‘Ukrisis’, simulacres et contre-simulacres

‘Ukrisis’, simulacres et contre-simulacres

Ukrisis’, simulacres et contre-simulacres

• Il y a des fuites partout, mais une fuite est-elle bien une “fuite” ? • « “Nous ne pouvons plus déterminer où est la vérité et où est le mensonge », gémit une source qu’on gardera soigneusement anonyme à propos des fuites, ou “fuites”, de document “Secret” ou “Top Secret” sur internet, repris dans le New York ‘Times’ qui joue au journal d’information et de  référence. • Qui peut dire la vérité de ces actes qui rappellent du Assange et du Snowden, ou les maquilleurs de la ‘maskirovska’ russe et les cascades des ‘blockbusters’ hollywoodiens.

_________________________

D’une façon sans doute inhabituelle, nous introduisons ce texte par une citation d’un des articles référencés, parce que cette citation exprime assez bien l’esprit du texte. La personne citée est une de ces fameuses “sources” dont raffolent les médias de la presseSystème, concernant une “fuite” de documents “secrets” dont on ne sait s’ils le sont vraiment, et si la “fuite” en est vraiment une, – et ainsi de suite…

« Dans le même temps, l'un des interlocuteurs de la publication a rejeté la nouvelle de la fuite, notant que la guerre de l’information est devenue si intense que “nous ne pouvons plus déterminer où est la vérité et où est le mensonge” :

» “Nous sommes à un stade où la guerre de l'information est parfois encore plus importante que les affrontements physiques directs au front”. »

Il est notamment question des deux “fuites” de documents “secrets”, – que de guillemets ! – venus (sans doute) du Pentagone, concernant l’Ukraine et d’autres domaines dans la seconde. Le “coupable” est le New York ‘Times’ [NYT], retrouvant brusquement ses anciens réflexes de publication de documents (peut-être) confidentiels.

Quelques indications rapidement données, concernant essentiellement la seconde opération. (La  première concernait notamment les plans “secrets” de l’OTAN pour soutenir la “contre-offensive” ukrainienne, annoncée pour dans deux-trois semaines, – un peu comme, dans une salle de cinéma, on vous annonce le prochain film, “A partir du … dans cette salle”.)

« Le nouveau lot de documents a été repéré sur Twitter et d’autres plateformes vendredi après-midi, dans ce qu'un haut responsable du renseignement américain a décrit comme un “cauchemar” pour les services de sécurité occidentaux, selon le NYT. Bien que l’ampleur de la fuite n'ait pas encore été déterminée et que l’authenticité des fichiers n’ait pas été vérifiée, le NYT a suggéré que la dernière violation pourrait inclure “plus de 100 documents” au total.

» À l’instar d'une autre divulgation classifiée rapportée pour la première fois jeudi, certains des fichiers détaillent des renseignements liés au conflit en Ukraine. Un document “top secret” montre une évaluation américaine de la situation dans la ville d'Artyomovsk (connue sous le nom de Bakhmut en Ukraine), qui est largement passée sous le contrôle de Moscou après des mois de combats acharnés.

» Cependant, la nouvelle fuite ne s'arrête pas à l'Ukraine et couvre une variété d'autres sujets, y compris “des diapositives de briefing sensibles sur la Chine, le théâtre militaire indo-pacifique, le Moyen-Orient et le terrorisme”, a ajouté le NYT, affirmant que l'ampleur de la violation semble avoir pris la Maison Blanche “au dépourvu”. »

La dernière précision est étrange, sur la Maison-Blanche “prise au dépourvu” (« off-guard »). Y aurait-il des “fuites” qui ne prennent pas “au dépourvu” ceux qui en sont les victimes ? Cela signifie-t-il que, dans les mœurs actuelles, toute “fuite” disons conforme est appréhendée, sinon préparée par la Maison-Blanche ? Ou bien est-ce que la Maison-Blanche ne peut pas concevoir qu’il puisse y avoir une seconde “fuite” après une première ?

