Les hommes, les viols, le patriarcat, la destruction du monde (par Nicolas Casaux)

Les hommes, les viols, le patriarcat, la destruction du monde (par Nicolas Casaux)

D’un côté, le pro­cès des vio­leurs de Mazan (plus de 80 hommes ont vio­lé Gisèle Péli­cot), de l’autre, le pro­cès de Puff Dad­dy (accu­sé d’agression sexuelle par 120 per­sonnes). Par ailleurs, on apprend que l’ex-candidat LFI et pré­sident d’une asso­cia­tion de défense des « droits des per­sonnes trans » Pierre-Alain Cot­ti­neau a admis avoir agres­sé sexuel­le­ment une enfant han­di­ca­pée de 4 ans dont il avait la garde. Et puis que le maire d’Auby a été « pla­cé sous contrôle judi­ciaire avant son pro­cès pour agres­sion sexuelle ». Et puis il y a l’« Affaire Le Scouar­nec : l’ex-chirurgien pédo­cri­mi­nel sera jugé en 2025 pour “viols aggra­vés” et “agres­sions sexuelles aggra­vées” sur 299 vic­times » (Le Monde). Dans le même temps, Nico­las Bedos est jugé pour agres­sion sexuelle. Et puis, juste cette semaine : « L’agresseur sexuel de onze sœurs et cou­sines, bien que recon­nu cou­pable, échappe à la déten­tion » (France info) ; « “Je l’ai tou­chée par mégarde en cher­chant mon télé­phone” : à Saint-Malo, un homme condam­né pour agres­sion sexuelle » (Le Télé­gramme) ; « Un tren­te­naire condam­né pour l’a­gres­sion sexuelle de sa voi­sine de 73 ans à Vichy » (La Mon­tagne) ; « Les plaintes pour agres­sion sexuelle contre le mil­liar­daire aus­tro-cana­dien Frank Stro­nach s’accumulent » (Le Monde) ; « Pati­nage artis­tique. Un cham­pion cana­dien sus­pen­du six ans pour agres­sion sexuelle » (Ouest France) ; « À Bazas, un ancien élève du lycée agresse sexuel­le­ment des jeunes filles » (Le Répu­bli­cain) ; « À Mon­treuil, après une soi­rée entre amis, il agresse sexuel­le­ment une jeune femme » (La Voix du Nord) ; « Un jeune homme était jugé, ce jeu­di 3 octobre, devant la cour cor­rec­tion­nelle de Pau, pour agres­sion sexuelle sur mineur de 15 ans » (Sud Ouest) ; « Deux jeunes femmes portent plainte pour agres­sion sexuelle à Pau : un faux agent de sécu­ri­té inter­pel­lé » (La Semaine des Pyré­nées) ; « Grand Est : un conseiller régio­nal mis en exa­men pour agres­sion sexuelle » (Le Monde) ; « Le maire de Port-Vendres visé par trois plaintes pour agres­sions sexuelles et har­cè­le­ment » (France 3 Occi­ta­nie) ; « Un ancien res­pon­sable scout condam­né pour agres­sion sexuelle sur trois ado­les­centes » (France 3 Hauts-de-France) ; « Cher­bourg. Un homme rôdait à proxi­mi­té d’une école, il agresse sexuel­le­ment une fillette » (La Presse de la Manche) ; « Dun­kerque : après l’agression sexuelle d’une contrô­leuse de la SNCF, un homme se fait condam­ner » (Le Jour­nal des Flandres) ; « Vau­cluse : Un homme condam­né après une agres­sion sexuelle dans un train » (20 Minutes) ; etc.

Dif­fi­cile de pro­po­ser une liste exhaus­tive, même sur une semaine.

Beau­coup trop d’hommes sont des agres­seurs sexuels, des vio­leurs d’enfants et de femmes. Cette socié­té les fabrique en série. On rap­pel­le­ra les chiffres pour celles et ceux qui découvrent ces pro­blé­ma­tiques avec l’affaire Mazan.

En France, chaque jour, les femmes effec­tuent en moyenne une heure de tâches ména­gères en plus que les hommes (en Europe en 2024, les hommes s’oc­cupent deux fois moins des tâches domes­tiques que les femmes selon le centre d’é­tudes démo­gra­phiques de Bar­ce­lone). Elles sont tou­jours moins bien payées (24% de moins en moyenne). Une grande majo­ri­té d’entre elles (envi­ron 75%) craignent de se retrou­ver seules dans la rue, ou de cir­cu­ler seules le soir dans l’espace public ou dans les trans­ports en com­mun. Cer­tains pré­ten­dront hâti­ve­ment que cela découle du cli­mat anxio­gène qu’entretiennent les médias par oppor­tu­nisme, pour faire du sen­sa­tion­nel. Et peut-être y a‑t-il de cela. Mais pas que, loin de là. Une femme sur deux a déjà été agres­sée ver­ba­le­ment dans la rue et 14 % y ont déjà été agres­sées phy­si­que­ment.

