Le transport électrique d’ici 2030 : réalité ou utopie?

Le transport électrique d’ici 2030 : réalité ou utopie?

 

Auteur : Patrick Vesin

  

S’il y a un sujet d’actualité, c’est bien le transport électrique et en particulier la voiture électrique. Quand il s’agit d’en faire la promotion, on parle de voiture verte, de zéro carbone, d’énergie propre. Avec un marché en croissance depuis quelques années, la voiture électrique aurait-elle déjà acquis ses lettres de noblesse et serait-elle, comme nous le promettent les médias, une des solutions idéales pour le futur climatique de la planète?

 Selon des données de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVÉQ), il y a environ 170 000 véhicules électriques au Québec. L’objectif est d’arriver à 2 millions d’ici 2030. Cependant, cette augmentation du parc électrique représente tout un défi, comme le dit, M. Fitzgibbon, le ministre de l’Économie. Celui-ci affirme que : « ça va mettre une pression énorme sur Hydro-Québec, pas pour ce qui est de l’énergie, mais pour ce qui est de la gestion de puissance[1]. »

Alors, quels en sont les avantages et les inconvénients ?

 

 Avantages

  • Au fil des kilomètres, une voiture électrique émet beaucoup moins de CO2 qu’une voiture thermique, ce qui réduit la pollution de l’air. Mais il reste des émissions de particules hors échappement, comme par exemple lors des freinages[2].
  • Réduction de la pollution atmosphérique dans les centres-villes.
  • Les moteurs électriques ont un meilleur rendement que les moteurs thermiques : très peu de perte de chaleur, arrêt dans le trafic, aux lumières, dans les descentes, etc., ce qui leur permet d’être plus efficace et donc de consommer moins.
  • Il faut ajouter à cela la cogénération : il est beaucoup plus économique de produire de l’énergie à partir d’une seule source que de faire fonctionner une multitude de petits moteurs car il y a beaucoup moins de pertes de chaleur, donc d’énergie.
  • Suppression de la pollution sonore des moteurs thermiques[3].
  • Pour ceux qui appellent à l’urgence climatique, la voiture électrique permettrait la suppression du pétrole.
  • Le coût à l’usage et l’entretien sont sensiblement inférieurs à ceux d’une voiture thermique.
  • Un véhicule électrique neuf est avantageux quand on fait beaucoup de kilométrage, parce que l’on compense les émissions associées à la production du véhicule, selon Andréanne Brazeau, une analyste en mobilité chez Équiterre[4].
  • Finalement, selon l’analyse de cycle de vie du CIRAIG (Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services), les véhicules électriques sont moins nocifs pour l’environnement dans toutes les catégories, sauf en matière d’épuisement des ressources minérales, où ils font un peu moins bien que les véhicules traditionnels.

 

Inconvénients

  • La voiture électrique a un coût d’achat plus élevé, ce qui limite sa diffusion. Cependant, ses partisans espèrent qu’avec l’avancée des connaissances (qui devrait permettre d’utiliser des matériaux moins chers et en moins grande quantité) et une production de masse, les prix baisseront.
  • La voiture électrique nécessite plus de métaux rares. Ceci implique des enjeux de disponibilité, de pollution et des problématiques sociales et géopolitiques.
  • L’extraction et le raffinage du lithium, du cobalt et du manganèse, matériaux difficiles à trouver et à extraire et dont la batterie est composée, nécessitent l’utilisation intensive de produits chimiques ayant un impact environnemental. Ces matériaux nécessitent une exploitation minière intensive et même certains procédés polluants pour les séparer du sol. C’est pourquoi la production de batteries pour véhicules électriques est un défi pour l’environnement[5].
  • L’essor de la voiture électrique est donc directement menacé par la rareté des métaux nécessaires à la fabrication des batteries (les fameuses terres rares). L’augmentation de ses parts de marché va accentuer la pression sur l’extraction de ces minerais ce qui risque d’engendrer une forte hausse du coût des matières premières utilisées. Celle-ci a déjà commencé et représente une réelle menace à sa démocratisation[6].
  • La fabrication d’une voiture électrique a un impact carbone supérieur à celui d’une voiture thermique (de 20% au double selon les études). Le résultat est qu’une auto électrique ne serait rentable énergétiquement qu’au bout de 50 000km, 100 000km… voire peut-être jamais selon certains experts[7].
  • L’énergie employée pour alimenter les voitures électriques n’est pas nécessairement verte, loin s’en faut. Rappelons que 35,4% de la production mondiale d’électricité en 2022 est assurée par le charbon, certes en baisse. Globalement, les énergies fossiles représentent 62% de l’électricité produite tandis que les énergies photovoltaïques et éoliennes ne représentent que 10%.
  • La hausse de la consommation électrique en cas de passage au tout électrique est estimée à 15% d’ici 2040. Cependant, « une aire de recharge destinée à des camions pourrait consommer autant… qu’une petite ville américaine d’ici 2035. De son côté, une station de recharge pourrait s’avérer aussi énergivore qu’un stade de sport d’ici 2030.
  • Le temps d’attente pour se procurer un véhicule électrique est encore long. Dans la plupart des cas, c’est au moins un an d’attente[8]. »
  • Contrairement aux promesses des débuts, l’usage d’une auto électrique risque d’être plus élevé que celui des voitures à essence car les pénuries d’énergie risquent d’entraîner une hausse substantielle des prix de l’électricité (sauf peut-être dans quelques rares endroits de la planète comme le Québec qui bénéficie actuellement d’une énergie bon marché grâce à ses barrages… mais pour combien de temps?).
  • En outre, il faut changer les batteries au bout d’un certain nombre de kilomètres, ce qui est très onéreux et augmente d’autant le bilan carbone et environnemental de ce type d’autos (sans parler de l’autonomie limitée).
  • Ce qui amène au « problème vertigineux des mises à la casse anticipées des voitures électriques», la durée de vie des voitures électriques étant parfois très courte à cause de l’impossibilité de les réparer en cas d’accident, même de faible gravité.

