémi­ni­té et de celle du corps médi­cal res­sort clai­re­ment de leurs bio­gra­phies. […] Un pilote de course s’est ren­du compte qu’il ne pou­vait plus bien conduire une fois qu’il était deve­nu une “femme”. Un jour­na­liste du Times a consta­té qu’il n’accordait plus d’importance qu’aux petites choses de la vie et qu’il avait déve­lop­pé une intui­tion fémi­nine. Ce qui dérange les fémi­nistes dans ce phé­no­mène, c’est que les hommes construisent un fan­tasme conser­va­teur de ce que les femmes devraient être. Ils inventent une essence de la fémi­ni­té pro­fon­dé­ment insul­tante et res­tric­tive19. »

Dans un livre ini­tia­le­ment publié, en anglais, en 1999, et tra­duit en fran­çais en 2002 sous le titre La Femme entière, la fémi­niste et uni­ver­si­taire aus­tra­lienne Ger­maine Greer, consi­dé­rée comme une des prin­ci­pales voix du fémi­nisme de la deuxième vague, affirme que « les femmes ne peuvent que com­pa­tir avec les trans­sexuels ». Cepen­dant, conti­nue-t-elle immédiatement :

« une fémi­niste se doit d’ajouter que la gué­ri­son ne peut pas­ser par une muti­la­tion de l’individu en ques­tion, mais par un chan­ge­ment radi­cal de son rôle sexuel. Tout au long de l’histoire, les femmes qui ne pou­vaient assu­mer le rôle qui leur était pres­crit ont été vic­times de mul­tiples inter­ven­tions gyné­co­lo­giques abo­mi­nables et, comme les trans­sexuels, elles ont éprou­vé de la recon­nais­sance à l’égard de leurs bour­reaux. Les femmes peuvent dif­fi­ci­le­ment fer­mer les yeux sur les muti­la­tions sexuelles pra­ti­quées sur les indi­vi­dus des deux sexes, même si les vic­times affirment qu’elles sont en droit de les récla­mer. La chi­rur­gie est, en ce domaine, pro­fon­dé­ment conser­va­trice. En effet, elle ren­force une divi­sion sexuelle tran­chée en façon­nant les indi­vi­dus pour qu’ils s’adaptent à ces rôles res­pec­tifs20. »

Comme vous pou­vez le consta­ter au tra­vers de cette brève généa­lo­gie – loin d’être exhaus­tive – de la cri­tique du phé­no­mène trans, celle-ci pro­vient, avant tout, du milieu fémi­niste, notam­ment du fémi­nisme radi­cal, mais aus­si du milieu socia­liste. Ce n’est qu’après les années 2010 que l’extrême droite, 40 ans après les fémi­nistes, s’empare du sujet en en pro­dui­sant une cri­tique moi­sie, com­po­sée d’arguments rai­son­nables et d’idées rétro­grades et sexistes. Car si les mili­tants d’extrême droite com­prennent l’absurdité qu’il y a à vou­loir redé­fi­nir n’importe com­ment les termes « femme », « homme », « fille » et « gar­çon », par exemple en leur confé­rant des signi­fi­ca­tions tau­to­lo­giques (du type « une femme, c’est toute per­sonne qui se dit femme »), ils tendent cepen­dant à fon­der leur oppo­si­tion au phé­no­mène trans sur une vision oppo­sée à celle des fémi­nistes radi­cales. Tan­dis que ces der­nières affirment que les femmes devraient être libres d’avoir les goûts, les pré­fé­rences et les acti­vi­tés qu’elles sou­haitent, qu’elles ne devraient pas avoir à se dire « homme trans » pour ces­ser de se confor­mer à la « fémi­ni­té », les tra­di­tion­na­listes d’extrême droite sou­tiennent, en gros, qu’une per­sonne de sexe fémi­nin devrait être fémi­nine et une per­sonne de sexe mas­cu­lin mas­cu­line, et que les per­sonnes qui dési­rent « chan­ger de sexe » ou « tran­si­tion­ner » ne sont que des tarées. Tan­dis que les fémi­nistes radi­cales sou­haitent l’abolition du « genre », au sens des sté­réo­types, des attri­buts et des rôles sociaux assi­gnés par la socié­té patriar­cale à cha­cun des deux sexes, les mili­tants d’extrême droite prennent au contraire la défense du genre.

Tout ceci est à dire que lorsque des mili­tants de gauche affirment que la cri­tique du phé­no­mène trans pro­vient de l’extrême droite, ils mentent. Lorsque des mili­tants de gauche affirment qu’il n’existe qu’un seul type de cri­tique du phé­no­mène trans, ils mentent. Lorsqu’ils assi­milent la cri­tique fémi­niste du phé­no­mène trans à une cri­tique d’extrême droite, ils mentent. En effa­çant ou en tra­ves­tis­sant la cri­tique du phé­no­mène trans que portent les fémi­nistes, en allant jusqu’à l’assimiler plei­ne­ment à la cri­tique de l’extrême droite, les mili­tants tran­si­den­ti­taires ont réus­si à convaincre la gauche d’embrasser une idéo­lo­gie réac­tion­naire, miso­gyne, sexiste et qui s’en prend désor­mais à des enfants (à la dif­fé­rence de ce qu’il se pas­sait dans les années 1980).

