Du génocide des Palestiniens — PERSONNE

Du génocide des Palestiniens — PERSONNE

Si j’avais à soutenir le droit que l’État sioniste a de rendre la vie infernale aux Palestiniens, à telle enseigne que leur mort paraît douce, si j’avais à soutenir le droit que nous autres Occidentaux avons d’assister, indifférents voire complices, au génocide (1) des Palestiniens, en direct de Gaza, voici ce que je dirais :

Les colons d’Europe ayant exterminé les peuples d’Amérique, ils avaient dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique, pour s’en servir à défricher tant de terres. Le sucre aurait été trop cher, si l’on n’avait pas fait travailler la plante qui le produit par des esclaves.

De même, après les pogroms et l’extermination des Juifs en Europe, l’Occident a dû créer un « foyer national juif » en Palestine, pour dédommagement de ces crimes passés, et surtout pour s’en servir de « sentinelle avancée de la civilisation contre la barbarie » (2). L’accès au pétrole serait trop incertain, si l’on n’avait pas remplacé méthodiquement les Palestiniens par les sionistes colonisateurs en Terre Sainte, carrefour stratégique de trois continents (3).

Ces gens, les Palestiniens dont il s’agit, sont si différents de nous autres Occidentaux, et cela de la tête aux pieds en passant par le keffieh ; ils s’évertuent à faire toujours société, même dans l’adversité, même face à la cruauté de l’oppresseur ; ils ont la fâcheuse habitude de cacher derrière chaque civil un combattant, même sous les bombes ; et ils ont la résistance dans leurs gènes, la résilience tellement chevillée au corps, qu’il est presque impossible de les plaindre.

On ne peut que se mettre dans l’esprit que l’Occident, qui est une civilisation bien supérieure, ait mis toute son âme, toute sa sagesse, toute sa grandeur dans son soutien inconditionnel au projet sioniste, en quelque sorte son projet sioniste, quitte à en faire payer le prix fort aux Palestiniens. Mort ou en exil, telle serait la définition du bon Palestinien. Tous les autres ne sont que des « terroristes » à éradiquer jusqu’aux femmes, jusqu’aux enfants, car nés « terroristes ».

Il est si naturel de penser que c’est l’identité du style de vie, que c’est l’identité culturelle, qui constituent l’essence de notre compassion. En dehors de toute concordance, tout n’est que chiffre désincarné : au moins 45 % des logements de Gaza détruits, un territoire de 365 km², 1,9 million de déplacés, plus de 17 000 morts, 36 000 blessés, plus de 12 000 bombes de 150 à 1000 kg (4) ne sont que nombres bien dérisoires, qui pèsent bien peu face aux 1 200 victimes des barbares, le 7 octobre.

On pourrait chicaner sur la valeur d’une vie palestinienne. Que vaut-elle selon les canons de nos chères « valeurs occidentales » ? Que vaut-elle selon les canons de l’armée sioniste ? À dire vrai, que vaut la vie d’un « animal humain » ? Difficile à dire avec justesse : peut-être rien ou si peu. Sachant que la vie d’un Occidental vaut un, le cours actuel d’un Palestinien serait de l’ordre d’un quinzième (5), et, avec raison, on pourrait spéculer à la baisse.

De petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait subir aux Palestiniens : car, si elle était telle qu’ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des gouvernants occidentaux, qui font entre eux tant de conventions bien inutiles, d’en faire une en faveur du peuple palestinien, et cela en application du droit international ?

Une preuve que les Palestiniens n’ont pas le sens commun des Occidentaux, c’est qu’ils font plus de cas de leurs terres, de leurs oliviers que de leurs propres vies ; c’est qu’ils feraient de leurs propres enfants des « boucliers humains », au prétexte qu’ils ne sauraient où aller en sécurité à Gaza, alors qu’il leur suffirait de partir au Sinaï et, surtout, de ne jamais revenir.

Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes, parce que si nous les supposions comme tels, on serait amené à en déduire que nous ne sommes pas nous-mêmes humains d’avoir soutenu le projet sioniste, qui ne peut aboutir que grâce à la déportation et au génocide des Palestiniens.

D’après Montesquieu, De l’esclavage des Nègres.

(1) Définition de génocide selon le droit international, résolution 96 de l’ONU (11 décembre 1946) :
« Article II
Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a. Meurtre de membres du groupe ;
b. Atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c. Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d. Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e. Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »

(2) Theodor Herzl, dans l’État des Juifs (1896)

(3) « La Palestine […] cristallise un moment de l’histoire des relations internationales : dernier « fait » colonial né du partage des empires, elle symbolise la persistance de la relation inégale entre le Nord et le Sud. […] L’intérêt stratégique de la Palestine (et du Proche-Orient) – qui explique la longévité peu ordinaire des rivalités dont elle a été l’objet –, et le caractère « saint » de cette Terre forment le terreau de l’affrontement, même s’ils ne sont pas la cause première de l’importance qu’il a acquis aujourd’hui. Situé au carrefour de trois continents, le Levant est le lieu de passage d’une grande part du commerce mondial. Dès le XIXe siècle, son contrôle devient essentiel pour Londres, qui veut protéger, à travers le canal de Suez, la route des Indes, joyau de son empire. De plus, la région est devenue, au XXe siècle, le plus riche réservoir de pétrole de la planète. [ …] Le génocide perpétré durant la seconde guerre mondiale ne joue pas un rôle majeur dans l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies du plan de partage de la Palestine (29 novembre 1947). S’il alimente, bien évidemment, la sympathie dans les opinions publiques du Nord à l’égard du jeune État, il n’a pas encore conquis la place centrale qu’il occupera à partir de la fin des années 1960. » Alain Gresh, De quoi la Palestine est-elle le nom ?
(4) Voir le site de Handicap International.
(5) Écouter l’ironie de Youssef Boussam (durée 8’, à partir de 2’, sous-titrée en français) :

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

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