Pays-Bas : une femme censurée après la plainte d’un homme « fétichiste BDSM » se disant femme (par Genevieve Gluck)

Pays-Bas : une femme censurée après la plainte d’un homme « fétichiste BDSM » se disant femme (par Genevieve Gluck)

Tra­duc­tion d’un article ini­tia­le­ment paru, en anglais, le 3 octobre 2023 sur le média fémi­niste Reduxx. Il fau­drait que quelqu’un se charge de com­pi­ler ces his­toires démen­tielles, ces énor­mi­tés miso­gynes ava­li­sées par les médias et les ins­ti­tu­tions. Dans le futur, certain·es auront du mal à croire que tout ça s’est réel­le­ment produit.


Une mili­tante pour les droits des femmes, aux Pays-Bas, fait l’ob­jet d’une enquête cri­mi­nelle après avoir été dénon­cée à la police par un homme tran­si­den­ti­fié [un homme qui se dit femme] parce qu’elle a osé décla­rer qu’« une femme est un être humain adulte de sexe fémi­nin ». Lydia Daniel, qui a été dénon­cée à la police en mai, a éga­le­ment été cen­su­rée sur les réseaux sociaux par le gou­ver­ne­ment néer­lan­dais pour cette raison.

Le 23 mai, Alexan­dra Erné, un homme tran­si­den­ti­fié et acti­viste trans, a dépo­sé une plainte contre Daniel après l’a­voir accu­sée de faire des « décla­ra­tions insul­tantes en public ». Dans son rap­port, Alexan­dra Erné a four­ni à la police la vidéo d’un dis­cours pro­non­cé par Daniel lors d’un évé­ne­ment orga­ni­sé à l’oc­ca­sion de la Jour­née inter­na­tio­nale des femmes, qu’elle avait par­ta­gée sur son compte X (ancien­ne­ment Twit­ter). « Je dénonce Lydia, alias Insuf­fe­rable TERF. La sus­pecte a fait des décla­ra­tions insul­tantes en public, ora­le­ment ou par écrit, à pro­pos d’un groupe de per­sonnes en rai­son de leur race, de leur reli­gion ou de leurs croyances », déclare Erné dans son rapport.

Lydia Daniel lors d’un évé­ne­ment « Let Women Speak » à Amster­dam, le 9 septembre.

Le dis­cours signa­lé par Erné à la police visait à défendre les droits des femmes. Daniel y notait que l’i­déo­lo­gie du genre avait eu un impact néga­tif sur la capa­ci­té des femmes à béné­fi­cier d’espaces pri­vés, non mixtes, et qu’à cause d’elle, il n’y avait plus « aucune pro­tec­tion contre le voyeu­risme et l’ex­hi­bi­tion­nisme ». Daniel y cri­ti­quait éga­le­ment les Démo­crates 66 (D66), un par­ti poli­tique social-libé­ral des Pays-Bas qui pro­meut les poli­tiques d’i­den­ti­té de genre et la légis­la­tion sur l’au­to-iden­ti­fi­ca­tion du sexe.

Dans le rap­port de police, Erné écrit que Daniel « a fait des décla­ra­tions dis­cri­mi­na­toires à l’é­gard des femmes trans­genres » : « Elle a dit que les femmes trans­genres n’é­taient pas des femmes, mais des hommes. Je suis une trans­sexuelle et je me sens femme, et je suis aus­si une femme même si je ne suis pas née avec un uté­rus. Les pro­pos tenus par Lydia dans ces vidéos me blessent en tant que femme et je les trouve car­ré­ment discriminatoires. »

Erné a mis en ligne une copie du rap­port de police qu’il avait dépo­sé contre Daniel, que cette der­nière a ensuite publié sur ses propres comptes sur les réseaux sociaux en signa­lant aux auto­ri­tés qu’elle ne crai­gnait pas d’être pour­sui­vie. Mais le 15 sep­tembre, Daniel a remar­qué que son mes­sage conte­nant les images du rap­port de police de Erné avait été sup­pri­mé. À la place, un avis de X [Twit­ter] indi­quait ce qui suit : « Your Tweet has been with­held in Nether­lands based on local law(s) » (Votre Tweet a été mas­qué aux Pays-Bas en rai­son de la légis­la­tion locale).

