Quassaman, la Marseillaise et le Chant des Partisans: 3 Hymnes à la paix

Quassaman, la Marseillaise et le Chant des Partisans: 3 Hymnes à la paix

 «Si je reviens à l’impression qu’il m’a faite, à l’époque où je l’ai arrêté, et toutes les nuits où nous avons parlé ensemble, j’aurais aimé avoir un patron comme ça de mon côté, j’aurais aimé avoir beaucoup d’hommes de cette valeur, de cette dimension, de notre côté. Parce que c’était un seigneur Ben M’hidi. Ben M’hidi était impressionnant de calme, de sérénité, et de conviction.

Lorsque je discutais avec lui et que je lui disais : ‘’Vous êtes le chef de la rébellion, vous voilà maintenant entre nos mains, la bataille d’Alger est perdue’’,

Il dit : ‘’Ne croyez pas ça !’’ Et il me rappelait les chants de la résistance, le Chant des Partisans: un autre prendra ma place. Voilà ce qu’il m’a dit Ben M’hidi.»

Lieutenant Jacques Allaire Yves Boisset, La Bataille d’Alger, 2006

«Aujourd’hui, si tu ne chantes pas la Marseillaise, c’est que tu n’aimes pas la France. Moi, la Marseillaise, je ne l’ai jamais chantée, et pourtant j’aime la France… C’est nous, sur le terrain, ils ne venaient pas égorger nos fils et nos compagnes, ils voulaient juste nous prendre le ballon.»

Michel Platini 

Résumé

Un décret est pris en Algérie concernant un aménagement de l’utilisation de  l’hymne national selon l’évènement. Cela a été le début d’une logorrhée en face où tout ce que la France compte de chauvins se mobilisent pour un fait qui ne les concerne pas. Nous allons en honnêtes courtiers présenter les termes de cette polémique qui n’a pas lieu d’être en convoquant à notre tour,  le contenu belligène de l’hymne français de la Marseillaise et du Chant des Partisans à replacer par souci d’honnêteté dans le contexte de l’époque. Naturellement nous expliquerons simplement comment l’hymne national Quassaman a évolué en expliquant que les termes choisis à dessein étaient là pour expliquer en quelques mots l’aboutissement de 132 ans de malheur et à qui nous les devons. En rappelant au passage que la Marseillaise s’adressait déjà à l’ennemi héréditaire allemand.

Nous conclurons enfin sur le fait que le Chant des Partisans parle de l’occupation de la France pendant 4 ans par l’Allemagne en parfaite similitude avec l’occupation de l’Algérie pendant 132 ans. Nous remarquerons que les actions  des  partisans étaient des actions patriotiques. Les mêmes actions réalisées par les Algériens pour libérer leur pays du joug de l’occupation  sont traitées de terroristes !!!

Polémique pour un hymne

Encore une fois, une polémique créée de toutes pièces empoisonne l’atmosphère entre les deux pays. De quoi s’agit-il cette fois ? D’une ingérence, une de plus. Sans vouloir donner l’impression de vouloir toujours se justifier de ce que l’Algérie fait pour des affaires qui ne regardent pas les autres, une fois de plus nous allons faire preuve de pédagogie en s’adressant au peuple profond en France pour lui expliquer de ne pas se tromper de cible en donnant crédit à des vendeurs de fake news nostalgiques du bon temps des colonies pour des raisons bien connues bassement politiciennes.

