Profitant d’un congé, un adjudant-chef aurait illégalement validé 300 techniques de renseignement

Profitant d’un congé, un adjudant-chef aurait illégalement validé 300 techniques de renseignement

La taca taca tac tac tiqu’ du gendarme

Crédits : Neydtstock/iStock

Par Jean-Marc ManachLe lundi 29 mai 2023 à 09:59

Un membre de la cellule « renseignement » de Matignon aurait validé 300 demandes de techniques de renseignement sans les soumettre au cabinet du Premier ministre, révèle Mediapart. En réaction, la cheffe de la cellule qui a alerté ses supérieurs aurait été renvoyée, tandis que le fautif aurait été promu.

La cheffe de la cellule « renseignement » de Matignon aurait été renvoyée pour avoir dénoncé au procureur de la République la validation par son adjoint de 300 demandes de techniques de renseignement sans qu’elles aient été soumises au cabinet du Premier ministre, révèle Mediapart.

« D’après le signalement au parquet de Paris, il s’agissait de données permettant l’identification de propriétaires de numéros de téléphone, de cartes SIM, d’adresses mail, mais aussi de factures détaillées (les fadettes), qui comportaient la liste des contacts, l’historique de l’envoi et de la réception de mails et enfin des données de localisation (les zones d’émission et de réception d’une communication, la liste des appels transitant par une antenne-relais, la localisation des portables en veille) », expliquent nos confrères.

Les demandes formulées par les ministères (au nom des services de renseignement) doivent en effet d’abord être vérifiées, et validées, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), puis confirmées par le cabinet du Premier ministre.

Composée de trois gendarmes habilités au Très Secret Diamant (l’habilitation maximale), la cellule « renseignement » de Matignon est précisément chargée de transmettre les demandes reçues de la CNCTR à l’une des trois personnes au sein du cabinet ayant la délégation de signature du premier ministre, à savoir son directeur de cabinet, le conseiller aux affaires intérieures et le conseiller technique aux affaires intérieures. Le but : que ces demandes soient contresignées et transmises au groupement interministériel de contrôle (GIC), chargées de les mettre en application.

Plus de 300 techniques de renseignement appliquées en toute illégalité

Or, fin juin 2021, la troisième membre de son équipe informe la major de la gendarmerie que son second, un adjudant-chef, aurait transmis les demandes au GIC sans les faire valider par le cabinet de Jean Castex, au risque, selon Mediapart, de les voir invalidées : « Plus de 300 techniques de renseignement ont donc été appliquées. En toute illégalité. »

Il aurait en effet estimé qu’il n’avait pas besoin de les faire signer, car, relève Mediapart, « dans les faits, il y a très peu de refus (principalement quand cela vise des chefs d’État étrangers, des politiques français, des avocats ou des journalistes) ».

« Un adjudant-chef n’a pas d’ordre à recevoir d’une adjudante »

En réponse au fait que la troisième membre de la cellule – la moins gradée de l’équipe, souligne Mediapart – lui aurait conseillé « à plusieurs reprises » de présenter les demandes de techniques de renseignement non signées au délégataire de signature pour régulariser la situation a posteriori, il aurait en outre rétorqué qu’un « adjudant-chef n’a pas d’ordre à recevoir d’une adjudante… ».

Le 7 août 2021, la major rend compte à leur supérieur, le colonel Cédric Garence, commandant militaire de l’hôtel de Matignon, au motif que c’est « vraiment très ennuyeux » pour le cabinet du premier ministre, « dont la responsabilité est engagée », et parce que « sur le plan juridique, c’est une erreur grave : vice de procédure. Si la CNCTR procède à un contrôle ou si un recours est fait, il va falloir s’expliquer ».

La lanceuse d’alerte renvoyée, le fautif promu

Dans son signalement au parquet de Paris, la major déplore que le colonel « n’a jamais répondu à ce courriel », mais « décidé de dissimuler les irrégularités de procédure » aux autorités concernées (à savoir le premier ministre, la CNCTR, le GIC et la hiérarchie de la gendarmerie), avant d’être elle-même victime de harcèlement à ce sujet :

« Les mois suivant ma dénonciation des faits, j’ai subi un acharnement. Le 25 avril 2022, j’ai été renvoyée de mes fonctions pour avoir dénoncé cette irrégularité de procédure, ce non-respect du Code de la sécurité intérieure à ma hiérarchie. »

« L’adjudant-chef, auteur de la faute, aurait, lui, été promu par le colonel Garence », souligne Mediapart, à qui plusieurs sources ont confié que la section AC3 (qui couvre les affaires militaires et atteintes à la sûreté de l’État) du parquet de Paris aurait ouvert une enquête préliminaire, confiée à la DGSI. 

Un dysfonctionnement qui aurait échappé au GIC et à la CNCTR

Le GIC, qui récupère tous les mardis après-midi les demandes imprimées de techniques de renseignement autorisées de la semaine précédente, « n’est pas en capacité de systématiquement vérifier pour l’ensemble des 800 techniques de renseignement demandées si chaque semaine il y a bien l’ensemble des signatures. Il y a là un dysfonctionnement », explique à Mediapart un officier de renseignement au courant du dossier. 

Un dysfonctionnement que n’aurait pas non plus identifié, a posteriori, la CNCTR, dont le rapport annuel d’activité avait pourtant vanté l’année précédente son suivi régulier des productions du GIC comme « un moyen de contrôle exhaustif permettant de vérifier l’absence d’irrégularités »… 

Source : Next Impact

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À propos de l'auteur Profession Gendarme

L'Association Professionnelle Gendarmerie (APG) a pour objet l’expression, l’information et la défense des droits et intérêts matériels et moraux des personnels militaires de la gendarmerie et de toutes les Forces de l'ordre.Éditeur : Ronald Guillaumont

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