Depuis un siècle, la médecine a fait des progrès immenses. L’espérance de vie est passée de 59 ans en 1920 à 68 ans en 1960. Elle est maintenant de plus de 80 ans malgré la récente pandémie. Les vaccins, les antibiotiques, les thérapies ciblées en oncologie, les avancées technologiques comme l’hémodialyse, les stimulateurs cardiaques et les endoprothèses coronariennes ou les chirurgies laparoscopiques ont décuplé les chances de survie de nombreux patients très malades. La santé et la sécurité au travail se sont grandement améliorées. Malheureusement, les progrès en santé mentale ont été beaucoup moins spectaculaires.
Les médicaments antidépresseurs qui agissent sur la sérotonine ou la dopamine, largement prescrits, ne sont pas une panacée et sont associés a des effets secondaires non négligeables. L’offre de soutien psychologique, pourtant essentielle, est nettement insuffisante pour faire face à ce raz de marée de détresses mentales en forte augmentation, surtout chez les plus jeunes.
Les idées suicidaires sont en augmentation, surtout chez les jeunes femmes. Les psychologues et psychiatres ne peuvent tout simplement répondre à la demande intarissable de consultations pour troubles mentaux vu la hausse exponentielle des cas. Je passe ici sous silence les avancées remarquables de la psychiatrie dans le traitement des psychoses, de la schizophrénie et des dépressions sévères. La langueur, l’anxiété, les états dépressifs, le TDAH, l’automutilation, le stress post-traumatique à la suite d’abus sexuels ou autres maltraitances, l’isolement social, les multiples toxicomanies, le jeu pathologique, l’intimidation, les orientations sexuelles non binaires, les situations de handicap et l’obésité peuvent être des sources de stress, de mésadaptation sociale et de troubles mentaux majeurs.
On impose aux jeunes des standards irréalistes au sujet de leur apparence physique ou de leurs performances scolaires et sportives, tuant dans l’oeuf leurs espoirs de réussite sociale. Les moins favorisés esthétiquement ou moins talentueux sont ostracisés. Les inégalités s’accentuent. Les 2153 milliardaires de ce monde possèdent plus de biens que 60 % de la population mondiale. Les 10 % des plus aisés sont de plus en plus riches, alors que les plus jeunes ne peuvent voir le jour où ils pourront acheter une maison.
La précarité alimentaire s’accentue au point où les familles monoparentales peinent à nourrir leurs enfants et à les loger convenablement. Le salaire minimum ne permet pas de sortir de la pauvreté et du mal-être psychologique inhérent aux manques de ressources de base et a l’insécurité. Les écrans numériques ont réduit les interactions sociales bénéfiques en présentiel avec les parents et les amis. Les parcours du combattant stressants menaçant la santé mentale sont monnaie courante : obtenir un droit de résidence permanente pour un nouvel arrivant, renouveler son immatriculation à la SAAQ, être accepté dans le programme universitaire de son choix pour un étudiant du cégep, trouver un logement salubre abordable ou un CPE pour son enfant, sortir de l’itinérance et de la toxicomanie, consulter un médecin sans attendre 18 heures à l’urgence, payer des soins dentaires, obtenir les services d’un neuropsychologue ou d’un orthophoniste pour son enfant…
La publicité incessante crée des attentes insatiables chez plusieurs qui se sentent lésés de ne pas pouvoir s’offrir tous ces biens matériels qui apportent souvent un plaisir bien éphémère. L’écoanxiété est bien compréhensible au vu et au su des cataclysmes climatiques, des rapports du GIEC, de l’Armageddon annoncé et de la procrastination des États néolibéraux pour qui la croissance économique prime sur l’environnement.
Les plus riches ne font rien pour diminuer leurs émissions de GES avec leurs VUS énergivores, leurs immenses bateaux de croisière et leurs multiples voyages d’agrément en avion. Plusieurs jeunes femmes hésitent à procréer dans ce contexte incertain. Cet environnement hostile déstabilise la santé mentale de plusieurs.
J’ose ici proposer quelques pistes de solution peut-être utopiques, mais proposées de bonne foi.
Il faut d’abord diminuer les inégalités sociales pour assurer un minimum de revenu vital pour chaque enfant du Québec, peu importe son origine. La DPJ doit pouvoir bénéficier d’un financement adéquat. La maltraitance des tout-petits laisse des séquelles psychologiques indélébiles. Tout se joue avant six ans. Encourageons la pédiatrie sociale, les repas et les fournitures scolaires sans frais à l’école.
Comme il est illusoire de trouver suffisamment de psychologues pour chaque personne qui en aurait besoin, je suggère de favoriser les thérapies de groupe qui permettent d’atteindre le plus grand nombre par un thérapeute compétent et de bénéficier des bienfaits du soutien des autres pour éliminer la honte et l’isolement des patients souvent ostracisés. Des ateliers pourraient être organisés selon différents problèmes (anxiété, états dépressifs, intimidation, isolement social, etc.).
On a jadis instauré avec raison à l’école des cours d’éducation physique obligatoires. Il faudrait peut-être instaurer des cours d’éducation psychologique dès le plus jeune âge pour aider les jeunes face au stress et aux multiples pièges sournois qui risquent de perturber gravement leur équilibre émotionnel. Dans le cadre de ces cours, il faudrait insister dès le plus jeune âge sur l’importance de la bienveillance envers soi et autrui.
L’homme est un animal grégaire. Il a besoin de la sympathie des autres et de l’acceptation sociale et, en sens inverse, fait son propre bonheur par son altruisme et sa compassion. Seuls la solidarité sincère et le respect des différences pourront aider. Le bonheur ne passe pas par le consumérisme, l’égoïsme et l’idolâtrie des vedettes ou la recherche de gloire et de likes. La désinformation, le harcèlement, les menaces, l’intimidation et les sextorsions devraient être sévèrement réprimés.
Les jeunes ont de très bonnes raisons d’être anxieux ou dépressifs. À nous, adultes, d’essayer de leur donner tous les outils et toutes les connaissances requises pour affronter la dure réalité tout en protégeant leur bonheur et leur bien-être psychologique. Plus la santé mentale de la population en général périclite, plus les risques de suicides, de féminicides et d’infanticides augmentent. Il faut agir en amont dès le plus jeune âge pour prévenir la misère sociale et le mal-être généralisé.
Besoin d’aide ? Contactez Info-Social au 811 pour obtenir de l’aide ou de l’information concernant votre santé mentale ou celle d’un proche.
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