Des fichiers ayant été publiés sur le Net, venant du Pentagone, ont montré que Washington a écouté des échanges confidentiels du ministère allemand de la Défense durant les négociations entre Berlin et Pékin. Des experts s’interrogent de l’impact de cette fuite sur les relations entre les États-Unis et l’Allemagne. Au-delà, on peut se questionner sur cette capacité si facile permettant d’écouter des communications très privées.
Les agences de renseignement américaines pourraient suivre les communications confidentielles du ministère allemand de la Défense, en particulier les réunions avec des responsables chinois a rapporté le Tagesschau faisant référence à des documents du Pentagone divulgués, selon Ouest-France, sur le Net par un jeune fan de jeux vidéo, surnommé «OG», travaillant sur une base américaine.
Les services de sécurité allemands enquêtent sur ces informations, écrit le média allemand. Le rapport divulgué du département américain, provenant des fuites du Pentagone, divulgue que les responsables du renseignement américain ont écouté la rencontre d’employés du ministère allemand de la Défense avec une délégation chinoise. La réunion a eu lieu en février de cette année. Ces fuites sont intervenues sur fond de déclarations de Berlin sur la nécessité de «dérisquer» les relations avec Pékin: l’Allemagne tente de garder une distance dans les relations avec la Chine, mais en même temps ne veut pas nuire à ses relations économiques avec elle. De plus, la Chine est le plus grand partenaire commercial de Berlin.
En Allemagne, les informations sur les nouvelles écoutes téléphoniques par les États-Unis sont officiellement très mal perçues. Le public se souvient encore du scandale des écoutes du téléphone d’Angela Merkel par des agents du renseignement américain (NSA). Il s’agit de savoir si le scandale actuel – largement basé uniquement sur des fuites non confirmées du Pentagone – affecterait les relations entre Washington et Berlin, et comment il pourrait affecter la position de l’Allemagne dans le dialogue avec la Chine.
Pourquoi les États-Unis espionnent-ils l’Allemagne? Selon le Tagesschau, citant les documents divulgués, lors d’une réunion le 20 février, les Allemands et les Chinois ont discuté du conflit entre la Russie et l’Ukraine, des tensions dans la région de Taïwan et du soutien militaire à l’Onu. Le rapport du renseignement américain indique que «le ministère allemand de la Défense rejette une coopération plus approfondie avec la Republique Populaire de Chine (RPC) jusqu’à ce qu’elle devienne plus transparente».
L’hebdomadaire Die Zeit note un détail intéressant: la partie allemande avait précédemment informé l’ambassade américaine que le ministère allemand de la Défense prévoyait une rencontre avec les Chinois. Die Zeit qualifie d’absurde la situation dans laquelle les responsables allemands rendent compte à l’ambassade américaine de toutes les réunions avec Pékin. Les Américains écoutent le gouvernement allemand parce qu’ils ne lui font pas tout à fait confiance. Où est-ce que les autorités allemandes sous les ordres de Washington acceptent d’être écoutés pour prouver leur fidélité?
En 2020 des médias allemands faisaient savoir que le BND, le renseignement allemand étranger dont le quartier général est à Berlin, et la CIA auraient espionné des États ensemble alors que la coopération avec la CIA aurait pris fin en 1993. Les États-Unis veulent que l’Allemagne se tienne fermement du côté de Washington en cas de conflit avec la Chine.
Comment Berlin peut-il réagir aux écoutes téléphoniques? Le Tagesschau, média officiel d’Etat, écrit qu’on ne sait pas encore comment le gouvernement allemand réagira à l’espionnage présumé d’un allié. À Berlin, selon Die Zeit, ils admettent que l’Allemagne dépend du renseignement américain, et compte tenu du conflit en Ukraine, elle essaie d’éviter une aggravation des relations avec Washington. L’espionnage présumé des États-Unis contre l’Allemagne n’est pas surprenant et il a une longue tradition car ce pays est occupé et non souverain.
