Des nouvelles de Rio Tinto Alcan au Saguenay-Lac-Saint-Jean

Lundi 12 juin dernier, Rio Tinto Alcan (RTA) annonçait en grande pompe un investissement de 1,4 milliard$ pour ajouter 96 cuves AP-60 à son usine d’Arvida. Le lendemain – à la une s.v.p. – La Presse titrait : « Un milliard qui en cache un autre. » Se basant sur des confidences, on aurait presque envie de dire des ragots de corridor, La Presse nous informe de l’annonce pour bientôt (septembre possiblement) de la construction d’une usine pilote de technologie Elysis d’une capacité de production de 50 000 tonnes (le milliard de plus, c’est ça). Ainsi, en six mois, le journaliste Francis Vailles est passé de journaliste sérieux et mesuré à propagandiste en chef.

Avant de monter trop haut et de se perdre dans les nuages, revenons sur terre! Commençons par dire qu’en ce qui concerne l’usine-pilote d’Elysis, on est dans l’hypothèse puisque tout ce qui concerne cette technologie est top secret. Par moments, on a l’impression d’être en plein fantasme.

De plus, il faut prendre en considération qu’il existe déjà des cuves Elysis à Alma. Dans ce sens, comment croire qu’il faille investir un milliard$ pour passer de ces installations à une usine-pilote relativement modeste. Le moins que l’on puisse dire est qu’on a le milliard facile quand on est dans l’hypothèse totale! Et puis, d’après ce qu’on sait, on est toujours en négociation entre RTA et le gouvernement. Or, le numéro un de RTA Yvon Vella vient de donner sa démission ce qui n’est jamais bon signe. Compte tenu de tous ces éléments, une p’tite gêne s’impose.

L’ajout des 96 cuves AP-60 et la fermeture concomitante de la vieille usine de pré-cuites d’Arvida conduira à une perte de 400 emplois. Avec cet ajout de cuves AP-60, on va arriver à une capacité de production de 200 000 tonnes ce qui est à mi-chemin des standards modernes. Il est important de rappeler qu’une telle usine moderne devait être construite dans les 25 années suivant le bail de Péribonka qui date de 1987. Aujourd’hui, 36 ans plus tard, on en est encore à l’annonce d’une demi-usine…

Comme pour un magicien qui utilise de la fumée pour dissimuler ses truquages, ces annonces tonitruantes cachent des couleuvres. La première est cette volonté exprimée par le gouvernement Legault d’aménager des « assouplissements » dans le secteur de la construction. Cela apparaît comme une réponse à Rio Tinto qui se plaignait des coûts élevés de construction comparés à la Chine. Considérant les préjugés antisyndicaux de la CAQ, c’est très inquiétant, mais on sait aussi que les travailleur(se)s de la construction ne se laisseront pas faire comme ça. Cependant, les p’tits copains de la CAQ aiment beaucoup les travailleurs immigrés temporaires. Bientôt des immigrés temporaires communiquant en anglais en plein royaume du Saguenay sur les chantiers de RTA? On ne peut rien exclure avec la CAQ.

Au début de juin, Martine Ouellet publiait un article dans Le Journal de Montréal (https://www.journaldemontreal.com/2023/06/03/rio-tinto-alcan-et-la-caq-ca-suffit-de-rire-de-nous) dans lequel elle révélait que chacun des 3 500 emplois RTA au Saguenay lac Saint-Jean coûtait la bagatelle de 336 000$ par année aux contribuables québécois. Ce calcul était basé sur le privilège d’opérer des barrages hydroélectriques privés depuis longtemps amortis, les exonérations d’impôt ainsi que celles concernant les émissions de gaz à effet de serre. Avec 400 emplois de moins et le prêt pardonnable de 150 millions $ qui sera assurément pardonné, la facture augmente encore pour nous tous.

Pendant que le gouvernement Legault et RTA faisaient leur show de boucane, lundi le 12, des retraités de RTA manifestaient à l’extérieur. Ils protestaient contre le fait que RTA leur ait retiré la clause d’indexation de leur rente. Une clause d’indexation, c’est utile et nécessaire lorsque l’inflation est élevée, comme actuellement.

Il faut savoir que le nombre de retraités est presque le double du nombre de travailleurs actifs. Leur caisse est loin d’être déficitaire puisque RTA, qui fait flèche de tout bois, s’est permise de prélever une note de crédit de 266 millions $ qui a privé cette dernière de 200 millions $ en revenus d’intérêt.

Le jeudi 15, ils étaient plus de 700 en assemblée générale à Alma pour montrer leur détermination à poursuivre le combat. Manifestement, il faudra mettre le paquet parce que l’arrogance et la suffisance du gouvernement et de la compagnie sont incommensurables. Comme le titrait très justement Martine Ouellet dans son article : Ça suffit de rire de nous!
 

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