La situation présente

Il me semble impor­tant de noter que si un cer­tain nombre de femmes fémi­nistes qui dénon­çaient ouver­te­ment le sexisme du phé­no­mène trans dans les années 1980 et 1990 ont ces­sé de le faire, ce n’est pas – en tout cas pas vrai­ment – en rai­son d’un chan­ge­ment d’avis. Il y a envi­ron deux ans, après avoir lu le très bon livre de Ber­nice Haus­man sus­men­tion­né, j’ai vou­lu l’interviewer. J’ai réus­si à trou­ver son contact et je lui ai pro­po­sé un entre­tien, qu’elle a accep­té. Avant de se ravi­ser. Par crainte, il me semble, des consé­quences qu’impliquerait pour elle le fait de s’exprimer aujourd’hui, publi­que­ment, sur le sujet. Les condi­tions sociales ont chan­gé. Désor­mais, les femmes qui osent publi­que­ment for­mu­ler une cri­tique du phé­no­mène trans sont har­ce­lées, vili­pen­dées, insul­tées, inju­riées, calom­niées, par­fois phy­si­que­ment agres­sées, et voient même leur emploi mena­cé (des mili­tants tran­si­den­ti­taires n’hésitent pas à faire pres­sion sur les employeurs pour qu’ils licen­cient leurs employées sup­po­sé­ment « TERF » ; plu­sieurs femmes ont déjà per­du leur emploi de cette manière). Le ter­ro­risme – il faut bien appe­ler un chat un chat – moral et éco­no­mique qu’exercent les mili­tants trans porte ses fruits21.

Heu­reu­se­ment, cer­taines conti­nuent de dénon­cer publi­que­ment le sexisme, l’absurdité et la toxi­ci­té géné­rale du phé­no­mène trans. Comme Shei­la Jef­freys, qui a publié deux ouvrages trai­tant (seule­ment en par­tie, pour le second) du sujet : Gen­der Hurts : A Femi­nist Ana­ly­sis Of The Poli­tics Of Trans­gen­de­rism (soit « Les ravages du genre : Une ana­lyse fémi­niste de la poli­tique du trans­gen­risme ») en 2014, et Penile Impe­ria­lism : The Male Sex Right and Women’s Subor­di­na­tion (soit « L’impérialisme pénien : le droit au sexe mas­cu­lin et la subor­di­na­tion des femmes ») en 2022, dont j’ai tra­duit l’introduction. Et comme Janice Ray­mond, qui, en 2021, soit près de qua­rante ans après L’Empire trans­sexuel, a sor­ti un second ouvrage cri­tique du phé­no­mène trans, inti­tu­lé Dou­ble­think : A Femi­nist Chal­lenge to Trans­gen­de­rism (« Dou­ble­pen­sée : une cri­tique fémi­niste du trans­gen­risme »), dont j’ai aus­si tra­duit un extrait.

Entre-temps, d’autres femmes fémi­nistes se sont jointes à elles. Au Royaume-Uni, la phi­lo­sophe éco­so­cia­liste bri­tan­nique Jane Clare Jones a pro­duit ce qui consti­tue peut-être la cri­tique la plus méti­cu­leuse, la mieux arti­cu­lée et la plus per­ti­nente du phé­no­mène trans22. Jones constate par exemple que :

« Comme les approches conser­va­trices, l’idéologie trans accepte fon­da­men­ta­le­ment les équa­tions mâle/homme = mas­cu­lin et femelle/femme = fémi­nin. Sim­ple­ment, elle inverse le sens de la cau­sa­li­té. Tan­dis que le conser­va­tisme pense que les hommes doivent être mas­cu­lins et les femmes fémi­nines, l’idéologie trans pense que les per­sonnes mas­cu­lines doivent être des hommes, que les per­sonnes fémi­nines doivent être des femmes et que les per­sonnes qui sont à la fois l’un et l’autre, ce qui est le cas de la plu­part des gens, ne sont ni des hommes ni des femmes et ne sont donc pas sexuées23. »

Ce qui, on en convient, est for­mi­da­ble­ment absurde. Au Royaume-Uni tou­jours, outre Jones, un cer­tain nombre de fémi­nistes expriment publi­que­ment leur oppo­si­tion au mou­ve­ment trans, par­mi les­quelles Karen Inga­la Smith, qui dirige une orga­ni­sa­tion cari­ta­tive lut­tant contre la vio­lence domes­tique et sexuelle, basée à Londres (Royaume-Uni), Rose­ma­ry Clare Duf­field (Rosie Duf­field), une poli­ti­cienne, membre du Labour Par­ty jusqu’en sep­tembre 2024, Kath­leen Stock ou encore Julie Bindel.

Un assez bon livre de Kath­leen Stock sur le phé­no­mène trans, paru en 2021 en langue ori­gi­nale, est sor­ti cette année aux édi­tions H&O

En Suède, la fémi­niste mar­xiste et jour­na­liste Kaj­sa Ekis Ekman, connue pour son oppo­si­tion à la pros­ti­tu­tion et à la GPA24, a publié en 2020 un livre-enquête inti­tu­lé On the Mea­ning of Sex : Thoughts about the New Defi­ni­tion of Woman (« Sur le sens du sexe : Réflexions sur la nou­velle défi­ni­tion du mot femme ») dans laquelle elle pro­pose une très bonne cri­tique du phé­no­mène trans. Ekman remarque par exemple qu’avec le transgenrisme :

« Les rôles de genre font leur retour sans que nous l’ayons remar­qué ! C’est sim­ple­ment que sexe et genre ont été inter­ver­tis. Le genre est désor­mais consi­dé­ré comme réel tan­dis que le sexe se voit consi­dé­ré comme une construc­tion sociale. Le sexe est dit “assi­gné” à la nais­sance, c’est-à-dire qu’il est consi­dé­ré comme une construc­tion sociale que la socié­té impose de force à l’enfant. L’identité de genre, en revanche, est dite innée. Il s’agit d’essentialisme du genre : le genre comme une essence indé­pen­dante du corps.