Malek Bachir décrit brièvement ce qu’il en est :

«Alors qu’en Algérie, un nouveau décret modifie les circonstances et les conditions dans lesquelles l’hymne national doit être interprété, résonne dans l’air un refrain bien connu : celui d’une impossible relation bilatérale apaisée entre Paris et Alger (…) Prenez un décret présidentiel, publié au Journal officiel du 24 mai 2023, révisant les conditions dans lesquelles est interprété l’hymne national algérien, appelé Quassaman. Au milieu du jargon fleuri d’articles, alinéas, modifications et compléments, extirpez-en une intention qui vous arrange et jetez-la en pâture aux réseaux sociaux. Et vous obtiendrez une belle polémique sur laquelle personne – Algériens comme Français – ne peut être d’accord. L’hymne algérien, dont les paroles ont été écrites par le poète nationaliste Moufdi Zakaria et la musique composée par l’Égyptien Mohamed Fawzi, comprend dans sa version intégrale cinq couplets. Si la Constitution évoque son caractère «immuable» dans l’intégralité de ses couplets, les décrets successifs depuis celui du 11 mars 1986 évoquent deux cas de figure : celui où Quasaman est joué de manière ‘’intégrale’’ et celui où il est joué de manière ‘’partielle’’ ou ‘’réduite’’, comprendre : seulement le premier couplet».(1)

«L’objet de la polémique, poursuit-il, se trouve au troisième couplet : la France en tant que puissance coloniale y est visée : ‘’Ô France ! Le temps des palabres est révolu. Nous l’avons clos comme on ferme un livre. Ô France ! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! Voici notre réponse. Le verdict, notre révolution le rendra. Car nous avons décidé que l’Algérie vivra. Soyez-en témoin !’’ Ce passage de l’hymne national algérien tombé en désuétude pourrait bien désormais être chanté lors d’une visite officielle du président de la République française», prédit ainsi « Valeurs Actuelles » ».(2)

«Le décret récent […] prévoit donc que l’hymne complet sera joué désormais dans les ‘’cérémonies officielles en présence du président de la République, mais également lors des visites des chefs d’État’’, ce qui entraînerait par exemple son exécution intégrale au cours d’une visite du président Macron», dans l’ancien décret comme dans le nouveau, les «visites officielles des chefs d’État et des personnalités de même rang, hôtes de l’Algérie», voient l’hymne algérien exécuté «dans sa partition réduite» (article 4). Le seul changement concerne l’interprétation de Quassaman lors des commémorations officielles en présence du président de la République algérienne. Alors que dans le décret de 1986, il était joué dans sa version réduite, comme pour les cérémonies, dans le nouveau décret, il est joué dans sa version longue, comprenant les cinq couplets dont celui sur la France. La cheffe de la diplomatie Catherine Colonna, sur le plateau de LCI, a estimé que cette « décision d’étendre l’usage d’un hymne qui date d’une autre époque pouvait «apparaître à contretemps».(2)

Petites histoires des grands hymnes nationaux africains

Tous les pays ont des hymnes nationaux ; certains sont martiaux d’autres beaucoup plus apaisés. De plus beaucoup d’hymnes nationaux désignent l’ennemi d’hier. Certains se veulent rassembleurs comme :

«L’hymne sud-africain est depuis 1997 le seul hymne au monde à combiner cinq des 11 langues nationales, alors que l’hymne officiel était depuis 1928 le chant afrikaaner. Les Noirs se retrouvaient autour d’un chant libérateur, Nkosi Sikelel’ iAfrika. L’hymne actuel est une combinaison de ces deux morceaux. Cette composition a été réalisée dans un contexte d’unité nationale, initiée par Mandela après l’abolition de l’apartheid. Pour sa part, le compositeur de l’hymne égyptien est une star de la musique arabe lyrique né à Alexandrie en 1892, Sayed Darwich. Il est considéré comme le père de la musique populaire et son tube Biladi Biladi Biladi (Mon pays) est adopté par l’Égypte comme hymne officiel en 1979. Beaucoup d’hymnes africains ont été rédigés par des prêtres jésuites. (…) l’hymne libyen choisi par Kadhafi pour remplacer l’hymne officiel Biladi (mon pays), intitulé Allahu Akbar (Dieu est grand) » (2)

