L’automne politique à Québec

L’automne politique à Québec


Le premier ministre François Legault a reconnu au printemps avoir pris des décisions qui ont « déçu » députés et citoyens. Son gouvernement a repris le travail parlementaire en relançant des dossiers délicats. Les troupes caquistes proposent deux réformes majeures, en santé et en éducation, dans le difficile contexte des négociations avec le secteur public. L’élection partielle dans Jean-Talon, le 2 octobre, alimente les tensions entre les partis à l’Assemblée nationale. Et dans les sondages, l’étoile de la Coalition avenir Québec commence à pâlir. La nouvelle session parlementaire causera-t-elle aussi des déceptions ?

                                                                                                                                                    <h2 class="h2-intertitre">La marque Drainville</h2>

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a vécu son baptême du feu. Il a demandé de l’aide pour pallier la pénurie d’enseignants. Jonglé avec les thèmes de la non-binarité et de la transidentité. Récolté les critiques au sujet de la chaleur dans les classes — où sont parfois tombés des morceaux de plafond. L’automne ne s’annonce pas plus calme : l’élu doit mener l’étude détaillée du projet de loi 23, qui présente sa réforme. La contestation face à cette proposition, qui aurait pour effet de concentrer de nombreux pouvoirs entre les mains du ministre, vient de plusieurs fronts. Des professeurs d’université y voient une atteinte à leur liberté d’enseignement. Les commissions scolaires, une violation des droits constitutionnels de la communauté anglophone. Un groupe d’experts a démissionné en bloc après la présentation de la réforme. Même les travaux menés en amont ont suscité la controverse. Les équipes du ministre travaillent sur des amendements au projet de loi, mais n’ont pas l’intention d’en modifier les objectifs. Le ministre tient à instaurer une culture de responsabilité dans le réseau — il veut nommer, et destituer, si nécessaire, les directeurs généraux des centres de services scolaires. Il garde aussi le cap sur la création de l’Institut national d’excellence en éducation et réclame un meilleur accès aux données en provenance des écoles du Québec. Sa réforme pourrait aussi prendre une autre tournure. Informé de cas d’inconduites sexuelles dans les écoles, M. Drainville a dit songer à modifier son projet de loi afin de s’attaquer de toute urgence aux problèmes relevés dans un rapport dévastateur qu’il a dévoilé au début du mois. Quant à la directive qu’il a promis d’implanter pour interdire l’utilisation du cellulaire en classe dans les écoles publiques, elle se fait toujours attendre.

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L’envol de l’agence Santé Québec

Le projet de loi 15 sur l’agence Santé Québec est sous la loupe des parlementaires depuis déjà un mois à Québec. Mais c’est seulement cette semaine qu’ils se sont attaqués à l’un des aspects les plus délicats de la réforme : les obligations des médecins spécialistes. Si la réforme se réalise, ils auront davantage de comptes à rendre au directeur médical de leur région. Ainsi, même s’ils sont des travailleurs autonomes, ce dernier pourrait les obliger à consacrer un certain nombre d’heures de leur semaine à ceci ou à cela, à défaut de quoi ils perdraient leur droit d’exercice dans la région (c’est ce qu’on appelle les « activités médicales particulières », ou « AMP » dans le jargon). Même si cette mesure peut avoir l’air d’une déclaration de guerre aux médecins, le ministre de la Santé, Christian Dubé, se montre très confiant et salue la « qualité » des échanges qu’il a avec la Fédération des médecins spécialistes en parallèle avec ce qui se passe au Parlement. Les députés auront-ils le temps d’étudier les 1180 articles du projet de loi à l’intérieur du calendrier que s’est fixé le ministre ? Christian Dubé veut que la nouvelle agence soit opérationnelle dès le printemps… Les députés de l’opposition craignent un recours au bâillon depuis le début, mais ont décidé de jouer le jeu quand même et ont franchi le cap du 200e article cette semaine. Le ministre, lui, répète que le projet de loi 15 permettra de régler indirectement une série de problèmes en donnant des « leviers » aux « gestionnaires ». Mais face aux listes d’attente en chirurgie et ailleurs, le lien entre les deux demeure bien intangible.