Le genre n’est pas du tout dis­sous, contrai­re­ment à ce que nous pen­sions au départ. En fait, c’est exac­te­ment le contraire. Le genre règne en maître, ayant vain­cu le sexe, et il repose tou­jours sur les mêmes vieux sté­réo­types. On assiste à une sorte de refonte idéo­lo­gique. La théo­rie de l’identité de genre emprunte des termes fon­da­men­taux au fémi­nisme, mais leur attri­bue des signi­fi­ca­tions oppo­sées. L’expression “construc­tion sociale” est conser­vée, fai­sant ain­si allé­geance à la théo­rie fémi­niste, ain­si que l’expression sexe bio­lo­gique, qui dési­gnait ce qui est fixe, immuable — mais ces deux expres­sions ont été per­mu­tées. Désor­mais, les rôles de genre consti­tuent le vrai sexe. Être une femme n’est plus syno­nyme d’utérus, mais de rubans roses et de pou­pées. Être un homme n’est plus syno­nyme d’avoir un pénis mais de guerre et de machines. Et, ces rôles de genre, nous dit-on, sont innés25. »

En France, la fémi­niste liber­taire Vani­na a récem­ment pris posi­tion sur le sujet en publiant un livre inti­tu­lé Les Leurres post­mo­dernes contre la réa­li­té sociale des femmes (Acra­tie, 2023), dans lequel elle cri­tique le phé­no­mène trans.

La même année, l’his­to­rienne fémi­niste Marie-Jo Bon­net, cofon­da­trice du Front homo­sexuel d’ac­tion révo­lu­tion­naire (FHAR) et des Gouines rouges, et Nicole Athea, gyné­co­logue endo­cri­no­logue, ancienne interne et ancienne cheffe des Hôpi­taux de Paris, ont publié Quand les filles deviennent des gar­çons chez Odile Jacob. Elles y exposent le fait que ce sont désor­mais en majo­ri­té des filles qui demandent à « tran­si­tion­ner », et non des gar­çons, et montrent que cette demande s’ex­plique notam­ment par un désir de fuir la condi­tion déplo­rable des filles et des femmes dans la socié­té contem­po­raine ain­si que par une homo­pho­bie intériorisée.

En 2023 tou­jours, Audrey A. et moi-même avons publié Né(e)s dans la mau­vaise socié­té : Notes pour une cri­tique fémi­niste et socia­liste du phé­no­mène trans.

Mais à la dif­fé­rence de ce qu’il se passe au Royaume-Uni, si, en France, des fémi­nistes et des militant∙es de gauche béné­fi­ciant d’une faible noto­rié­té expriment leur oppo­si­tion au phé­no­mène trans, aucune des fémi­nistes les plus renom­mées n’en a for­mu­lé la moindre cri­tique. Au contraire, toutes semblent y adhé­rer et le défendre plus ou moins vigoureusement.

En Espagne, l’opposition fémi­niste et socia­liste au mou­ve­ment trans est pos­si­ble­ment encore plus forte qu’au Royaume-Uni. Un cer­tain nombre de fémi­nistes socia­listes s’opposent ouver­te­ment aux reven­di­ca­tions tran­si­den­ti­taires, par­mi les­quelles Ángeles Álva­rez, qui avait été l’une des forces motrices du Pacte d’État contre la vio­lence sexiste lorsqu’elle était dépu­tée du PSOE (Par­ti socia­liste ouvrier espa­gnol)26, l’au­trice Lau­ra Freixas, l’anthropologue Sil­via Car­ras­co, pro­fes­seure à l’université auto­nome de Bar­ce­lone, la fémi­niste his­to­rique du par­ti socia­liste espa­gnol et ex membre du conseil d’État espa­gnol Ame­lia Valcár­cel, ou encore la psy­cho­logue juri­dique et médi­co-légal Lau­ra Redondo.

La fémi­niste mar­xiste et anti­fas­ciste Lidia Falcón, qui fut arrê­tée, empri­son­née et tor­tu­rée par la police fran­quiste dans les années 1970 et qui fon­da, en 1979, le Par­ti fémi­niste d’Espagne, dont elle est actuel­le­ment secré­taire-géné­rale, consi­dère elle aus­si le déploie­ment des idées trans comme une « nou­velle stra­té­gie du patriar­cat visant à divi­ser le mou­ve­ment fémi­niste, le ridi­cu­li­ser et le rendre sté­rile27 ». Plus lar­ge­ment, et à l’instar de presque toutes les fémi­nistes qui dénoncent le phé­no­mène trans, Falcón cri­tique l’ensemble du mou­ve­ment et des idées « queer », qui se sont impo­sées dans toute une par­tie de la gauche, y com­pris dans les milieux fémi­nistes, et qui pro­meuvent des choses ter­ri­ble­ment nui­sibles pour les femmes – notam­ment pour les femmes pauvres – et pour la socié­té dans son ensemble, comme la pros­ti­tu­tion, la por­no­gra­phie et la GPA.

Ali­cia Miyares Fernán­dez, une autre fémi­niste espa­gnole, pro­fes­seure de phi­lo­so­phie, autrice du mani­feste du Tren de la Liber­tad (« Train de la liber­té »), une cam­pagne de défense des droits sexuels et repro­duc­tifs des femmes qui a mobi­li­sés des dizaines de mil­liers de per­sonnes en 2014, en oppo­si­tion à un pro­jet de res­tric­tion de l’accès à l’avortement conçu fin 2013 par le gou­ver­ne­ment espa­gnol, alors diri­gé par des conser­va­teurs, Ali­cia Miyares, donc, remarque éga­le­ment que « l’agenda trans est radi­ca­le­ment contraire à l’agenda fémi­niste28 ».

