‘Le grand déménagement’ : en Israël, la remigration des colons sionistes a déjà commencé

‘Le grand déménagement’ : en Israël, la remigration des colons sionistes a déjà commencé

Dans les Préalpes italiennes, des Israéliens créent une communauté d’expatriés. Des initiatives similaires fleurissent, du Portugal à la Grèce.

Par Hilo Glazer

Source : Haaretz, le 2 septembre 2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Note du traducteur : Il y a quelques années, une blague circulait dans les bars de Tel-Aviv : « Un juif israélien optimiste apprend l’arabe, un juif israélien pessimiste apprend l’anglais, un juif israélien réaliste apprend à nager ». Il semble que ce que les Palestiniens ou les Arabes n’ont pas réussi à faire (s’ils en ont jamais eu l’intention), Netanyahou et ses acolytes du gouvernement sont en train de le provoquer : une vague de sauve-qui-peut a éclaté parmi les Juifs israéliens. En effet, des centaines et des milliers d’Israéliens de toutes conditions socio-économiques et de tous âges se précipitent pour trouver une alternative à la vie dans l’État juif. C’est ainsi qu’une nouvelle activité, que l’on pourrait appeler « Relocation industry » (industrie du transfert), a vu le jour.

L’article d’Hilo Glazer traduit ci-dessous parle du projet Baita, lancé dans la Valsesia, en province de Vercelli, Valsesia, et d’autres projets, y compris des plans ambitieux pour créer des « villes israéliennes » en Europe, de Chypre et de Grèce au Portugal, et ailleurs. L’un d’eux parle même de créer une « communauté de peuplement », qui ne manque pas d’évoquer les colonies en Cisjordanie. On peut légitimement se demander si ces projets peuvent constituer un dépassement définitif du sionisme et du tribalisme ou s’ils ne feront que créer des « petits Israël » répandus en confettis à travers le monde.

À la suite du coup d’État judiciaire, les discussions israéliennes sur l’installation à l’étranger ne se limitent plus aux groupes de réseaux sociaux. Dans une vallée verdoyante du nord-ouest de l’Italie, les idées d’émigration collective se concrétisent sur le terrain, et des initiatives similaires prennent également forme ailleurs.

La ville de Varallo Sesia, dans la province de Vercelli, où un couple d’Israéliens a payé 57 000 euros pour une maison spacieuse sur un grand terrain, plus 10 000 euros pour des travaux de rénovation. “L’environnement ici est un rêve que les mots ne peuvent décrire” disent-ils. Photo Vanessa Vettorello.

« Alors que le nombre d’heures de lumière dans la démocratie de leur pays ne cesse de diminuer, de plus en plus d’Israéliens arrivent dans la vallée montagneuse à la recherche d’un nouveau départ. Parmi eux, il y a des jeunes avec des tout petits en porte-bébé, d’autres avec des enfants en âge d’aller à l’école, et il y a les personnes grisonnantes ou dégarnies comme moi. Un enseignant, un entrepreneur technologique, un psychologue, un toiletteur pour chiens, un entraîneur de basket-ball. Certains disent qu’ils ne font qu’explorer, ayant encore honte d’admettre qu’ils envisagent sérieusement l’option. D’autres semblent déterminés et motivés – ils cherchent à savoir comment obtenir un permis de séjour, combien coûte une maison, comment ouvrir un compte en banque et transférer leurs fonds de prévoyance tant que c’est encore possible. Sous tout cela se cache une couche de douleur, la douleur de bons Israéliens qui ont cru qu’après 2 000 ans, ils pouvaient se reposer sur leurs lauriers, mais qui reprennent à présent le bâton du Juif errant ».

L’auteur de ces lignes est Lavi Segal, et la zone montagneuse qu’il décrit se trouve dans la vallée de la Sesia (Valsesia), dans la région du Piémont, province de Vercelli, au nord-ouest de l’Italie, au pied des Alpes. Segal, propriétaire d’une entreprise de tourisme en Galilée, partage ses expériences avec les membres d’un groupe Facebook appelé Baita, qui offre des informations aux Israéliens cherchant à immigrer et à créer leur propre communauté dans la Valsesia, dont de nombreux habitants ont quitté la région au cours des dernières décennies. Le nom du groupe est un amalgame de Bait (qui signifie « maison » en hébreu) et d’Ita (Italie). En italien, Baita signifie “chalet de montagne”. Et il ne s’agit pas de n’importe quelle montagne : la Valsesia est connue comme “la vallée la plus verte d’Italie”. Selon Segal, il s’agit d’un cas de publicité véridique.

« Avec tout le respect que je dois à ceux qui parlent de la “belle terre d’Israël” », dit-il dans un entretien téléphonique avec Haaretz, Israël est peut-être beau comparé à la Syrie ou à l’Arabie saoudite [sic], mais l’Europe et les Alpes sont un monde différent. Les paysages sont à couper le souffle, le climat est merveilleux et tous les problèmes bien connus d’Israël – guerres, saleté, surpopulation, coût de la vie – n’existent tout simplement pas ici ».

Segal vit en Valsesia avec sa femme, Nirit, depuis deux mois ; tous deux sont âgés d’une soixantaine d’années. « Nous sommes en train de nous familiariser avec la région et de l’explorer », explique-t-il. « Nous avons loué une maison ici et, de temps en temps, nous discutons avec des agents immobiliers de la possibilité d’en acheter une. Pour l’instant, nous ne parlons pas de déracinement permanent, même si cela pourrait se produire si la vie en Israël devenait intolérable. Pour l’instant, nous cherchons un endroit où nous pourrons partager notre temps entre Israël et l’étranger. Israël nous est très cher : Lorsque nous sommes là-bas, nous participons activement aux manifestations » contre le projet de réforme judiciaire du gouvernement.

