Tunisie – Kaïs Saïed : « Un seul pain pour les riches et les pauvres » — Salah HORCHANI

Tunisie – Kaïs Saïed : « Un seul pain pour les riches et les pauvres » — Salah HORCHANI

Quant aux discours de Kaïs Saïed, ils ne cessent, en rond, de tourner
Avec ses arguments, par la théorie du complot, inspirés
Avec, généralement, accompagnés d’une dualité
Peuple/élite corrompue, pauvres/riches, patriotes/dépravés,…

Jusqu’à parler de pain des pauvres/pain des riches, il est allé
Dans une déclaration enflammée, du doigt, il a pointé
Les prix qui, aux baguettes de pains spéciaux, sont appliqués
Ainsi que les boulangeries où ils sont confectionnés
Dites « boulangeries modernes » que, de « cartels », il a qualifiées
Nouveau terme, depuis quelques jours, dans son vocabulaire, entré
Quand il souhaite dire que tel ou tel secteur est gangréné

Eternelle explication pour justifier son incapacité
De trouver une solution à une crise du secteur concerné
Quand ils ne parlent pas « des groupes de pression et des infiltrés
Qui œuvrent pour empêcher l’achèvement de ses projets » [1]

« Vendre des gâteaux et des glaces, ça leur suffit », a-t-il fustigé
Un seul pain pour tous les Tunisiens, il a même ordonné
À l’un des derniers décrets beylicaux, il s’est référé
La ministre du commerce s’est, illico, exécutée
Et la pénurie de pain à bas prix s’est alors aggravée
Et les files d’attente devant les boulangeries se sont allongées
Celles qui fabriquent le pain avec de la farine compensée [2]

Et cela parce qu’il est né une pénurie de cette denrée
Monopole de l’État qui a aussi sous son autorité
Son contrôle et ses quotas de distribution aux intéressés
Car les caisses de l’État sont vides et elle est subventionnée [3]
État ne parvenant plus à, suffisamment, en acheter
Sur le marché international, par manque de liquidités
Et en raison, aussi, du fait qu’il est lourdement endetté

Ainsi, les importations du blé dur ont enregistré
Une baisse de 30% durant les cinq mois premiers
De 2023 par rapport à la même période de l’an dernier
Ajoutez à cela l’occurrence climatique difficile marquée
Par une sécheresse exceptionnelle qui a affecté
La production du blé dur qui a lourdement chuté
Atteignant à peine le cinquième des besoins du marché [4]
Et nos réserves stratégiques de plus en plus limitées

Dernièrement, d’après l’UGTT, sept navires chargés de blé
Sont en rade de Sfax, depuis des semaines, en attente d’être payés
Car le pays, de régler ses fournisseurs rubis sur ongle, est obligé
Pour qu’enfin ils puissent, leurs tant attendues marchandises, dans le port, décharger [5]

Non, Monsieur le Président, l’État, pour quelque chose, y est
C’est loin d’être un problème de « cartels », le dire, il fallait
Et ce n’est pas non plus, rien que par la spéculation, causé
Fléau qui existera toujours et qui a toujours existé
Et le rôle de l’État est de, au maximum, le minimiser

Connaître les noms qui provoquent les crises, vous prétendez [6]
Alors, Monsieur le Président, qu’attendez-vous pour les juger
Il cherche un bouc émissaire pour, aux yeux du peuple, se disculper
Car, se trouvant bien incapable d’offrir les quantités
Suffisantes de farine, conduisant à une chute effrénée
Du nombre de baguettes produites par les boulangers
Et, comme boucs émissaires, les comploteurs, il a retrouvé
Insinuant que c’est aussi la faute des classes aisées
Et, adieu aux pains spéciaux, aux céréales, aux graines,… ou complets
Et tout le monde sous la même enseigne, de cette denrée-symbole, privé
Et, pourquoi pas, une même voiture pour tous, pendant qu’on y est ?