Sept mil­lions de Fran­çaises et de Fran­çais auraient subi des actes inces­tueux, soit 10% de la popu­la­tion. La grande majo­ri­té des indi­vi­dus qui com­mettent ces incestes sont des hommes, la grande majo­ri­té des vic­times sont des filles.

Au total, en 2020, près de 40 000 mineur·es ont été vic­times de vio­lences sexuelles d’après les chiffres de la police. Par­mi eux, une grande majo­ri­té de filles et autour de 8 000 gar­çons. Ces chiffres prennent donc uni­que­ment en compte les plaintes enre­gis­trées. Or, trois quarts des per­sonnes vic­times de vio­lences sexuelles pen­dant leur enfance ne portent pas plainte. Un rap­port de 2023 éta­bli par la Com­mis­sion indé­pen­dante sur l’inceste et les vio­lences sexuelles faites aux enfants estime que 160 000 enfants sont vic­times de vio­lences sexuelles chaque année en France. Soit un enfant vic­time d’un viol ou d’une agres­sion sexuelle, com­mise, le plus sou­vent, par un homme, toutes les trois minutes en France. Soit 440 enfants vic­times de vio­lences sexuelles com­mises par des hommes, chaque jour, en France.

Envi­ron 2%, à peine, de ces viols (des viols enre­gis­trés) font l’objet d’une condamnation.

Chaque semaine, un enfant meurt sous les coups de ses parents (le plus sou­vent, sous les coups du père).

En 2023, d’après les chiffres des plaintes enre­gis­trées, 51 764 mineur·es ont été vic­times de vio­lences phy­siques com­mises (en grande majo­ri­té, par des hommes) dans un cadre intrafamilial.

D’après un rap­port du Haut-conseil à l’é­ga­li­té entre les femmes et les hommes publié le 22 jan­vier 2024 : « 50% des hommes âgés de 25 à 34 ans pensent que les femmes doivent s’ar­rê­ter de tra­vailler pour s’oc­cu­per de leurs enfants » ; « un quart des [hommes de] 25–34 ans pense qu’il faut par­fois être violent pour se faire res­pec­ter » ; « les vidéos por­no­gra­phiques dif­fusent des conte­nus miso­gynes d’une rare vio­lence que 64% des hommes de 25–34 ans disent imi­ter dans leurs rela­tions sexuelles » ; « plus d’un homme sur 5 de 25–34 ans consi­dère nor­mal d’avoir un salaire supé­rieur à sa col­lègue à poste égal » ; « 70% des hommes pensent encore qu’un homme doit avoir la res­pon­sa­bi­li­té finan­cière de sa famille pour être res­pec­té dans la socié­té » ; et « plus de la moi­tié de la popu­la­tion trouve encore nor­mal ou posi­tif qu’une femme cui­sine tous les jours pour toute la famille ».

Plus d’une femme sur deux en France (53%) et plus de six jeunes femmes sur dix (63%) ont déjà été vic­times de har­cè­le­ment ou d’agression sexuelle (com­mise par un homme) au moins une fois dans leur vie.

213 000 femmes sont vic­times de vio­lences phy­siques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint chaque année.

En 2022, 118 femmes sont décé­dées à la suite de vio­lences conju­gales et 267 femmes ont été vic­times d’une ten­ta­tive de féminicide.

94 000 femmes (adultes), en moyenne, sont vic­times de viol et/ou de ten­ta­tives de viol (com­mises par des hommes) chaque année, en France. Sachant que 10% des femmes, à peine, portent plainte lorsqu’elles sont vic­times d’une agres­sion sexuelle ou d’une ten­ta­tive d’agression sexuelle.

Nous vivons dans une socié­té dans laquelle les hommes sont très nom­breux à faire preuve de vio­lences (phy­sique, sexuelle, morale, psy­cho­lo­gique, et autres). La culture dans laquelle on baigne et les ins­ti­tu­tions domi­nantes les y encou­ragent. Les hommes sont des idiots agres­sifs et vio­lents — je ne m’exclus pas de la caté­go­rie, il m’est déjà arri­vé et m’arrive encore d’être un idiot et de faire preuve d’agressivité (ver­bale), peut-être plus sou­vent qu’à mon tour.

Selon un son­dage en ligne réa­li­sé en 2020 auprès de 100 000 femmes, 9 femmes sur 10 ont fait l’expérience d’une pres­sion pour avoir un rap­port sexuel. Dans 88 % des cas, cela leur est arri­vé plu­sieurs fois. En outre, pour 1 femme sur 6, l’entrée dans la sexua­li­té se fait par un rap­port non consen­ti et dési­ré (autre­ment dit, un viol), et dans 36 % de ces cas, ce rap­port a eu lieu avant 15 ans.

