Les fantômes du passé : du Vietnam à Gaza

Les fantômes du passé : du Vietnam à Gaza

Les fantômes du passé : du Vietnam à Gaza

• Lorsqu’en 1974 le Pentagone abolit la conscription pour s’en tenir désormais à une armée professionnelle, il crut avoir écarté à tout jamais le spectre de la révolte estudiantine des années 1960 qui faillit désintégrer du dedans les forces armées des Etats-Unis. • C’était compter sans Gaza et les Palestiniens. • La campagne grandiose de l’IDF inspirée par Netanyahou semble avoir réveillé les campus américanistes au point que les élites et le New York ‘Times’ craignent une nouvelle révolte à l’image et à l’imitation de ces années folles qui bouleversèrent l'Amérique.

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Études sur la neutralitédu 27 décembre reprend une analyse d’un récent article du New York ‘Times’ (NYT) du 24 décembre exposant la situation sur les campus universitaires US par rapport à la guerre de Gaza évoquant une situation d’une potentialité de très grande dangerosité.

« Dans les protestations sur Gaza, on trouve des échos des manifestations contre la guerre du Vietnam. »

« La guerre du Vietnam enflamma une protestation qui permit à une génération entière de définir son identité. Assiste-t-on au même phénomène avec la guerre entre Israël et le Hamas ? »

Le site consulté présente ainsi son appréciation générale sur cet article du NYT dont on connaît les positions jusqu’ici pro-israéliennes sans la moindre nuance ni réserve :

« L'élite américaine craint les manifestations pour la Palestine ! Révélations dans un article du NYT.

» Croyez-le ou non, mais le New York Times a en fait publié un article plus ou moins équilibré sur les manifestations pro-Palestine et pro-Israël aux États-Unis. Bien sûr, ils le présentent d'une manière qui rend les deux semblant égaux en légitimité, mais c'est un début et c'est assez intéressant parce que le NYT semble avoir très peur que l'issue des deux moments de l'histoire soit la même : un démocrate perdant la course à la présidence. »

Depuis la parution de cet article du NYT, et un jour après l’analyse de ‘Études sur la neutralité’ sur le premier article, le NYT a publié, le 28 décembre, un article sur l’université de Columbia qui, sans aborder la même ligne, met en évidence l’extrême difficulté des autorités de cette prestigieuse université de contenir le courant pro-palestinien ; une façon indirecte, a contrario mais à peine, de confirmer l’extrême puissance de la contestation étudiante, et donc des “réminiscences” des protestations sur le Vietnam des années 1960.

Il est vrai, comme le dit le commentaire de la vidéo, qu’il s’agit là d’un événement extrêmement important. Pour apprécier sa force, on dira qu’il est d’autant plus important que les étudiants ne sont pas directement concernés dans la mesure où aucune force US n’est pour l’instant (officiellement) engagée dans cette crise et que la conscription n’existe plus alors qu’elle existait dans les années 1960 et qu’elle joua un rôle capital, – sans doute l’argument le plus important de la révolte selon le secrétaire à la défense d’alors Robert S. McNamara,

Enfin, sa force est très grande simplement selon le fait de ces articles du NYT qui proclament sans ambages que les élites des USA, et donc le DeepState, sont très préoccupées par la duplication. Cette crainte elle-même alimente la puissance du mouvement par l’effet aujourd’hui habituel de la puissance de la communication, surtout alimentée par les instruments favoris de la gauche libérale et progressiste que constitue la presseSystème. Certains y verrait, sans que nous protestions, une sorte de processus d’autodestruction affectant la politique officielle US de soutien à Israël.