Cela après des entrevues répétées avec les ministres concernés
Et, à chaque fois, la même rengaine chantée, les mêmes arguments exposés
Ainsi, le 20 mai, devant la ministre du commerce, il a imputé [7]
« Cette situation aux tentatives menées par certains pour exacerber
Le climat social et inventer des crises » pour abuser du peuple et l’affamer
Alors que c’est une crise des finances publiques qui a installé les pénuries dans la durée
Cela après plusieurs réunions, par le « soliloque suprême », présidées
Accusant qu’« [ils] manigancent à l’heure qu’il est pour, de nouvelles crises, créer »
Pour certains autres produits, ou à l’occasion de la scolaire rentrée » [8]
Pendant que le coût de la vie et le taux d’inflation ne font qu’augmenter [9]
Pendant que son gouvernement sur « la forme de la baguette » est penché [10]

Et dire que pendant ce temps-là, Paris s’apprête à lancer
Un métro par l’Intelligence artificielle téléguidé
Pendant que les Tunisiens cherchent leur pain de quartier en quartier
Subissant de longues files d’attente, généralement à pied
À attendre la sacrée baguette, sous un soleil de plomb, résignés
Files qui se créent dès l’aube, devant les boulangeries, ouvertes, supposées
Alors que leurs rideaux sont encore baissés, par une tension certaine, dominées
Images humiliantes pour la Révolution du 14 janvier
À ajouter à l’actif du coup d’État du 25 juillet
Pendant que leur président, par des discours sur le pain, est occupé
Et son gouvernement planche sur la forme finale à lui donner
Et sur le nom, aux boulangers des pains spéciaux, à attribuer [10]

D’ailleurs les observateurs s’accordent à dire que Najla Bouden a payé
Par son limogeage la crise du pain que le régime n’a pas pu endiguer [11]
Qui aurait pensé que la baguette de pain, à ce point, le régime, ébranlerait

J’avoue à mes amis Français qu’il m’arrive souvent de les envier
Ils sont beaucoup mieux lotis que nous, même si le tout n’est pas parfait
Vu qu’on parle du pain et de la France, il convient de signaler
Que le site français Le monde des boulangers s’est intéressé
À notre crise du pain, et, en la commentant, il a fait remarquer [12]
Que, le caractère politique de cet aliment, elle a démontré
Invitant à observer cet événement avec humilité
Et attention, pourtant, bien que, des frontières de la France, éloigné
Car, il rappelle que les dérives tarifaires sur le prix du pain pourraient
Avoir des conséquences, pour une partie de la population, malaisées
Son ancrage culturel dans l’Hexagone pourrait aussi générer
Des réactions similaires à celles, récemment au Maghreb, observées
Si le risque d’une pénurie, en France, semble lointain, a-t-il ajouté
La perspective d’un accident météo ne peut être écartée
Accident qui pourrait impacter l’approvisionnement de la France en blé

En vérité, c’est le pouvoir qui porte la responsabilité
De cette pénurie, comme dans l’article [13], il est prouvé
Alors que le président « s’entête à vouloir valider
Sa thèse du complot des lobbies voulant fomenter
Une crise sociale », sa litanie, sans cesse, chantée [13]
Lui qui, tous azimuts, ne fait que répéter
« Celui qui, prendre des décisions, ne sait
Pas, n’a qu’à, chez lui, dans sa maison, rester »
« Ni trouver des solutions », j’ajouterais
Il est temps que cette règle soit appliquée
À tous, surtout, parmi nous, au plus haut gradés
Ainsi, pour lui, tout est bon, pour nous diviser, pour nous cliver
Stratégie classique chez les populistes de toutes les contrées
Sa méthode de démonstration préférée sur tous les sujets

Avec lui, l’exception tunisienne s’est envolée
Et les derniers espoirs des printemps arabes furent enterrés
Emportant avec eux nos rêves du 14 janvier
Et les défis de la Tunisie dont tout le monde parlait
Pour regagner les nations de démocratie imprégnées

Mais, c’est sur une note d’espérance que je voudrais terminer
Je suis confiant en notre peuple qui va se relever
Grâce aux modernistes et leur unité retrouvée
Tous ceux qui croient à l’État et sa civilité
Toutes les tendances, y compris les destouriens éclairés
D’Abir Moussi ; rappelons-nous, de Gaulle, ne l’a-t-il pas fait
Pour sauver la France, aux communistes, il s’est allié
Les islamistes étant exclus, c’est une trivialité
Car, pour eux, l’État civil est une calamité
S’ils affirment le contraire, c’est une fausseté
Par leur principe de Taqiya, bien enveloppée
Leur passage au pouvoir l’a, sans aucun doute, confirmé
Il ne faut pas qu’on soit encore, par Ennahdha, piégé
Et, comme on dit, deux fois dans le même trou, se faire piquer

