Enrico Mattei et Nord Stream (Volet 5)

Enrico Mattei et Nord Stream (Volet 5)

Enrico Mattei et Nord Stream (volet 1)
Enrico Mattei et Nord Stream (volet 2)
Enrico Mattei et Nord Stream (volet 3)
Enrico Mattei et Nord Stream (Volet 4)

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par Mendelssohn Moses

Égypte, Iran et le département d’État US

Dans le contexte marqué par le sabotage des pipelines Nord Stream, nous présentons ici le volet 5 d’extraits du magistral essai biographique sur Enrico Mattei (1906-1962) par son ancien collaborateur Nico Perrone portant sur les relations révolutionnaires entre l’Égypte, l’Iran et Mattei en matière d’hydrocarbures.

Le 1er volet fut publié le 30 avril sur Réseau International, le 2ème le 1er mai, le 3ème le 3 mai et le 4ème le 13 mai 2023.

La densité de l’actualité faisant que le lecteur est assailli d’informations souvent urgentes, nous présentons ces extraits en format très court – et manifestement non-exhaustif ! – dans l’espoir de susciter une réflexion.

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Ici commence la traduction d’extraits de l’essai de Nico Perrone, chapitre «Modus operandi de l’ENI».

Un document (contemporain) du National Security Council US (Cf. le rapport du Sénat US daté de 1975 et intitulé «Multinational Oil Corprations and US Foreign Policy») reflète très exactement la notion entretenu par le NSC de la doctrine Monroe :

«eu égard à leur rôle en tant qu’instrument de notre politique étrangère que ce soit en Europe ou au Moyen Orient, toute attaque sur nos sociétés pétrolières doit être considéré comme un coup porté au coeur de tout le système américain».

Les 7 Sœurs (les sept grandes sociétés pétrolières – ndlr) étaient entre les mains d’actionnaires US à l’exception de British Petroleum (…) et de Shell dont les Anglais détenaient 40% et les Néerlandais 60%.

(…) Au début des années 50, les 7 Sœurs contrôlaient 90% des réserves de pétrole hors USA, Mexique et URSS ; elles étaient assises sur au moins 90% de la production et 75% des capacités de raffinage, et fournissaient environ 90% du pétrole négocié sur les marchés internationaux.

Déterminé à rompre cette main-mise, dès octobre 1953 Enrico Mattei lançait avec ENI la recherche de sources d’approvisionnement en Somalie mais les sondages n’aboutirent pas.

Par contre en mai 1955 une étape importante fut franchie, avec l’acquisition d’une participation – en 1960 elle devint participation à parts égales – dans une société pétrolière égyptienne. Et là, c’est le clap-départ d’une toute nouvelle politique de pétrole italienne … l’ENI fournissait l’investissement nécessaire à la recherche ; en cas de réussite le pays où se situaient les puits prenait des actions de la société, afin de devenir associé à parts égales avec la société italienne de l’exploitation des gisements.

Par rapport à la règle 50/50 dominant alors le marché … le système introduit par l’Italie attribuait à l’Égypte un gain allant de 62,5 à 70% selon les variations dans le coût de production, tout en respectant la souveraineté et proposant la parité dans l’entreprise. La formule faisait peser les coûts et les risques d’un éventuel échec sur la seule ENI, puisque l’engagement du pays producteur en tant qu’associé ainsi que le remboursement par ce dernier d’une partie des dépenses de recherche n’aurait lieu que si on trouvait du pétrole et après l’entrée en opération des puits.

Dans le cadre de cette collaboration avec l’Égypte, en 1956 l’ENI a construit l’oléoduc Suez-Le Caire tandis que Mattei proposait que l’ENI construise le barrage d’Assouan ! Le financement du barrage promis par les USA avait été gelé par John Foster Dulles, alors Secrétaire d’état, en raison des prises de position neutralistes et pro-soviétiques de l’Égypte dirigé par Gamal Abdel Nasser.

Mattei et l’Iran

Suite à ces premiers pas, Enrico Mattei noua des tractations complexes avec l’Iran, qui ont fini par déstabiliser le contrôle (US – ndlr) sur les ressources de pétrole et les prix. Ces tractations ont abouti le 14 mars 1957. L’Iran s’est vu concéder des conditions plus avantageuses encore que celles en faveur de l’Égypte : les gains représenteraient 75%, en calculant les royalties et les profits de la participation à une société détenue à parts égales avec l’ENI. Ici aussi, les coûts et risques de l’échec incombaient à la seule Italie.

En 1958, Enrico Mattei expliquait dans un discours :

«Finalement nous sommes allés en Iran, et là aussi nous pensons avoir obtenu le mieux possible sur terre et sur mer. Toute l’équipe y est : nos techniciens, nos hommes, tous des Italiens, qui travaillent dans l’espoir de voir couronner ces efforts – avec l’aide de Dieu, naturellement, car la recherche du pétrole est entre les mains de Dieu. Les hommes peuvent y mettre du sien, mais pour trouver des réserves elles doivent exister !»

