Montréal, Canada – Incendies accidentels en lieux inoccupés

Montréal, Canada – Incendies accidentels en lieux inoccupés

Le 7 septembre, l’extrémité d’un immeuble de 29 appartements fut ravagée par un incendie. Une invitation à visiter le bâtiment eut lieu le 22 septembre, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.

Les faits

Étant donné que le Québec est toujours intégré au Canada, « le plus meilleur pays du monde », comme le disait si candidement Jean Chrétien, les journalistes de médias bien en vue se font dire que la municipalité s’occupe des suites de ce sinistre. On les assure que l’on a communiqué avec chaque locataire. On ajoute qu’un inspecteur certifie que le bâtiment est salubre. On juge donc que les résidents peuvent continuer d’y habiter. Cependant, personne n’a reçu de visite. Mis à part les bénévoles de la Croix Rouge, aucun responsable de la Ville ne se soucie des locataires, personne n’évalue l’état émotif de ces gens, inquiets de leur sort, puisque le nouveau propriétaire s’empressait déjà de les inciter à rompre leur bail.

La loi garantie, pourtant, le droit à la tranquillité et la salubrité des lieux, ce qui n’était déjà pas respecté, étant donné que l’on effectuait des rénovations, de jour et de soir, notamment dans la zone endommagée par l’incendie. Normalement, lorsqu’on entreprend des travaux dans un immeuble, le propriétaire doit reloger temporairement les locataires. Si le logis est plus onéreux que l’antérieur, c’est aussi à lui de payer la différence. Sachant que les gens enduraient déjà ce vacarme, l’Office municipale d’habitation de Montréal devrait se charger d’autant plus de leur fournir un lieu calme et salubre, ou exiger du propriétaire cette relocalisation, puisqu’il s’agit, encore une fois, d’Henry Zavriyev, connu pour ses nombreux achats d’édifices. Il serait étonnant que ce jeune affairiste ne dispose pas de quelques logis libres, parmi toutes ses acquisitions. En résumé, seuls des bénévoles de la Croix Rouge sont venus en aide aux résidents et ont payé durant trois jours les frais d’hôtel.

L’état des lieux

Quoique la plupart des logements soient intacts, dès qu’on entre dans l’immeuble, une odeur suspecte nous agace les narines. Les murs sont couverts de suie et de poussière. Les pompiers ayant bien arrosé les murs, il y prospère des moisissures, réputées pour se propager au-delà des incrustations visibles. Dehors, la pancarte « à louer » reste accrochée. On annonce des appartements de deux pièces et une salle de bain. Concrètement, il s’agit d’une pièce assez exiguë, comprenant un comptoir et un évier au fond de la pièce. Le réfrigérateur et la cuisinière partagent donc l’espace dans lequel un locataire installe son lit, sa table et les quelques autres meubles pouvant y entrer.

Avant l’incendie, un locataire s’est fait évincer agressivement, par huissier. D’autres ont été convaincus de quitter l’immeuble, en échange d’un dédommagement. Le minimum qu’un propriétaire peut allouer, lors d’une rupture de bail, est une somme équivalant à trois mois de loyer. Le résident le plus ancien habite les lieux depuis vingt ans et paie 650 dollars par mois. L’occupant le plus récent débourse 750 dollars. Soit 2250 dollars. Si on évoque, sans confirmation, un dédommagement de 3000 dollars, on ne peut certainement pas vanter la générosité du propriétaire. Celui-ci gagne même en laissant certains locataires ne pas payer les mois restant au bail : ce serait beaucoup plus onéreux défrayer leur déménagement et coût de logement temporaire, le temps des rénovations. D’ailleurs, cette offre de ne pas payer les prochains mois n’est peut-être qu’un leurre. En effet, si un locataire est pris en défaut de paiement, durant trois mois, le propriétaire peut légalement gagner sa cause contre l’occupant et resiller le bail.

Le plus étrange, est la version des pompiers disant que, à première analyse, l’incendie serait accidentel. Quand on sait que les flammes proviennent d’un appartement qui n’était occupé que par des ouvriers, lesquels auraient quitté l’immeuble vers dix-huit heures, alors que le feu s’est déclaré à la fin de la nuit, à moins d’intenter un procès aux rats et aux souris qui grugent les fils électriques, comment un incendie accidentel peut-il se produire dans un espace inoccupé? Un propriétaire qui laisse des déchets inflammables sur son terrain peut recevoir une amende. Henry Zavriyev, lui, peut accumuler les procès et acheter de nouveaux immeubles. 

Les locataires vivent dans l’anxiété, non seulement parce qu’ils n’ont pas de grands moyens financiers, ils craignent à nouveau un incendie : les matériaux calcinés n’ont pas été évacués de l’immeuble. On les a entassés dans des appartements vacants. Comme il survient de nombreux incendies « accidentels » dans des appartements sans locataires, les résidents ne se tracassent pas en vain.