L’autrice his­pa­no-maro­caine Najat El Hach­mi a elle aus­si dénon­cé le phé­no­mène trans et ses exi­gences séman­tiques absurdes, par exemple sa volon­té d’imposer l’idée selon laquelle « une femme est toute per­sonne qui se sent femme29 ». Dans un texte paru dans le quo­ti­dien espa­gnol El País le 19 mai 2023, Najat El Hach­mi pro­pose de « céder le genre » aux « hommes qui se pré­tendent femmes » :

« Je laisse volon­tiers aux hommes qui se pré­tendent femmes tout ce qu’ils asso­cient à la fémi­ni­té : le poi­son du maquillage et la tor­ture des talons hauts, les vête­ments étouf­fants, les sou­tiens-gorge qui s’enfoncent dans la chair, les strings qui déchirent la peau, la cire chaude et les poils arra­chés à la racine, les aiguilles et le scal­pel, les pro­duits injec­tables de com­ble­ment et les exten­sions de che­veux, les pro­thèses et les articles rem­bour­rés, les che­veux longs et les tein­tures, les fers à lis­ser, les sèche-che­veux et les recourbe-cils, les gestes déli­cats, les jambes croi­sées et les poses de créa­tures fri­voles et super­fi­cielles, naïves et idiotes, les contor­sions et les déhan­chés, la fai­blesse phy­sique et le manque de com­pé­tences manuelles, le fait de ne pas savoir conduire ou se ser­vir d’une per­ceuse. Je leur lègue la dépen­dance et l’hystérie, le manque de contrôle émo­tion­nel ou la per­fi­die innée, l’incarnation du mal et la séduc­tion trom­peuse, le devoir de beau­té et de dis­cré­tion, le bon carac­tère et le sou­rire de rigueur. Den­telle, tulle, paillettes, doci­li­té et man­sué­tude ser­vile : je leur remets tout cela volontiers.

Bien sûr, il fau­drait aus­si qu’ils fassent le ménage et la cui­sine gra­tui­te­ment, qu’ils changent les couches et pré­parent les repas des bébés, qu’ils mettent au monde des enfants les uns après les autres, qu’ils servent leur mari, qu’ils s’occupent des per­sonnes âgées et des han­di­ca­pés, qu’ils effec­tuent les tâches les plus ingrates pour des salaires de misère, qu’ils ne cotisent pas et se retrouvent avec une retraite de merde. Être mariée dès l’enfance, être enfer­mée à la mai­son à vie, être cou­verte de la tête aux pieds, être muti­lée pour ne jamais avoir d’orgasme, être vio­lée chaque nuit par un incon­nu, par­ta­ger son mari avec d’autres femmes, être engros­sée puis se faire voler ses enfants, être péné­trée chaque jour par des dizaines d’inconnus, être exhi­bée dans des vidéos où l’on vous agresse, vous crache des­sus et vous humi­lie. Tra­vailler comme une esclave dans n’importe quelle maqui­la­do­ra ou être la pre­mière vic­time de la guerre. Man­ger moins par­tout et être déshé­ri­tée par la loi. Être moins pro­mue sur le plan aca­dé­mique et pro­fes­sion­nel. Tout cela, voi­là ce qu’est le “genre” qu’ils défendent aujourd’hui comme leur iden­ti­té. Ce qui nous a été impo­sé depuis notre enfance pour faire de nous des sous-hommes, une caté­go­rie pri­vée du niveau de digni­té que les hommes ont gar­dé pour eux, le dense maillage des attri­buts uti­li­sés pour nous asser­vir. Si, désor­mais, ils sou­haitent incar­ner la fémi­ni­té qu’ils ont inven­tée, qu’ils le fassent, qu’ils gardent tout le “genre”. Nous le leur remet­tons de bon cœur pour pou­voir enfin nous consa­crer à être des per­sonnes30. »

Quelques semaines avant la paru­tion de ce texte, le jour­nal Le Monde, qui n’a de cesse de relayer la pro­pa­gande tran­si­den­ti­taire, célé­brait l’écriture « musi­cale, riche d’images poé­tiques, par­cou­rue d’énigmes et de sagesses » de Najat El Hach­mi dans une recen­sion de son « magni­fique roman » Mère de lait et de miel31.

En Espagne tou­jours, nombre de groupes, d’organisations ou de col­lec­tifs fémi­nistes ancrés à gauche, par­mi les­quels la Fede­ra­ción de Mujeres Pro­gre­sis­tas (la « Fédé­ra­tion des femmes pro­gres­sistes »), la Alian­za contra el Bor­ra­do de las Mujeres (« l’Alliance contre l’effacement des femmes »), Femi­nistes de Cata­lu­nya (« Fémi­nistes de Cata­logne »), Movi­mien­to Femi­nis­ta (« Mou­ve­ment fémi­niste »), Femi­nis­tas Socia­lis­tas (« Fémi­nistes socia­listes »), s’opposent aux reven­di­ca­tions et aux idées trans. Pour les femmes de la Fede­ra­ción de Mujeres Pro­gre­sis­tas (la « Fédé­ra­tion des femmes pro­gres­sistes ») : « Les poli­tiques d’égalité des sexes n’auront plus de sens si la caté­go­rie “femme” devient indé­pen­dante du sexe bio­lo­gique et est redé­fi­nie de manière à pou­voir inclure les hommes. […] Si “femme” devient le nom d’un groupe dépour­vu de défi­ni­tion objec­tive (ne pou­vant être déli­mi­té en termes bio­lo­giques puisqu’il s’agirait d’une défi­ni­tion “excluante”), pou­vant inclure des hommes sans autre condi­tion que leur volon­té, si “femme” devient un mot qui fina­le­ment ne signi­fie plus rien voire dis­pa­raît (rem­pla­cé par des euphé­mismes déshu­ma­ni­sant comme “per­sonne enceinte”, “per­sonne mens­truée”, “per­sonne à uté­rus”, “per­sonne à vulve”, etc.), com­ment pou­vons-nous uni­fier concep­tuel­le­ment les dif­fé­rentes formes de dis­cri­mi­na­tion que subissent les femmes ? Com­ment per­ce­voir la conti­nui­té his­to­rique et géo­gra­phique de ces expé­riences, leur déno­mi­na­teur com­mun ? Com­ment pou­vons-nous être un sujet poli­tique32 ? »