Le spectre des années soixante

On ne va pas s’attarder aux similitudes et aux différences du mouvement actuel avec celui des années 1960 pour ne garder que notre remarque (et le titre du NYT) sur les craintes des élites américanistes. Dans ce pays en prétention d’empire gangrené par une communication totalement distordue par la presseSystème et le conformisme politique, une “crainte des élites”, c’est-à-dire du Système, sur l’importance du courant actuel suffit amplement à institutionnaliser ce courant jusqu’à en faire un torrent. Par conséquent, son importance potentielle doit absolument nous arrêter et justifie un examen du phénomène autre que le simple effet des évènements de Gaza. En quelque sorte, on pourrait parvenir à leur faire croire qu’un remake-2024 de la révolte-années soixante est presque plus effrayant que la Chine elle-même, chargé de tous les évènements politiques qui accompagnèrent cette révolte aux USA.

Cet examen, justement, – et c’est la raison de notre insistance et de notre intérêt, – est singulièrement révélateur, intéressant, significatif, et tout cela fait pour en augmenter encore l’importance. Il se trouve perçu comme un exemple parfait d’une contradiction interne mortelle dans un des principaux courants du déconstructurationnisme. Il s’agit en effet d’un tourbillon crisique au cœur d’une poussée idéologique à prétention ontologique considérée comme un des grands phénomènes de notre temps. Nous voulons naturellement parler du wokenisme (la plupart disent ‘wokisme’, nous conservons notre singularité au risque de nous perdre).

Les idiots utiles de la déconstructuration

On sait que le wokenisme est un mouvement de l’ultragauche empruntant au trotskisme, au libertinage type-1968, à l’Université libéré de ses chaînes traditionnalistes, et au progrès bien entendu, – non, au Progrès plutôt. Ses liens avec l’ultra-capitalisme progressiste sont fermement noués, ce qui rassemble en un mariage absolument narcissique l’individualisme et la fortune, – c’est-à-dire l’‘Ego ergo sum’ et le fric. Le résultat de tout ce verbiage prétentieux est que le wokenisme s’inscrit absolument dans le Système et dans son œuvre de déconstructuration ; il est un facteur absolument essentiel dans la marche vers le Progrès que nous connaissons essentiellement depuis 2001 et 9/11, avec au bout du chemin qui est un tunnel à voie rapide la lumière clignotante comme un clin d’œil complice du transhumanisme.

Par conséquent, il est impératif qu’il s’aligne absolument sur toutes les entreprises du Système, que ce soit le globalisme du modèle-Davos et, pour notre préoccupation présente, la politiqueSystème. Cette politiqueSystème définit toutes les politiques étrangères de déconstructuration des USA, notammentr jusqu’aux plus stupides, – pardon, particulièrement et idéalement jusqu’aux plus stupides, c’est-à-dire à peu près toutes. La chose est entendue, à peu près comme Talleyrand déguisée en évêque révolutionnaire, montant sur la scène de la Fête de la Fédération pour célébrer l’Être Suprême et glissant à La Fayette : « Ne me faites pas rire ».

Quelles que soient les positions politiques personnelles de Netanyahou, – et certains lui reconnaissent une tendance très nettement souverainiste et antiglobaliste, – il ne peut ni ne veut empêcher, pour des raisons d’intérêt personnel (au contraire de Moshe Arens et de son avion ‘Lavi’) que la politique d’Israël soit obligée de suivre des lignes qui sont celles de la politiqueSystème US multipliée par les pressions des extrémistes juifs. L’AIPAC (le lobby sioniste aux USA) de Washington fait en sorte, – ou faisait ? – que les deux concordent à peu près, sans que, pour cela, Netanyahou ait beaucoup de fierté patriotique à en tirer ; mais l'AIPAC a vieilli et ses structures donnent tous les signes d'une sclérose bureaucratique courante à Washington.

Note de PhG-Bis : « On comprendra aisément que je ne pouvais laisser aller ce passage sans reprendre quelques mots sur Moshe Arens, venant du texte du 22 novembre 2012, tant il est vrai que, à l’imitation de Nietzsche, je dirais que même dans les choses mauvaises il y a toujours un peu de bon, et à l’inverse dans les choses bonnes toujours un peu de mauvais… Vous comprenez, il est encore question de l’américanisation d’Israël, qui est à l’œuvre contre les Palestiniens.

