L’injonction du «coming out»

L’injonction du «coming out»

Le premier emploi du mot est attesté en français vers l’an 1000. Issu du grec « mêtêr », il donnera naissance à madre (espagnol), maïre (occitan), mare (catalan), matir (celtique), mutter (allemand) et mother (anglais). En 1650, le grammairien Gilles Ménage avança même que le mot « maman » aurait été formé « par la nature même dans la bouche des enfants » puisque, partout, ceux-ci « commencent à parler en prononçant des lettres labiales ».

Mais que pouvaient bien peser 2000 ans d’histoire devant les petits hommes gris de l’administration zurichoise ? Ceux-ci ont récemment « décrété » le bannissement des termes « papa » et « maman » du vocabulaire de l’administration et déconseillé leur usage aux parents. Comme si, pour faire plaisir aux ambidextres, il fallait supprimer la gauche et la droite.

Il ne s’écoule guère une journée sans que l’on constate combien ces idéologies jusque-là réservées à quelques sectes militantes et que l’on désigne sous le nom de « théorie du genre » se sont infiltrées dans toutes les administrations. Même les cours de sexualité destinés aux enfants du primaire et du secondaire n’en sont plus épargnés. Mon collègue Jean-François Lisée a récemment démontré que le Guide à l’intention des milieux scolaires sur les questions de diversité intégrait certains concepts issus de ces théories radicales. Ainsi en va-t-il du sexe qui serait « assigné » à la naissance et non plus constaté. Le féminin et le masculin n’étant plus que de pures constructions intellectuelles modifiables à l’infini sans le moindre fondement matériel — comme la nécessité de la reproduction, par exemple.

Il n’y a pas qu’au Québec que des parents ont fait cette découverte. En Belgique francophone, certains ne décolèrent pas depuis qu’un décret oblige les élèves de 6e année du primaire et de 4e secondaire à suivre des sessions d’Éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras). Quelques-uns ont même vandalisé et mis le feu à des écoles.

Là-bas comme ici, les médias ont fait grand cas des participants à ces manifestations où l’on retrouvait des catholiques orthodoxes, des musulmans intégristes et même des « complotistes » opposés à la vaccination. L’ennui de ces condamnations par association fondées sur la seule réputation des opposants, c’est qu’elles ne font aucunement avancer le débat.

Des illuminés auront beau évoquer un complot de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) afin d’initier les enfants à la masturbation et à la pornographie, cela ne change rien au fait que, comme le québécois, le programme belge se veut lui aussi en lutte contre l’idée d’un sexe « assigné » à la naissance. Tout au long des 300 pages du guide, on propose d’aborder avec l’élève (dès l’âge de 5 ans) l’importance de « consolider sa propre identité de genre ». Dès 9 ans, on lui enseigne qu’une personne trans doit se sentir libre d’« adopter une démarche différente (ou pas), changer sa façon de s’habiller (ou pas), prendre des hormones (ou pas), recourir à des opérations chirurgicales (ou pas) ».

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Le mythe du self-made-sex aurait-il remplacé celui du self-made-man ? L’essentiel serait en effet de « prendre conscience que l’identité de genre peut être identique ou différente, se rapprocher, s’éloigner, correspondre, ne pas correspondre, différer, osciller… de celle assignée à la naissance ». Une version préliminaire du guide expliquait même aux enfants de 9 à 11 ans que les échanges de sextos et de photos intimes pouvaient être « excitants » et « source de plaisir ». Jusqu’à ce que la ministre de l’Éducation se confonde en excuses.

Si l’on veut bien mettre de côté les approximations et les exagérations des réseaux sociaux, les critiques de ce programme vont bien au-delà des échos qui nous en sont parvenus. Ainsi, la pédopsychiatre Sophie Dechêne a-t-elle lancé une pétition signée par des professionnels tout ce qu’il y a de plus sérieux. Ce texte nuancé appelle à ne pas encombrer « le psychisme de l’enfant avec un référentiel adulte ». Ces experts accusent en effet les auteurs de défendre « une vision idéologique de l’éducation sexuelle […] où chaque enfant jongle avec son genre et sa sexualité, selon son bon désir, pour peu qu’il y ait consentement entre partenaires (à partir de 9 ans). » Comme si la seule loi était le « ressenti ».

Sophie Dechêne appelle tout particulièrement à respecter cette « période de latence » chez les enfants entre 6 et 11 ans où la sexualité est entre parenthèses et qui aurait, dit-elle, une fonction capitale pour leur socialisation. Dans un monde qui souffre déjà d’hypersexualisation, elle dénonce un programme qui impose aux enfants « des thématiques pour lesquelles ils ne sont pas prêts ».

Ici se confrontent deux visions opposées. Celle d’un monde où il faudrait libérer les enfants de cette affreuse division entre hommes et femmes imposée depuis des millénaires. Celle d’un monde qui au contraire souffrirait de ce que l’essayiste Éric Marty nomme la « verbalisation presque maniaque de la sexualité » autrement appelée « l’injonction du coming out ».

Peut-être serait-il temps d’admettre qu’un certain nombre de ces thèses radicales, le plus souvent défendues par des organisations militantes, n’ont pas leur place à l’école. Reconnaissons que les controverses qu’elles suscitent sont loin de se résumer, comme on voudrait nous le faire croire, à une bagarre entre des élites éclairées et une bande de mononcles. La moindre des choses serait donc de prendre le temps d’en débattre sérieusement.

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