Ce texte, initialement publié, en anglais, sur le site du Daily Mail, le 29 septembre 2023, est une adaptation tirée du livre de Graham Linehan à paraître le 12 octobre outre-Atlantique, intitulé Tough Crowd : How I Made and Lost a Career in Comedy (Une foule difficile : comment j’ai fait et perdu une carrière dans la comédie).
Allongé sur un chariot de l’hôpital après l’ablation d’un testicule rongé par le cancer à attendre que le médecin me donne le feu vert pour rentrer chez moi, j’ai paresseusement ouvert Twitter. C’était il y a cinq ans. À ce moment-là, je n’avais pas encore totalement associé ma personne à la critique du genre. J’avais défendu des femmes qui s’étaient fait taxer de « TERF » (« féministe radicale excluant les trans ») et, pour cette raison, j’étais surveillé par des activistes transgenres. Cela me rendait nerveux, sans que je sache vraiment pourquoi.
J’avais déjà eu une idée de ce qui m’attendait lorsque mon épouse Helen et moi-même avons joué un petit rôle dans l’abrogation des lois draconiennes sur l’avortement en Irlande. En collaboration avec Amnesty International, nous sommes apparu·es dans une vidéo dans laquelle Helen parlait de l’interruption d’une grossesse parce que le fœtus qu’elle portait présentait une anomalie qui l’aurait tué quelques instants après la naissance.
Nous avons essayé d’assister à chaque manifestation et, lors d’un événement, je me souviens d’une personne étrange qui hurlait dans un mégaphone : « Nous voulons que l’État paie pour les avortements » [acclamations générales] « et pour les chirurgies pour les personnes trans » [marmonnements perplexes].
Cela m’a mis mal à l’aise. Bien sûr, parlons des droits des transgenres, mais chaque chose en son temps. Nous n’avons pas encore gagné la bataille de l’avortement. Rétrospectivement, il s’agit du premier signe que j’ai perçu de l’infâme tactique qui permettrait à un sinistre mouvement de s’attacher à des causes progressistes et de se draper dans leurs bannières usurpées.
Puis, lorsque l’Irlande a voté pour annuler l’interdiction de l’avortement, Amnesty Ireland a tweeté qu’il s’agissait d’une victoire pour les « personnes enceintes ». Autre malaise. Mon épouse n’était pas une « personne enceinte ». C’était une femme et une mère.
Mais il ne s’agissait là que des premières vagues d’un tsunami de folie. En ligne, des gens avaient commencé à dangereusement perdre la raison. C’était un processus tellement lent que je ne l’avais pas remarqué, au début, mais à ce moment-là, à l’hôpital, je commençais à consolider mes pensées sur le sujet.
Je savais que mes positions étaient réfléchies et solides, et j’étais sûr qu’une fois que les gens verraient que j’argumentais de bonne foi, ils comprendraient les problèmes de l’idéologie de l’identité de genre et que nous pourrions alors avoir une conversation sensée et mature à ce sujet. Je me suis également dit qu’en tant que coscénariste des sitcoms Father Ted et The IT Crowd, je disposais d’une audience qui m’écouterait. J’ai donc publié quelques tweets en exposant soigneusement mon argumentation.
Dans le même temps, la plaie sous mon bandage me faisait beaucoup souffrir et, lorsqu’on m’a enfin dit que je pouvais rentrer chez moi, j’étais incapable me lever. On m’a trouvé un lit et je m’y suis allongé, profitant d’un peu de paix en attendant que la morphine s’estompe. Les visiteurs étaient partis, tout était calme. J’ai décidé de jeter un coup d’œil à Twitter (aujourd’hui X).
La soigneuse explication de ma position avait certainement eu un impact.
Un militant et journaliste transgenre appelé Parker Molloy, qui s’identifie comme une femme et qui ne supporte pas que quiconque ne soit pas d’accord avec lui, m’a envoyé un certain nombre de messages directs de plus en plus frénétiques. Après lui avoir dit trois ou quatre fois que j’étais à l’hôpital, j’ai mis fin à la conversation. Entre-temps, un autre internaute s’était manifesté en commentaire pour me dire : « J’aurais aimé que le cancer gagne. »
Mon calvaire avait commencé. J’étais sur le point de tout perdre — ma carrière, mon mariage, ma réputation.
