Enrico Mattei et Nord Stream (volet 3)

Enrico Mattei et Nord Stream (volet 3)

Enrico Mattei et Nord Stream
Enrico Mattei et Nord Stream (volet 2)

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par Mendelssohn Moses

Dans le contexte immédiat et direct du sabotage des pipelines Nord Stream, nous présenterons ici la 3ème partie d’extraits du magistral essai biographique sur Enrico Mattei (1906-1962) par son ancien collaborateur Nico Perrone, portant sur les relations entre l’URSS et Mattei en matière d’hydrocarbures. Le 1er volet fut publié le 30 avril sur Réseau International et le 2ème le 1er mai 2023.

Dans ce volet, nous verrons le contenu des accords gigantesques, innovateurs, entre l’Italie et l’URSS, les prémices de nouvelles relations avec la Chine sous l’impulsion de Enrico Mattei, et les contre-manœuvres des USA, diplomatiques d’abord avant de passer aux choses sérieuses.

Au volet 4, nous verrons comment en 1961 l’envoyé spécial américain Averell Harriman et le spécialiste du renseignement militaire Vernon Walters sont venus à Rome, souhaitant personnellement sonder Mattei à huis clos. Au volet 5, il sera question des relations entre Mattei et les pays producteurs de pétrole, et plus particulièrement l’Afrique du Nord et le Moyen Orient.

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Ici commence la traduction d’extraits de l’essai de Nico Perrone, chapitre « Un rôle international pour l’Italie ».

« En octobre 1960 l’accord entre l’ENI et l’URSS fut formalisé à Moscou à travers la signature de Mattei. Le 12 septembre à Piacenza lors du 9ème congrès sur les hydrocarbures, Mattei, volontariste, avait défendu une politique énergétique italienne indépendante.

« L’accord avec l’URSS consistait en un « paquet » de contrats liant l’AGIP, l’ANIC, le Nuovo Pignone et la FINSIDER. Le communiqué final fait état d’une valeur totale d’environ $US 200 millions. En 1961, Mattei expliquait ainsi ses choix :

« notre politique a connu des succès, dans la mesure que tout les produits pétroliers vendus en Italie bénéficient des prix les plus bas de toute l’Europe. Nous n’avons pas spolié de sommes d’argent les pays producteurs : ceux-ci font des bénéfices et impôts grâce à leurs réserves d’hydrocarbures ; par contre nous ne voyons pas pourquoi nous devrions octroyer 40-45% de profits à des intermédiaires ! Nous ne sommes plus disposés à payer un tel tribut (…) Nous voulons fonder un rapport commercial avec les pays producteurs sous forme d’échange direct entre matières premières d’une part et produits industriels de l’autre – comme par exemple nous l’avons fait avec l’URSS où nous avons conclu un contrat de $US 200 millions. 100 millions de pétrole contre 100 millions de fournitures de produits industriels. Par ces accords nous avons forcé toutes les sociétés pétrolières à réduire leurs prix et une réduction très conséquente a donc pu être accordée au consommateur. »

« Cette attaque sur les prix et aux parts de marché a peut-être été l’aspect le plus susceptible d’attirer des conséquences directes. Dès juillet 1960 la Standard Oil Company of New Jersey avait du concéder une première réduction de prix du pétrole tandis que la Esso Standard italienne qu’elle contrôlait avait vu lui échapper de grosses parts de marché suite aux importations depuis l’URSS par l’ENI qui avaient permis à l’AGIP de réduire les prix de vente en Italie.

« Les chiffres devenaient conséquents : en 1960 les importations pétrolières italiennes depuis l’URSS étaient représentaient 20% de la demande interne italienne (4822 mille tonnes), pour arriver à 22% en 1961 (6330 mille tonnes). Impressionnante aussi, la valeur des exportations italiennes vers le bloc soviétique qui atteint $US 212 millions en 1960, représentant 5,8% du total des exportations italiennes (…) Notre pays était le premier dans le monde pour ce qui est des importations de pétrole depuis l’URSS ; en 1959 entraient 65 000 barils par jour puis en 1961 126 000 barils, devant l’Allemagne de l’Ouest (37 650 barils en 1959, 82 500 en 1961).

« Pour le National Petroleum Council (les citations qui suivent sont tirées d’un document de l’époque – ndlr), les programmes de commerce extérieur de l’URSS tendaient à « obtenir du monde libre des matériaux et know how technique d’importance cruciale en vue de renforcer les fondements économico-militaires communistes, à diffuser le communisme en affirmant le contrôle de l’état dans les pays avec lesquels le bloc soviétique échange, à anéantir les interventions des sociétés privées, et à créer agitation et instabilité politique dans des domaines d’importance critique pour la défense du monde libre. »

« (…) Un document du département d’État US daté de mai 1962 affirme :

« La politique italienne, afin de réaliser les objectifs de Mattei, a permis d’énormes importations de pétrole à bas prix depuis l’URSS (environ 14% des importations de brut au total) ce qui a permis une intéressante ouverture de marché aux produits industriels italiens en URSS. Entre les exportations italiennes vers le bloc soviétique il faut souligner celles de bâtiments-cisterne et de tubes à grand diamètre, qui vont contribuer à potentialiser l’offensive soviétique et vont accélérer la pénétration du pétrole soviétique sur les marchés occidentaux. »

« Toutefois l’URSS n’était pas le seul interlocuteur “ennemi” » du « monde libre » avec lequel Mattei a noué des rapports tant commerciaux que politiques. À la fin de 1958 il s’est rendu en Chine populaire, où il participa à des rencontres concernant des échanges commerciaux. La Chine populaire était alors off-limits : les USA ne la reconnaissaient pas, elle ne faisait pas partie de l’ONU et sous pression US n’était même pas reconnue par l’Italie et les autres pays-membres de l’OTAN (sauf pour l’Angleterre qui y envoyait un chargé d’affaires). La Chine ne pouvait donc pas entretenir des échanges commerciaux significatifs avec l’Occident.

« Suite à ces premiers contacts, Mattei est allé à Genève pour y rencontrer Chen-Yi le 8 mars 1961 ; ce dernier était vice-président du Conseil et Ministre des Affaires étrangères. La conversation concerna les rapports futurs sur le plan économique entre la Chine et l’ENI, les rapports politiques sino-italiens et la situation politique mondiale, notamment le Moyen Orient.

(…) « Entretemps, Mattei travaillait également à une opération complexe de pacification des sociétés US. Mi-1962, un dirigeant de l‘ENI a été chargé de rédiger un contrat avec ESSO. Les négociations eurent lieu à Rome et aboutirent à un engagement de la part de l’ESSO de fournir 10 millions de tonnes de pétrole libyen. L’un des contratsportait sur 5 millions de tonnes sans conditions annexes, tandis que l’autre portait sur 5 millions de tonnes de pétrole contre biens et services italiens. Destiné à se prolonger sur quatre ans, l’accord ressemblait somme toute à celui avec l’URSS (…) néanmoins la disparition de Mattei ne lui permit pas de signer ces accords, qui furent alors signés par l’ENI en février 1963, quoiqu’avec des conditions plus sévères pour l’Italie. »

(à suivre)

Mendelssohn Moses
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Source : Lire l'article complet par Réseau International

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À propos de l'auteur Réseau International

Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

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