Nirit, qui organise des retraites artistiques, est partagée : « C’est un endroit de rêve pour la création artistique, mais je suis très attachée à Israël et, comme beaucoup de gens dans mon entourage, je le ressens particulièrement aujourd’hui. J’appréhende les implications de la vague de migration pour le mouvement de protestation ».

Pour l’instant, elle a décidé de ne pas prendre de décision, admet-elle. « Je veux tenir le bâton par les deux bouts. Participer à la protestation, mais aussi rester ici pendant de longues périodes. Passer de l’un à l’autre. Nous avons été accueillis chaleureusement ici. Malgré les difficultés linguistiques, nous avons développé des liens agréables et naturels avec les gens. C’est bizarre, mais je commence à m’attacher ».

Lavi attribue moins d’importance aux bouleversements politiques dans son pays d’origine lorsqu’il s’agit de prendre la décision d’étudier d’autres options. « Je n’ai pas eu besoin d’être témoin des événements actuels pour comprendre qu’Israël s’engage dans une voie qui n’est pas la bonne », déclare-t-il.

Le chemin des Segal, qui ont trois enfants adultes, pour s’installer dans la vallée est pavé, principalement grâce au passeport lituanien de Lavi. « Grâce à lui, nous pouvons rester indéfiniment dans les frontières de l’Union européenne, et les enfants peuvent étudier et travailler. Qui aurait pensé qu’après tout ce qui est arrivé à notre peuple et à ma famille sur le sol lituanien, un passeport lituanien nous permettrait de circuler librement ? »

En attendant, ils vivent dans une ville tranquille située à 650 mètres au-dessus du niveau de la mer.

L’air est-il raréfié ?

Lavi : « Non, il est simplement propre ».

Et ce n’est pas ennuyeux ?

« J’en ai assez de faire dans la vie, maintenant je suis dans une phase d’être. Je descends à la rivière et je nage dans l’eau glacée, nous faisons des randonnées. Et je peux aussi m’asseoir sur un banc face aux montagnes, écouter les cloches de l’église, et en ce qui me concerne, c’est ce qui fait ma journée ».

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Lavi et Nirit Segal. Photo Vanessa Vettorello

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Contrairement à la famille Segal, qui a un pied dans chaque endroit, les Golan ont déjà pris racine en Valsesia. Maayan Golan, ergothérapeute, et son mari Ram, entrepreneur agricole, âgés d’une cinquantaine d’années, ont été les premiers Israéliens à acheter une maison dans cette ville située environ une demi-heure du centre-ville, grâce aux informations et au soutien fournis par Baita.

L’idée a commencé à germer il y a un an. « Nous avons fait un long voyage en voiture à travers l’Europe et nous avons soudain découvert à quel point il était agréable de se déplacer librement sur le continent, sans aucune limite », explique Maayan. « Nous avons décidé que c’était ainsi que nous voulions vivre ».

Pourquoi avez-vous choisi de vous installer spécifiquement en Valsesia ?

C’est la combinaison d’une forte attirance pour les paysages et de coûts relativement bon marché, voire très bon marché par rapport à Israël. En Israël, nous n’avions pas la possibilité d’acheter une maison comme celle que nous avons ici ».

Est-ce une raison suffisante pour émigrer ?

« Il y a de nombreuses raisons, mais la principale est d’ordre économique. En Israël, nous étions en location et c’est également très cher. »

La situation politique en Israël a-t-elle également joué un rôle ?

« Vous savez, il y a un an, nous avons quitté un pays qui fonctionnait. Mais oui, de notre point de vue, ce qui se passe maintenant ne fait que renforcer le sentiment que nous avons fait le bon choix. Permettez-moi de m’exprimer ainsi : lorsque nous avons commencé à voyager, nous n’imaginions pas que nous allions quitter Israël. Nous sommes une famille profondément enracinée pour laquelle l’expression “je n’ai pas d’autre pays” n’est certainement pas un cliché. Mais quand nous sommes arrivés en Europe, nous avons vu qu’il y avait plus de possibilités ».

Parmi toutes les possibilités, vous avez précisément choisi un pays dont la première ministre, Giorgia Meloni, est issue d’un parti aux racines fascistes, hostile à l’opinion publique libérale.

« Cela peut paraître stupide, mais ce n’est pas le cas pour nous : en Israël, nous sommes attirés par ce qui se passe. Ici, si quelque chose ne nous plaît pas, nous pouvons partir sans sentiments. En Italie, le désespoir devient plus confortable », comme l’a dit un jour le dramaturge Hanoch Levin.

Le couple possède une ferme au Moshav Ein Yahav, dans le désert de l’Arava, qu’il loue pour financer son séjour en Italie. La nostalgie de leurs quatre enfants est la seule chose qui pèse sur leur aventure. Néanmoins, deux d’entre eux effectuent un voyage post-armée, un autre est étudiant à l’université et le plus jeune effectue une année de service volontaire. Le mois prochain, ses parents retourneront en Israël pour l’accompagner lorsqu’il commencera son service militaire, après quoi ils prévoient de retourner en Italie.

Il existe plusieurs communautés d’Israéliens dans le monde : à Berlin, au Portugal… Pourquoi ne pas rejoindre l’une d’entre elles ?

