L’autrice est députée du Bloc Québécois
À titre de porte-parole du Bloc Québécois en matière d’Environnement, je tiens à exprimer mon indignation face à l’augmentation des activités d’extraction de pétrole issu des sables bitumineux. Cette intensification des activités est en lien direct avec la mise en service commerciale, le 1er mai dernier, du système élargi du pipeline Trans Mountain.
Ainsi, la production de pétrole brut depuis le début de l’année s’élèverait en moyenne à cinq millions de barils par jour, du jamais vu, alors qu’on rapportait plutôt une production moyenne de 4,8 millions de barils par jour en 2023. Il s’agit d’une augmentation quotidienne de 200 000 barils qui est imputable à cette mise en service commerciale de l’oléoduc Trans Mountain.
Le pétrole extrait des sables bitumineux est l’un des plus polluants au monde et, malgré cela, les compagnies pétrolières continuent à échapper à leurs responsabilités. Plusieurs études montrent que son extraction et son traitement émettent considérablement plus de gaz à effet de serre (GES) que les autres formes de pétrole conventionnel.
Selon une analyse de l’Institut Pembina, le pétrole des sables bitumineux génère entre 3 et 4 fois plus d’émissions de carbone par baril comparé au pétrole conventionnel, en raison des procédés énergivores nécessaires à l’extraction et à la séparation du bitume des autres composants.
De plus, l’utilisation massive d’eau, la destruction des habitats naturels et les impacts sur les ressources en eau locale renforcent les critiques environnementales. Une étude réalisée par des scientifiques fédéraux révèle que les sables bitumineux émettent davantage de dioxyde de carbone (CO2) que ce qu’avaient rapporté les compagnies pétrolières.
Tandis que la majorité des entreprises sont soumises à des politiques qui les forcent à innover et à réduire directement leurs émissions, les compagnies pétrolières obtiennent plus de flexibilité de la part du gouvernement fédéral en plus de bénéficier de grasses subventions pour maintenir leur production. Les efforts de décarbonation de ces dernières sont souvent axés sur de fausses solutions comme le captage et le stockage du carbone (CSC).
L’échec du captage et stockage du carbone
On peut ici citer, le projet de captage de carbone de la centrale Genesee, en Alberta, qui a été abandonné en raison de coûts trop élevés et d’incertitudes technologiques. Ce projet, qui visait à réduire les émissions de CO2 de cette centrale au charbon, devait capturer environ 3 millions de tonnes de carbone par an. Toutefois, après des études approfondies, les responsables ont estimé que le coût du projet, dépassant les 1,5 milliard de dollars, était insoutenable.
Cet abandon illustre les défis économiques et techniques auxquels fait face la technologie de captage de carbone, freinant sa mise en œuvre à grande échelle. Le président-directeur général de Capital Power Corporation, Avik Day, avait alors mentionné : « Après avoir révisé attentivement le projet, nous avons conclu que le projet n’atteint pas les seuils de risques et de rendements que nous nous sommes fixés. »
Le média économique Bloomberg a quant à lui évalué que, pour des installations de CSC qui sont en opération, le coût de la capture correspondrait à 600$/tonne. Des centaines d’experts, d’organisations crédibles partout dans le monde qui ne veulent pas faire d’écoblanchiment le répètent : si la technologie n’est pas au point après cinq ans de développement, il vaut mieux passer à autre chose. Dans le cas du CSC, cela fait plus de 15 ans que l’industrie pétrolière s’entête.
Un pipeline de 34,2 milliards $
Aussi, comment ne pas être outrée quand on sait que des données récentes de l’Association canadienne des produits pétroliers indiquent que les investissements dans le secteur atteindront 40,6 milliards de dollars en 2024, et ce, sans aucune intention d’investir dans des mesures de décarbonation. Au contraire, ces sommes sont destinées à augmenter la production et l’exploitation, avec pour seul objectif de maximiser les profits. Cela doit cesser.
Rappelons qu’en 2018, le gouvernement de Justin Trudeau a acquis le pipeline Trans Mountain pour la somme de 4,5 milliards de dollars, payée à même les fonds publics. À l’époque, la compagnie Kinder Morgan menaçait d’abandonner le projet d’agrandissement, faute d’investisseurs. Le gouvernement fédéral a alors pris la décision controversée de mener seul la construction d’un nouveau tronçon de l’oléoduc jusqu’à la côte ouest, malgré l’opposition ferme de la Colombie-Britannique.
Depuis, ce projet a cumulé des retards et des dépassements de coûts astronomiques, faisant aujourd’hui atteindre le coût du pipeline à 34,2 milliards de dollars.
Sortir de notre dépendance aux carburants fossiles
Les contribuables du Québec ne devraient pas avoir à payer pour Trans Mountain qui contribue à l’enrichissement des pétrolières. Ce pipeline alimente la crise climatique mondiale en aggravant les émissions de gaz à effet de serre, ce qui nuit gravement à la planète entière.
Les inondations, sécheresses, incendies et la perte de terres agricoles sont des enjeux graves exacerbés par le changement climatique, auquel l’industrie pétrolière contribue de manière significative. Les émissions massives de gaz à effet de serre issues de l’extraction, du raffinage et de la combustion des combustibles fossiles accélèrent le réchauffement climatique.
Ce réchauffement entraîne une intensification des événements climatiques extrêmes, tels que les sécheresses prolongées qui affectent les récoltes, les incendies de forêt dévastateurs et les inondations. La perte de terres agricoles, cruciale pour la sécurité alimentaire, est une conséquence directe de ces phénomènes, créant un cercle vicieux entre l’exploitation pétrolière et les crises environnementales.
Pour le Québec, cette exploitation va à l’encontre de nos efforts de décarbonation. Nous avons besoin d’une sortie ordonnée, planifiée de notre dépendance aux carburants fossiles, une transition énergétique juste et d’un encadrement plus strict des pétrolières qui dilapident les fonds publics.
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