Un exemple de plus

Le 5 avril, un incendie s’est déclaré à l’immeuble voisin du mien. La propriétaire était alitée… dans un hôpital, depuis des semaines. Aucun locataire n’occupait le palier au-dessus, seuls deux hommes vivaient au dernier étage et ont alarmé les voisins, à temps pour éviter des victimes d’asphyxie. Deux des trois immeubles affectés appartenaient à des courtiers immobiliers. Depuis quelques années, ce métier prend de l’expansion. Il ne s’agit plus de représenter un propriétaire et dénicher un acheteur mais, de plus en plus souvent, les agents acquièrent eux-mêmes un immeuble et le revendent avec profits, parfois même sans effectuer de rénovations. La hausse du coût des bâtiments provient en bonne part de courtiers devenus spéculateurs.

À suivre dans les médias…

À la fin d’un article paru dans le journal Le Devoir, on cite Henry Zavriyev : « Le plan est de posséder le bâtiment, de le rénover et d’être un bon propriétaire pour nos locataires tout en améliorant la qualité du parc locatif à Montréal. »

Assiste-t-on à une confession résultant d’un miracle? M. Zavriyev cumule plus de 130 causes au Tribunal Administratif du Logement. Il n’a jamais hésité à envoyer un représentant mettre sous pression des locataires, pour les convaincre de rompre leur bail. Une cause fameuse concerne son refus de maintenir le statut d’un immeuble, dans lequel les résidents âgés pouvaient recevoir des services. Dans le cas du bâtiment situé au 4790 Sainte-Catherine, il s’est contenté de demander un colmatage du toit percé. Le locataire vivant près de ce puits de lumière nouveau genre se voit doté d’une seconde douche, à chaque période de pluie. Tous les locataires ont été privés d’eau chaude pendant une semaine. Les escaliers de secours de l’immeuble sont en bois, très étroits, remplis de suie et de poussière, laissés tel quel, suite à l’incendie. ¹

Notre belle province voit le nombre de personnes sans abri augmenter presque aussi vite que le prix des loyers. À Sherbrooke, Granby, Drummondville, le camping est devenu une activité pratiquée involontairement. Avec les hausses abusives de loyers et la volonté de la ministre France-Elaine Duranceau d’interdire les cessions de bail « sans motifs sérieux », l’hiver s’annonce rude. ²

Voici donc quelques recommandations aux élus de Montréal, également valables pour l’ensemble du Québec. 

►L’obligation de montrer le bail antérieur aux gens qui visitent un appartement avant de conclure une location.

►Empêcher les hausses de loyer, pour deux ans, sauf en cas de véritables rénovations, au pourcentage défini par le Tribunal Administratif du Logement.

►Interdire aux huissiers d’évincer un locataire tant que sa cause n’a pas été entendue.

►Obliger les propriétaires qui rénovent un immeuble de respecter le droit à la tranquillité des lieux, en relogeant temporairement les occupants.

►Que les Office municipales d’habitations du Québec disposent d’un bâtiment, même modeste, où loger immédiatement les gens sinistrés, au lieu de débourser des sommes exorbitantes en hôtels, d’où on les transfère à répétition d’un lieu à un autre, jusqu’à ce qu’on assigne à chacun un HLM.

►Construire des immeubles ayant non seulement des escaliers de secours internes, mais un accès extérieur par escalier, et non uniquement un balcon fermé.

►Empêcher les courtiers immobiliers et les sociétés en commandites de posséder plus de deux immeubles locatifs, non commerciaux, et exiger d’eux le respect de leur métier qui est de représenter un propriétaire et non de jouer aux spéculateurs.

Bien entendu, les municipalités disent que leur pouvoir est limité, les lois impliquées étant provinciales. Et au palier provincial, on répond que criminaliser la spéculation immobilière est de juridiction fédérale. Le pouvoir de majorer leur salaire, par contre, tous l’utilisent, mais rien ne s’améliore pour autant.

Merci aux organisatrices de la visite du 4790 Sainte-Catherine, aux gens venus appuyer les locataires lésés, aux responsables du Comité-Bails, ainsi qu’à l’unique journaliste et cadreur qui acceptèrent l’invitation. Mes opinions, cependant, ne les engagent en rien.

Maryse Laurence Lewis

Notes :

1.1 https://journalmetro.com/local/ville-marie/3122142/residence-mont-carmel-les-parties-retournent-devant-le-tal/

1.2 https://www.ledevoir.com/societe/714957/enquete-henry-zavriyev-a-la-tete-d-un-empire-de-renovictions-a-28-ans? 

2. https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2023-06-09/projet-de-loi-31/quebec-veut-s-attaquer-aux-cessions-de-bail.php


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