Le p’tit père Couturier, cordonnier des pauvres et des sans-abris

Le p’tit père Couturier, cordonnier des pauvres et des sans-abris

Son presbytère est un musée et l’homme, une encyclopédie vivante. Chaque objet a une histoire, chaque affiche de concert a un sens. C’est parce que l’abbé Jean-Pierre Couturier a porté plusieurs chapeaux: organiste, soliste, chef de chorale, compositeur, membre de l’Union des artistes, administrateur et… cordonnier des itinérants. Il a reçu Le Verbe chez lui et nous a raconté chaque anecdote avec moult détails. Portrait d’un homme hors du commun.

Même s’il jouait à faire la messe avec des biscuits soda et du Quick aux fraises quand il était petit, ce n’est qu’à 42 ans que Jean-Pierre Couturier est devenu prêtre.

Vocation tardive, comme on dit? «Pas du tout, rétorque le nouveau curé de la paroisse Sainte-Catherine-de-Sienne dans Notre-Dame-de-Grâce à Montréal, la vocation a toujours été là; c’est la réponse qui a été tardive!»

Cet article est tiré du magazine de septembre/octobre 2023. Feuilletez-le en cliquant sur la bannière!

Artiste et ouvrier

Depuis la diffusion du reportage de Patrice Roy à Radio-Canada sur sa cordonnerie au fond du sous-sol de la Cathédrale de Montréal, dans un recoin passé le dépôt des objets sacrés, des dizaines de bonnes âmes ont décidé de l’aider à rafistoler les chaussures délaissées par leurs propriétaires pour les redonner aux pauvres. Le slogan de son œuvre de charité «Chez le P’tit Père», fondée en 1997, est éloquent: «Aider les pauvres, une paire de chaussures à la fois.»

«Maintenant, nous recevons des dons de la part des boutiques, comme Foot Locker par exemple. On a un nouveau partenaire au Sénégal en Afrique, aussi.»

Jean-Pierre Couturier

Cette réponse tardive aura eu le mérite de faire du «p’tit père» un curé inusité. Ce ne sont pas tous les prêtres qui pourraient se vanter d’avoir payé leurs études universitaires de théologie dans les années 70, en dansant du folklore québécois sur CTV au John Allan Cameron Show! Ou encore d’avoir comme fidèle compagnon le petit Palou, un chihuahua qui jappe quand vous passez la porte et qui finit par passer les deux heures de l’entrevue assis sur vos cuisses à vous réchauffer le cœur. «C’est sa pastorale, vous savez!, lance Jean-Pierre. Il a sa chaise à côté de l’autel à chaque messe. Il réconforte les esseulés, émerveille tout un chacun.» Là où est Jean-Pierre, là se trouve Palou.

À 14 ans, Jean-Pierre rejetait la foi de ses parents. «La vie n’avait plus de mystère pour moi parce que, quand on disait que les enfants naissaient dans des feuilles de chou ou qu’ils étaient livrés par des cigognes, moi, je répondais que je savais d’où ils venaient pour vrai. Ils venaient de l’orphelinat!»

C’est que, à 18 mois, Jean-Pierre a été adopté par un couple de Jonquière. Il est né à l’Institut des Sœurs de Miséricorde à Montréal, situé à la jonction des quartiers ouvriers de l’Est et du Quartier latin, là où les sœurs pouvaient venir en aide aux mères célibataires et aux orphelins. «Pouvez-vous croire que je n’ai su que cette année, le jour de la fête des mères en plus, qui était ma mère biologique? Elle est décédée, mais j’ai su que c’était une mère célibataire qui venait du Saguenay! C’est incroyable!»

Amnésie pendant l’anamnèse

Son chemin vers la foi est une longue histoire. Comme toutes les bonnes histoires, d’ailleurs.

«Disons que le premier jalon a été posé à l’âge de 21 ans. J’étais chantre à l’église de la Visitation à Montréal. Assez imbu de moi-même. Je servais l’Église, mais je n’avais aucune idée de ce que je faisais. Je n’avais pas la foi. Un jour, en pleine assemblée, au moment de l’anamnèse [NDLR: une prière durant la prière eucharistique, à la messe], le prêtre fait comme d’habitude et chante: “Il est grand le mystère de la foi…”. Moi, je devais guider l’assemblée et répondre: “Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus…” Mais voilà que j’ai un trou de mémoire horrible. L’assemblée a répondu toute seule! J’ai eu une amnésie à l’anamnèse!