« Nous ne voulions pas faire cela. Nous avons vécu toute notre vie dans un environnement communautaire : dans un moshav ou un village. Nous en avons eu assez. L’un des avantages de Baita est qu’il n’y a pas d’engagement de ce type. Vous achetez une maison dans la vallée, et maintenant c’est à vous de décider comment vous allez vous impliquer. Nous ne voulons pas être isolés, avec seulement des Italiens autour de nous. Il sera agréable de passer du temps et de voyager avec des amis israéliens, mais nous ne ressentons pas nécessairement le besoin de nous impliquer dans la vie de la communauté ».

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Deux autres familles israéliennes ont déjà acheté des maisons en Valsesia, et une dizaine d’autres sont à différents stades de l’organisation de leur déménagement. Mais il ne s’agit là que des pionniers : environ 800 personnes se sont inscrites comme membres de l’organisation à but non lucratif Progetto Baita, qui gère la page Facebook Baita, et deux de ses délégations ont déjà visité la région. Une troisième délégation de 35 personnes s’y rendra dans les prochaines semaines et, en raison de la demande, un quatrième groupe s’y rendra en octobre. En juillet, un rassemblement organisé par l’association en Israël avait attiré une centaine de personnes.

L’esprit moteur de cette initiative est Ugo Luzzati, 61 ans, un Israélien né et ayant passé sa jeunesse en Italie, qui prévoit de s’installer dans la vallée l’année prochaine. Tout a commencé en 2019, dit-il, lorsqu’il a acheté une maison en Valsesia pour y passer des vacances, à l’instigation de sa (désormais ex-) femme. En discutant avec des habitants, il a découvert que la région, dont la population s’est appauvrie, a besoin de sang neuf. En octobre dernier, Luzzati a lancé un appel sur Facebook pour que des personnes se joignent à lui et s’est rapidement retrouvé à enquêter sur les subtilités de la vie en Valsesia, à vérifier les possibilités d’emploi pour les étrangers sur place et à fournir des informations sur les politiques d’immigration de l’Italie. Il a rapidement rassemblé un premier groupe de personnes intéressées.

« À l’époque, je ne pensais pas à une entreprise destinée aux personnes touchées par le coup d’État [judiciaire du gouvernement], qui n’avait en fait pas encore commencé, du moins pas officiellement », explique Luzzati.

« Je voulais proposer une alternative aux Israéliens qui en avaient assez de la surpopulation et souhaitaient se rapprocher de la nature. Entre-temps, il s’est avéré que je m’étais donné pour mission d’aider les bons Israéliens à se rendre ailleurs, parce que je vois qu’en Israël, les choses se gâtent ».

Au départ, Luzzati s’est impliqué dans l’initiative en tant que bénévole. Mais lorsqu’il s’est rendu compte qu’il passait le plus clair de son temps à aider les Israéliens qui envisageaient de s’installer dans la région, il a conclu un accord avec un agent immobilier italien local, en vertu duquel il reçoit une commission pour chaque affaire conclue. Cet accord lui permet, dit-il, de superviser tous les aspects de son projet. À son crédit, on peut dire qu’il est effectivement dévoué à sa mission, et pas seulement à ses aspects immobiliers.

Une autre de ses fonctions : Luzzati fait office de mini-agence pour l’emploi. Les Israéliens désireux de s’installer dans ce coin du Piémont lui envoient leur curriculum vitae et il les met en contact avec des lieux de travail potentiels. Il diffuse également des informations sur les visas de résidence et organise même des cours d’italien. Pour officialiser toutes ses activités, il a créé l’association Progetto Baita.

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Ugo Luzzati. Photo Rami Shllush

Son projet est également ouvert aux Israéliens qui n’ont pas de passeport européen : certains ont cherché à rencontrer Luzzati, l’incitant à se renseigner, par exemple, sur la manière dont ils peuvent obtenir le statut de résident en Italie (apparemment, en possédant un visa de nomade numérique, en ayant un contrat avec un employeur italien ou en investissant dans l’immobilier local tout en apportant la preuve d’une source de revenus continue et stable).

Entre-temps, Luzzati fait en sorte que la prochaine délégation de Progetto Baita rencontre un représentant de la Questura (préfecture de police), qui s’occupe des permis de séjour. Au cours des visites précédentes, il a commencé à cultiver des liens avec les responsables locaux, municipaux et régionaux. Le dialogue avec eux a abouti à un engagement écrit de la communauté de communes de la vallée, plaçant le projet sous son patronage et déclarant qu’elle « accueille donc “à bras ouverts” les membres de l’association Baita, avec l’espoir de les compter bientôt parmi ses habitants » [lettre du Président Dr Pietrasanta à Ugo Luzzati du 3 août 2023].

En effet, la vallée a besoin d’un coup de fouet. Le peuplement de la Valsesia a atteint son apogée au début du XXe siècle, lorsque la population s’élevait à 22 000 habitants. Aujourd’hui, il y a moins de 10 000 habitants ; la population vieillit et, selon les estimations, il y a environ 1 000 maisons qui ont été abandonnées lorsque les gens ont quitté les zones rurales au profit de la vie urbaine.

Luzzati explique que pour la population locale, la revitalisation de la zone est un véritable besoin existentiel et n’est pas uniquement motivée par la nostalgie d’un passé splendide : « Soudain, dans un des villages, un magasin ferme ses portes parce qu’il n’y a plus de justification raisonnable à son maintien, et les habitants restants ne peuvent plus acheter de pain. Un électricien part à la retraite, il faut maintenant trouver un autre technicien ».