Effectivement, il y a un mélange de réflexe professionnel et de naïveté sans fin, de duplicité assumée et de maladresse constante, dans les reactions que décrit rapidement le NYT, – surtout avec la crainte que l’on se trouve devant un nième ‘remake’ des opérations ‘WikiLeaks’-Assange de 2010-2011 et Snowden-2013, c’est-à-dire avec des “futes” en “goutte-à-goutte”…

« Selon un fonctionnaire anonyme cité par le NYT, pour déterminer la source de la violation, il faudrait commencer par “identifier les fonctionnaires qui y ont eu accès”. Des membres du personnel de plusieurs agences de sécurité nationale ont décrit une “ruée” pour trouver l'auteur de la fuite, exprimant la crainte que les divulgations de cette semaine ne se transforment en un “goutte-à-goutte constant d'informations classifiées” publiées en ligne. »

Les mêmes sources très-diverses et évidemment non-identifiées mettent l’accent sur l’effet désastreux que ces fuites (disons, sans guillemets dans ce cas) devraient causer au réseau dit des ‘Five Eyes’ (FVEY), ou accord UKUSA rassemblant l’échange de renseignements notamment obtenus par écoutes entre les cinq principales nations anglophones (Australie, Canada, Nlle-Zélande, UK, USA). Cette création du type “anglosphère”, à la fois churchillienne et américaniste organisée dans l’immédiat après-guerre, et devenue depuis un instrument de coopération autant que d’affirmation du suprémacisme anglo-saxon.

Là aussi, on peut se demander pour quelle cause ce réseau précisément est cité comme particulièrement inquiet de ces fuites, et y voir parallèlement à la question de la fuite effective ou pas une réaffirmation de l’emprise anglophone sur la bataille ukrainienne dont le “camp du Bien” estimerait dans ce cas qu’elle peut évidemment et doit nécessairement conduire à la défaite ruse. Pour cette raison, la fuite serait ressentie comme une menace très inquiétante, à cause de certains documents que les ‘Five Eyes’ croyaient être complètement sécurisés.

« Un haut responsable du renseignement a qualifié la fuite de “cauchemar pour les ‘Five Eyes’”

» Mick Mulroy, un ancien haut responsable du Pentagone, a déclaré que les documents classifiés divulgués constituaient une “violation importante de la sécurité” qui pourrait interférer avec la planification militaire ukrainienne. “Parce que beaucoup d'entre eux étaient des photographies de documents, il semble qu'il s'agissait d'une fuite délibérée faite par quelqu'un qui voulait nuire aux efforts de l'Ukraine, des États-Unis et de l'OTAN”, a-t-il déclaré. »

Pour aller à une bonne source, on peut se tourner vers Larry C. Johnson, un spécialiste de la chose (ancien officier de la CIA qui a également travaillé avec le FBI et les SR du département d’État). Johnson ne croyait que très-modérément à la réalité de la première “fuite”.

… Avec la seconde, Johnson change complètement d’avis et estime qu’il s’agit d’un événement grave. Il estime pouvoir affirmer, – il s’en explique, – que la fuite ne peut venir d’une source non-US dans le renseignement, mais bien d’un SR de la machinerie américaniste. Pour autant, il reste extrêmement circonspect sur l’identification de la source…

« Washington, vous avez un problème. La nouvelle est tombée aujourd'hui qu'un nouveau lot de documents classifiés a été publié sur Internet et que l'administration Biden s'efforce de mettre un pansement sur une horrible plaie ouverte. […]

» La question clé est de savoir qui a eu accès à ces documents. Tout porte à croire qu'il s'agit d'un membre de l'armée américaine ou de la communauté du renseignement. Il est important de comprendre que les documents SECRET ne sont pas affichés sur les systèmes TOP SECRET. Les documents TS se trouvent sur une plate-forme distincte. Le scénario le plus probable (mais pas le seul) est qu'une ou plusieurs personnes ont imprimé ces documents dans l'une des installations classifiées des États-Unis et les ont retirés subrepticement. Il reste à déterminer si le ou les coupables espionnent pour le compte des Russes ou s'ils agissent de leur propre chef. Votre avis est aussi bon que le mien.

» Les gens à Moscou ne sont pas très excités par cette affaire. Peut-être sont-ils de grands acteurs ou peut-être se rendent-ils compte que la publication de ce matériel ne change rien à ce que l'armée russe doit faire sur le champ de bataille. »

L’impression générale que l’on retire d’un rapide parcours dans les divers sources de commentaires, – et non des fuites elles-mêmes, – est celle d’une confusion assez générale. Tout est possible et rien ne doit être écartée, en même temps que, comme dit notre bonhomme de l’introduction, – « Nous ne pouvons plus déterminer où est la vérité et où est le mensonge ».