Je suis confiant en notre peuple qui va se relever
Grâce aux modernistes, quand ils auront, leurs égos, enterrés
Quand des primaires dans leur famille seront organisées
Et les lauréats, dans les élections, seront lancés
Uniques candidats, par toute notre famille, portés
Aussi bien pour les présidentielles que pour les députés
Alors, croyez-moi, notre victoire sera assurée
Au vu de l’analyse des résultats qui ont précédé [14]
Quand ils quitteront leur piédestal de privilégiés
Intellos qui, théories et idées, ne font que brasser
Pour aller vers le peuple, dans les entreprises et quartiers
Dans les villes, les campagnes et les villages éloignés
Pour mouiller leurs chemises et concrètement échanger
Avec lui sur le présent et l’avenir de la Cité
Grâce au travail de terrain qui fut jusqu’alors négligé

Ils devront aussi, les femmes et les jeunes, encourager
À reprendre le flambeau d’avant-garde qu’ils ont délaissé
Par découragement, par illusions perdues effet
Quand notre Printemps s’est transformé en hiver glacé
Car, aucun changement, sans eux, ne peut être opéré
L’héroïque Sit-in du départ est là pour le prouver
Qui a permis de stopper Ennahdha dans sa lancée
Et a conduit le Quartet au Prix Nobel de la Paix [15]
Et, ils sont les premières victimes, aujourd’hui, qui plus est

Oui, confiant en notre peuple qui va se relever
Qui ne pourrait pas être indéfiniment trompé
Cela démocratiquement, je tiens à le spécifier
Afin que je ne puisse pas tomber sous le couperet
Du Décret-loi 54 et ses vicieux méfaits [16]
Qui, par des organisations réputées, fut dénoncé
Amnesty et l’ONU, parmi lesquelles, on peut citer
Comme étant une « vague » législation pour criminaliser
Paroles et pensées libres qui oseraient le critiquer [17]

Salah HORCHANI

[1] https://www.businessnews.com.tn/saied-accuse-des-groupes-de-pression-d…,520,131387,3
[2] https://www.jeuneafrique.com/1469126/politique/en-tunisie-la-crise-du-…
https://www.lemonde.fr/international/article/2023/08/17/en-tunisie-le-…
[3] https://news.dayfr.com/international/2342969.html
[4] https://www.menara.ma/fr/article/tunisie-la-crise-du-pain-samplifie
[5] https://www.tunisienumerique.com/tunisie-plusieurs-bateaux-charges-de-…
[6] http://www.rtci.tn/crise-du-pain-solutions-simposent-les-heures-venir-…
[7] https://www.facebook.com/photo/?fbid=632031488955455&set=a.247622744063000
[8] https://www.leconomistemaghrebin.com/2023/08/18/tunisie-kais-saied-pre…
[9] https://inkyfada.com/fr/2023/07/28/inflation-penuries-kais-saied-tunisie/
[10] https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230820-tunisie-en-pleine-crise-du-pain…
[11] https://www.middleeasteye.net/fr/actu-et-enquetes/tunisie-najla-bouden…
[12] https://www.lemondedesboulangers.fr/content/la-crise-du-pain-en-tunisi…
[13] https://www.lecourrierdelatlas.com/tunisie-crise-du-pain-la-presidence…
[14] https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/131019/elections-tunisi…
[15] Le Quartet de médiation, lauréat du Prix Nobel de la Paix 2015, initié, principalement, par l’UGTT (Union Générale Tunisienne du Travail) et composé de l’UGTT, de l’UTICA (organisation patronale tunisienne, l’équivalent du Medef français), de l’Ordre des avocats et de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme, s’est donné comme but d’extraire le pays de la profonde crise politique engendrée par les assassinats de Chokri BELAÏD et Mohamed BRAHMI, et ce, dans le cadre d’un Dialogue national ; et, avec l’appui du « Sit-in du Départ »*, il y est arrivé.
* https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/091015/prix-nobel-de-la…
[16] https://www.legrandsoir.info/tout-sur-kais-saied-en-plus-de-8000-vers-…
[17] https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/tunisie-abroger-decret…
https://www.amnesty.org/en/documents/mde30/6290/2022/en/
https://www.hrw.org/fr/news/2023/06/27/le-conseil-des-droits-de-lhomme…

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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