« Au début des années 2000, les autorités rwandaises souhaitent changer l’hymne national, accusé d’alimenter les tensions ethniques en faisant explicitement référence aux hutu, tutsi et twa, par un hymne réconciliateur. Concernant l’hymne algérien Quassaman les journalistes britanniques du Daily Telegraph glorifiant le sang des martyrs tombés face à la France (Serment) le juge comme extrêmement violent. Des reproches régulièrement adressés à sa rivale la Marseillaise. L’article publié sur le site du Daily Telegraph a été retiré suite aux remontrances des autorités algériennes. Le journal britannique s’est lui, confondu en excuses».(2)

L’imposture permanente  et l’ingérence de l’oligarchie française

Dans un cri du cœur et d’exaspération contre l’oligarchie, Kaddour Naimi fait le parallèle entre l’hymne guerrier et réellement «à contre-temps» de la Marseillaise ; Il écrit : «Arrêtons de parler de ‘’France’’, pour ne pas considérer le peuple de France dans le panier de crabes et de requins qu’est l’oligarchie qui le domine.» Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a signé un nouveau décret présidentiel qui rétablit un couplet de l’hymne national algérien faisant référence à la France en tant que colonisateur de l’époque. Il avait été «retiré» en 1986 pour des considérations politiques.(3)

«Eh bien, écrit Kaddour Naïmi, regardons en face cette histoire. D’abord, celle de l’hymne national français, la Marseillaise. Né comme chant révolutionnaire, patriotique, contre les tyrans, les dictateurs et les envahisseurs de la France, il scandait : «Aux armes citoyens/Formez vos bataillons/Marchons, oui marchons/Qu’un sang impur abreuve nos sillons». Venons à l’hymne national algérien. Que dit le passage incriminé ? (France, le temps des palabres est révolu / France, voici venu le jour où il te faut rendre des comptes). Qu’y a-t-il là d’offensant ? Ne s’agit-il pas simplement d’un fait historique, qu’il «ne s’agit pas d’oublier» ? Surtout que la «France» dont il est question, plus exactement l’oligarchie qui la domine, montre suffisamment sa volonté néo-coloniale pour préserver son statut ….»(3)

En outre, contrairement à l’hymne français, celui algérien ne parle pas de «sang impur» pour «abreuver nos sillons». Alors, concernant l’histoire, pour «la regarder en face, (…) la dépasser et construire l’avenir», ne faut-il pas que les autorités françaises éliminent de leur hymne national ces horribles expressions, l’une raciste («sang impur») et l’autre vampirique («abreuver nos sillons») ? En ce sens, l’hymne national algérien est identique, en appelant à mettre fin à la tyrannie coloniale».(3)

9 chants patriotiques pour célébrer les 60 ans d’indépendance de l’Algérie

En 132 ans d’avanies, de douleur, de sang et de larmes, les Algériennes et les Algériens ont traduit leurs détresses par des chants et des odes de douleur. Certains de ces chants ont traversé le temps. Ainsi le marqueur identitaire de la révolte de 1870 sera le chant des déportés Ya el Menfi en Nouvelle Calédonie. Ce sera bien plus tard, un chant pour accepter le refus des cérémonies du centenaire de la colonisation avec S’hab el baroud en 1930. Ce sera ensuite Min Djibalina. Viendront, ensuite, les chants Hayou chamal Ifriquia et Ekker mis umazigh écrits suite aux massacres de Mai 1945. Viendront enfin  d’autres chants comme Min Djibalina et les chants créés pendant  et après la Révolution.

Leila Assas résume magistralement en 9 chants cette épopée de la douleur. Elle écrit :

«En 2022, l’Algérie a célébré le 5 Juillet, ses 60 ans d’indépendance. L’occasion pour Music in Africa de vous faire découvrir une sélection de 9 chants patriotiques qui ont façonné l’imaginaire collectif algérien. Les chants en arabe, en darja ou encore en tamazight. Bonne fête à nos lecteurs algériens et ‘’One, two, three, viva l’Algérie !’’» Nous en citerons Quassaman (Nous jurons) Sans doute le plus emblématique et symbolique des chants patriotiques algériens jamais écrits. Adopté comme l’hymne national du pays en 1963. En réalité, il s’agit d’une commande du Front de Libération nationale qui date de 1955, adressée au militant nationaliste et poète Mufdi Zakaria. La version du compositeur égyptien Mohamed Fawzi a été retenue. De cet auteur les jeunes Algériens ne connaissent que peu de choses, hormis cet hymne qu’un écolier entonne en moyenne 2160 fois durant sa scolarité.»(4)