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Luzzati est né et a grandi à Gênes ; il a émigré en Israël à l’âge de 23 ans et a gagné sa vie en tant que peintre, argenteur et peintre d’enseignes. Lui et sa famille – il a cinq enfants – se sont installés en Galilée et, bien qu’il ait eu l’impression de s’être bien intégré en Israël, il s’est toujours senti déchiré.

Dès que j’ai pu lire les infos en hébreu, je me suis demandé combien de temps je pourrais rester dans un pays qui glissait vers des directions nationalistes, intensifiait l’occupation et piétinait les droits des plus faibles et des plus opprimés », explique-t-il, admettant que l’idée de repartir « a toujours été présente, mais j’étais occupé à gagner ma vie, à élever mes enfants, à fonder un foyer. J’y ai consacré toute mon énergie. Nous avons élevé nos enfants dans le respect des idéaux sionistes, car nous croyions en l’État. Nous nous sommes tous portés volontaires pour une année de service communautaire [dans le cadre d’un programme national de volontariat pour les diplômés du secondaire] et nous avons servi dans les Forces de défense israéliennes ».

Luzzati cite le début du mois de novembre 2022, lorsque les résultats des élections ont été publiés, comme un moment décisif dans l’histoire de Baita : « Ce jour-là, j’ai reçu un torrent de demandes de renseignements de la part de personnes qui voulaient quitter le pays ». En même temps, il n’est pas à l’aise avec l’idée que son entreprise soit associée à la création d’une ville de refuge pour de prétendus exilés politiques, et il souligne que ses opinions sur la situation actuelle en Israël n’engagent que lui.

« J’ai grandi avec les légendes de la Brigade juive [de l’armée britannique pendant la Seconde Guerre mondiale], l’émerveillement devant les réalisations des kibboutzim, le miracle qu’était la création de l’État d’Israël et ses valeurs de solidarité. Tout cela est en train de disparaître ».

L’avenir de l’Italie est également plus sombre que jamais. Vous organisez l’immigration dans un pays dirigé par une femme d’extrême droite qui mène des politiques clairement antilibérales.

« Tout d’abord, il n’y a pas une Italie, mais plusieurs. Chaque région géographique possède ses propres attributs culturels. La Valsesia se caractérise par une attitude très sympathique à l’égard des étrangers. Au fil des ans, de petits groupes d’Africains – du Maroc, par exemple – s’y sont installés, ainsi que, récemment, des réfugiés d’Ukraine. Les habitants ont créé pour eux des associations à but non lucratif et des écoles où l’on enseigne l’italien. Mais l’essentiel est qu’en Italie, il existe d’innombrables freins et contrepoids : deux chambres du parlement, une cour suprême et un président, chacun d’entre eux ayant le pouvoir d’annuler les lois. En outre, l’Italie dispose d’une constitution solide et, avec la Communauté européenne, elle est signataire de conventions qui protègent les droits des minorités ».

Oui, mais Meloni est déjà le fer de lance d’une approche contrariante vis-à-vis de l’Union européenne [oui, enfin, pendant sa campagne électorale, NdT].

« Les Italiens sont une nation qui aime parler, la comédie est un mode de vie pour eux. Mais quitter l’Europe ? Pour quelle raison ? Personne n’est idiot à ce point. L’Italie voit comment l’économie s’est effondrée dans des pays comme la Hongrie et la Pologne, qui se sont écartés des valeurs de l’UE. Le public italien n’adhérera jamais aux sentiments nationalistes exacerbés d’un politicien ».

Vous parlez de mécanismes constitutionnels et de culture, mais la réalité italienne est déjà en train de changer. Sous la nouvelle administration, par exemple, l’enregistrement des femmes lesbiennes en tant que mères est en train d’être stoppé. Meloni ne vous inquiète pas ?

« Je la considère comme un phénomène passager. Les mécanismes démocratiques [dans le pays] ne sont pas quelque chose d’abstrait, mais constituent une barrière qui empêche l’extrême droite de concrétiser les slogans qu’elle vend à l’opinion publique. L’Italie est un pays qui sanctifie la bureaucratie. Le caractère italien consiste à bien s’habiller, à bien manger et à rendre la vie facile. Personne ne veut vraiment mettre cela en danger ».

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Varallo Sesia. Photo Vanessa Vettorello

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Lors de la récente réunion de Progetto Baita en Israël, la plupart des participants étaient des couples âgés de 40 à 60 ans. Les plus jeunes se sont intéressés aux sujets liés à l’éducation (niveau scolaire des écoles, taille des classes, transports scolaires), tandis que les plus âgés se sont intéressés aux services de santé locaux. « À ce rythme, on va y rencontrer tous les médecins d’Israël », a plaisanté l’un d’entre eux, faisant référence aux rapports sur une vague de médecins envisageant la possibilité de s’installer à l’étranger. L’auditoire a réagi par un rire ironique.

Mais la réaction la plus vive a éclaté lorsque les participants ont appris que l’initiative italienne serait bientôt rendue publique sous la forme d’un article dans l’édition en hébreu de Haaretz (paru dans la section hebdomadaire le 25 août). Les participants s’y sont opposés pour diverses raisons, notamment parce qu’ils craignaient qu’après l’avoir lu, les fonctionnaires du Trésor ou des banques ne renforcent les restrictions sur les transferts d’argent hors d’Israël.