Les femmes de la Alian­za contra el Bor­ra­do de las Mujeres, fon­dée en 2019 par Ángeles Álva­rez et d’autres fémi­nistes, militent contre la sup­plan­ta­tion, dans la loi espa­gnole, du « sexe » par le concept de l’« iden­ti­té de genre », qui a pour effet d’effacer les femmes. Elles soulignent :

« Le sexe est à la base de la dis­cri­mi­na­tion et de la vio­lence que subissent les femmes. Sup­pri­mer le sexe en tant que caté­go­rie juri­dique et le rem­pla­cer par un “genre” auto­dé­fi­ni est un acte de miso­gy­nie. En sup­pri­mant le sexe en tant que caté­go­rie juri­dique, toutes les poli­tiques visant à lut­ter contre l’inégalité struc­tu­relle dont souffrent les femmes deviennent caduques. »

En effet :

« Le genre n’est pas une iden­ti­té, il s’agit de l’ensemble des normes, des sté­réo­types et des rôles impo­sés socia­le­ment aux per­sonnes en fonc­tion de leur sexe. Le genre est un ins­tru­ment qui favo­rise et per­pé­tue la situa­tion de subor­di­na­tion dans laquelle nous, les femmes, nous trou­vons. C’est pour- quoi le fait de le consi­dé­rer comme une “iden­ti­té” revient à l’essentialiser, ce qui réduit à néant les pos­si­bi­li­tés de lut­ter contre l’oppression qu’il consti­tue33. »

En Cata­logne, le 15 juillet 2023, la branche bar­ce­lo­naise de la CNT (la Confé­dé­ra­tion natio­nale du tra­vail, une célèbre orga­ni­sa­tion anar­cho-syn­di­ca­liste) s’est asso­ciée au groupe « Femi­nistes de Cata­lu­nya » (« Fémi­nistes de Cata­logne ») pour dénon­cer les effets humains et sociaux délé­tères des reven­di­ca­tions des mili­tants trans lors d’une confé­rence. Les fémi­nistes cata­lanes y ont pré­sen­té les résul­tats de leur enquête sur l’évolution du nombre de per­sonnes trai­tées par le ser­vice hos­pi­ta­lier cata­lan « d’identité de genre », entre 2012 et 2021. Le rap­port qu’elles ont publié en novembre 2022 fait état d’une « aug­men­ta­tion expo­nen­tielle de plus de 7000% en dix ans », sachant que « les cas de 2021 repré­sen­tant 25 % du nombre total de cas depuis 2012 ». Par ailleurs (quelques extraits tra­duits dudit rapport) :

  • « De 2012 à 2021, l’âge moyen de consul­ta­tion a bais­sé de 12 ans, pas­sant de 35 à 23 ans.
  • Les orien­ta­tions vers le Ser­vei Tran­sit (ser­vice “d’identité de genre”) concernent de plus en plus de femmes et de mineurs, avec un pro­fil d’âge dif­fé­ren­cié entre les femmes et les hommes qui révèle des situa­tions très différentes :
  • Par­mi les enfants de 0 à 9 ans, les gar­çons pré­do­minent (60,6% de gar­çons contre 39–4% de filles).
  • Dans les groupes d’âge entre 10 et 25 ans, les filles pré­do­minent (65,1% de filles contre 34–9% de garçons).
  • Chez les adultes de plus de 25 ans, les hommes pré­do­minent (60,6% d’hommes contre 39,4% de femmes). Les hommes repré­sentent plus de 70 % des cas chez les plus de 30 ans.
  • Il y a eu un chan­ge­ment rapide dans le sché­ma démo­gra­phique des orien­ta­tions vers la dys­pho­rie de genre : d’hommes à femmes et d’adultes à mineur·es. La plu­part des cas d’enfants mineurs sont des filles et la plu­part des cas d’adultes sont des hommes.
  • L’augmentation est alar­mante chez les pré­ado­les­centes et les ado­les­centes : envi­ron 70 % des cas dans les groupes d’âge 10–14 ans et 15–18 ans sont des filles. Bien que l’augmentation soit éga­le­ment alar­mante dans le cas des gar­çons, entre 2015 et 2021, le nombre annuel d’orientations vers le Ser­vei Tran­sit de filles âgées de 10 à 14 ans a aug­men­té de 5700%. Cette aug­men­ta­tion est bien plus impor­tante que les 4400% qui ont déclen­ché la pre­mière alarme au Royaume-Uni en 2018.
  • Le pour­cen­tage de cas où le sexe de la per­sonne n’est pas enre­gis­tré aug­mente de manière tout aus­si alar­mante, attei­gnant plus de 10% dans ces mêmes groupes d’âge. Les ten­dances obser­vées et la tri­an­gu­la­tion avec des don­nées pro­ve­nant d’autres sources par­tielles per­mettent de déduire que les cas pour les­quels le sexe n’est pas enre­gis­tré sont prin­ci­pa­le­ment des filles.
  • La plu­part des cas se voient pres­crire une thé­ra­pie hor­mo­nale quel que soit l’âge. Mal­gré plu­sieurs demandes adres­sées au minis­tère de la San­té, les don­nées ven­ti­lées par trai­te­ment, âge et sexe n’ont jamais été four­nies. Cepen­dant, dans un rap­port de 2016, Ser­vei Tran­sit a recon­nu que dans 87% des cas, la pres­crip­tion d’hormones se fait lors de la pre­mière visite, ce qui est confir­mé par d’autres sources médicales.
  • En outre, nous avons des rai­sons de croire que nos esti­ma­tions sont plu­tôt conser­va­trices : l’impact réel du modèle affir­ma­tif pour­rait être bien pire. Par exemple, nous n’avons pas eu accès à des don­nées sur les pres­ta­taires de soins de san­té pri­maires ou sur les pédiatres qui pres­crivent de plus en plus de blo­queurs de puber­té et d’hormones dans les ser­vices de soins de san­té pri­maires, et nous n’avons pas été en mesure de les inclure. »

