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par Peter Symonds
Le sommet de l’OTAN qui vient de s’achever à Vilnius, en Lituanie, a établi un vaste plan de conflit mondial, indiquant clairement que la guerre contre la Russie en Ukraine n’est qu’une étape vers la confrontation et la guerre avec d’autres menaces perçues pour les intérêts impérialistes. Son communiqué commun a clairement indiqué que la Chine était en tête de liste, ce qui présage une augmentation de la présence militaire de l’OTAN dans l’Indo-Pacifique aux côtés des alliés américains dans la région.
Tout en déclarant que l’OTAN restait «ouverte à un engagement constructif» avec Pékin, le communiqué dépeint la Chine sous les teintes les plus sombres, déclarant que ses «ambitions et ses politiques coercitives remettent en cause nos intérêts, notre sécurité et nos valeurs».
La déclaration de Vilnius accuse la Chine d’être «obscure quant à sa stratégie, ses intentions et son renforcement militaire», de se livrer à des «opérations hybrides et cybernétiques malveillantes» et à une «rhétorique de confrontation et de désinformation», de chercher à «contrôler des secteurs technologiques et industriels clés, des infrastructures essentielles, des matériaux stratégiques et des filières d’approvisionnement» et d’utiliser «son influence économique pour créer des dépendances stratégiques et renforcer son influence».
Quelle hypocrisie stupéfiante ! Avec l’implication croissante de ses alliés en Europe et en Asie, l’impérialisme américain s’est engagé dans une confrontation grandissante avec la Chine – sur le plan diplomatique, économique et stratégique – depuis plus d’une décennie. Sous les présidents Obama, Trump et Biden, les États-Unis ont eu recours aux politiques de la longue liste suivante : intensification de la rhétorique de confrontation, utilisation de leur puissance économique pour imposer des tarifs douaniers punitifs, des sanctions et des interdictions, et engagement dans un renforcement militaire massif dans la région et consolidation d’alliances antagonistes – autant d’éléments que Washington a tenté de rendre aussi obscurs que possible.
L’accusation principale portée contre la Chine, et répétée inlassablement par les États-Unis et leurs alliés, est qu’elle «s’efforce de subvertir l’ordre international fondé sur des règles, y compris dans les domaines spatial, cybernétique et maritime». Toutefois, cette accusation en dit plus sur les plans agressifs de Washington que sur ceux de Pékin. L’«ordre international fondé sur des règles» n’est rien d’autre que les mécanismes mis en place par l’impérialisme américain après la Seconde Guerre mondiale pour stabiliser le capitalisme mondial et assurer sa position dominante dans un ordre mondial dont il dictait les règles.
Dans les conditions actuelles de leur déclin historique, les États-Unis utilisent leur puissance militaire résiduelle dans une tentative téméraire de consolider leur hégémonie mondiale. Après avoir mené une guerre d’agression criminelle après l’autre dans les Balkans, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie centrale, Washington est maintenant engagé dans une guerre contre la Russie en Ukraine dans le but de déstabiliser et de subordonner Moscou, prélude à une guerre qui vise à faire de même avec la Chine, qu’ils considèrent comme la principale menace à leur domination mondiale.
En outre, tout en acheminant des dizaines de milliards de dollars de matériel militaire de plus en plus sophistiqué en Ukraine pour tenter de mettre la Russie à genoux sur le plan politique, les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN exigent que la Chine condamne l’invasion russe de l’Ukraine et, sur un ton menaçant, l’avertissent de «s’abstenir de fournir toute aide létale à la Russie». L’invasion russe de l’Ukraine a été motivée par les intérêts nationaux réactionnaires du régime de Poutine et de la riche oligarchie qu’il représente, mais les États-Unis ont délibérément poussé Moscou à agir de la sorte en encerclant progressivement la Russie avec des alliés de l’OTAN.
Aujourd’hui, les États-Unis se livrent à des provocations similaires à l’encontre de la Chine, l’accusant de se préparer à envahir Taïwan, alors même que Washington traite de plus en plus l’île comme un État indépendant, sachant que c’est une ligne rouge pour Pékin.
Le renforcement, non seulement des États-Unis, mais aussi de l’OTAN, en Asie est souligné par la présence des dirigeants de quatre alliés des États-Unis – le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande – à deux sommets de l’OTAN, le premier à Madrid l’année dernière et le second à Vilnius cette année. Elle met en évidence la compréhension tacite, parmi les alliés des États-Unis des deux côtés du monde, que la guerre en Ukraine n’est pas un conflit isolé, mais qu’elle a une portée mondiale. Ainsi, les «quatre pays de l’Asie-Pacifique» (AP4) appuient la guerre de l’OTAN contre la Russie en fournissant de l’aide et du personnel, tandis que les alliés de l’OTAN renforcent leurs liens et leur présence militaire en Asie.