Si, il y une brèche technique où les Etats-Unis ont pu espionner, d’autres pays peuvent le faire. Les informations que les Américains ont pu recevoir peuvent aussi, donc, être captées par des pays moins amis de Berlin, comme la Russie ou la République Populaire de Chine (RPC).
L’incident affectera-t-il les relations entre les États-Unis et l’Allemagne? La République Populaire de Chine (RPC) est un sujet de préoccupation particulier pour les États-Unis, qui envisagent de constituer un front anti-chinois similaire à celui anti-russe. Washington a, pourtant, assuré que cela ne se reproduirait plus, après l’affaire des écoutes d’Angela Merkel. Cette pratique, cependant, se poursuit. Les États-Unis n’ont pas encore été en mesure de constituer un front anti-chinois car les alliés européens n’y sont pas très favorables étant plus pragmatiques misant sur une coopération avec Pékin. Cette nouvelle affaire ne va pas entacher les relations entre l’Allemagne et les Etats-Unis.
Les relations entre Berlin et Pékin vont-elles en souffrir? Les relations entre l’Allemagne, la plus grande économie de l’UE, et la Chine restent complexes tant sur le plan politique qu’économique. Ainsi, en mars 2023, le ministre allemand de l’Économie, Robert Habeck, a suggéré que l’Allemagne pourrait imposer des restrictions à l’exportation sur les micropuces chinoises afin d’empêcher l’Allemagne de perdre sa supériorité technologique. Mais, la Chine est le partenaire commercial le plus important de l’Allemagne après les États-Unis.
Le Financial Times note que «cela a coûté cher à Berlin d’abandonner les combustibles fossiles russes en 2022. Une séparation complète de la Chine équivaudrait à une coupure économique pour l’Allemagne et le reste de l’Europe». Personne ne préconise une séparation complète de la Chine. À l’ordre du jour, c’est la réduction de la dépendance à la technologie chinoise, notamment dans les secteurs critiques de l’économie comme la haute technologie et les terres rares, qui domine.
Parmi ces outils pour diminuer ces risques, on trouve la révision par le gouvernement allemand de la vente d’une participation minoritaire dans l’opérateur portuaire de Hambourg à la société d’Etat chinoise Cosco. De même, la holding allemande des télécoms ZTE envisage la possibilité de refuser d’acheter des équipements de télécommunications aux fournisseurs chinois Huawei.
Prochaine visite du Premier ministre chinois à Berlin. Au milieu du dernier scandale des écoutes téléphoniques américaines du ministère allemand de la Défense, une attention encore plus grande sera portée sur la prochaine visite du Premier ministre chinois Li Keqiang à Berlin le 20 juin.
Lors des pourparlers, Olaf Scholz sollicitera le soutien de la Chine en tant que partenaire clé pour résoudre les problèmes, comme la paix, la lutte contre le changement climatique. De plus, celui-ci, prévoit de fixer des «lignes rouges» pour tout changement dans le statu quo à Taiwan. L’invitation d’Olaf Scholz à Pékin vise à montrer que l’Allemagne veut garder la porte ouverte au dialogue politique alors que les relations entre l’Europe et la Chine se détériorent, non sans influence américaine.
Il est peu probable que les États-Unis considèrent les relations germano-chinoises comme une menace car les relations entre l’Allemagne et la Chine sont actuellement très froides et lointaines, notamment en raison de la situation à Taïwan. L’Allemagne est fermement intégrée à l’Otan et le gouvernement allemand n’agira pas seul vis-à-vis de la Chine.
Ce qui est frappant, c’est que les États-Unis continuent d’espionner les agences gouvernementales allemandes. Y-a-t-il une faille technique du côté allemand où l’existence d’un accord entre Washington et Berlin pour transmettre au patron américain le contenu des discussions en direct?
Olivier Renault
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Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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