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par Franck Marsal
Non seulement les prix ne vont pas baisser, mais rien ne garantit que l’inflation baisse durablement. Au contraire. La Chine poursuit son combat pour arracher le monde au sous-développement. Elle a désormais les moyens de mener une politique monétaire et financière autonome. Et avec son alliance avec l’Iran, l’Arabie et la Russie, elle peut orienter les flux d’énergie à sa guise. Elle dispose de toutes les technologies majeures et de la base industrielle dominante.
Dans ces conditions, comment l’occident peut-il justifier d’avoir un privilège de consommation d’énergie supérieur au reste du monde ? D’avoir des monnaies fortes qui lui permettent de se réserver l’accès aux produits les plus recherchés ?
L’inflation qui nous attend, c’est le rééquilibrage de nos systèmes de prix sur les systèmes de prix mondiaux. C’est à dire que l’immense majorité des habitants du monde auront à terme la même légitimité à accéder à l’énergie, particulièrement pétrolière. Et notre production sera évaluée à ce qu’elle vaut en parité de pouvoir d’achat, ce qui signifie une sérieuse dégringolade.
Et cela peut aller très vite. Nous sommes dans de telles contradictions que notre énergie dépend encore de notre fournisseur russe, que par ailleurs nous vouons aux gémonies quotidiennement : une bonne partie du gaz transite encore de Russie par la Pologne et l’Ukraine, une bonne partie du pétrole vient également de Russie en transitant par l’Inde. On s’est gargarisé d’avoir convenablement passé l’hiver alors que c’est juste parce que la Russie maintient ses robinets ouverts depuis 15 mois. Et personne n’en parle, mais tout le monde sait que l’hiver prochain n’est en rien assuré.
Si l’on observe la méthode suivie par la Russie, on s’aperçoit qu’elle est faite de patience, elle attend le bon moment pour jouer ses cartes, laisse l’adversaire lui donner à de multiples reprises les raisons et la légitimité d’agir.
Ce qui a été fait à propos de l’accord sur les céréales est très intéressant. La Russie, depuis le début répête avec calme mais constance que l’occident ni l’Ukraine n’applique leur part des engagements et que cela va mener à la rupture de l’accord. Tout le monde s’est habitué à ce discours et est arrivé à penser que la Russie râle mais qu’elle n’agira pas. Puis lorsque le moment vient où la Russie rompt l’accord, on découvre qu’elle a tout préparé pour que cela se passe au mieux : non seulement l’Afrique n’a pas mis en cause la décision russe, mais elle se trouve rassemblée pour célébrer la coopération historique URSS-Russie/Afrique à St Pétersbourg, quelques semaines seulement après la rupture de l’accord ; L’UE en revanche n’a rien prévu pour gérer les conflits liés à l’arrivée sur ses marchés des céréales ukrainiennes soldées …
De la même manière, tout le monde a l’air de considérer que, puisque le gaz russe continue à arriver depuis 15 mois, c’est que la Russie ne coupera pas le robinet…
Mais pourquoi la Russie ne le ferait-elle pas au moment où, de son côté tout sera prêt pour le faire et au moment où l’impact sera maximum… Cet hiver ? Pas impossible.
La réponse à l’inflation choisie par l’occident, c’est d’augmenter les taux d’intérêt. C’est un autre volet du suicide collectif. Je ne sais pas le dire autrement :
- C’est une politique basée sur l’expérience des années 80, à l’époque où l’occident contrôlait la finance et l’industrie mondiale. La montée des taux d’intérêts engendrait une récession mondiale, mais cette récession frappait en priorité les fractions les plus fragiles, pays endettés en dollars, économies les moins productives. Aujourd’hui la situation est différente. L’occident ne contrôle plus la finance mondiale. Donc, la hausse des taux d’intérêt n’atteindra que très indirectement la Chine, qui va continuer à se développer et entraîner avec elle une large partie du sud. Donc, l’économie du nord va entrer en récession (auto-provoquée) et perdre des parts de marchés à l’international. De plus, l’économie occidentale n’est plus l’économie la plus compétitive, en particulier pour une Europe qui se prive d’elle-même de sa source naturelle d’énergie à bas coûts, la Russie …
Il y a une crise de la dette latente aujourd’hui dans les pays du nord et en particulier dans certains pays important de l’UE, aux USA et au Japon. La montée des taux va rapidement rendre cette dette ingérable. Les frais financiers, les intérêts vont exploser et sans croissance, les états ne pourront plus faire face. La solution sera l’inflation ou la faillite.
Le système financier occidental hypertrophié va lui-même se trouver en crise profonde. On a déja vu les premiers soubresauts avec les faillites des deux banques américaines et du Crédit Suisse cet hiver. Les banques ont consentis d’énormes quantités de prêts à taux très bas. Ces prêts continuent à courrir, mais les taux montent. Au fur et à mesure que les taux et l’inflation montent, ces prêts anciens subissent une décote irrémédiable, jusqu’à ne plus valoir grand chose. Les bilans des banques sont alors en grande difficulté.
Alors, comme disait Lenine, que faire ?
À mon sens, le socialisme deviendra rapidement une urgence vitale, une sorte de socialisme de guerre. La tendance naturelle du capitalisme pourrait être de laisser s’effondrer l’économie réelle en même temps que l’économie financière et les superstructures de marchés.
Il faudra au contraire agir pour sauvegarder ce qui peut l’être de la production réelle en créant rapidement une autre structure de pilotage de l’économie. Il faudra rapidement identifier les manques, re-répartir les ressources disponibles pour produire ce qui est indispensable.
De nouvelles directions politiques vont émerger, en particulier dans la classe ouvrière. Toutes les superstructures occidentales seront décrédibilisées voire balayées par le souffle de l’implosion.
Nous aurons besoin d’un parti fort et structuré, d’une classe ouvrière qui prenne le pouvoir entre ses mains.
En gros, et pour le dire très vite, il va falloir apprendre très très vite à reprendre tout ce que nous avions abandonné, à penser à l’opposé de ce que l’on nous a appris, à faire le contraire de ce qui nous a été imposé.
source : Histoire et Société
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