Yal menfi (Le Banni) d’Akli Yahyaten est une chanson qui a été composée en 1959 en prison ; il serait inspiré d’un ancien chant kabyle qui fait référence aux déportés en Nouvelle- Calédonie suite à la Révolte de Mokrani (1871). C’est la complainte d’un exilé qui s’adresse à sa mère : «Dites à ma mère de ne pas pleurer.»(4)

S’hab el baroud (Les Compagnons de la poudre). S’hab el baroud est un poème contestataire subversif écrit en 1931 par Houari Hennani, un barde de l’Oranie. Ce texte arrive dans un contexte où la France célèbre son centenaire en Algérie avec son ostentatoire exposition coloniale, marquant ainsi les esprits et se voulant triomphante des insurrections et révoltes. Le poème tomba comme une piqûre de rappel.

Hayou chamal Ifriqi (Saluez le Nord Afrique). Le chant Hayou chamal Ifriqia fait référence au parti politique socialiste Etoile Nord-Africaine dissous en 1937, devenu Parti du Peuple Algérien (PPA). Écrit en 1945 suite aux massacres du 8 Mai de la même année, le chant est un appel à la jeunesse à se fédérer autour du parti et son charismatique leader Messali Hadj, père du nationalisme algérien.(4)

«Min Jibalina (De nos montagnes) est un poème écrit en 1931 par le poète Mohamed El Aïd Al Khalifa, ce texte devient l’hymne des Scouts musulmans algériens qui composèrent sa musique en 1942, au lendemain des Massacres du 8 Mai 1945.»(4)

Ekker a mmis umazigh (Debout fils d’Amazigh). Ce chant patriotique a été écrit en tamazight en 1945 par le militant nationaliste Mohand Idir Aït Amrane, alors qu’il n’était que jeune lycéen. «[le chant] qui allait désormais accompagner le fulgurant Min Djibalina en arabe, son frère jumeau complémentaire et inséparable» témoigne Sadek Hadjerès.(4)

Le chant populaire Oued Chouly (Le fleuve Chouly) déclamé en darja rend hommage à Raïs Benallel, un héros national tombé au champ de bataille d’Oued Chouly en décembre 1956 à Tlemcen. Ce chant régional traverse bien des lieux et des générations. Il sera réédité en 2008 en France.(4)

Al hamdoulilah mabqach istimar fi bladna. Un texte majeur du chaabi algérien écrit et interprété la première fois par Hadj M’hamed El Anka, le 3 juillet 1962, le soir de la reconnaissance officielle de l’indépendance de l’Algérie. Le soir du 5 juillet, date officielle de l’indépendance de l’Algérie, le chant est diffusé à la radio  . La messe est dite : Longue vie à l’Algérie libre et à sa jeunesse/Longue vie à l’Algérie libre, à ses hommes et à ses femmes.»(4)

Min adjlika ya watani (Pour toi ô mon pays) est une opérette nationaliste post-indépendance écrite en 1982 par Omar Bernaoui, un homme de lettres. La musique est composée par le chef d’orchestre Chérif Kortbi. Le texte fait l’apologie de l’Armée de libération nationale (ALN) et de son parti.(4)

La Marseillaise, hymne révolutionnaire : racisme et sang impur

D’une façon tout à fait inélégante, le ban et l’arrière ban de la bien-pensance de la droite, de l’extrême droite et même du gouvernement en la personne de la ministre des Affaires Etrangères se sont immiscés dans une affaire qui n’est pax la leur ; Par simple réciprocité, nous allons à notre tour convoquer que les avis sur l’aspect belligène et raciste de la Marseillaise qui est réellement à contre temps depuis deux siècles. “Ce chant de guerre a été repris par les soldats républicains de Marseille lors de l’insurrection des Tuileries en août 1793. Les soldats au départ de Marseille,  le chantonnaient en se rendant à Paris!