Peu après avoir dû affronter le cancer, j’ai été confronté à quelque chose de presque pire. Un homme biologique, désormais connu sous le nom de Stephanie Hayden, était déterminé à détruire la vie de quiconque contrevenait au dogme trans. [Hayden est un homme qui, à l’époque, « avait déjà été condamné pour attentat à la pudeur sur un garçon de 14 ans et était fiché comme délinquant sexuel », comme le rapporte un article récemment paru sur le média féministe Reduxx, NdT].
Une femme avait été arrêtée chez elle devant ses deux jeunes enfants et placée dans une cellule de prison pendant sept heures après avoir tweeté qu’Hayden était un homme. Lorsque j’ai porté une accusation publique contre Hayden sur X, Hayden ne l’a pas contestée. Au lieu de cela, j’ai été accusé d’irrespect de la confidentialité au motif que j’avais rendues publiques les anciennes identités masculines de Hayden.
Hayden m’a dénoncé à la police. Le Guardian, dont les journalistes semblent avoir abandonné toute prétention à l’impartialité sur cette question, a publié un article intitulé « Graham Linehan given police warning after complaint by transgender activist » (« Graham Linehan a reçu un avertissement de la police après une plainte déposée par un activiste transgenre »). L’article prétendait que j’avais reçu un « avertissement pour harcèlement verbal » de la part de la police sur la base de la plainte de Hayden. C’est faux. Un policier m’a téléphoné et a semblé confus lorsque je lui ai dit que j’avais bloqué Hayden sur Twitter il y a plusieurs mois, et que je ne pouvais donc pas être accusé de harcèlement. Le policier a alors dit quelque chose comme « ne vous approchez pas d’elle, d’accord ? » et a raccroché.
Le fait qu’un journal national qualifie ça, dans un gros titre, d’« avertissement pour harcèlement » — un document formel censé être remis par écrit — était honteux, mais typique de la manière dont de nombreux journalistes aimaient présenter les choses lorsque des féministes ou leurs alliés sont impliqués dans une affaire.
Après sept mois de disputes, le journal a fini par supprimer le mot « harcèlement » — trop peu, trop tard.
À ce moment-là, l’« avertissement de la police » s’était transformé, sur les réseaux sociaux, en « mise en garde de la police » — une chose que l’on délivre lorsqu’un délit a été commis et qui nécessite un aveu de culpabilité, sachant qu’il n’y avait eu ni l’un ni l’autre. La fausse affirmation selon laquelle j’aurais reçu une mise en garde de la police pour transphobie est incessamment répétée à mes ami·es et collègues pour justifier ma censure. Elle a même été présentée à mon éditeur comme une raison de ne pas publier le livre dont vous lisez actuellement un extrait. Je trouvais sordidement ironique que la police et les médias agissent comme des gestionnaires de réputation pour un personnage comme Hayden, mais mon épouse, Helen, était terrifiée d’être ainsi prise pour cible.
Hayden et Adrian Harrop, un médecin généraliste de Liverpool qui avait été temporairement interdit de pratiquer la médecine en guise de punition pour son agressivité envers les femmes sur Twitter, ont trollé une journaliste catholique appelée Caroline Farrow, en prétendant, sur internet, qu’ils se rendaient à son domicile afin, semble-t-il, de l’effrayer et de l’intimider.
Elle était sur le point de se rendre aux États-Unis, mais son visa lui avait été retiré. Harrop publia sur Twitter qu’il venait de se rendre à l’ambassade des États-Unis à Londres : « Le personnel consulaire s’est occupé très efficacement de mes affaires diplomatiques importantes », écrivit-il, accompagné d’un émoji de clin d’œil.
Dans un tweet, j’ai qualifié Harrop de « Docteur Do-Much-Harm » (« Docteur-fait-du-mal »). Le lendemain matin, la police s’est présentée à ma porte. Je leur ai dit que je ne changerais pas d’un iota mon comportement en ligne et que Harrop intimidait des femmes sur internet. Le policier a hoché la tête, a parlé de liberté d’expression et est parti. Cependant, cette visite a lourdement accablé mon épouse.