Luzzati lui-même a une autre explication à la crainte des candidats à l’émigration d’être exposés : « La culture israélienne nous soumet à des abus émotionnels et mentaux. Dans aucun autre pays au monde, lorsque les gens cherchent un avenir meilleur ailleurs, on ne leur fait sentir qu’ils font quelque chose de mal. Les gens ont peur, ils ne veulent pas être exposés, afin que leurs amis ne découvrent pas qu’ils envisagent la yerida [émigration ; littéralement “descendre” en hébreu] du pays ».

En fait, même parmi les quatre familles qui ont déjà franchi le pas et se sont installées en Valsesia, il y en a qui ne veulent pas que leur vrai nom soit mentionné. C’est le cas de “Hagit” et “Dan”, âgés respectivement de 50 et 60 ans, qui se sont installés dans la vallée au mois d’août avec leur fils, qui entre en seconde. Ils se sont installés à Varallo, une ville qui, avec ses 6 500 habitants, est la plus densément peuplée de la région. Pour une maison spacieuse sur ce qu’ils appellent un grand terrain, ils ont payé 57 000 euros, auxquels se sont ajoutés 10 000 euros pour les travaux de rénovation. L’argent qu’ils tirent de la location de leur maison en Israël leur permettra de vivre confortablement, disent-ils, jusqu’à ce qu’ils s’acclimatent à l’Italie en termes d’emploi.

« L’environnement ici est un rêve que les mots ne peuvent décrire », dit Hagit. « C’est tout simplement le paradis. Outre des espaces infinis, tout ce qui se trouve à Varallo est accessible et proche. Il y a des supermarchés, des magasins, un centre communautaire, des écoles et même un cinéma ».

Hagit décrit le rêve actuel, mais Dan, qui se joint à la conversation, évoque un rêve qui s’est brisé.

« Nous n’aurions pas quitté Israël si nous n’avions pas réalisé que c’est chose faite », dit-il. « Cela m’a frappé lors de l’opération Bordure protectrice [contre la bande de Gaza], en 2014. Le dégoût face au massacre qui y a été perpétré, le fait que toute l’arène politique se soit prosternée devant [le Premier ministre Benjamin] Netanyahou, et pour couronner le tout, les dizaines de soldats qui ont été tués là-bas. J’ai toujours été actif dans la promotion des initiatives de paix, mais c’est lors de cette opération que j’ai compris qu’il n’y avait aucune chance. Le fait est qu’à l’époque, nos enfants les plus âgés étaient encore jeunes – 13 et 14 ans. Aujourd’hui, ils ont déjà quitté l’armée. Tous nos espoirs et nos rêves pour eux ont toujours découlé d’un lien profond avec cette terre. Aujourd’hui, je pense que c’est ma dernière chance de leur transmettre un autre rêve ».

En ce sens, les bouleversements judiciaires engagés par le gouvernement vous ont-ils permis de franchir plus facilement le pas ?

« Au contraire. En termes de conscience, c’est beaucoup plus difficile. J’ai été totalement actif dans les manifestations, en tant que membre du bloc anti-occupation. C’est un endroit où j’ai encore des partenaires pour la cause, mais parmi le grand public israélien, je me sens comme un étranger. Il est encourageant de voir l’unité de nombreuses manifestations, mais cela n’aboutit pas à une idéologie alternative. À la base de la base, il n’y a pas d’espoir. Partir alors qu’Israël saigne, c’est se briser le cœur. C’est admettre en fait que nous avons échoué ».

Hagit : « Mon grand-père et ma grand-mère étaient actifs dans les colonies Tour et Muraille [établies par les colons juifs dans la Palestine mandataire]. Ils ont fui la Pologne et l’Autriche pour fonder le kibboutz Hanita. Il est tout simplement incompréhensible qu’avec ce passeport [étranger], je m’enfuie maintenant vers l’Europe ».

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Oded (nom fictif), 58 ans, originaire du nord d’Israël, prévoit de s’installer en Valsesia l’année prochaine avec sa compagne et leur fils de 15 ans. Le couple, qui gère sa propre entreprise, vit actuellement dans ce que l’on appelle une “communauté d’observation” (des lieux typiquement pittoresques situés dans les collines de Galilée). « Nous cherchions quelque chose de similaire, avec la nature et le paysage, et en Italie nous avons trouvé quelque chose de 1000 fois plus pastoral et beau », dit-il.

Mais ce n’est pas l’attrait des étendues verdoyantes du Piémont qui a motivé la décision du couple.

 « Nous avons décidé de partir parce qu’à notre avis, le pays est engagé dans un processus accéléré de détérioration économique et sociale, et lorsque ce processus se mêle à une crise sécuritaire, ce n’est pas une situation dans laquelle nous voulons nous trouver. La tentative de transformer le pays en dictature, même si elle est contenue temporairement, aura un prix élevé », dit Oded, ajoutant qu’il parle en connaissance de cause, ayant grandi dans la Roumanie de Ceausescu.

« Je connais les dommages qu’un gouvernement dictatorial cause au fonctionnement de l’État et je sais surtout à quel point il est difficile de renverser un tel gouvernement », poursuit-il. « Une fois installé, il se propage comme une tumeur, car beaucoup de gens ont un intérêt direct à le préserver. C’est un véritable cas d’école de ce qui se passe actuellement en Israël : des personnes inadaptées occupent des postes de haut niveau sur la base de la loyauté, en offrant une sorte de récompense à des amis situés à des échelons inférieurs, et ainsi de suite. Au fil du temps, une pyramide assez stable se construit ».