La Marseillaise a eu une histoire tumultueuse. Dans la publication  rapportée par le Nouvel Observateur, nous lisons :

«En 1792, la France déclare la guerre à l’Autriche. En 24 heures, le 25 avril, Rouget de Lisle compose les paroles et la musique de Le Chant de Guerre de l’Armée du Rhin : un chant patriotique en six couplets. Les paroles du premier couplet, le plus souvent chanté, sont intensément martiales. «Allons enfants de la Patrie, L’étendard sanglant est levé, Entendez-vous, dans les campagnes Mugir ces féroces soldats ? Aux armes, citoyens, Formez vos bataillons, Marchons, marchons ! Qu’un chant impur Abreuve nos sillons !»(5) La Marseillaise a ses détracteurs qui trouvent ce chant belliciste et : «Épouvantables, sanguinaires, d’un autre temps, racistes et xénophobes» : c’est ainsi que Lambert Wilson a qualifié les paroles de la Marseillaise au micro de RTL mardi 13 mai. La ministre de la Justice Christiane Taubira, critiquée pour ne pas avoir chanté la Marseillaise lors de la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Pour l’historien Bernard Richard, la Marseillaise, malgré sa tonalité belliqueuse, est avant tout un hymne à la liberté.(5)

La Marseillaise raciste ?

La Marseillaise a aussi ses défenseurs avec des justificatifs alambiqués pour faire de la Marseillaise un chant de l’apaisement, en reconnaissant tout d même la dimension de la pureté du sang : la fameuse limpieza de sangre  la pureté du sang  expression utilisée par  Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille pour chasser les Juifs d’Espagne :

 «Quand Antoine Barnave, un des premiers révolutionnaires, parle de ‘’sang impur’’ en juillet 1989, il parle des ennemis de la Révolution. Le ‘’sang impur’’, c’est le sang des ennemis de la liberté, qu’ils soient Français ou étrangers. Dire que la Marseillaise est xénophobe, c’est un détournement de sens».(5)

Comprenne qui peut !

Le professeur Joël Martine  explique La Marseillaise  les termes plus pesés :

«L’hymne national français, on le sait, n’est pas particulièrement pacifique. On s’est enthousiasmé de son bellicisme. On peut aussi le trouver intolérable, ou encore l’excuser par de bonnes raisons historiques. Pourquoi diable les révolutionnaires ont-ils chanté cette guerre comme un sacrifice humain, par lequel le sang ennemi servirait magiquement à fertiliser notre terre ? De quoi ce refrain est-il la métaphore ? Les ennemis de la patrie porteraient-ils leur indignité jusque dans leur sang ? Est-ce à dire que les patriotes auraient quant à eux le sang ‘’pur’’ ? Bien sûr cela évoque irrésistiblement, surtout au XXe siècle, le mythe d’une pureté de la race nationale: On peut alors comprendre en quoi les ennemis ont ‘’le sang impur’’. Le sang impur évoque peut-être le thème biblique d’une culpabilité qui se serait comme inscrite dans le sang, cette substance réputée porteuse de l’identité et de l’hérédité. Si la diabolisation de l’ennemi sert, fantasmatiquement, à reconfirmer la patrie comme bon objet, alors il est logique que par contraste avec la patrie pure de tout mal, les méchants soient ‘’impurs’’ et il est logique que le meurtre solennel des forces du Mal contribue au renforcement de la patrie du Bien.»(6)

Et si on modifiait la Marseillaise ?

