Année catastrophique pour l’industrie audiovisuelle 

Année catastrophique pour l’industrie audiovisuelle 

Les grèves des scénaristes et des acteurs aux États-Unis ont évidemment un effet direct sur l’industrie de l’audiovisuel au Québec, qui doit composer avec des tournages américains annulés ou reportés jusqu’à nouvel ordre. Mais même avant ces conflits de travail, certains appréhendaient déjà une année 2023 difficile. Montréal aurait-elle perdu de son lustre aux yeux de Hollywood ?

« Déjà, le marché était au ralenti. Là, les grèves viennent juste de mettre le clou dans le cercueil », résume d’un ton grave Simon Poudrette, un preneur de son qui cumule 30 années d’expérience.

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L’été est d’ordinaire la période où il est le plus occupé dans l’année. Mais depuis que les acteurs américains ont imité les scénaristes en déclenchant une grève en juillet, les quelques productions américaines qui devaient s’amener au Québec dans la prochaine année ont été mises sur la glace. Simon Poudrette, qui ne vit que des productions américaines depuis 15 ans, n’a pas travaillé depuis plusieurs semaines, et il est loin d’être le seul.

L’AQTIS 514 IATSE, le syndicat de quelque 8000 techniciens pigistes au Québec, estime que les grèves ont touché entre 1000 et 2000 de leurs membres. Les pertes de revenus sont estimées à 80 millions. Si des techniciens ont pu se replacer dans des productions québécoises, acceptant des salaires beaucoup moins élevés, ce n’est pas le cas de tout le monde.

« Dans les faits, ce n’est pas si simple pour quelqu’un qui travaille tout le temps sur des tournages étrangers d’aller travailler sur des tournages québécois. C’est complètement un autre milieu. Ce n’est pas les mêmes contacts. Et souvent, ils ont une perception négative des techniciens qui travaillent sur des productions américaines. Ils s’imaginent qu’on demande beaucoup trop cher pour eux, même si on est prêts à négocier », explique Carl Lessard, qui travaille comme designer graphique sur les plateaux américains.

Montréal moins compétitive

 

Son métier, comme plusieurs autres dans le département artistique, n’a pas vraiment d’équivalent côté québécois. Des entreprises qui louent des roulottes ou de l’équipement technique souffrent aussi inévitablement de l’absence de tournages américains en ville.

Propriétaire de la compagnie de location de caméras Pro-Cam, Daniel Moïse espère que l’industrie profitera au moins de ce moment d’arrêt pour mieux préparer l’avenir et réfléchir à des manières de rendre le Québec plus attractif. Car depuis quelques années, Montréal doit faire face à une concurrence féroce de la part des autres grands centres urbains au pays que sont Calgary, Vancouver et bien sûr Toronto, qui font tout pour attirer davantage de tournages américains. Des villes comme Budapest et Prague, en Europe centrale, tirent également de plus en plus leur épingle du jeu.

« Montréal se distinguait par un modèle d’affaires qui avait été établi par les studios MELS. Mais aujourd’hui, ce modèle a été imité partout ailleurs et Montréal n’a pas su s’adapter. La réponse facile à ça, ce serait d’augmenter les crédits d’impôt. Mais si on les augmente, les autres vont le faire aussi, et ce sera constamment à refaire. Il faut que Montréal retrouve une spécificité qui nous fera nous démarquer des autres villes », affirme Daniel Moïse, dont le chiffre d’affaires dépend normalement à 75 % des Américains.

D’autres constatent que les permis de tournage sont de plus en plus compliqués à obtenir depuis quelques années dans des arrondissements et des banlieues de Montréal. Un repoussoir pour les productions hollywoodiennes, selon eux. « On s’en va tout droit dans le mur, et ça n’a rien à voir avec les grèves en cours. Ce n’est pas conjoncturel, c’est structurel. Et la balle est dans le camp du politique », soutien Pierre Blondin, un directeur de lieux de tournage.

Le mirage de l’après-pandémie

Quelques productions américaines, qui devaient être tournées au Québec, ont été mises en suspens à cause des grèves aux États-Unis. Citons la troisième saison de Ghost, le prochain Karate Kid ou encore la nouvelle série d’Apple TV The last Frontier, dont le tournage devait avoir lieu cet hiver. L’AQTIS 514 IATSE appréhendait une bonne année avant les grèves, mais Le Devoir a pu parler dans les derniers jours à plusieurs personnes qui ne partageaient pas l’optimisme de leur syndicat.

Déjà en 2022, le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ) notait un ralentissement dans l’industrie. Le Québec avait alors servi de lieux de tournage à 10 films et 10 séries, ce qui est légèrement inférieur à la moyenne. Surtout, le Québec n’avait pas accueilli de mégaproductions l’an dernier.

La dernière à s’être amenée à Montréal fut Transformers, à l’été 2021, au sortir des premiers confinements. L’industrie tournait alors à plein régime, après une année d’arrêt. Les productions québécoises subissaient même à l’époque une pénurie de main-d’oeuvre, entre autres parce que des techniciens préféraient travailler sur des tournages américains. Tout cela paraît bien loin aujourd’hui.

Si les scénaristes et les acteurs américains en venaient à une entente avec les grands studios, est-on en droit de s’attendre à une reprise en lion, comme ce fut le cas durant la pandémie ? « Je ne suis pas certaine de ça. Quand ça va repartir, ce n’est pas à Montréal que les Américains vont venir. On n’est pas compétitif. Les Américains vont d’abord aller ailleurs, et une partie de la main-d’oeuvre spécialisée va quitter Montréal », s’inquiète la directrice de lieux de tournage Michèle St-Arnaud.

Solidaires de Hollywood

 

Quelque 11 500 scénaristes, représentés par la Writers Guild of America, sont entrés en grève en avril. Leurs conditions salariales sont au coeur de leurs revendications, dans le contexte où l’arrivée des plateformes d’écoute sur demande a complètement changé la donne dans les dernières années. Les scénaristes demandent aussi des protections par rapport au recours à l’intelligence artificielle. Ils ont été rejoints en juillet par les 160 000 acteurs de la SAG-AFTRA, qui ont déclaré la grève pour des raisons relativement connexes.

« Nous sommes solidaires avec eux. La quête de profits des grands studios américains et des plateformes numériques amène cette perturbation-là dans l’industrie. La grève a des effets malheureux, j’en conviens, mais c’est nécessaire de dénoncer tout ce qui se passe maintenant », réitère Christian Lemay, président de l’AQTIS 514 IATSE, le syndicat des techniciens au Québec.

Si la grève des scénaristes perdure, le BCTQ indique que le milieu de l’animation à Montréal, qui était épargné jusque-là, finira par en pâtir également.

Les deux conflits de travail au sud de la frontière pourraient aussi poser problème à long terme à l’Institut national de l’image et du son (INIS), un centre de formation, dont une partie du financement dépend des tournages étrangers.

<h4>À voir en vidéo</h4>

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Source : Lire l'article complet par Le Devoir

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À propos de l'auteur Le Devoir

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