L’Italie n’était pas le premier pays envisagé par Oded et sa femme. « Nous avons d’abord pensé à Chypre et nous y sommes même allés pour étudier quelques options. Mais après avoir visité la vallée, il nous a semblé évident que c’était l’endroit idéal », se souvient-il. « Le climat est agréable, le niveau des soins de santé est élevé, et Israël et l’Italie sont signataires de toutes sortes de conventions et d’accords fiscaux qui nous permettront de gérer plus facilement notre entreprise à distance ».

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Rassa, Photo Vanessa Vettorello

Le fait qu’Oded parle roumain n’a pas non plus desservi : « L’italien et le roumain sont vraiment des langues sœurs, et l’italien en général est une langue assez facile. Ma femme s’y est beaucoup immergée ; elle apprend l’italien tous les jours et y prend beaucoup de plaisir ».

Le couple inscrit son fils dans un lycée de Varallo, où les cours sont dispensés en italien. « Je ne sais pas dans quelle mesure il comprend ce que nous faisons », dit Oded, « mais c’est un type fort ».

La famille a entamé les dernières négociations en vue d’acheter une maison dans la vallée. Leur enthousiasme est toutefois teinté de tristesse.

« C’est un point de rupture pour nous », dit-il. « Nous sommes tous deux patriotes, et nous avons beaucoup pleuré ces derniers temps, mais nous comprenons qu’Israël n’est plus un endroit sûr pour vivre, que le pays a changé. Lorsque nous avons commencé à nous intéresser aux groupes d’émigration [sur les médias sociaux], nous avons vu le nombre de personnes qui envisageaient de quitter le pays – et ce sont précisément ces personnes qui le maintiennent en vie. Même si la législation est stoppée et que nous gagnons la bataille des points, l’avenir d’Israël est loin d’être rose ».

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Ceux qui s’installent en Valsesia se familiarisent avec le cycle des saisons, où l’hiver est enneigé, le printemps est une profusion de couleurs, l’été est 14 habillé de vert et l’automne est une couverture de feuilles mortes au sol. C’est un endroit où les sites de rafting et de kayak jouxtent les cours d’école, où le chef du conseil local est aussi l’épicier du village, où un marché fermier ambulant se tient une fois par semaine, et parfois aussi des marchés aux puces. Les petits ruisseaux se faufilent dans les arrière-cours des maisons. Les amateurs de ski ont le choix entre les stations voisines d’Italie, de Suisse et de France. La violence, la criminalité et les embouteillages sont des concepts presque abstraits. Pourtant, cette vallée alpine en partie vide, que les nouveaux résidents israéliens décrivent comme un paradis sur terre, est considérée par les habitants comme une zone défavorisée.

Davide Filié, un habitant de la Valsesia, aide à l’intégration des Israéliens.

« Quand j’étais enfant, il y avait plusieurs écoles ici et elles étaient toutes pleines », raconte-t-il. « Au fil des ans, les familles ont commencé à partir, notamment vers Milan et Turin. Certaines d’entre elles ont gardé leur maison ici et l’utilisent pour les vacances d’été. Il ne reste plus que 13 personnes dans le village où j’ai grandi, et il y a d’autres villages qui sont presque inexistants aujourd’hui ».

Filié, qui dit aimer les langues, s’est efforcé ces derniers temps d’apprendre l’hébreu, afin de pouvoir communiquer avec les nouveaux arrivants potentiels. Selon lui, la possibilité que des Israéliens viennent renforcer la population locale en déclin est “trop belle pour être vraie”.

Mais Luzzati y croit fermement. 3La vérité, c’est que nous construisons aussi une communauté là-bas », a-t-il déclaré lors de la réunion en Israël.

« Je suis prudent dans l’utilisation de ce mot, car je sais qu’il y a beaucoup de personnes en Israël qui ont été blessées par le communautarisme. Il est important que vous sachiez qu’il n’y a rien de contraignant dans ce lien : nous aiderons tous ceux qui veulent aller là-bas, sans condition. Mais en fin de compte, l’objectif est de se rassembler. Dès que nous aurons réuni une masse critique de personnes parlant la même langue, les choses se feront d’elles-mêmes. Peut-être créerons-nous un club, un centre communautaire. Les bâtiments disponibles ne manquent pas. Il est clair pour moi qu’une communauté va se créer, je le sens dans mon âme. En fin de compte, c’est l’objectif global »

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Baita est l’une des initiatives israéliennes les plus actives en matière d’émigration collective, en termes pratiques, mais il existe également des groupes similaires. Ces dernières semaines, un certain nombre de groupes visant une émigrations vers divers pays – du Portugal et de l’Espagne à la Nouvelle-Zélande – ont été créés sur WhatsApp.

Dans la plupart des cas, ces groupes s’efforcent avant tout de mettre des informations à disposition. Les conversations portent aussi bien sur des questions de base telles que les visas et la fiscalité que sur des questions spécifiques concernant le transport d’animaux de compagnie ou des conseils sur les déménageurs. De temps en temps, les administrateurs de ces groupes organisent des réunions Zoom avec des avocats ou des agents immobiliers du pays cible, et parfois aussi avec des Israéliens qui y vivent déjà.

Ces groupes ne prétendent pas établir un système organisé d’émigration ; leur objectif est de donner un coup de pouce aux personnes et aux familles qui veulent changer d’air. Parmi eux, les médecins figurent en bonne place : plus de 3 000 sur les 8 699 médecins du pays se sont engagés dans des groupes désignés de relocalisation, créés après que la Knesset a supprimé la norme dite du “caractère raisonnable” pour les décisions de justice. L’échange d’informations dans les groupes Facebook traitant de la relocalisation est également plus intense que jamais. Par exemple, les administrateurs du groupe “Israéliens à Copenhague” ont indiqué qu’au cours des seules dernières semaines, quelque 1 000 personnes ont demandé à en faire partie.