Des gens comme Hayden et Harrop n’auraient pas pu avoir un tel succès sans des complices au sein de la police et de la presse. La rapidité avec laquelle ils ont acquis un tel pouvoir sur la société est surréaliste.
Quant à ma carrière de scénariste à succès, elle a pris fin avant même que les points de suture de mon opération contre le cancer ne disparaissent. C’est à cette époque que j’ai reçu une lettre de Sonia Friedman, l’une des plus grandes productrices de théâtre du West End londonien, me proposant d’écrire une nouvelle pièce pour accompagner la farce en un acte classique de Peter Shaffer, Black Comedy. J’étais apparemment « en tête de notre liste de rêves » pour la rédiger.
Black Comedy est probablement la farce la plus ingénieuse jamais écrite. Je l’avais vue des années auparavant avec David Tennant dans le rôle principal. J’en étais ressorti estomaqué et envieux. Le fait de passer du statut d’auteur de sitcom à celui d’auteur digne d’être associé à Shaffer m’émerveillait.
Mais pas pour longtemps. Quelques jours plus tard, les ayants droit de Shaffer ont décidé, au nom du défunt dramaturge, qu’ils « ne voulaient pas s’impliquer » en « prenant un parti ou l’autre ».
D’autres propositions d’emplois ont commencé à s’évaporer. Une tournée en Australie visant à enseigner la comédie a été annulée parce que la compagnie prétendait qu’elle « ne pourrait pas se permettre d’assurer la sécurité ». J’ai découvert plus tard qu’il s’agissait d’une excuse typique, souvent formulée à l’attention de celles et ceux d’entre nous que la nouvelle caste sacrée avait décrété impur·es.
Je suis également la personne ayant travaillé le moins longtemps avec les humoristes Steve Martin et Martin Short. Cinq minutes, je crois. Un producteur m’a invité à développer une série télévisée comique et dramatique dans laquelle ils joueraient tous les deux. J’ai reçu une offre catégorique, puis, dans les minutes qui ont suivi, un e‑mail du même producteur se rétractant, sans doute après qu’un membre de son équipe qui utilisait Twitter lui a dit que j’étais affreusement sectaire.
Même le job qui devait assurer ma retraite m’a été retiré. Il était prévu de réaliser une comédie musicale Father Ted, écrite et mise en scène par mes soins, qui, j’en étais certain, serait un énorme succès, et qui pourrait même faire ma fortune si j’y parvenais.
Je ne m’étais pas rendu compte de la détermination des forces en présence et du silence de mes collègues face à leurs assauts. Sonia Friedman, la productrice, m’a dit que j’étais « du mauvais côté de l’histoire » et m’a conseillé de « cesser de parler ».
Je me suis soudain retrouvé dans une virulente dispute avec cette femme puissante qui tenait ma comédie musicale entre ses mains. Mais voir une collègue débiter autant de clichés destructeurs de la pensée était plus que je ne pouvais supporter.
Personnellement, je ne veux pas vivre dans un monde où les petits garçons qui jouent à la poupée et les petites filles qui n’aiment pas porter du rose sont soumis·es à une médicalisation à vie parce que des lunatiques s’imaginent qu’ils et elles ne sont pas né·es dans le bon corps. Si c’est ça, le bon côté de l’histoire, alors l’histoire peut aller se faire foutre.
À la fin de la réunion, nous nous efforcions de ne pas croiser le regard de l’autre, afin de ne pas relancer le conflit. Je pensais au moins que Jimmy Mulville, le directeur de Hat Trick Productions, était de mon côté. En tant que producteur original de Father Ted, la compagnie avait un grand intérêt dans cette nouvelle entreprise. Mais désormais, les gens de Hat Trick commençaient à faire machine arrière.
Une autre réunion a été organisée autour du problème supposé de ma défense des femmes et des filles, au cours de laquelle, comme toujours, personne n’a réussi à pointer une faille dans mon analyse, alors que j’expliquais encore et encore : « Des enfants sont blessés. Les femmes perdent leurs sports, leur langage, leur vie privée. » À la fin, j’ai évoqué la nature violente et terroriste de l’activisme en faveur des droits des transgenres. Avec désinvolture, Jimmy m’a répondu : « Eh bien, il y a des mauvais comportements des deux côtés. »
L’expression « les deux côtés » est une diffamation venimeuse. Personne, de notre côté, n’insiste pour que des gens soient mis au ban de la société. Personne, de notre côté, ne porte de T‑shirts avec des slogans comme « Tuez les TERF » ou « Meurs sale TERF ».