Daniel a expli­qué à Reduxx qu’elle n’a­vait pas été infor­mée de la loi qu’elle avait enfreinte, ni de l’organisme offi­ciel qui avait sup­pri­mé son mes­sage. Elle n’a pas non plus eu la pos­si­bi­li­té de faire appel de l’a­ver­tis­se­ment ou de contes­ter la déci­sion. Elle n’a encore reçu aucune com­mu­ni­ca­tion offi­cielle de la part de la police et n’a pas été infor­mée de l’é­tat d’a­van­ce­ment de son affaire, qui est en cours.

Ce n’est pas la pre­mière fois qu’Er­né s’en prend à des femmes en désac­cord avec l’i­déo­lo­gie du genre. Il a célé­bré la cen­sure de deux autres mes­sages le cri­ti­quant sur les réseaux sociaux, qui avaient été mas­qués de la même manière que celui de Daniel.

Erné est un acti­viste trans­genre qui se vante sou­vent de son droit légal d’utiliser les espaces réser­vés aux femmes. Il a acquis une cer­taine noto­rié­té en 2022 après avoir ren­du publique sa plainte pour vio­la­tion des droits de l’homme contre un centre de fit­ness qui lui refu­sait l’ac­cès aux ins­tal­la­tions réser­vées aux femmes.

Alexan­dra Erné, lors d’un pho­to­shoot réa­li­sé devant Big­Gym Source : Noord­hol­lands Dagblad

En mars der­nier, le jour­nal hol­lan­dais Noord­hol­lands Dag­blad avait sym­pa­thi­que­ment pré­sen­té le pro­cès en dis­cri­mi­na­tion inten­té par Erné contre le Big­Gym d’Alk­maar. Erné affirme qu’il a réa­li­sé pour la pre­mière fois qu’il était trans­genre après avoir pris un médi­ca­ment sur ordon­nance, le Depa­kote, visant à trai­ter des troubles bipo­laires, médi­ca­ment a cause duquel il a déve­lop­pé une gyné­co­mas­tie, « une hyper­tro­phie du tis­su glan­du­laire mam­maire chez l’homme » — en d’autre termes, il a décou­vert qu’il était trans­genre parce que des ersatz mas­cu­lins de seins lui ont poussé.

Erné décrit les effets secon­daires du Depa­kote comme étant agréables, et affirme qu’il a com­men­cé à favo­ri­ser une « crois­sance [sup­plé­men­taire] de ses seins » en pre­nant d’a­bord des sup­plé­ments natu­rels, puis, peu après, de la progestérone.

Erné a décla­ré aux médias qu’il avait déci­dé de deman­der au per­son­nel s’il pou­vait uti­li­ser les ves­tiaires des femmes parce qu’il ne se sen­tait pas à l’aise en pré­sence d’hommes nus, mais qu’on le lui avait refu­sé. En réponse, Erné a qua­li­fié la direc­tion du Big­Gym de « pas­séiste, étroite d’es­prit et dis­cri­mi­na­toire », puis a annon­cé au per­son­nel qu’il se désha­bille­rait jus­qu’à la « culotte » dans les ves­tiaires pour hommes et qu’il leur trans­met­trait toute plainte éma­nant de clients masculins.

Quelques jours plus tard, il a envoyé un email de sui­vi à la direc­tion du Big­Gym, affir­mant qu’il uti­li­se­rait les ves­tiaires des femmes et que si un membre du per­son­nel ten­tait de l’en empê­cher, il les pour­sui­vrait en jus­tice. Le Big­Gym a répon­du qu’il ne lui refu­se­rait pas l’ac­cès « tant qu’il adop­te­rait un com­por­te­ment appro­prié ». Mal­gré cela, il a dépo­sé une plainte offi­cielle et, fin 2021, l’Ins­ti­tut néer­lan­dais des droits de l’homme a décla­ré qu’Er­né avait fait l’ob­jet d’une dis­cri­mi­na­tion fon­dée sur l’i­den­ti­té de genre. Avec ce juge­ment, l’Ins­ti­tut néer­lan­dais des droits de l’homme a créé un pré­cé­dent auto­ri­sant les hommes à s’i­den­ti­fier comme femmes pour accé­der aux ves­tiaires réser­vés aux femmes.