Le gouvernement Biden a conclu deux pactes stratégiques clés dans la région indopacifique : le dialogue quadrilatéral sur la sécurité, qui associe les États-Unis, le Japon, l’Australie et l’Inde, et l’accord AUKUS entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie. Dans le cadre d’une préparation claire à la guerre avec la Chine, l’AUKUS fournira à l’Australie des sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire et d’autres armes sophistiquées. L’Inde est le seul pays à ne pas avoir été invité au sommet de l’OTAN. Si New Delhi s’est jointe à la coalition dirigée par les États-Unis contre la Chine, elle refuse de condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie, avec laquelle elle entretient des liens importants.
À la suite du sommet de Vilnius, l’OTAN s’apprête à revaloriser le statut des pays de l’AP4, qui sont actuellement considérés comme des «partenaires à travers le monde». Bien que les détails ne soient pas divulgués, l’OTAN a entamé des discussions avec chacun des quatre pays afin de formuler un programme de partenariat personnalisé. Ces documents doivent jeter les bases d’une collaboration beaucoup plus étroite sur toute une série de questions militaires, notamment la cybersécurité, l’espace et la lutte contre la désinformation.
Alors que l’OTAN présente apparemment une image d’unité, des divisions entre les principales puissances impérialistes existent, chacune cherchant à promouvoir ses propres intérêts économiques et stratégiques. La France s’est opposée à la proposition d’un bureau de l’OTAN à Tokyo – son premier en Asie – comme moyen de concrétiser la présence de l’OTAN dans la région. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a lancé l’idée le mois dernier, affirmant qu’il s’agissait d’une réponse au défi grandissant posé par la Chine et la Russie. En février, il a déclaré que parmi les partenaires de l’OTAN, aucun n’était plus compétent que le Japon, troisième économie mondiale dotée d’une armée sophistiquée et en pleine expansion.
La Chine a réagi violemment à cette proposition. Wang Wenbin, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a souligné le fait évident que «l’Asie se situe au-delà de la portée géographique de l’Atlantique Nord», ajoutant : «Cependant, nous avons vu l’OTAN s’acharner à aller à l’est dans cette région, à interférer dans les affaires régionales et à encourager la confrontation des blocs».
Le président français Emmanuel Macron a déclaré publiquement que cette décision serait une «grosse erreur», tandis qu’un fonctionnaire français anonyme a déclaré au Financial Times : «L’OTAN [signifie] Atlantique Nord, et les articles V et VI [de ses statuts] limitent clairement son champ d’action à l’Atlantique Nord». Le fonctionnaire a ajouté : «Il n’y a pas de bureau de liaison de l’OTAN dans aucun pays de la région. Si l’OTAN a besoin de connaître la situation dans la région, elle peut utiliser les ambassades désignées comme point de contact».
En avril, après une visite en Chine, Macron a déclaré aux médias français que l’Europe ne devait pas suivre aveuglément les États-Unis. «L’Europe est en train de créer les éléments d’une véritable autonomie stratégique et ne doit pas tomber dans une sorte de réflexe de panique et suivre la politique américaine», a-t-il déclaré. Si elle n’était qu’un «suiveur» sur le sujet de Taïwan et «s’adaptait au rythme américain et à une réaction excessive de la Chine», l’Europe deviendrait un «vassal», bien qu’elle puisse être un «troisième pôle». Les commentaires de Macron s’accompagnent de la crainte, en France et plus largement dans les cercles dirigeants européens, qu’un appui aux provocations américaines contre la Chine n’ait un impact sur les intérêts économiques et stratégiques de l’Europe.
Ce que les États-Unis préparent, c’est un conflit mondial avec des puissances dotées de l’arme nucléaire, au mépris total des conséquences pour l’humanité. Pourtant, toutes les puissances impérialistes, et notamment les États-Unis, sont confrontées à des crises économiques et sociales de plus en plus graves, exacerbées par la guerre en Ukraine, qui alimentent l’éruption des luttes de classe. Le passage à une guerre mondiale ne vise pas seulement à poursuivre leurs intérêts prédateurs à travers le monde. C’est une tentative désespérée de détourner d’immenses tensions sociales contre un ennemi étranger.
L’escalade de la lutte des classes, cependant, fournit la base sociale pour les moyens d’arrêter la chute vers une catastrophe nucléaire : l’unification de la classe ouvrière au niveau international dans un mouvement antiguerre basé sur l’abolition du capitalisme et de sa division dépassée du monde en États-nations rivaux.
source : World Socialist Web Site
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