 

Utopie ou réalité?

Le physicien Pierre Langlois, PhD, voit l’avenir avec beaucoup d’optimisme. Voilà les améliorations prévisibles qu’il entrevoit pour les prochaines années.

La chute rapide du prix des batteries va entraîner une parité du prix d’achat des véhicules électriques avec celui des véhicules à essence vers 2027, pour une autonomie électrique de 300 à 400 km. À ce moment, le réseau de bornes de recharge rapide (20 minutes) va être très bien déployé, et on va pouvoir économiser en carburant et entretien en installant des panneaux solaires sur votre toit, sans rien avoir à débourser pour l’installation. Comment dire non? De plus, une nouvelle technologie peut désormais stocker l’électricité solaire pour la nuit à un prix compétitif, ce qui va permettre d’augmenter la pénétration à grande échelle de l’énergie solaire. Et les prix ne cessent de baisser. Fini les centrales au charbon en 2030[9].

De plus -un point encourageant- compte tenu de l’approvisionnement problématique de nombreux matériaux utilisés dans les batteries de véhicules électriques, les fabricants recherchent activement de nouvelles solutions respectueuses de l’environnement et de la société pour produire des batteries. L’une de ces alternatives est la technologie lithium fer phosphate (LFP ou Li-FP), qui utilise du fer au lieu du cobalt.

 

D’un autre côté, selon Louise Millette, professeure agrégée, Département des génies civil, géologique et des mines, Polytechnique Montréal, Patrick Cigana, ingénieur, et Véronique Gisondi, ingénieure., le véhicule électrique personnel n’est pas raisonnable :

Est-il réaliste de penser que pour une seule application (l’électrification des véhicules personnels), pour un seul État, le Québec (qui ne représente qu’un millième de la population mondiale), nous allons pouvoir consommer entre 10 et 12% d’une année de production mondiale de ce métal [le lithium]? Avec les autres sociétés qui s’y mettent aussi? Forcément, il faudra augmenter de manière draconienne l’extraction de ce minerai, avec les impacts environnementaux et sociaux que cela implique. Et avec une telle demande, les prix ne pourront qu’exploser[10].

Mais l’offre pourra-t-elle répondre à la demande? Aurore Stéphant, ingénieure géologue minier, répond par la négative en montrant que nous arrivons au bord de l’épuisement des ressources de la planète, notamment en ce qui concerne tous les métaux pour arriver à faire la « transition écologique », donc ceux nécessaires aux batteries. Elle conclut qu’il sera impossible que la plupart des gens puissent avoir une auto électrique et se demande avec quels métaux on pourra construire nos éoliennes et panneaux solaires, censés fournir une énergie propre à nos autos électriques. La fin du charbon, vraiment?

En fait, la construction d’une auto électrique est extrêmement polluante. Pourtant, il reste dans l’imagerie populaire que conduire une auto électrique est l’équivalent de conduire un véhicule avec « zéro émission ». C’est très loin d’être le cas comme le suggèrent ces deux tweets :

 

 

Dans ces conditions, l’auto électrique et la transition écologique semblent très difficilement réalisables. L’enjeu est donc :

  • Améliorer les technologies de batteries pour réduire drastiquement l’utilisation des métaux critiques.
  • Recycler les batteries afin de limiter la demande en métaux qui tendent à disparaitre.

 

Mais cela suffira-t-il?

En outre, la seule électrification des véhicules ne sera pas suffisante pour atteindre les objectifs énoncés par ceux qui annoncent une urgence climatique. En effet, comme on l’a vu, l’auto électrique reste polluante (lors de sa production puis pour produire l’électricité qui lui permet de se mouvoir).

Cela suppose donc un changement dans certaines habitudes :

  • Réduction des déplacements, de la production de véhicules neufs.
  • Trouver d’autres moyens de mobilité moins conséquents qu’un véhicule individuel: marche, vélo, transports en commun, covoiturage, autopartage, véhicules aussi sobres, légers et aérodynamiques que possible et des infrastructures nécessaires (recharge rapide)[11].