Reduxx a par ailleurs appris qu’Er­né recon­nais­sait avoir des fétiches trou­blants impli­quant la sexua­li­sa­tion de sa tran­si­tion, son « les­bia­nisme » et son accès incon­di­tion­nel aux espaces réser­vés aux femmes. En exa­mi­nant un compte Fet­Life [« un ser­vice de réseau­tage social qui met en rela­tion des per­sonnes par­ta­geant un inté­rêt pour le BDSM et d’autres pra­tiques féti­chistes »] confir­mé comme appar­te­nant à Erné, nous avons décou­vert qu’il se décrit comme « sou­mis, maso­chiste, exhi­bi­tion­niste » et « les­bienne polyromantique ».

Erné a pos­té plus de 100 pho­tos et plu­sieurs vidéos sur son pro­fil Fet­Life, dont des images de lui por­tant un dis­po­si­tif de chas­te­té ou entiè­re­ment ligo­té. D’autres images montrent des jouets sexuels, ou Erné nu ou presque nu dans des espaces publics. On y trouve éga­le­ment plu­sieurs pho­tos de ses organes géni­taux post-opé­ra­toires. Outre les pho­tos et les vidéos, Erné a publié plu­sieurs articles de blog sur Fet­Life. Dans cer­tains d’entre eux, datant du 5 août 2016, il plai­sante sur le fait qu’il attend que sa femme soit « absente de la mai­son » pour pou­voir voler ses affaires et les uti­li­ser pour sa gra­ti­fi­ca­tion sexuelle.

Dans un billet ulté­rieur, Erné décrit son exci­ta­tion à l’idée d’aller ache­ter des sou­tiens-gorge « comme une ado­les­cente » et à essayer de « faire pous­ser ses seins » en pre­nant du fenu­grec et en se mas­sant lui-même. En juillet 2021, Erné a annon­cé que son mariage de 23 ans allait se ter­mi­ner par un divorce.

« Ça fait main­te­nant deux ans que j’ai réa­li­sé que j’é­tais une femme. Je ne suis plus la même per­sonne. Je ne suis plus cet intro­ver­ti tran­quille qui ne se sou­ciait pas de son appa­rence. En fait, je suis deve­nue très extra­ver­tie (exhi­bi­tion­niste ?), très occu­pée et très vaine. Je suis aus­si devenu·e un peu égo­cen­trique parce que la tran­si­tion est plus ou moins au centre de ma vie main­te­nant… La seule chose qu’il reste à faire main­te­nant, c’est orga­ni­ser le divorce correctement. »

Erné a subi une opé­ra­tion des organes géni­taux en juillet de l’an­née der­nière, et a récem­ment célé­bré l’« anni­ver­saire » de son opé­ra­tion avec une pho­to d’un pier­cing géni­tal, affir­mant qu’il venait « d’a­voir un an » pour la deuxième fois.

Après avoir vu les images du compte féti­chiste d’Er­né, Daniel s’est décla­rée cho­quée par la déci­sion du gou­ver­ne­ment néer­lan­dais de l’au­to­ri­ser à péné­trer dans des lieux où les femmes sont désha­billées. « Je n’ar­rive tou­jours pas à me faire à l’i­dée que notre gou­ver­ne­ment et des ins­ti­tu­tions comme le Col­lege voor de Rech­ten van de Mens [Conseil des droits de l’homme des Pays-Bas] consi­dèrent des hommes accros au por­no comme des femmes et nous forcent à par­ti­ci­per à leurs fan­tasmes sexuels. Ce fai­sant, ils violent notre consen­te­ment étant don­né que la vali­da­tion de leurs fétiches est un acte sexuel. »

Gene­vieve Gluck

Tra­duc­tion : Nico­las Casaux

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