Une connaissance m’a dit : « Certaines de tes actions sont discutables ». Je lui ai répondu : « Donne-moi un exemple ». Longue pause. « Ok, peut-être pas. »
L’acte final a été une réunion dans les bureaux de Hat Trick au cours de laquelle Jimmy m’a dit que je devais retirer mon nom de la comédie musicale Father Ted, sans quoi il ne produirait pas le spectacle — mon spectacle, que j’avais soigné, réécrit et peaufiné pendant la majeure partie d’une demi-décennie. Une fois de plus, j’ai demandé de quoi on m’accusait.
Jimmy a roulé des yeux, comme si cela allait de soi. Désespérément, j’ai essayé d’expliquer ce qui arrivait aux droits des femmes et aux jeunes filles qui se mutilaient à cause de… « JE M’EN FOUS », a crié Jimmy. Je suis parti.
Plus tard, j’ai appris par mon agent qu’en échange de la disparition de mon nom, Hat Trick proposait un paiement initial de 230 000 euros à titre d’avance sur mes droits d’auteur. Dans un premier temps, j’ai accepté — j’avais besoin d’argent. Mais j’ai ensuite changé d’avis.
Je suis tombé une interview de la mère d’une des nageuses qui s’étaient retrouvées face au nageur transgenre Lia Thomas. Lia était encore physiquement intacte. Toutes les femmes s’étaient mises d’accord sur le nombre de serviettes à emporter dans les vestiaires pour se couvrir complètement pendant qu’elles se changeaient.
« J’ai demandé à ma fille ce qu’elle ferait si Lia se changeait dans ce vestiaire », raconte la mère. « Elle a répondu avec résignation : “Je ne suis pas sûre d’avoir le choix.” Je n’arrive toujours pas à croire que j’ai dû dire à ma fille adulte que l’on a toujours le choix de se déshabiller ou non devant un homme. »
Quels messages ces jeunes femmes ont-elles reçus ?
Mon cœur s’est brisé. J’ai fermé la porte pour toujours au moindre accord avec Hat Trick. J’étais prêt à me trahir pour 230 000 euros, mais je ne pouvais pas trahir ma fille.
AVANT le battage médiatique sur les questions d’identité de genre, je ne connaissais que des gens dans les médias. Aujourd’hui, j’ai été tellement censuré que pratiquement personne dans les médias ne répond à mes appels. Mais j’ai commencé à compter parmi mes amis des travailleurs et travailleuses sociales, des employé·es de la police, des avocat·es, des médecins, des infirmières et des universitaires qui se sont rangés de mon côté ou ont partagé mon expérience.
La chorégraphe Rosie Kay est l’une des rares personnes que je connaisse encore dans le domaine des arts créatifs.
Lors d’une fête organisée chez elle, à Birmingham, pour sa compagnie de jeunes danseurs — dont certains utilisent des pronoms « préférés » — la conversation a porté sur son projet d’adaptation de l’œuvre de Virginia Woolf, Orlando, qui transcende le genre.
La discussion s’est enflammée lorsqu’elle a expliqué qu’elle croyait fermement à la réalité du sexe parce qu’elle et son fils avaient tous deux failli mourir pendant l’accouchement. Au cours de cette épreuve, son sexe féminin a littéralement été un enjeu de vie ou de mort pour elle. Son mari ne connaîtrait jamais cette expérience, et cette différence signifiait quelque chose.