L’existence de vio­lences mas­cu­lines pro­téi­formes et éten­dues, mas­sives, sys­té­miques, et très peu répri­man­dées, est une illus­tra­tion du fait que nous vivons dans une socié­té que l’on peut dire patriar­cale – pas dans l’ancien sens du terme, qui dési­gnait une socié­té où l’autorité était offi­ciel­le­ment accor­dée aux hommes et/ou aux pères de familles, mais dans le sens, plus large, de socié­té dans laquelle on observe une domi­na­tion sociale, cultu­relle, sym­bo­lique et éco­no­mique des hommes sur les femmes.

Cela dit, il existe des preuves peut-être aus­si signi­fi­ca­tives sinon davan­tage du carac­tère patriar­cal de notre socié­té : la qua­si-tota­li­té des ins­ti­tu­tions qui la com­posent (de l’Assemblée natio­nale au Sénat, en pas­sant par le Code civil, le Code pénal, la police, les divers minis­tères, le sys­tème sco­laire, le Conseil d’État, et bien d’autres), nous les héri­tons non seule­ment de régimes ouver­te­ment et offi­ciel­le­ment anti-démo­cra­tiques (de l’Empire romain au napo­léo­nien), mais aus­si de régimes ouver­te­ment et offi­ciel­le­ment patriar­caux. Ces ins­ti­tu­tions ont toutes été pen­sées et créées par et pour des hommes. L’État lui-même est un type d’organisation poli­tique créé par et pour des hommes. Même les plus récentes com­po­santes ins­ti­tu­tion­nelles de l’État fran­çais, issues de la consti­tu­tion de la cin­quième Répu­blique (1958), ont donc été créées avant que les femmes ne soient auto­ri­sées à ouvrir un compte ban­caire en leur nom et à exer­cer une acti­vi­té pro­fes­sion­nelle sans le consen­te­ment de leur mari (1965).

Nous vivons dans un monde fait par et pour les hommes ou, plus spé­ci­fi­que­ment, pour une classe sociale de riches et de puis­sants lar­ge­ment com­po­sée d’hommes. Les hommes asser­vissent et exploitent les enfants et les femmes, mais ils exploitent aus­si leurs sem­blables (les autres hommes). Le capi­ta­lisme et l’État n’ont pas été créés par tous les hommes, même si tous les hommes y béné­fi­cient d’un sta­tut social supé­rieur à celui des enfants et des femmes, mais par une classe spé­ci­fique d’hommes. Les domi­nants écrasent et exploitent tout le monde. Les hommes oppriment et exploitent les enfants et les femmes. Et les humains en géné­ral, de concert avec l’infrastructure tech­no-indus­triel qu’ils uti­lisent, détruisent la nature.

Cette socié­té méprise les enfants, les femmes et la nature. Les hommes méprisent les enfants, les femmes et la nature. En plus des vio­lences directes, phy­siques, sexuelles ou psy­cho­lo­giques, nous nour­ris­sons nos enfants avec une ali­men­ta­tion mal­saine, can­cé­ri­gène, diver­se­ment toxique (selon une étude récem­ment réa­li­sée par l’ONG Food­watch, « 86% des pro­duits ven­dus pour les enfants » sont mau­vais pour leur san­té, sachant qu’il s’agit sans doute d’une sous-esti­ma­tion). Quel genre de socié­té fait ça ? Auto­ri­ser le fait de vendre aux enfants des pro­duits qui les tuent ou qui ruinent leur san­té (phy­sique et/ou men­tale) ? Nous les fai­sons gran­dir dans un monde où nous avons ren­du l’air et l’eau can­cé­ri­gènes et diver­se­ment toxiques (per­tur­ba­teurs endo­cri­niens, pol­luants éter­nels, etc.). Nous avons dis­sé­mi­né et conti­nuons de dis­sé­mi­ner d’innombrables pol­luants (micro­plas­tiques, métaux lourds et autres) par­tout, par­tout, par­tout. On en retrouve dans le sang d’à peu près tous les êtres vivants, des ours polaires aux nou­veau-nés humains. Et du tré­fonds de la fosse des Mariannes jusqu’aux nuages. Tout ça témoigne d’un mépris incroyable pour la vie, pour la nature, pour les autres êtres vivants.

En tant qu’­hommes (mâles humains adultes), nous avons à divers égards une res­pon­sa­bi­li­té bien supé­rieure à celle des femmes dans le désastre sociale et éco­lo­gique en cours. Nous en sommes davan­tage res­pon­sables et nous en tirons davan­tage de profits.

C’est pour­quoi « tout se tient », comme Annie Le Brun aimait à le sou­li­gner. La lutte contre le patriar­cat et la lutte éco­lo­giste. La lutte contre les vio­lences mas­cu­lines et la lutte contre l’empoisonnement universel.

Nico­las Casaux

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À propos de l'auteur Le Partage

« Plus on partage, plus on possède. Voilà le miracle. »En quelques années, à peine, notre collec­tif a traduit et publié des centaines de textes trai­tant des prin­ci­pales problé­ma­tiques de notre temps — et donc d’éco­lo­gie, de poli­tique au sens large, d’eth­no­lo­gie, ou encore d’an­thro­po­lo­gie.contact@­par­tage-le.com

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