Enfin, les fémi­nistes cata­lanes notent :

« De plus en plus d’enfants rejettent leur corps sexué. Plus par­ti­cu­liè­re­ment, de plus en plus d’adolescentes ne veulent pas deve­nir des femmes. Nous devons déter­mi­ner les rai­sons de ce phé­no­mène, même si la “loi trans” récem­ment adop­tée inter­dit de les recher­cher. L’essor de la “dys­pho­rie de genre” est cer­tai­ne­ment lié à une réa­li­té sociale de plus en plus hos­tile aux filles, qui sont la cible d’une vio­lence sexuelle crois­sante, cepen­dant que leurs pairs mas­cu­lins la nient de plus en plus.

Loin de résoudre les causes de leur mal-être, la “thé­ra­pie affir­ma­tive” détruit irré­ver­si­ble­ment leur san­té sans béné­fice avé­ré, et les condamnent à une dépen­dance médi­cale à vie, pour le seul béné­fice de l’industrie phar­ma­ceu­tique. Il est essen­tiel que des enquêtes indé­pen­dantes soient effec­tuées sur les uni­tés d’identité de genre et que le modèle affir­ma­tif soit aban­don­né. Il ne s’agit pas d’un crime de haine, mais plu­tôt d’une obli­ga­tion scien­ti­fique, poli­tique et sociale34. »

Au Mexique, l’anthropologue, cher­cheuse et mili­tante fémi­niste Mar­ce­la Lagarde, qui est une des figures les plus impor­tantes du fémi­nisme lati­no-amé­ri­cain, qui est connue pour avoir conçu le terme espa­gnol « femi­ni­ci­dio » (« fémi­ni­cide »), désor­mais uti­li­sé dans la légis­la­tion de dif­fé­rents pays pour qua­li­fier les meurtres com­mis contre des femmes parce qu’elles sont des femmes, qui a joué un rôle moteur au Mexique dans l’élaboration de la loi géné­rale pour l’accès des femmes à une vie sans vio­lence (2007) et a été membre de la com­mis­sion du Congrès mexi­cain char­gée de suivre les enquêtes rela­tives aux fémi­ni­cides, et qui a joué un rôle déci­sif dans le pre­mier arrêt de la Cour inter­amé­ri­caine des droits humains tenant compte des sexos­pé­ci­fi­ci­tés, ren­du contre le gou­ver­ne­ment mexi­cain pour le meurtre de trois femmes à Ciu­dad Juá­rez (nord du Mexique), Mar­ce­la Lagarde, donc, reproche — à rai­son — au mou­ve­ment trans de vou­loir « éli­mi­ner les femmes en tant que sujet du fémi­nisme35 ». La pre­mière femme avo­cate à avoir défen­du les droits repro­duc­tifs et sexuels des femmes devant un tri­bu­nal mexi­cain, Tere­sa Colum­ba Ulloa Ziaur­riz, qui est aus­si direc­trice de la Coa­li­ción Regio­nal contra el Trá­fi­co de Mujeres y Niñas en Amé­ri­ca Lati­na y el Caribe (la « Coa­li­tion régio­nale contre la traite des femmes et des filles en Amé­rique latine et dans les Caraïbes »), affirme éga­le­ment, dans un texte inti­tu­lé « La dic­ta­ture du tran­sac­ti­visme », que « les dis­cours sur l’identité de genre sont des che­vaux de Troie que le patriar­cat a inven­tés et qu’il uti­lise pour ten­ter d’effacer le sujet poli­tique du fémi­nisme, à savoir les femmes36 ».

***

Arrê­tons ici ce tour d’horizon.

Est-il rai­son­nable de s’imaginer que toutes les femmes men­tion­nées dans ce texte sont d’affreuses fana­tiques d’extrême droite, des Zem­mour en puis­sance, voire d’horribles nazies ? Il s’agit pour­tant de ce que sou­tiennent, par­fois lit­té­ra­le­ment, les mili­tants trans et un cer­tain nombre de mili­tants de gauche. Mais comme vous l’avez peut-être sai­si, il ne s’agit-là que d’une des nom­breuses inver­sions de réa­li­té qui par­sèment leur rhé­to­rique. En réa­li­té, dans l’histoire, ceux qui mentent à tour de bras, machi­na­le­ment, façon Donald Trump, et se com­portent d’une manière auto­ri­taire et vio­lente qui n’est pas sans rap­pe­ler les méthodes de l’extrême droite, ce sont plu­tôt les mili­tants trans et leurs affi­dés37.