Pour les petits apôtres de l’Église transgenre, il s’agit là d’une hérésie. Les danseurs ont harcelé Rosie au point qu’elle s’est réfugiée dans ses propres toilettes, puis ils se sont formellement plaints d’elle auprès des dirigeants de l’entreprise. « Ils ont annulé [cancelled] Orlando et se sont ensuite efforcés de me rééduquer, de m’empêcher de mettre l’accent sur les droits des femmes dans mon travail futur », m’a raconté Rosie. « J’ai dû démissionner de l’entreprise que j’avais fondée. »
Il y a aussi l’autrice pour enfants Rachel Rooney, qui a écrit un livre d’images intitulé My Body Is Me (Mon corps, c’est moi), afin de dire aux enfants qu’ils devraient être heureux avec leur corps. Les militants des droits des trans n’aiment pas que l’on mentionne le fait d’être heureux dans son corps, car cela sape leur message selon lequel être trans est un choix de vie exaltant et transformateur. Des tweets ont qualifié le livre de propagande terroriste et ont comparé Rachel à une suprématiste blanche. Le « syndicat » de l’autrice, la Society of Authors, a refusé de lui offrir son soutien. L’expérience a été tellement dévastatrice que Rachel a cessé d’écrire des livres pour enfants et a pris un emploi de soignante à temps partiel.
Qu’a fait Rachel pour mériter d’être censurée [cancelled] ? Elle a écrit un livre magnifique, gentil et responsable pour les enfants, et elle a subi le même traitement que moi : ils ont essayé de détruire sa vie. Les militants transgenres s’en prennent surtout aux femmes qui ne sont pas d’accord avec eux, mais je ne suis pas le seul homme qu’ils ont pris pour cible. Quelque 30 ans après notre première collaboration, j’ai croisé à nouveau le chemin de l’acteur comique James Dreyfus (l’agent Kevin dans Mr. Fowler, brigadier chef).
Je l’ai persuadé de signer une lettre demandant à Stonewall, l’organisation caritative de défense des droits des lesbiennes et des homosexuels, qui a modifié ses attributions et fait désormais plus que toute autre institution au Royaume-Uni pour promouvoir une idéologie terriblement sexiste, de reconsidérer sa position.
James a accepté sans hésiter. La lettre affirme que Stonewall « cherche à empêcher le débat public sur ces questions en qualifiant de transphobe toute personne qui remet en question [ses] politiques actuelles concernant la thématique transgenre ». Elle demandait à l’organisation caritative de « s’engager à favoriser une atmosphère de débat respectueux ».
Stonewall a refusé. Le simple fait de poser la question a été perçu comme une faute morale. Cinq ans plus tard, James est toujours harcelé par des militants trans et a du mal à trouver du travail.
En 2021, la compagnie Big Finish a publié Masterful, une célébration des 50 ans de l’ennemi juré de Doctor Who, The Master, que James a joué dans ses productions audio. Le générique lisait tous les acteurs vivants qui avaient interprété ce rôle emblématique… à l’exception de James.
Lorsque l’histoire de ces années sera écrite, on se souviendra avec dégoût non seulement des activistes extrémistes, mais aussi des entreprises serviles qui n’ont jamais tenté de leur résister. Leur inaction a contribué à ruiner les moyens de subsistance de James.
Un brillant acteur comique, homosexuel, a été abandonné par ceux-là mêmes qui auraient dû le soutenir, parce que la classe des célébrités est plus préoccupée par l’apparence qu’elle renvoie que par ce qu’elle fait réellement.
Pendant ce temps, un fossé se creusait entre moi et mon épouse, qui me voyait perdre des emplois et des opportunités. Helen était en quête de normalité, et j’étais perpétuellement consterné et énervé. Elle m’a demandé de cesser mes activités, ce qu’elle était parfaitement en droit de faire pour protéger notre famille.
Mais je n’ai pas pu le faire. Je savais ce que toutes celles et ceux qui ont participé à ce combat savent : la Stasi de l’identité de genre ne pardonne jamais. Je ne pourrai jamais être sûr de retrouver un emploi tant que l’ensemble du mouvement de l’idéologie de l’identité de genre, qui a causé tant de malheurs, n’aura pas été réduit en cendres. Même si j’avais été prêt à me rétracter ou à me taire, cela n’aurait servi à rien, car mon hérésie était connue et ne serait jamais pardonnée.
Je me battais pour les femmes et les enfants, bien sûr, mais aussi pour ma réputation et ma capacité à gagner ma vie.
Mon mariage ayant pris fin, j’ai quitté la maison familiale et j’ai emménagé dans un modeste appartement. Il y a une maison de retraite d’un côté et un cimetière négligé, envahi par la végétation, de l’autre — ce qui est un peu trop symbolique de ma situation pour que je m’y sente à l’aise.
Graham Linehan
Traduction : Nicolas Casaux
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