La sécurisation culturelle reconnue

Trois ans après la mort de Joyce Echaquan, le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, pilote le délicat dossier de la sécurisation culturelle en santé. Avec son projet de loi 32, il veut contraindre les employés du réseau à « tenir compte » des « réalités culturelles et historiques » des Autochtones « dans toute interaction avec eux ». « C’est difficile. Ça a été tough. Et personnel par bouts », a lâché jeudi le ministre, après deux journées de consultations parfois mouvementées. Il en a contre la sortie du Collège des médecins, qui a qualifié son approche de « colonialiste et paternaliste ». Les dirigeants du Collège sont arrivés « en me faisant une leçon de morale », juge l’élu. « Quand je regarde les stérilisations forcées, ils ont un rôle, un leadership : ils ne peuvent pas arriver en disant qu’ils n’ont rien à voir là-dedans. » Si l’exercice que mène M. Lafrenière est délicat, c’est parce que le gouvernement Legault refuse de reconnaître l’existence du racisme systémique. Pour certains groupes en santé et certains représentants autochtones, cette reconnaissance est une condition essentielle dans une démarche de sécurisation culturelle. S’il parvient à légiférer sur la question, Québec marquera une première au Canada. Ici comme ailleurs au pays, l’historique entre les Autochtones et le système de santé est funeste. Plusieurs Autochtones vont à l’hôpital « à regret, tardivement » : ils « vont à l’urgence et se font dévisager par le gars à l’entretien à la porte, puis par l’infirmière auxiliaire, l’infirmière… » illustre le chirurgien Stanley Vollant. Pour cela, entre autres, le ministre Lafrenière garde le cap. « J’ai posé la question à plusieurs personnes : est-ce qu’on doit arrêter ? Et la réponse a été non », a-t-il attesté. Les consultations désormais terminées, ses équipes doivent formuler des amendements au projet de loi.

En quête d’énergie

Après des années à disposer de vastes surplus d’électricité, le Québec fait face à un brutal changement de paradigme qui continue de guider l’action du ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon. Il a récemment indiqué qu’il faudrait peut-être doubler la production d’Hydro-Québec en ajoutant 200 TWh à sa capacité. Le chiffre s’est précisé dans la dernière année, avant laquelle les besoins supplémentaires n’étaient évalués qu’à « plus de 100 TWh ». Un projet de loi qui doit réformer la Loi sur Hydro-Québec et la Loi sur la Régie de l’énergie est attendu cet automne. L’objectif est de moderniser l’encadrement de la production d’électricité. M. Fitzgibbon a évoqué la possibilité de revoir la tarification imposée aux entreprises. Quant aux tarifs résidentiels, les Québécois pourraient être incités à la sobriété énergétique au moyen de tarifs réduits associés aux périodes où la demande est moins forte. Il reste à voir si les dispositions en vigueur actuellement dans la grille d’Hydro-Québec seront suffisantes à cette fin. Parallèlement, les négociations se poursuivent avec Terre-Neuve-et-Labrador pour le renouvellement de l’entente qui permet à Hydro-Québec d’acheter la production de la centrale de Churchill Falls, dont l’échéance est 2041. Dans la province atlantique, où des élections sont prévues d’ici 2025, l’enjeu est important sur le plan politique. Hydro-Québec examine également la possibilité de relancer la centrale nucléaire Gentilly-2, mais il est peu probable que ses conclusions soient connues cet automne. Un nouvel appel d’offres pour de l’énergie éolienne pourrait être lancé dans la prochaine année. Dans une autre filière du secteur de l’énergie, le gouvernement doit annoncer fin septembre un important investissement de l’entreprise suédoise Northvolt, un fabricant de cellules de batteries, attendu en Montérégie. M. Fitzgibbon a décrit ce projet comme le « plus gros que le Québec n’a jamais vu ».