Il faut voir là un effet de la construction forcenée de narrative diverses pour faire tenir ensemble autant de simulacres qu’il est possible. Certaines suggestions, ou certaines estimations laissent rêveurs, – comme celles accompagnant le premier lot de “fuites” qui nous dit que, pour ce qui est des pertes russes et ukrainiennes, la partie US fait l’impasse sur le renseignement d’origine non-ukrainienne. La partie US, dans tous les cas certains services se fichant de toute coordination avec les autres, n’ajouteraient foi qu’aux estimations ukrainiennes, – ou mieux, zélenskiennes, – des pertes ukrainiennes et russes.

Nous avons déjà pu voir ce qu’était le désordre des grandes entreprises de l’Empire US en mode-neocon post-9/11avec l’Irak et l’Afghanistan. Notre impression est que tout cela n’était rien, – juste un hors d’œuvre, une mise en bouche, – par rapport à ce qu’est l’extraordinaire foutoir ukrainien qui fut et reste le terrain de jeu favori de la famille la plus corrompue de l’histoire moderne, – les sacrés Biden… Le fait principal de cet état de fait est que l’indéfectibilité US, – la certitude de ne jamais perdre, – est en mode turbo avec une “conquête” complètement réalisée en 2014, et donc perçue, au contraire de l’Irak et de l’Afghanistan avec les sauvages non-Woke qui les peuplent, comme parfaitement intégrée, parfaitement américanisée, – et idem des autochtones…

Note de PhG-Bis : « Le résultat, c’est que les US, avec des gens comme Nuland & Cie, ont une certitude aveugle de la bonne marche de leur affaire, et donc des capacités ukrainiennes-zélenskiennes, qu’ils jugent équivalentes à celles de classiques agents et officiers US, surtout pour le renseignement. Ils leur font bien plus confiance qu’ils ne firent avec les Irakiens et les Afghans, – sans parler des laquais d’Europe, certes, – et parfois une confiance exclusive contre tous leurs autres alliés. Cela ne signifie pas qu’ils leur feront le moindre cadeau s’ils faut régler des comptes, comme avec leurs propres officiers, mais que tant que le protocole est respecté comme conforme aux normes américanistes, les ukrozélenskistes ont ce statut de confiance. »

On ignore s’il faut s’effrayer, s’effarer ou s’esclaffer devant ces “fuites” et ces fuites, mais il faut certainement les placer en bonne exposition dans la galerie de l’immense et cosmique bordel de l’Empire en course accélérée de désintégration, se débattant entre impuissance et paralysie. On ignore « où est la vérité et où est le mensonge » mais on n’en a cure, car il est évident que là n’est pas l’important.

Effectivement, on comprend que l’important se trouve dans cette démonstration de plus des extraordinaires faiblesses de l’américanisme. Ainsi peut-on clore cette triste parade par un rappel de ce que nous avons désigné comme l’indéfectibilité, cette formule américaniste de l’hubris, poussé ainsi jusqu’au simulacre…

« Il est vrai que les USA sont protégés comme par une cuirasse infranchissable de toute perception acceptable de la réalité du monde (autre définition de la folie) par deux phénomènes, sortes de “technologies psychologiques” absolument impénétrables. Nous en parlons et nous les répétons souvent car nous pensons qu’il faut se convaincre du phénomène et en prendre la mesure et les conséquences. Ces deux “technologies psychologiques” (nous adoptons ce terme pour marquer combien tout est de moins en moins humain dans l’américanisme, jusqu’à l’humain lui-même, car la folie fait son œuvre) sont deux traits psychologiques qui relèvent de la féérie-fantasy propre à l’américanisme, et qui sont aujourd’hui exacerbées jusqu’à la folie, – soit l’inculpabilité (“sentiment de l’absence à terme et décisivement de culpabilité de l’américanisme quelle que soit son action”) et l’indéfectibilité (“sentiment de la certitude [de l’américanisme] de ne pouvoir être battu dans tout ce qui figure conflit et affrontement”), tels qu’ils sont explicités dans [ce textequi rappelle leurs caractères… »

 

Mis en ligne le 9 avril 2023 à 13H45

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You