Jean-Pierre Couturier

«Eh bien, c’était la première fois que je comprenais les paroles que je chantais depuis deux ans! C’était le grand mystère de la foi, quoi! C’était humiliant, évidemment, pour le chanteur qui ne sait pas sa ligne, mais c’était surtout humiliant pour l’imbécile qui était là à animer quelque chose qu’il ne comprenait pas! Christ est mort et ressuscité! On attend qu’il revienne! Je me suis dit : ‘‘Wow! Hein? C’est ça, la foi?’’»

C’était le début de la fin de l’athéisme, mais ce n’était pas suffisant. Le deuxième jalon s’est posé à la suite de l’homélie de Mgr André Cimichella, évêque auxiliaire et curé de la Cathédrale de Montréal à l’époque. «J’étais organiste à la cathédrale. J’étais sur la job, mais on aurait dit que cette homélie était pour moi. Il disait: “Si vous voulez rencontrer Jésus, demandez à sa mère, elle va vous le présenter. Vous savez bien, si vous voulez faire plaisir à un de vos chums et que vous ne savez pas quoi lui offrir, demandez à sa mère, elle va savoir, elle, ce dont il a besoin.” Le dimanche suivant, entre deux messes, je réfléchissais à l’homélie. Je me demandais comment demander à Marie… Je me souvenais juste des “Je vous salue Marie” de mon enfance avec le cardinal Léger à la radio! Alors, j’ai commencé à dire un “Je vous salue Marie”, et là, bang! J’ai été jeté par terre! Je regardais la cathédrale et je réalisais que j’étais dans LE sanctuaire, et que le tabernacle était là – il était habité! – et moi, à côté, si indigne! Les statues, soudainement, prenaient vie; les saints, c’était du vrai monde! Comme moi! Le mystère de l’incarnation me saisissait!»

Des statues de plâtre à l’Incarnation

«Comme plusieurs personnes de ma génération, j’avais été élevé avec le “Jésus vrai Dieu” à un tel point que c’est comme si le “Jésus vrai homme” avait pris le bord. Et les saints, c’étaient plus des statues que des personnes. Ce Dieu inatteignable était soudainement proche! Ce “Je vous salue Marie” a été comme un coup de poignard qui a percé mon cœur et qui a tout changé.»

Après ce coup de poignard amoureux, Jean-Pierre Couturier a vécu «un gros deux mois de noces», comme il dit. «J’avais l’impression d’avoir marché les pieds au plafond et la tête en bas toute ma vie, et là, enfin, j’étais à l’endroit! Je pleurais. C’était un curieux mélange d’amertume et de honte. Amertume parce que je me disais que ça avait pris bien du temps avant de vivre ce bonheur de croire! Et la honte devant tous ces gens que j’animais depuis toutes ces années! Ils m’avaient vu! Ils avaient dû prier pour moi en pensant “pauvre garçon, s’il savait”.»

Si le bonheur était si grand, pourquoi devenir prêtre? C’est la question que Mgr Lionel Gendron, alors recteur du Grand Séminaire, lui avait posée.

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«J’ai répondu la vérité. Un jour, j’allais donner un concert à Joliette. Dans l’entrée de l’église, il y avait une affiche sur laquelle il y avait un beau prêtre noir, tout coloré, avec ses beaux vêtements. J’avais lu beaucoup de livres sur la prêtrise. J’avais une bonne collection dans ma bibliothèque, du style Qu’est-ce qu’un prêtre?, Pourquoi devenir prêtre?, Pour qui les prêtres? Bref. Cette affiche-là… Oh! J’aimerais tant la retrouver! Elle disait: ‘‘Le monde a besoin de prêtres, car il a besoin du Christ!’’

«Ça a été… Wow! Eh bien! C’est pour ça… que je voulais être prêtre.»

Jean-Pierre sort son mouchoir de poche, retire ses lunettes, et s’essuie doucement les yeux.

«C’est bête parce que ça aurait pu aller plus vite que ça… Mais ce n’était pas écrit! Cette phrase a été la raison pour laquelle j’entrais. Juste cette phrase! Ça ne donnait absolument rien d’avoir lu tous les livres que j’avais lus! Une affiche a fait la job

On éclate de rire…

Celui qui a été vicaire de la Cathédrale de Montréal, qui parle français, anglais, italien, latin et presque bien allemand, est maintenant le curé d’une petite paroisse italienne où les Africains affluent. L’orgue de l’église Très-Saint-Rédempteur, qui vient de fermer ses portes dans Hochelaga, arrive dans son église le jour même où notre photographe lui tire le portrait. La chorale, déjà toute montée, attendait aussi ce moment avec impatience. Une école de musique liturgique verra le jour bientôt, assure-t-il, le regard brillant, heureux comme un roi, et petit comme un pauvre.

Photos : Kristina Bastien et Jakob Owens/Unsplash

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