“Relocalisation d’Israël à l’étranger”, un groupe privé sur Facebook, est également au sommet de son activité. L’un de ses administrateurs, Or Yochanan, un Israélien qui vit à Austin, au Texas, explique que jusqu’en novembre dernier, le groupe comptait environ 8 000 membres qui s’étaient progressivement joints à lui au cours de ses sept années d’activité. Ces derniers mois, le nombre de membres a grimpé à 27 000.

Ce qu’on voit est sans précédent », dit Yochanan. « Nous connaissons actuellement une croissance organique de 500 membres par jour. J’ai déjà vu toutes sortes de pics en période de tensions liées à la sécurité, mais en général, cela s’estompe. Cette fois-ci, le niveau d’implication des nouveaux membres est incroyable ».

Avez-vous l’impression que les gens sont intérieurement mûrs pour déménager ?

« Presque tous ceux à qui nous parlons en sont à une étape ou à une autre : clarifications, entretiens, procédures de citoyenneté et de visa. Ceux qui se moquent des personnes qui expriment leur désir de partir, qui considèrent qu’il s’agit d’une nouvelle ‘vague’, ne comprennent pas à quel point elles sont déterminées et à quel point la crise est profonde. J’ai moi-même complètement émigré, mais je ne fais absolument pas partie de ceux qui souhaitent un départ massif ou une approche consistant à ‘laisser brûler le pays’”. Cela me rend très triste ».

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Rassa. Photo Vanessa Vettorello

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New Israeli Village est un groupe qui se situe à la frontière entre le soutien à ceux qui se débattent avec l’idée de partir et le plaidoyer plus actif en faveur de l’émigration collective. Son groupe WhatsApp a été créé peu après que le ministre de la justice Yariv Levin a présenté son projet de “réforme” de l’ensemble de l’appareil judiciaire du pays ; le nombre de membres a augmenté de manière directement proportionnelle à l’avancement de la législation. Les objectifs du groupe : « Créer une ville d’Israéliens de premier plan, dans un autre pays. Créer une communauté de quelques milliers d’Israéliens exerçant des professions très demandées, qui s’uniront pour obtenir collectivement des visas d’immigration, acheter un terrain particulièrement grand et bien situé, obtenir des permis de construire. Dès le départ, la ville comprendra un hôpital de haut niveau, des entreprises de haute technologie, des centres commerciaux et même des centres culturels juifs-israéliens. Dans la communauté, nous nous occuperons également des personnes âgées, de celles qui ont des besoins particuliers et des problèmes médicaux complexes, qui, dans le processus [habituel] d’émigration des individus, seraient laissées pour compte ».

Le groupe a été créé par Efrat, professeure de cinéma, dont le nom a également été modifié à sa demande. Au début, dit-elle, « c’était à moitié sérieux et à moitié un groupe de protestation ». Cependant, au fil du temps, ce qui avait commencé comme un exercice conceptuel est devenu une initiative concrète. Même les gouvernements étrangers ont pris note du groupe qui émergeait en Israël – avec son mélange de médecins, d’ingénieurs et d’autres professions attrayantes qui cherchent un moyen de quitter le pays.

« Nous avons eu une conversation Zoom avec un ministre portugais, ainsi qu’avec un membre du gouvernement chypriote », raconte Efrat. « Même le gouvernement de Zanzibar nous a contactés par l’intermédiaire d’un Israélien qui vit là-bas. Ils nous ont fait une offre incroyable : une zone en bord de mer, des infrastructures adéquates. En vérité, j’ai été stupéfaite, mais les membres du groupe étaient moins enthousiastes à l’idée de s’installer dans un pays non démocratique du tiers-monde. La majorité d’entre eux préfèrent les pays anglophones : les États-Unis, l’Angleterre, le Canada ».

Le Nouveau Village Israélien compte actuellement environ 1 000 membres. Récemment, un sous-groupe appelé New Israeli Village Canada, qui compte quelque 600 membres, s’en est séparé et se concentre sur deux destinations possibles : Vancouver et Toronto.

Une autre initiative visant à établir une colonie israélienne à l’étranger, menée dans l’espace entre Facebook (où il s’agit d’un groupe privé) et Zoom, est New Israel – Israeli State, Democratic-Liberal (Nouvel Israël – État israélien, démocratique et libéral). Ce groupe, créé l’année dernière et comptant aujourd’hui environ 2 000 membres, est dirigé par un entrepreneur en haute technologie nommé Yonatan Sela. Il raconte que lui et son partenaire ont lancé l’initiative à la suite de l’adoption de la loi annulant le critère de “raisonnabilité”. « Pendant des années, nous avons parlé du sujet et l’avons exploré, et maintenant nous pensons que le moment est venu de passer à l’étape de l’action », dit-il.

Leur idée est d’organiser un achat massif de terres dans un pays qui a un intérêt économique, scientifique et même sécuritaire à absorber le capital humain d’Israël. Lors d’une réunion Zoom qui s’est tenue à la mi-août, Sela a indiqué que le Nouvel Israël (en hébreu, les mots sont traduits en translittération) aspire à trouver une propriété d’une superficie totale d’environ 60 kilomètres carrés, soit à peu près la taille de la ville de Rishon Letzion, au sud de Tel Aviv : « Une zone de cette taille sera en mesure de constituer une infrastructure pour une communauté de peuplement, non seulement pour un noyau initial, mais aussi pour ceux qui la rejoindront [par la suite] ».