En par­cou­rant les textes écrits, au cours de plus de 40 années, par toutes les femmes fémi­nistes men­tion­nées dans cet article, j’ai aus­si été frap­pé par une chose. Toutes se sont effor­cées d’exprimer leurs griefs, leurs objec­tions, en fai­sant preuve de cour­toi­sie, de res­pect, d’empathie, vis-à-vis des per­sonnes dont elles étaient par­fois ame­nées à cri­ti­quer les choix ou les pro­pos. Pas d’injure, pas d’insulte, pas de calom­nie, pas de dif­fa­ma­tion. Leurs argu­ments étaient et sont tou­jours clai­re­ment arti­cu­lés et cohé­rents. En revanche, on ne compte plus le nombre de publi­ca­tions, d’articles, de posts et autres dans les­quels ces femmes sont trai­tées de tous les noms, inju­riées et même mena­cées de mort par des mili­tants trans. Cer­tains sont même allés jusqu’à créer un jeu vidéo dont l’objectif consiste à tuer des TERF (Trans Exclu­sio­na­ry Radi­cal Femi­nists, une manière inju­rieuse de dési­gner les femmes cri­tiques du phé­no­mène trans). Lors d’une mani­fes­ta­tion, en 2022, en Alle­magne, un groupe de jeunes affi­liés à la gauche ont défi­lé avec une ban­de­role où était écrit « Les TERF peuvent sucer mon énorme bite de trans ». On trouve très faci­le­ment en vente sur inter­net des t‑shirts et des sweat-shirts por­tant l’inscription « Kill the TERF » (« Tuez les TERF »).

Mais tout le monde sait bien que, faute de pou­voir for­mu­ler un argu­ment ration­nel, l’on s’en remet à la vio­lence. Comme l’avait noté Sol­je­nit­syne, le men­songe trouve « son seul sou­tien dans la vio­lence38 ». Qui­conque choi­sit le men­songe comme règle doit inexo­ra­ble­ment choi­sir la vio­lence comme moyen.