Il faut avoir à l’esprit que pendant plus de quatre-vingts ans la Marseillaise n’était pas reconnue comme hymne national. C’est en effet,  le 14 février 1879 que la Marseillaise devient l’hymne national français. Aujourd’hui, ce chant patriotique est consacré dans l’article 2 de la Constitution. Mais avec leurs connotations guerrières et parfois mal comprises, les vers de Rouget de Lisle ne font plus forcément l’unanimité.

« Les paroles sont épouvantables, sanguinaires, d’un autre temps, racistes et xénophobes », s’indignait l’acteur Lambert Wilson en 2014, jugeant qu’il était ‘’temps’’ de les ‘’changer’’ modifier (ou remplacer). Il arrive que des pays décident de modifier leur hymne national. En février 2018, le Parlement canadien a légèrement changé les paroles d’Ô Canada au nom de l’égalité des genres. « True patriot love in all thy sons command’’ (‘l’amour de la patrie anime tous tes fils ») a été remplacé par la formule plus inclusive ‘’in all of us command’’ (‘’l’amour de la patrie nous anime tous’’). En France, les débats autour de l’hymne national ne sont pas nouveaux. ‘’Changeons en message d’amour les paroles de haine de la Marseillaise’’, exhortait ainsi l’abbé Pierre en 1992, rejoint par diverses personnalités dont Charles Aznavour ou Danielle Mitterrand. Une forte adhésion populaire reste toutefois nécessaire puisque cette réforme devrait probablement passer par un référendum.»(7)

En finir alors,  avec la Marseillaise ?

Beaucoup d’intellectuels ont proposé d’en changer les paroles en gardant la musique. Dans le journal le Parisien nous lisons :

«Lambert Wilson affirme ‘’qu’il est temps de changer les paroles’’. Y a-t-il déjà eu des propositions en ce sens dans le passé ? Déjà dans les années 1840, le poète Alphonse de Lamartine trouvait la Marseillaise trop belliqueuse, et avait écrit une version alternative, la ‘’Marseillaise de la paix’’. En 1989, à l’occasion du bicentenaire de la Révolution, l’Abbé Pierre avait demandé de changer les paroles de l’hymne [il créera même plus tard une association ‘’Pour une Marseillaise de la fraternité’’]. La Marseillaise fait partie de notre patrimoine, un patrimoine que l’on doit respecter et comprendre.»(7)

Sans vouloir porter de jugement de valeur quant au maintien de la Marseillaise comme hymne, c’est une affaire interne à la France, nous rapportons cependant l’appréciation du maintien ou non de la Marseillaise comme hymne national au vu du texte jugé raciste et sanguinaire: On apprend que même dans la Marseillaise l’ennemi héréditaire est désigné.

«De la Marseillaise, on ne chante généralement que le premier couplet et le refrain : « L’ennemi y brandit un étendard sanglant, il est féroce et mugit tel un taureau en rut. Il se précipite dans nos maisons, et y égorge nos fils et nos compagnes, même dans nos bras (les avions-nous utilisés comme boucliers humains ?). « On objectera que ces paroles doivent être replacées dans leur contexte ».(8)

La cabale est venue du fait ,que les détracteurs hexagonaux  se sont aperçus soixante trois ans après l’indépendance que le mot France figure dans l’hymne:

« Il est reproché à  l’Hymne national Quassaman d’être le seul hymne qui désigne l’ennemi. Ce n’est pas vrai !  Quand la Marseillaise a été conçue, il fallait bien trouver un bouc émissaire sur lequel déverser sa haine. Ce sera l’Allemagne. »

Nous lisons toujours dans la même publication   :

« Épluchant les archives parlementaires de l’ère révolutionnaire, J.-C. Martin nous fournit quelques exemples, [justifiant les paroles de la Marseillaise ndR] en voici deux : « Les Allemands s’en souviendront (Applaudissements réitérés) ; leur sang impur fécondera peut-être cette terre ingrate qui en est  abreuvée ».» 6 mars 1792, tome 39, p. 424.(8)

Le Chant des Partisans pour remplacer la Marseillaise ?

