D’un côté, le procès des violeurs de Mazan (plus de 80 hommes ont violé Gisèle Pélicot), de l’autre, le procès de Puff Daddy (accusé d’agression sexuelle par 120 personnes). Par ailleurs, on apprend que l’ex-candidat LFI et président d’une association de défense des « droits des personnes trans » Pierre-Alain Cottineau a admis avoir agressé sexuellement une enfant handicapée de 4 ans dont il avait la garde. Et puis que le maire d’Auby a été « placé sous contrôle judiciaire avant son procès pour agression sexuelle ». Et puis il y a l’« Affaire Le Scouarnec : l’ex-chirurgien pédocriminel sera jugé en 2025 pour “viols aggravés” et “agressions sexuelles aggravées” sur 299 victimes » (Le Monde). Dans le même temps, Nicolas Bedos est jugé pour agression sexuelle. Et puis, juste cette semaine : « L’agresseur sexuel de onze sœurs et cousines, bien que reconnu coupable, échappe à la détention » (France info) ; « “Je l’ai touchée par mégarde en cherchant mon téléphone” : à Saint-Malo, un homme condamné pour agression sexuelle » (Le Télégramme) ; « Un trentenaire condamné pour l’agression sexuelle de sa voisine de 73 ans à Vichy » (La Montagne) ; « Les plaintes pour agression sexuelle contre le milliardaire austro-canadien Frank Stronach s’accumulent » (Le Monde) ; « Patinage artistique. Un champion canadien suspendu six ans pour agression sexuelle » (Ouest France) ; « À Bazas, un ancien élève du lycée agresse sexuellement des jeunes filles » (Le Républicain) ; « À Montreuil, après une soirée entre amis, il agresse sexuellement une jeune femme » (La Voix du Nord) ; « Un jeune homme était jugé, ce jeudi 3 octobre, devant la cour correctionnelle de Pau, pour agression sexuelle sur mineur de 15 ans » (Sud Ouest) ; « Deux jeunes femmes portent plainte pour agression sexuelle à Pau : un faux agent de sécurité interpellé » (La Semaine des Pyrénées) ; « Grand Est : un conseiller régional mis en examen pour agression sexuelle » (Le Monde) ; « Le maire de Port-Vendres visé par trois plaintes pour agressions sexuelles et harcèlement » (France 3 Occitanie) ; « Un ancien responsable scout condamné pour agression sexuelle sur trois adolescentes » (France 3 Hauts-de-France) ; « Cherbourg. Un homme rôdait à proximité d’une école, il agresse sexuellement une fillette » (La Presse de la Manche) ; « Dunkerque : après l’agression sexuelle d’une contrôleuse de la SNCF, un homme se fait condamner » (Le Journal des Flandres) ; « Vaucluse : Un homme condamné après une agression sexuelle dans un train » (20 Minutes) ; etc.
Difficile de proposer une liste exhaustive, même sur une semaine.
Beaucoup trop d’hommes sont des agresseurs sexuels, des violeurs d’enfants et de femmes. Cette société les fabrique en série. On rappellera les chiffres pour celles et ceux qui découvrent ces problématiques avec l’affaire Mazan.
En France, chaque jour, les femmes effectuent en moyenne une heure de tâches ménagères en plus que les hommes (en Europe en 2024, les hommes s’occupent deux fois moins des tâches domestiques que les femmes selon le centre d’études démographiques de Barcelone). Elles sont toujours moins bien payées (24% de moins en moyenne). Une grande majorité d’entre elles (environ 75%) craignent de se retrouver seules dans la rue, ou de circuler seules le soir dans l’espace public ou dans les transports en commun. Certains prétendront hâtivement que cela découle du climat anxiogène qu’entretiennent les médias par opportunisme, pour faire du sensationnel. Et peut-être y a‑t-il de cela. Mais pas que, loin de là. Une femme sur deux a déjà été agressée verbalement dans la rue et 14 % y ont déjà été agressées physiquement.
Sept millions de Françaises et de Français auraient subi des actes incestueux, soit 10% de la population. La grande majorité des individus qui commettent ces incestes sont des hommes, la grande majorité des victimes sont des filles.
Au total, en 2020, près de 40 000 mineur·es ont été victimes de violences sexuelles d’après les chiffres de la police. Parmi eux, une grande majorité de filles et autour de 8 000 garçons. Ces chiffres prennent donc uniquement en compte les plaintes enregistrées. Or, trois quarts des personnes victimes de violences sexuelles pendant leur enfance ne portent pas plainte. Un rapport de 2023 établi par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants estime que 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France. Soit un enfant victime d’un viol ou d’une agression sexuelle, commise, le plus souvent, par un homme, toutes les trois minutes en France. Soit 440 enfants victimes de violences sexuelles commises par des hommes, chaque jour, en France.
Environ 2%, à peine, de ces viols (des viols enregistrés) font l’objet d’une condamnation.
Chaque semaine, un enfant meurt sous les coups de ses parents (le plus souvent, sous les coups du père).
En 2023, d’après les chiffres des plaintes enregistrées, 51 764 mineur·es ont été victimes de violences physiques commises (en grande majorité, par des hommes) dans un cadre intrafamilial.
D’après un rapport du Haut-conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes publié le 22 janvier 2024 : « 50% des hommes âgés de 25 à 34 ans pensent que les femmes doivent s’arrêter de travailler pour s’occuper de leurs enfants » ; « un quart des [hommes de] 25–34 ans pense qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter » ; « les vidéos pornographiques diffusent des contenus misogynes d’une rare violence que 64% des hommes de 25–34 ans disent imiter dans leurs relations sexuelles » ; « plus d’un homme sur 5 de 25–34 ans considère normal d’avoir un salaire supérieur à sa collègue à poste égal » ; « 70% des hommes pensent encore qu’un homme doit avoir la responsabilité financière de sa famille pour être respecté dans la société » ; et « plus de la moitié de la population trouve encore normal ou positif qu’une femme cuisine tous les jours pour toute la famille ».