Sela a souligné que la nouvelle communauté serait organisée sur la base d’une identité israélienne, et non juive. « L’israélianité est une nation distincte depuis longtemps. Tous les Israéliens seront invités à y venir, y compris les Arabes », déclare-t-il, ajoutant : « Nous n’en sommes pas encore là, mais Chypre semble être une bonne option ».

Israël 2.0 est un nouveau groupe Facebook qui vise à aider les membres du camp libéral israélien à s’installer, dans ce cas, aux USA. « L’intention est de construire une nouvelle ville à partir de zéro et de bâtir des infrastructures dans les domaines de l’éducation, de l’industrie, de la technologie, de la santé, du droit, de la culture et des institutions dans l’esprit de notre vision – celle d’un Israël démocratique et libéral », explique Gil Levy, qui vient de l’industrie de la haute technologie et qui est l’un des chefs de file de cette initiative. « Nous aspirons à y vivre en tant qu’Israéliens avec la culture unique qui a été créée ici, pour maintenir un bel et bon Israël au sein de la société américaine ».

Comment l’idée est-elle née ?

Cela se joue sur les médias sociaux, en partant du principe que même si nous gagnons la bataille du coup d’État, la grande campagne a déjà été décidée. Nous avons pensé qu’au lieu de migrants individuels, nous irions dans une direction différente. Nous parlons d’un groupe hétérogène qui émigrera en plusieurs étapes ».

Selon Levy, un groupe de base actif est à la tête de cette entreprise. Récemment, ils ont fini de formuler leur propre manifeste du nouvel Israël et ont commencé à mettre en place des équipes de travail axées sur les domaines qui intéressent les candidats à l’émigration, tels que la technologie, l’éducation, la médecine, le monde universitaire, etc. Ils ont l’intention de contacter des membres du Sénat américain, ajoute-t-il : « L’idée est d’obtenir un permis d’immigration massive d’Israël vers les USA. Nous commençons à y travailler. Noé n’a pas commencé à construire son arche lorsque les premières gouttes du déluge sont tombées. Il s’était préparé à l’avance ».

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Après le lancement de la “révolution judiciaire” au début de l’année, deux initiatives ont vu le jour pour les personnes issues de l’industrie high-tech israélienne qui envisagent de s’installer ailleurs. En mars, Yosi Taguri, directeur des opérations israéliennes pour ZipRecruiter, un chasseur de têtes basé aux USA, a annoncé le lancement de l’Arche de Noé 2.0. Il a présenté ses membres comme « un groupe de personnes qui partagent un ensemble de valeurs communes et veulent vivre ensemble pour construire un avenir meilleur ». Taguri a refusé de parler à Haaretz de l’état d’avancement de l’initiative. « Nous n’en parlons pas ; la protestation [contre la réforme judiciaire] est la chose la plus importante dans laquelle investir en ce moment », a-t-il déclaré.

Une deuxième initiative, lancée en mars en grande pompe mais qui semble aujourd’hui s’être évanouie, s’appelle le Plan B : un groupe d’éminents travailleurs de la haute technologie a annoncé qu’il était en train de négocier avec des pays européens l’établissement d’un “nouveau foyer pour la nation des startups”. TheMarker, le magazine économique de Haaretz, a rapporté que des représentants du groupe étaient en effet en train de discuter avec de hauts responsables politiques en Grèce et avaient également lancé des appels à Chypre et au Portugal dans le but de créer un programme d’émigration attractif pour les travailleurs israéliens du secteur de la technologie. Le groupe Plan B a décrit son projet comme étant en cours de planification à “un niveau officiel de l’État” et comme “quelque chose de grand et de stratégique”. Lors de réunions à huis clos, ses dirigeants ont indiqué qu’ils avaient établi une liaison directe avec le ministre grec des Affaires étrangères.

L’un de ces dirigeants est Ori Hadomi, PDG depuis 2003 de Mazor Robotics, une entreprise de matériel chirurgical qui a été vendue pour 1,6 milliard de dollars à l’entreprise US Medtronic en 2018. « La Grèce est un pays qui réclame un développement économique », dit-il, « et il y a ici des milliers d’employés de haute technologie qui cherchent des alternatives avant de s’éparpiller dans le monde entier. Ce dialogue va comme un gant au gouvernement grec ».

Néanmoins, Hadomi et ses associés ont préféré prendre du recul. « Dans le dialogue avec eux, qui était intime et s’est déroulé au plus haut niveau, j’ai dit que nous n’avions pas l’intention de participer à l’expulsion d’Israéliens d’Israël. Nous leur avons renvoyé la balle [aux Grecs] et les avons encouragés à participer activement à l’élaboration d’offres attrayantes pour les émigrants potentiels. De notre côté, je ne connais aucun groupe organisé qui travaille avec eux en ce moment pour faire avancer l’idée. Je ne serai pas celui qui fera naviguer les bateaux d’Israël vers la Grèce – le vent qui souffle les propulse de lui-même ».

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À propos de l'auteur Le Cri des Peuples

« La voix des peuples et de la Résistance, sans le filtre des médias dominants. »[Le Cri des Peuples traduit en Français de nombreux articles de différentes sources, principalement sur la situation géopolitique du Moyen-Orient. C'est une source incontournable pour comprendre ce qui se passe réellement en Palestine, en Syrie, en Irak, en Iran, ainsi qu'en géopolitique internationale.]

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