Un tout autre chant plus apaisé et œcuménique (hymne ?) est celui du Chant des Partisans :

«L’hymne de la Résistance française durant l’occupation par l’Allemagne nazie. La musique, initialement composée en 1941 sur un texte russe, est due à Anna Marly, ancienne émigrée russe. La chanson devient rapidement l’hymne de la Résistance. Écrite pour galvaniser les combattants, pousser à l’action les indécis, la chanson détaille les souffrances de la France, mobilise son courage et lui rend son honneur. Elle devient un signe de reconnaissance. Le Chant des Partisans a donné lieu à de nombreuses interprétations Jean Ferrat, Charles Aznavour, Joan Baez, Line Renaud et en 2001, le groupe Zebda.»(9)

Le Chant des Partisans est étudié en classe, en France on explique aux écoliers le sens des mots notamment les plus durs. Nous allons montrer qu’en substituant le mot France par le mot Algérie dans le texte  du  Chant des Partisans , la similitude de la souffrance est parfaite. Les paroles  ont été écrites par l’occupation allemande pendant 4 ans. On peut comprendre les dégâts causés par cette occupation. Nous avons en  tête les paroles du journaliste Jean Daniel qui a comparé les deux occupations.

« Imaginons écrit il  les dégâts de l’occupation française pendant 132 ans », ce qui explique que les Algériens notamment pendant la Révolution s’identifient aux actions  des résistants français. Rappelons-nous les paroles de Ben Mhidi données en préambule à cet article  en face de son bourreau concernant la continuité de la Révolution : «  Un ami sort de l’ombre à ta place » Les Algériens, luttent pour la liberté de leur pays occupé pendant 132 ans. »

Nous allons par homothétie rapporter les explications du texte du  Chant des partisans :

« Une première analyse s’ensuit : chant de combat, patriotique, appel à la lutte pour la liberté, un chant d’espoir et de fraternité, qui s’adresse aux peuples opprimés. « Ohé partisans, ouvriers, paysans », « entends-tu » …C’est l’Algérie rurale qui est interpellée, pour défendre sa liberté. « alarme » : Il faut réagir, mobiliser le peuple. « connaîtra le prix du sang et des larmes » Les occupants vont payer pour le mal qu’ils ont fait à l’Algérie. « tueurs », « balle », « couteau », « saboteur », « dynamite » Tous les moyens sont bons pour vaincre, La violence est présentée ici comme un moyen juste de se libérer des oppresseurs. ‘’Ami si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place ». Nul n’est à l’abri de la mort mais la relève est là. Les résistants constituent une réserve inépuisable et ne peuvent être battus».(10)

«Peuples opprimés» «cris sourds», ceux des prisonniers torturés et ceux des civils terrorisés par les bombes. «Pays qu’on enchaîne» «haine, faim, misère», «nous on tue, nous on crève». Les raisons qui poussent à résister : «vol noir des corbeaux». On fait allusion aux raids aériens des avions qui ont bombardé [l’Algérie] et ont poussé les civils sur les routes, en exode. La métaphore est claire : le corbeau «oiseau de malheur» représente les occupants, «l’ennemi». Les paroles du Chant des Partisans ne citent pas les Allemands mais tout le monde sait de qui on parle. Espoir «briser», «barreaux», «prison» Libération du pays, la fin de la répression. «grand soleil» La liberté retrouvée, la fin de la nuit et de la souffrance. «Chantez». On chante, malgré l’obscurité, l’occupation, la liberté proche.(10)

«Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades
Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère 

Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève 

Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.»

