Porter ou ne pas porter le masque

Porter ou ne pas porter le masque

Difficile ces jours-ci de ne pas se crisper en voyant le masque timidement réapparaître dans le métro, au boulot, au resto. Raconté par Le Devoir, le refus d’autoriser son port à une employée, alors que la COVID reprend timidement du terrain a mis en lumière une aberration qui en dit long sur notre rapport tordu à cet outil précieux tiré de notre arsenal préventif.

Vous ne rêvez pas. Après s’être déchirés sur le droit au refus du port obligatoire du masque, voici qu’on se tiraille pour l’exact contraire. Il y a quelque chose de proprement surréaliste à constater que nous sommes encore aussi mal outillés pour évaluer le bien-fondé d’une telle pratique et trancher dans le vif. Trois ans de pandémie nous auront-ils laissés aussi ignorants qu’au premier jour ?

Un des grands mirages qu’on nous aura fait miroiter au bout de la longue pandémie qui nous a tenus en alerte pendant des mois, c’est qu’avec la phase endémique, on pourrait enfin souffler et « vivre avec » la COVID. Entendons-nous, ce n’est pas faux. Mais ce faisant, on a sciemment éludé la nécessité de préciser que « vivre avec », ce n’est pas abandonner tout principe de précaution et de civisme.

À la limite, on pourrait même zapper la COVID de l’équation que la conclusion ne changerait pas d’un iota. On peut porter le masque pour se protéger soi, parce qu’on est immunodéprimé, par exemple ; comme on peut le porter pour protéger les autres, parce qu’on a des symptômes d’une maladie infectieuse, comme la grippe ou le virus respiratoire syncytial (VRS) et qu’on ne veut pas la passer au suivant.

Une bagatelle, que ces maux-là ? Chaque année au Canada, on estime que la grippe saisonnière cause environ 12 200 hospitalisations et 3500 décès. Quant au VRS, nul besoin de remonter loin dans le temps pour mesurer ses effets dévastateurs sur l’accessibilité aux soins. L’an dernier, une vague d’hospitalisations portée par un tsunami d’infection virale respiratoire avait causé un « désastre » sorti d’un « film d’horreur » aux urgences pédiatriques, pour reprendre les mots de notre collaborateur, le pédiatre urgentiste Samir Shaheen-Hussain. Le VRS y tenait un des premiers rôles.

Cela dit, quand bien même on voudrait la zapper (et ce n’est pas l’envie qui manque), la COVID est encore là, forte de nouveaux variants et d’une énième campagne de vaccination en préparation. Pour les plus vulnérables, ce n’est toujours pas une bagatelle. Vendredi, le ministre de la Santé, ne voulant « pas inquiéter la population », a tout de même tenu à donner l’heure juste. Le nombre de patients admis à l’hôpital et contaminés par le coronavirus a triplé en trois semaines pour s’élever à 881, en date du 6 septembre, avec une petite poignée (19) aux soins intensifs.

Le ministre ne s’est pas aventuré à échafauder des scénarios. Il a renvoyé la patate chaude au directeur national de santé publique, qui aura la responsabilité d’émettre ses recommandations pour l’automne. Percer l’abcès entourant le port du masque apparaît comme un impératif. Tout comme mieux encadrer le droit du port du masque au travail.

Dans nombre de pays, surtout asiatiques, le port du masque est décomplexé. Ainsi, personne ne sursaute ou ne proteste en voyant un masque, car son port est perçu comme un geste de prévention élémentaire, naturel et même désirable. Là-bas, on a tranché : quand la santé est jeu, les intérêts collectifs l’emportent sur les élans individuels. Ici, le port du masque a été instrumentalisé et politisé à outrance jusqu’à en faire une grenade encore aujourd’hui difficile à désamorcer.

Tant nos leaders que les autorités sanitaires sont à blâmer pour ce ratage. Si notre relation au masque est si problématique, c’est en partie parce qu’on a tout fait pour nous en dégoûter. On a d’abord voulu nous faire croire que ses vertus étayées par la science étaient surfaites et que, même en pandémie, nous n’en avions pas besoin, car c’était là un bouclier trop imparfait. Par notre faute, en plus ! Puisque nous étions jugés béotiens en la matière, on a conclu que nous l’utiliserions forcément mal et que, ce faisant, le masque nous ferait collectivement plus de tort que de bien.

Les autorités sanitaires ont dû pédaler fort pour désamorcer cette dangereuse bombe. Bons princes, une majorité d’entre nous a accepté sans trop rechigner de voir le masque érigé en arme de protection massive. Le compas de la science, après tout, n’avait pas vraiment bougé. C’est la confiance de la santé publique en notre sagesse collective qui a fait un virage à 180 degrés.

Malgré cette volte-face, on comprend que le malaise persiste dans la population. Le retour à une certaine normalité, sur le plan viral du moins, est un soulagement pour tous. Alors que la saison des maladies respiratoires nous attend au détour, ne gâchons pas cet appel d’air en rejouant dans le mauvais film qui nous a opposés les uns les autres. Se faire vacciner, se laver les mains, porter un masque, s’isoler ou aérer sont des gestes préventifs qu’il ne suffit pas de normaliser. Il faut aussi les protéger des excès de fièvre politique et des réactions individuelles épidermiques.

<h4>À voir en vidéo</h4>

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Source : Lire l'article complet par Le Devoir

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À propos de l'auteur Le Devoir

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