 

Même si on ne croit pas au changement climatique, la rareté des minerais est une réalité qui rend intenable la poursuite de notre mode de vie. Mais dans une province grande comme le Québec et les froids qui y sont associés l’hiver, est-ce réaliste ?

Une autre solution pourrait-elle être de passer également par des autos à essence extrêmement économes? Certaines consomment aussi peu qu’1 litre au 100 kilomètres. Mais on assiste plutôt à l’inverse avec des autos toujours plus grosses et consommatrices.

De plus, autre point important : on oublie que suite à l’amélioration des moteurs les émissions en provenance de l’échappement des véhicules sont devenues négligeables par rapport à une autre source : leurs pneus. Ainsi, d’après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), « les particules émises hors échappement par les systèmes de freinage, les pneumatiques ou les chaussées sont devenues largement prépondérantes par rapport aux émissions à l’échappement des véhicules essence et Diesel équipés d’un filtre à particules. »

Plus le véhicule est lourd, plus il aura tendance à user ses pneus. Et la situation s’aggrave donc encore dès lors que les véhicules deviennent 100 % électriques puisqu’ils sont plus lourds à cause de leur batterie.

 

Finalement, certains sont catégoriques.

Pour Somo, (Center of research on multinational corporations), une ONG plutôt écolo,

La hausse des ventes d’autos zéro émissions verra les besoins en gigafactories multipliées par 17 en Europe et aux États-Unis. Des usines à batteries qu’il faudra alimenter en minerais venus de pays émergents qui n’en profiteront pas. Une vieille histoire de néocolonialisme ? Pour les enquêteurs de Somo, le tout électrique n’est pas une solution durable. Il serait même dévastateur pour les ressources minérales de la planète et pour une bonne partie de ses occupants[12].

 

Laissons la parole finale à Carlos Tavares, patron du Groupe PSA (Peugeot, France).

« Je ne voudrais pas que, dans vingt ans, on découvre que tout n’est pas si rose qu’on le pensait. Le recyclage des batteries, l’utilisation intensive de matières premières rares de la planète ou encore les émissions électromagnétiques[13]. »

 

Pour conclure

Sur le plan de l’éthique, sous prétexte d’énergie propre dans notre pays, est-on prêt à polluer et exploiter d’autres régions de la planète tout en y exploitant la main d’œuvre locale ? Cela reviendrait à exporter la pollution. Mais en fait, n’est-ce pas déjà ce que l’on fait?

Finalement, la voiture électrique n’est pas LA solution que veulent nous présenter les écologistes. Même si elle a des avantages et que certaines avancées sont prometteuses, la rareté des matériaux et la pollution qu’elle engendre rendent sa démocratisation illusoire. 

 

[1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1977399/fitzgibbon-electricite-transports-collectif-hydro-quebec

[2] https://bonpote.com/la-voiture-electrique-solution-ideale-pour-le-climat/#:~:text=La%20voiture%20%C3%A9lectrique%20est%20en,la%20fabrication%20de%20la%20batterie

[3] https://www.quechoisir.org/comparatif-voitures-electriques-n108194/

[4] https://www.ledevoir.com/environnement/720300/quand-changer-pour-une-voiture-electrique

[5] https://www.quechoisir.org/actualite-voitures-electriques-sont-elles-vraiment-ecologiques-n103891/#:~:text=Une%20dette%20de%20d%C3%A9part,’origine%20du%20r%C3%A9chauffement%20climatique

[6] https://blog.evbox.com/fr-fr/impact-des-batteries-sur-lenvironnement#:~:text=Certaines%20%C3%A9tudes%20ont%20montr%C3%A9%20que,processus%20de%20fabrication%20lui%2Dm%C3%AAme

[7] https://www.mediabask.eus/eu/info_mbsk/20230215/l-avenir-de-la-voiture-electrique-s-assombrit#:~:text=L’essor%20de%20la%20voiture,en%20plus%20difficile%20%C3%A0%20atteindre

[8] https://www.guideautoweb.com/articles/70275/le-delai-d-attente-pour-un-vehicule-electrique-en-train-de-s-ameliorer/

[9] https://eco-energie-montreal.com/conferences-physicien-pierre-langlois-mobilite-electrique/

[10] https://www.lesaffaires.com/blogues/le-courrier-des-lecteurs/le-vehicule-electrique-personnel-n-est-pas-raisonnable/639916

[11] https://www.quechoisir.org/actualite-voitures-electriques-sont-elles-vraiment-ecologiques-n103891/#:~:text=Une%20dette%20de%20d%C3%A9part,’origine%20du%20r%C3%A9chauffement%20climatique)

[12] https://www.caradisiac.com/la-voiture-electrique-elle-est-devastatrice-pour-la-planete-et-pour-une-bonne-partie-de-ses-occupants-201441.htm#:~:text=Le%20tout%20%C3%A9lectrique%20n’est%20pas%20durable&text=Car%20pour%20les%20enqu%C3%AAteurs%20de,en%20Europe%20et%20aux%20US

[13] https://www.leparisien.fr/automobile/vraiment-ecolo-la-voiture-electrique-11-08-2019-8132127.php
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