Nico­las Casaux


  1. Pro­pos de Dwor­kin publié en cou­ver­ture de l’édition de poche du livre The Trans­sexual Empire de Janice Ray­mond, éga­le­ment cité par Ray­mond dans son livre Dou­ble­think : A Femi­nist Chal­lenge to Trans­gen­de­rism (« Dou­ble­pen­sée : une cri­tique fémi­niste du trans­gen­risme »), Spi­ni­fex, 2021. ↩︎
  2. Tho­mas Szasz, « Male and Female Crea­ted He Them », The New York Times, 10 juin 1979. ↩︎
  3. Ibid. ↩︎
  4. Les Bul­le­tins du GRIF, n°5, 1981. Uni­ver­si­té des femmes. ↩︎
  5. Janice Ray­mond, « Trans­sexua­lism : The Ulti­mate Homage to Sex-Role Power », Chry­sa­lis n°3, 1977. ↩︎
  6. Ibid. ↩︎
  7. Cf. le cha­pitre 23 de notre livre Né(e)s dans la mau­vaise socié­té — Notes pour une cri­tique fémi­niste et socia­liste du phé­no­mène trans (Le Par­tage, 2023) ; et Talia Nava, « The Ugly Truth of Male Breast­fee­ding », The Para­dox Ins­ti­tute (www.theparadoxinstitute.com), 8 juillet 2023. ↩︎
  8. Janice Ray­mond, « Trans­sexua­lism : The Ulti­mate Homage to Sex-Role Power », Chry­sa­lis n°3, 1977. ↩︎
  9. Mar­cia Yud­kin, « Trans­sexua­lism and Women : A Cri­ti­cal Pers­pec­tive », Femi­nist Stu­dies, Vol. 4, No. 3 (octobre 1978), p. 97–106. ↩︎
  10. Glo­ria Stei­nem, « If the Shoe Doesn’t Fit, Change the Foot », Ms. Maga­zine, Février 1977. ↩︎
  11. Elle fut, entre autres, la pre­mière direc­trice de l’Ins­ti­tut d’é­tudes sur les femmes et le genre de l’OISE (Onta­rio Ins­ti­tute for Stu­dies in Edu­ca­tion, soit l’Institut d’é­tudes péda­go­giques de l’On­ta­rio), ain­si que pré­si­dente de l’Ins­ti­tut cana­dien de recherche sur les femmes et pré­si­dente de la Socié­té cana­dienne de socio­lo­gie et d’an­thro­po­lo­gie. ↩︎
  12. Mar­grit Eichler, The Double Stan­dard, Croom Helm, 1980. ↩︎
  13. Dwight B. Billings and Tho­mas Urban, « The Socio-Medi­cal Construc­tion of Trans­sexua­lism : An Inter­pre­ta­tion and Cri­tique », Social Pro­blems, Vol. 29, No. 3 (février 1982), p. 266–282. ↩︎
  14. Mary Daly, Pure Lust : Ele­men­tal Femi­nist Phi­lo­so­phy, Bea­con Press, 1984. ↩︎
  15. Judith Sha­pi­ro, « Trans­sexua­lism : Reflec­tions on the Per­sis­tence of Gen­der and the Muta­bi­li­ty of Sex », in Julia Epstein, Kris­ti­na Straub, Body Guards : The Cultu­ral Poli­tics of Gen­der Ambi­gui­ty, Rout­ledge, 1991. ↩︎
  16. Beth Walsh-Bol­stad, « The New, Impro­ved (Sur­gi­cal­ly Construc­ted) Woman/ Les­bian ? », Off Our Backs, Vol. 23, No. 10 (novembre 1993), p. 14, 23. ↩︎
  17. Clau­dine O’Leary, « Queer poli­tics », Off Our Backs, Vol. 24, No. 1 (jan­vier 1994), p. 8, 23. ↩︎
  18. Ber­nice L. Haus­man, Chan­ging Sex : Trans­sexua­lism, Tech­no­lo­gy, and the Idea of Gen­der, Duke Uni­ver­si­ty Press, 1995. ↩︎
  19. Shei­la Jef­freys, « Trans­gen­der Acti­vism : A Les­bian Femi­nist Pers­pec­tive », Jour­nal of Les­bian Stu­dies, 1(3–4), 1997, p. 55–74. ↩︎
  20. Ger­maine Greer, La Femme entière, Plon, 2002. ↩︎
  21. L’histoire de Kath­leen Stock, une pro­fes­seure d’université au Royaume-Uni, qui a subi un ter­rible har­cè­le­ment de la part des mili­tants trans et a fini contrainte de démis­sion­ner, est élo­quente et repré­sen­ta­tive. ↩︎
  22. Une com­pi­la­tion d’essais de Jane Clare Jones va bien­tôt sor­tir aux édi­tions La Trêve. Il est d’ores et déjà pos­sible de pré­com­man­der une com­pi­la­tion d’es­sais de Jones : https://fr.ulule.com/lancement-la-treve/ ↩︎
  23. Extrait de la com­pi­la­tion à paraître sus­men­tion­née. ↩︎
  24. Notam­ment en rai­son de son ouvrage paru en fran­çais sous le titre L’Être et la mar­chan­dise. Pros­ti­tu­tion, mater­ni­té de sub­sti­tu­tion et dis­so­cia­tion de soi (M édi­teur, mars 2013). ↩︎
  25. Kaj­sa Ekis Ekman, On the Mea­ning of Sex : Thoughts about the New Defi­ni­tion of Woman, Spi­ni­fex, 2020. ↩︎
  26. Une inter­view d’Ángeles Álva­rez por­tant sur le sujet trans a été tra­duite et publiée sur le site www.partage-le.com sous le titre « Ángeles Álva­rez : “Com­ment éva­luer le sexisme si nous éli­mi­nons le sexe comme caté­go­rie véri­fiable ?” », https://www.partage-le.com/2022/11/16/angeles-alvarez-comment-evaluer-le-sexisme-si-nous-eliminons-le-sexe-comme-categorie-verifiable/ ↩︎
  27. Lidia Falcón, « La inacep­table Ley Trans », Público(.es), 16 décembre 2019. ↩︎
  28. G. Sán­chez, « Ali­cia Miyares : “Detrás de muchos menores que dicen ser trans laten rea­li­dades como el bul­lying o el autis­mo” », Levante, 29 novembre 2022. ↩︎
  29. Najat El Hach­mi, « El fraude es la ley », El País, 15 mars 2024. ↩︎
  30. Najat El Hach­mi, El País, 19 mai 2023. ↩︎
  31. Kidi Bebey, « “Mère de lait et de miel”, de Najat El Hachi­mi, une ode de celle qui est par­tie à celles qui sont res­tées », Le Monde Afrique, 5 février 2023. Vite, chers jour­na­listes du Monde, sup­pri­mez-donc cette recen­sion élo­gieuse d’un livre d’une abo­mi­nable « trans­phobe » ! ↩︎
  32. « Espagne : Argu­men­ta­tion de la Fédé­ra­tion des femmes pro­gres­sistes contre la “loi trans” », tra­duc­tion d’un texte ini­tia­le­ment paru le 19 sep­tembre 2022 sur le site du jour­nal numé­rique espa­gnol Repu­bli­ca, écrit par la Fede­ra­ción de Mujeres Pro­gre­sis­tas : https://www.partage-le.com/2022/10/18/ espagne-argu­men­ta­tion-de-la-fede­ra­tion-des-femmes-pro­gres­sistes- contre-la-loi-trans/ ↩︎
  33. contraelborradodelasmujeres.org ↩︎
  34. Femi­nistes de Cata­lu­nya, « D’hommes adultes à filles ado­les­centes. Évo­lu­tions, ten­dances et ques­tion­ne­ments sur les per­sonnes ayant recours au Ser­vei Tràn­sit en Cata­logne, 2012–2021 », feministes.cat, novembre 2022. ↩︎
  35. Nuria Coro­na­do Sopeña, « Mar­ce­la Lagarde : “Tene­mos que decir no al bor­ra­do de mujeres dicien­do sí a su exis­ten­cia legal y pro­te­gi­da” », Público(.es), 21 juillet 2020. ↩︎
  36. Tere­sa C. Ulloa Ziáur­riz, « La dic­ta­du­ra del tran­sac­ti­vis­mo », Tri­bu­na­Fe­mi­nis­ta, 15 février 2021. ↩︎
  37. Pour bien d’autres illus­tra­tions de ce point, cf. Né(e)s dans la mau­vaise socié­té — Notes pour une cri­tique fémi­niste et socia­liste du phé­no­mène trans (Le Par­tage, 2023). ↩︎
  38. Alexandre Sol­je­nit­syne, « Le Cri », dis­cours écrit à l’occasion de son obten­tion du prix Nobel de lit­té­ra­ture, en 1970. ↩︎

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