Plus d’une femme sur deux en France (53%) et plus de six jeunes femmes sur dix (63%) ont déjà été victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle (commise par un homme) au moins une fois dans leur vie.
213 000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint chaque année.
En 2022, 118 femmes sont décédées à la suite de violences conjugales et 267 femmes ont été victimes d’une tentative de féminicide.
94 000 femmes (adultes), en moyenne, sont victimes de viol et/ou de tentatives de viol (commises par des hommes) chaque année, en France. Sachant que 10% des femmes, à peine, portent plainte lorsqu’elles sont victimes d’une agression sexuelle ou d’une tentative d’agression sexuelle.
Nous vivons dans une société dans laquelle les hommes sont très nombreux à faire preuve de violences (physique, sexuelle, morale, psychologique, et autres). La culture dans laquelle on baigne et les institutions dominantes les y encouragent. Les hommes sont des idiots agressifs et violents — je ne m’exclus pas de la catégorie, il m’est déjà arrivé et m’arrive encore d’être un idiot et de faire preuve d’agressivité (verbale), peut-être plus souvent qu’à mon tour.
Selon un sondage en ligne réalisé en 2020 auprès de 100 000 femmes, 9 femmes sur 10 ont fait l’expérience d’une pression pour avoir un rapport sexuel. Dans 88 % des cas, cela leur est arrivé plusieurs fois. En outre, pour 1 femme sur 6, l’entrée dans la sexualité se fait par un rapport non consenti et désiré (autrement dit, un viol), et dans 36 % de ces cas, ce rapport a eu lieu avant 15 ans.
L’existence de violences masculines protéiformes et étendues, massives, systémiques, et très peu réprimandées, est une illustration du fait que nous vivons dans une société que l’on peut dire patriarcale – pas dans l’ancien sens du terme, qui désignait une société où l’autorité était officiellement accordée aux hommes et/ou aux pères de familles, mais dans le sens, plus large, de société dans laquelle on observe une domination sociale, culturelle, symbolique et économique des hommes sur les femmes.
Cela dit, il existe des preuves peut-être aussi significatives sinon davantage du caractère patriarcal de notre société : la quasi-totalité des institutions qui la composent (de l’Assemblée nationale au Sénat, en passant par le Code civil, le Code pénal, la police, les divers ministères, le système scolaire, le Conseil d’État, et bien d’autres), nous les héritons non seulement de régimes ouvertement et officiellement anti-démocratiques (de l’Empire romain au napoléonien), mais aussi de régimes ouvertement et officiellement patriarcaux. Ces institutions ont toutes été pensées et créées par et pour des hommes. L’État lui-même est un type d’organisation politique créé par et pour des hommes. Même les plus récentes composantes institutionnelles de l’État français, issues de la constitution de la cinquième République (1958), ont donc été créées avant que les femmes ne soient autorisées à ouvrir un compte bancaire en leur nom et à exercer une activité professionnelle sans le consentement de leur mari (1965).
Nous vivons dans un monde fait par et pour les hommes ou, plus spécifiquement, pour une classe sociale de riches et de puissants largement composée d’hommes. Les hommes asservissent et exploitent les enfants et les femmes, mais ils exploitent aussi leurs semblables (les autres hommes). Le capitalisme et l’État n’ont pas été créés par tous les hommes, même si tous les hommes y bénéficient d’un statut social supérieur à celui des enfants et des femmes, mais par une classe spécifique d’hommes. Les dominants écrasent et exploitent tout le monde. Les hommes oppriment et exploitent les enfants et les femmes. Et les humains en général, de concert avec l’infrastructure techno-industriel qu’ils utilisent, détruisent la nature.
Cette société méprise les enfants, les femmes et la nature. Les hommes méprisent les enfants, les femmes et la nature. En plus des violences directes, physiques, sexuelles ou psychologiques, nous nourrissons nos enfants avec une alimentation malsaine, cancérigène, diversement toxique (selon une étude récemment réalisée par l’ONG Foodwatch, « 86% des produits vendus pour les enfants » sont mauvais pour leur santé, sachant qu’il s’agit sans doute d’une sous-estimation). Quel genre de société fait ça ? Autoriser le fait de vendre aux enfants des produits qui les tuent ou qui ruinent leur santé (physique et/ou mentale) ? Nous les faisons grandir dans un monde où nous avons rendu l’air et l’eau cancérigènes et diversement toxiques (perturbateurs endocriniens, polluants éternels, etc.). Nous avons disséminé et continuons de disséminer d’innombrables polluants (microplastiques, métaux lourds et autres) partout, partout, partout. On en retrouve dans le sang d’à peu près tous les êtres vivants, des ours polaires aux nouveau-nés humains. Et du tréfonds de la fosse des Mariannes jusqu’aux nuages. Tout ça témoigne d’un mépris incroyable pour la vie, pour la nature, pour les autres êtres vivants.
En tant qu’hommes (mâles humains adultes), nous avons à divers égards une responsabilité bien supérieure à celle des femmes dans le désastre sociale et écologique en cours. Nous en sommes davantage responsables et nous en tirons davantage de profits.
C’est pourquoi « tout se tient », comme Annie Le Brun aimait à le souligner. La lutte contre le patriarcat et la lutte écologiste. La lutte contre les violences masculines et la lutte contre l’empoisonnement universel.
Nicolas Casaux
Source: Lire l'article complet de Le Partage