Pour le professeur Salah Horcchani, la Marseillaise, créée en 1792 (…) les Constitutions de 1946 et de 1958 l’ont conservée comme hymne national. Le Chant des Partisans est devenu le signe de reconnaissance dans les maquis et a été chanté, pendant l’occupation, par les Résistants dans les prisons. Le Chant des Partisans a été chanté, après le discours prononcé par André Malraux, pour le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, le 19 décembre 1964 (…) Le Chant des Partisans s’impose comme étant le dernier chant patriotique qui a rassemblé tous les républicains de tous bords ; tout en étant un appel universel à la lutte fraternelle pour la liberté ne serait-il pas plus consensuel, d’un point de vue littéraire et historique, que la Marseillaise ? Il ferait un excellent hymne national pour une VIe République !(11)

Conclusion

On reproche à la Marseillaise son caractère trop guerrier  On reproche aussi au Chant des partisans d’être le chant des Communistes. Donc  très connoté politiquement. Les partisans ce sont les FTP Franc Tireur Partisan communistes durant la Résistance.  La France fera tout ce qui est en son possible pour écarter les communistes qui ont participé  d’une façon éphémère au gouvernement de de Gaulle aidés en cela par les Américains qui conditionnaient le plan Marshall à l’écartement des communistes Si l’on trouve la Marseillaise trop guerrière et obsolète, choisissons plutôt: Douce France, toi le pays de mon enfance. »

Un hymne national est toujours respectable, surtout s’il émane du fin fond des coeurs des citoyens qui s’en réclament. C’est l’Histoire des faits résumée en quelques lignes. Il y a les paroles du chant, et il y a ce qu’il représente  comme symbolique   L’expression de la ministre des Affaires étrangères «hors du temps» est un propos déplacé s’agissant de l’hymne Quassaman qui est pleinement dans le temps. En quoi le réaménagement de l’hymne national qui est une fois de plus une affaire interne est-il motif à polémique sauf à créer l’inimitié à tout prix.

Les hymnes et chants algériens sont consubstantiels de l’ADN des Algériennes et des Algériens. Ce sont des centaines de chants qui jalonnent le calvaire du peuple algérien et on nous ordonne d’en revoir les paroles dans la plus pure tradition d’une oukase du magister dixit de personnes qui n’ont pas déprogrammé le logiciel du bon temps des colonies. L’Algérie et la France ont d’autres défis que de répondre à ces combats d’arrière-garde. Que l’on ne se trompe pas de combat, les défis sont ailleurs.

Professeur émérite Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

Notes :

1. Malek Bachir https://www.middleeasteye.net/fr/decryptages/france-algerie-polemique-hymne-qasaman-memoire-reconciliation Lundi 19 juin 2023

2. https://www.jeuneafrique.com/246930/politique/petites-histoires-grands-hymnes-africains/

16 juillet 2015

3. Kaddour Naïmi https://reseauinternational.net/limposture-permanente-de-loligarchie-francaise/ 22 juin 2023

4. Leila Assas https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/9-chants-patriotiques-pour-celebrer-les-60-ans-dindependance-de-lalgerie 5 juil 2022

5. https://www.nouvelobs.com/societe/20140514.OBS 7071/les-paroles-de-la-marseillaise-n-ont-absolument-rien-de-raciste.html

6. Joël Martine  https://www.liberation.fr/tribune/1998/07/13/au-dela-du-sens-politique-et-historique-que-signifient-au-juste-les-paroles-de-notre-hymne-national-_243650/

7. https://www.leparisien.fr/societe/grand-debat-et-si-on-changeait-les-paroles-de-la-marseillaise-08-03-2019-8027340.php

8. Jean Tosti       https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-9-printemps-2016/dossier-la-situation-apres-l-annee-des-attentats/article/en-finir-avec-la-marseillaise

9. https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Chant_des_partisans

10. http://eduscol.education.fr/chansonsquifontlhistoire/Le-Chant-des-Partisans  (Adaptation)

11. Salah Horchani https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/le-chant-des-partisans-plutot-que-67014

Article de référence: Chems Eddine Chitour https://www.lesoirdalgerie.com/contribution/quassaman-la-marseillaise-et-le-chant-des-partisans-hymne-a-la-paix-101602 4 juillet 2023


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