Se loger avant d’étudier

Se loger avant d’étudier

Incapable, apparemment, de trouver une manière d’augmenter l’offre de logement, le ministre canadien du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, Sean Fraser, n’a trouvé mieux que de désigner le parfait bouc émissaire en pointant le groupe des étudiants étrangers, dont il voudrait juguler l’entrée au Canada en proposant un plafond. De nouveau piqué dans son champ de compétence par cette fédération décidément envahissante, le premier ministre François Legault a eu bien raison de réagir à cette fausse bonne idée en rappelant que le Québec avait un droit de premier regard sur son territoire. Ce sera à lui de décider des mesures à mettre en place pour régler cette crise, car crise il y a.

Lorsque la demande excède l’offre, comme c’est le cas de manière criante en matière de logement, on peut choisir d’augmenter l’offre ou plutôt de réduire la demande. Le Canada envoie des messages contradictoires depuis quelques jours et laisse entendre que c’est en fermant le robinet des étudiants internationaux, qui coule à flots abondants et sans cesse croissants depuis quelques années, qu’on pourra atténuer le problème. Il serait beaucoup plus logique et payant pour l’avenir de penser au contraire à des solutions constructives permettant d’agrandir le parc immobilier, à la fois pour les locaux et les étudiants venus d’ailleurs.

Le Canada est une destination de choix pour les étudiants internationaux, dont le nombre excédait 800 000 en 2022. Ce dernier a littéralement explosé au cours des dernières années ; Statistique Canada a recensé qu’ils n’étaient environ que 120 000 en 2000. Le Québec, qui offre des droits de scolarité plus abordables que dans le reste du Canada, connaît lui aussi un boom. Lors de la dernière rentrée scolaire, les universités recensaient plus de 54 000 étudiants étrangers — 17 % de l’effectif total —, ce qui équivalait à une hausse de 10 % par rapport à l’année précédente.

Les universités rechigneront face à tout plan destiné à sabrer dans ce secteur lucratif de leurs revenus, car elles peuvent conserver dans leurs coffres la part belle des droits de scolarité payés par ces joueurs — plus élevés que les droits exigés des Québécois. Pas très loin derrière, les cégeps, qui attirent eux aussi chaque année une plus grande part d’étudiants étrangers, souhaiteraient que Québec consente à les laisser empocher plus que les minces 10 % qui leur revient sur la facture. Le marché des étudiants étrangers en est un de talents, de formation de cerveaux et de réponse potentielle à la pénurie de main-d’oeuvre, mais soyons lucides en reconnaissant que c’est aussi un marché lucratif pour l’enseignement supérieur.

Le Québec reluque aussi cette clientèle avec intérêt et la calcule comme une immigration francophone de choix. Toutefois, il faut savoir que les universités anglophones (Bishop’s, Concordia et McGill) accueillaient, selon les données de 2019-2020, 43 % du total de l’effectif étranger. Près de la moitié des étudiants qu’on s’arrache n’étudient pas en français.

Peu importe d’où ils viennent, les étudiants peinent à se loger. Le président-directeur général de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, fera du logement une de ses priorités de l’automne. Il entend notamment convaincre Québec de lui donner plus que les 17,5 millions auxquels il a eu droit pour le logement collégial, alors qu’il en demandait 100. La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a déjà annoncé que des amendements visant les résidences étudiantes s’ajouteraient à son projet de loi 31, qui fut l’objet de vives critiques. Avec le premier ministre qui affirme vouloir faire du logement une de ses priorités de la rentrée, la ministre Duranceau doit bâtir un plan d’action issu des orientations que le gouvernement souhaite lancer pour juguler la crise. Le manque de vision transparaît cruellement de toutes ces décisions à la pièce, ces ajouts de consultations en cours de route, ces modifications apportées en réaction aux critiques. Il est plus que temps que se dessine un schéma précis.

Pendant ce temps, c’est la créativité et la débrouillardise qui l’emportent du côté de la recherche de solutions. Le Devoir rapportait récemment une histoire à faire sourire dans la morosité ambiante : celle d’un promoteur-sauveur immobilier ayant transformé une partie d’un presbytère en résidence pour étudiants étrangers. Le groupe, venu d’Afrique pour étudier en soins infirmiers au cégep de Granby, n’arrivait pas du tout à trouver un toit, mais il a finalement pu se loger grâce à la volonté de l’entrepreneur.

La quantité de mètres carrés inoccupés dans les bureaux des centres-villes, comme à Montréal, fait rêver le président de la Fédération des cégeps, qui invite à l’inventivité pour trouver de nouveaux modes de logement, hors des appartements neufs que le marché n’arrive plus à générer. Le corollaire tragique de l’absence de solutions risque d’être l’abandon des études, que craint le milieu de l’éducation. Sans logis abordable, décent et accessible, un projet d’études peut rapidement prendre l’eau.

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Source : Lire l'article complet par Le Devoir

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À propos de l'auteur Le Devoir

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