«En Iran nous avons instauré un nouveau système : la coopération, qui est tout le contraire d’un système colonial et n’a rien à voir avec le vieilimpérialisme. C’est une coopération réciproque entre d’une part le pays qui détient la souveraineté sur ses terres minières et d’autre part une forme d’assistance technique venant de gens qui ne se considèrent nullement supérieurs : ils souhaitent traiter d’égal à égal et collaborer dans l’intérêt mutuel. Or, les Iraniens ont reçu des avertissements (des USA ou de leurs alliés – ndlr) : ‘attention – les Italiens sont des incapables ! Ils manquent de moyens, d’hommes expérimentés’. Mais la volonté d’émancipation iranienne a vaincu la crainte et nous avons gagné ! Aujourd’hui nous avons lancé les explorations sismiques sous-marine ainsi que les opérations à terre ; les avions sont à l’oeuvre, nous construisons une île artificielle d’acier qui va conduire des forages dans le Golfe Persique (plateforme offshore, où l’ENI mettrait en œuvre les nouvelles techniques perfectionnées à la manufacture La Nuovo Pignone de Florence – ndlr)».

«Nous, avec l’usine de La Nuova Pignone, sommes ceux qui fabriquons cette île, nous n’avons plus besoin de tiers. Ce sera tout ce qu’il y a de plus moderne. Une armée de nos techniciens nous épaulent tandis que nos écoles en fournissent des nouveaux tous les mois ! Nous avons les moyens à disposition, car non seulement nous possédons les sondes, mais nous sommes capables de construire, seuls, les raffineries, les compresseurs, les moto-compresseurs surdimensionnés. Nous avons une entreprise de conception, une société de montage qui travaille actuellement au Pakistan, en Inde, en Autriche en Égypte – partout ! Et surtout nous avons la volonté de construire. Le groupe est constitué, les hommes sont prêts, formés et l’expansion est un processus naturel».

(…) L’agence de presse Agenzia giornalistica Itali (AGI), commentait «pour l’Iran, c’est bien la première fois qu’un pays du Moyen-Orient réussit à entrer en participation avec une société pétrolière occidentale sur un pied d’égalité».

Alors que le 2 septembre 1957, on pouvait lire dans le New York Times :

«Le département d’État s’inquiète et les grandes sociétés pétrolières US s’irritent face à la probabilité que l’Iran, au début du mois, rompe le front bétonné des accords 50/50 … la crainte est de voir l’agitation générale se répandre parmi les états arabes souhaitant bénéficier d’un traitement aussi favorable, avec des conséquences préjudiciables pour l’industrie pétrolière…» Et le New York Times conclut en observant que le département d’état US mettrait des pressions sur l’Iran et sur l’Italie, afin d’éviter de voir renverser la table de cartes du pétrole au Moyen-Orient.

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Voir aussi :

Enrico Mattei, obiettivo l’Egitto : L’ENI, Il Cairo, Le Sette Sorelle par Marco Valeria Solla (2016). http://www.archiviostorico.info/libri-e-riviste/8069-mattei-obiettivo-egitto

Suez : il Canale, l’Egitto e l’Italia : da Venezia a Cavour, da Mussolini a Mattei par Marco Valle (2019) https://www.ansa.it/2018/12/13/quando-litalia-di-mattei-aiutava-legitto-a-suez

Article sur Enrico Mattei de Time Magazine, 21 juillet 1961 : Oil, State within a State https://content.time.com/time/subscriber/article/0,33009,897847-2,00.html

https://www.gettyimages.ca/ enrico-mattei-with-the-shah-of-iran-in-italy-circa-1960-news-photo

https://www.researchgate.net/At-the-origin-of-the-energy-policy-of-ENI-in-Iran-Enrico-Mattei-and-the-negotiations-for-oil-deals-of-1957

Discours de Mattei à Tunis, 9 juin 1960 sur la décolonisation (en anglais)

https://digitalarchive.wilsoncenter.org/enrico-mattei-decolonization-states-and-economy

original italien à la page 14 ici http://www.pionierieni.it/AGIP-14-La-figura-di-Enrico-Mattei.pdf

Et pour entendre la voix des contradicteurs sophistiqués : article d’un chercheur français discrètement hostile à Enrico Mattei : Le tiers-mondisme italien de Mattei (2010) par Patrick Lafond https://journals.openedition.org/mefrim

Voir aussi le long-métrage biographique  https://www.imdb.com/title/tt0068346 ;

et Memorandum of conversation; Department of State, Central Files, 110.15–HA/3–1061) : https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1961-63v13/d280

Ainsi que le fabuleux documentaire sur Mattei raconté par ses proches collaborateurs https://www.youtube.com/watch?v=Ayog5Wte9z4

Mendelssohn Moses

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Source : Lire l'article complet par Réseau International

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À propos de l'auteur Réseau International

Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

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