» …“Arens semblait amer, lors de l’interview que nous citons… Cet homme, Moshe Arens, fut l’un des derniers hommes politiques honorables d’Israël dans le domaine fondamental de la politique du point de vue de son pays et, dans tous les cas, le dernier à défendre la souveraineté de son pays, – non contre les masses terroristes et arabo-iraniennes, bien sûr, mais contre les USA, le Pentagone et le Système. Car c’est bien là qu’est le véritable affrontement. (On ne s’étonnera pas de voir, aujourd’hui, Arens prendre furieusement position contre l’achat du JSF par Israël, en rappelant l’aventure brisée du Lavi et de la souveraineté israélienne.)

» “En 1984-86, Arens se battit de toutes ses forces pour sauver le projet d’avion de combat israélien Lavi, qu’il considérait comme un projet garant de l’indépendance et de la souveraineté nationales israéliennes. Il n’avait aucune chance. Il perdit et le Lavi fut abandonné, sous la pression formidable du Pentagone, qui ne voulait pas d’un concurrent du F-16 à l’exportation. L’homme qui réalisa la liquidation du Lavi en mettant Israël à genoux pour le compte du Pentagone est un rabbin américain (ou américaniste), Dov S. Zakheim, par ailleurs neocon et affairiste, et qui était à l’époque un des cadres des services de l’exportation au Pentagone. Dans son livre ‘Flight of the Lavi – Inside a US-Israeli Crisis’ (Brassey’s, 1996, Londres), Zakheim raconte ce que fut cette mission explicite de liquidation du Lavi, sa bataille à Tel-Aviv pour y parvenir. Zakheim et Arens nous montrent qu’il est un peu sommaire de réduire toutes ces affaires à des antagonismes entre Israéliens et non-Israéliens et entre Juifs et non-Juifs.

» “Le combat fondamental d’Israël, qui règle le sort d’Israël, c’est son “américanisation”, qui se fit sur le terme, entre 1967 et 1986 (liquidation du Lavi). On peut lire notre texte du 7 septembre 2006, qui est une reprise de la rubrique du texte de notre Lettre d’Analyse ‘Context’, de septembre 2006, après l’affrontement entre Israël et le Hezbollah. On y lit la description du processus d’américanisation de Tsahal devenue plus conformément IDF (Israel Defense Forces). Il s’agit du Système en pleine surpuissance déstructurante…” »

Le wokenisme se dresse contre le wokenisme

Ce rappel sur l’‘américanisation’ d’Israël n’est pas si mal venu, car il rend d’autant plus ambiguë, contradictoire et folle comme mille toupies cette affaire des étudiants, wokenistes à 123% c’est sûr, en marche contre Israël qui détruit Gaza. Leur révolte qui rappelle paraît-il celle des années 1960, – horreur ! – se dresse sans la moindre ambiguïté contre une politique furieuse et sanglante relevant de la politiqueSystème que le Système chérit tant jusqu’à en faire son seul bras armé qui a la conformation du bras droit de Popeye.

Tout cela se passe complètement en-dehors des cibles, faire-valoir et boucs-émissaires habituels des globalistes-wokenistes, les Trump et autres fascistes et semi-fascistes antiSystème. Il s’agit là d’un problème bien compliqué, presqu’autant que “l’affaire Gérard Depardieu” en France.

Le wokenisme, qui a bouleversé le monde américaniste-occidentaliste jusqu’à sembler irrésistible, se retrouve aujourd’hui face à son pire ennemi : lui-même. Et cette confrontation- là n’est pas prête de cesser car l’expérience nous dit que Netanyahou est bien plus difficile à stopper qu’un char ‘Merkava’ des Israel Defense Forces que l’on disait invincible, ininflammable et insubmersible. A l’heure de leur anéantissement, les Palestiniens paraissent soudain exister comme jamais, comme un infranchissable obstacle antichar dressé part les Russes contre les Ukrainiens. Tout se tient.

 

Mis en ligne le 29 décembre 2023 à 16H45

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

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