La réforme Fréchette mise à l’épreuve

L’époque à laquelle il aurait été « suicidaire » pour le fait français de rehausser les seuils d’immigration est loin derrière François Legault. Sa ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, n’a pas attendu pour proposer, au printemps, d’augmenter les cibles d’accueil annuelles à 60 000 personnes d’ici 2027. Depuis mardi, elle soumet ce scénario à consultation dans le cadre de la commission sur la planification pluriannuelle de l’immigration. Un plan B, qui prévoit le maintien des cibles à leur niveau actuel, est aussi sur la table. Mais la pression des milieux économiques se fait déjà ressentir. Cette semaine, le Conseil du patronat du Québec, la Fédération des chambres de commerce du Québec et Manufacturiers et exportateurs du Québec ont, sans surprise, demandé à la ministre Fréchette d’opter pour un scénario à la hausse. Même le commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil, a donné son feu vert à une augmentation des seuils, à condition qu’une proportion suffisante des immigrants économiques choisis par Québec utilisent la langue de Molière dans l’espace public et au travail. Christine Fréchette ne pourra pas attendre. À la fin des consultations, le 28 septembre, il lui restera à peine un mois pour déposer son plan en immigration pour 2024-2027. Puis, il y a les temporaires. Depuis le dépôt de la nouvelle stratégie gouvernementale en immigration, l’opposition au Parlement reproche à la Coalition avenir Québec d’avoir oublié les quelque 370 000 résidents non permanents qui ont temporairement élu domicile au Québec. Comment faire pour les intégrer malgré la pénurie de logements ? demande-t-elle. Et comment protéger la langue française si les travailleurs et les étudiants temporaires n’ont aucune exigence linguistique à respecter ?

Négociations avec le secteur public 

L’affrontement attendu entre les syndicats du secteur public et le gouvernement Legault sera difficile à contourner cet automne. « J’ai quand même des inquiétudes quand j’entends certains chefs syndicaux faire des menaces de grève », a lancé le premier ministre François Legault le 8 septembre, lors du caucus de son parti à Saguenay. Quatre jours plus tard, les syndicats mettaient leurs menaces à exécution. Le front commun, qui représente 420 000 employés des secteurs public et parapublic, a annoncé qu’il consulterait ses membres à compter de lundi sur un éventuel arrêt de travail, voire une grève générale illimitée. Le processus s’étirera toutefois dans le temps puisque le front se donne jusqu’au 13 octobre pour sonder le mouvement. La tension monte entre les syndicats et le gouvernement Legault depuis des mois. La convention collective des travailleurs est échue depuis le 31 mars 2022, et les deux parties n’arrivent pas à s’entendre, notamment sur les hausses de salaire. Les professionnelles en soins (infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes, perfusionnistes techniques), qui négocient de leur côté, se préparent, elles aussi, à un coup de force et à un test de popularité si elles multiplient les moyens de pression. Déjà très mobilisées avant la pandémie, elles réclament une hausse de plus de 20 %, ce qui dépasse la capacité de payer des Québécois, soutient François Legault. Or, le ministre de la Santé, Christian Dubé, souhaite lancer sa nouvelle agence Santé Québec au printemps prochain, et il aura besoin de nouveaux contrats de travail pour ce faire.

Hausse du coût de la vie 

La mise à jour économique du gouvernement, prévue en novembre comme chaque année, révélera si le gouvernement met en oeuvre des mesures pour aider la population à encaisser le choc de l’inflation, un sujet sur lequel il est talonné quotidiennement par l’opposition. Le ministre des Finances, Eric Girard, répète depuis quelques jours que le revenu disponible des Québécois s’est amélioré, mais cette semaine, il s’est gardé de commenter la situation du point de vue du pouvoir d’achat. Mettant en avant son rôle de « fiduciaire » des finances publiques, le ministre a affirmé que sa mise à jour porterait sur les thèmes du logement, de l’itinérance et de l’adaptation aux changements climatiques. Bien que l’exercice revête parfois des allures de minibudget, M. Girard a affirmé que sa mise à jour serait « plus conventionnelle ». Contrairement à son ministre, qui a exclu l’envoi de chèques qui viendraient soulager la population, François Legault a refusé de rayer cette option de sa liste. Des groupes ciblés, laissés pour compte jusqu’ici, pourraient recevoir un soutien financier de l’État. Quant à une aide plus large, M. Legault ne l’a pas exclue non plus. Il l’a cependant liée aux décisions de la Banque du Canada. Après une pause il y a 10 jours, la banque centrale a affirmé qu’elle pourrait décider d’augmenter de nouveau son taux directeur en raison d’une prévision de hausse de l’inflation. « Les gouvernements de chaque province ont une responsabilité d’aller aider les citoyens qui sont touchés par les impacts de cette hausse du taux d’intérêt », a déclaré le premier ministre. Mardi, jour de rentrée parlementaire, il s’est défendu contre les tirs croisés du Parti libéral du Québec, de Québec solidaire et du Parti québécois, qui le pressent d’agir. M. Legault a affirmé qu’avec ses baisses d’impôt et autres crédits, il a retourné l’équivalent de 7,2 milliards de dollars par année dans les poches des Québécois.

Avec La Presse canadienne

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