Déclaration du représentant russe à l’ONU sur le sabotage du Nord Stream — Vassily NEBENZIA

Déclaration du représentant russe à l’ONU sur le sabotage du Nord Stream  — Vassily NEBENZIA

Déclaration du Représentant permanent Vassily Nebenzia lors du briefing du Conseil de sécurité des Nations unies sur les menaces à la paix et à la sécurité internationales, dédié au sabotage du gazoduc Nord Stream, le 21 février 2023.

Mme la Présidente,

Aujourd’hui, nous sommes réunis ici pour une réunion tout à fait remarquable. Elle s’inscrit dans le droit fil de la réunion précédente concernant l’acte de sabotage du gazoduc Nord Stream que nous avons convoquée le 30 septembre dernier, mais cette réunion est totalement différente par son ton. Comme beaucoup d’entre vous s’en souviennent sûrement, il était déjà clair à l’époque qui pouvait être à l’origine de cet acte de terrorisme international (car c’est ainsi que nous qualifions cet incident), et les organes d’enquête russes ont entamé des procédures pénales en vertu d’un article correspondant du code pénal russe. Les dirigeants américains avaient fait des déclarations qui se résument à un message : si la Russie continue à faire ce que les États-Unis désapprouvent, le Nord Stream sera détruit. Puis, de manière plutôt inopportune, l’ancien ministre polonais des affaires étrangères Sikorski (qui savait manifestement quelque chose) s’est retrouvé sous les feux de la rampe, après avoir remercié les États-Unis [d’avoir détruit Nord Stream] sur les réseaux sociaux dans un paroxysme de russophobie. Ajoutez à cela un SMS plutôt indiscret de l’ancienne chef du gouvernement britannique Liz Truss [à Anthony Blinken juste après l’explosion de Nord Stream indiquant « C’est fait »], qui est également connue pour sa haine farouche envers mon pays. Pourtant, officiellement, les États-Unis ont fermement nié leur implication, réalisant les conséquences potentielles d’un tel sabotage d’une infrastructure internationale critique de pipelines. Ils le font toujours, d’ailleurs.

Depuis lors, la malveillance des fonctionnaires de Washington s’est accrue, notamment grâce à une autre célèbre russophobe, « marraine » du coup d’État anticonstitutionnel en Ukraine, Victoria Nuland. Cependant, nous ne convoquerions pas cette réunion uniquement pour cette raison. En effet, le 8 février, grâce à un éminent journaliste d’investigation américain et lauréat du prix Pulitzer, Seymour Hersh, nous avons appris non seulement le « qui », mais aussi le « comment ». Nous avons appris comment les États-Unis ont agi avec l’aide de la Norvège, leur allié au sein de l’OTAN. S’appuyant sur des faits et des témoignages, il prouve de manière convaincante que, lors de l’exercice BALTOPS de l’OTAN de l’été 2022, des plongeurs de l’US Navy ont placé des explosifs sous les pipelines, qui ont été déclenchés par les Norvégiens trois mois plus tard, le 26 septembre 2022. Nous savons donc maintenant avec un haut degré de certitude non seulement qui a fait sauter notre gazoduc, mais aussi comment ils l’ont fait. Fondamentalement, ces faits nous permettent de dire qu’il s’agit d’un usage de la force effectué d’une manière incompatible avec les objectifs de la Charte des Nations unies.

Voir Seymour Hersh :https://lecridespeuples.fr/2023/02/08/seymour-hersh-comment-les-etats-…

Dans cette déclaration, je n’entrerai pas dans les détails de l’enquête de base de Seymour Hersh, car nos deux informateurs, Jeffrey Sachs et Ray McGovern [voir ci-dessous], en ont parlé en détail. Je dirai seulement que la profondeur des informations qu’il a recueillies est vraiment frappante. Son expertise professionnelle antérieure et son intégrité sans compromis ne nous laissent aucun doute sur le fait que ce journaliste américain dit la vérité.

Ce qui est également frappant, c’est le niveau de cynisme et le sentiment d’impunité totale avec lesquels ce crime sans précédent a été commis. Nous nous sommes habitués au fait que nos collègues américains se placent au-dessus de la loi ou plutôt prétendent être la loi, ce qui, selon eux, leur donne le droit de s’immiscer dans les affaires intérieures des États impunément, de mener des coups d’État anticonstitutionnels, de mener des actions agressives contre des États indépendants (je rappelle que, selon les estimations du service de recherche du Congrès américain, depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis ont utilisé leurs forces armées à l’étranger à 251 reprises), de tuer et de torturer des populations pacifiques dans des pays tiers tout en refusant de traduire les auteurs de ces actes devant la justice internationale. Avec leurs alliés qui chantent en chœur, ils appellent cela « l’ordre fondé sur des règles », où les règles sont fixées par eux-mêmes.

Cependant, jusqu’à présent, ils ne sont jamais allés jusqu’à faire sauter des pipelines étrangers appartenant à des États avec lesquels les États-Unis n’étaient pas en guerre. Eh bien, ce jour est arrivé. Peut-être présage-t-il une nouvelle ère, dans laquelle les infrastructures transfrontalières et transcontinentales deviendront une cible légitime pour des opérations visant à affaiblir tels ou tels États. Comme vous pouvez l’imaginer, ce serait une ère de chaos et de dommages indescriptibles pour l’humanité entière. Les risques sont énormes que cette ère puisse réellement arriver, à moins que les responsables du sabotage du Nord Stream ne soient identifiés et tenus dûment responsables. Et à moins que ceux qui sont à l’origine de ce crime ne remboursent les dommages subis aux États touchés, comme le prévoit le droit international (et les principes fondamentaux de la justice). Alors et seulement alors, nous aurons une chance d’éviter ce chaos. Tout est entre nos mains, et le choix est fait aujourd’hui même, lors de cette réunion du Conseil de sécurité.

M. le Président,

Contrairement à ce que nos anciens partenaires occidentaux s’apprêtent à dire, nous ne diffusons pas de désinformation au sein du Conseil de sécurité, et nous n’essayons pas de rendre un verdict de culpabilité sur la base d’allégations dans l’esprit du « hautement probable ».

C’est ce qu’ont fait les représentants britanniques il y a cinq ans, lorsqu’ils ont fait une tentative peu convaincante de nous accuser de l’empoisonnement des Skripal, qui ne reposait que sur des allégations et des spéculations n’ayant rien à voir avec les faits ou le bon sens. Dans le cas du sabotage de Nord Stream, ni le motif du crime, ni les auteurs, ni la méthode ne suscitent le moindre doute. C’est encore plus que le « pistolet au canon fumant » « smoking gun »]que les détectives rêvent toujours de trouver dans les superproductions hollywoodiennes. Avec de telles preuves, aucun avocat ne s’aventurerait à défendre nos collègues américains devant un tribunal, et prédire le verdict du jury serait une évidence.

Mais nous ne sommes pas réunis ici pour faire un procès. Comme vous le savez, nous avons présenté un projet de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui charge le Secrétaire général de mener une enquête internationale indépendante et de vérifier les faits cités par Seymour Hersh et d’autres journalistes indépendants.

Nous devons le faire, car nous avons de fortes raisons de douter de l’efficacité, de la transparence et de l’impartialité des enquêtes menées sous certaines juridictions nationales. Nous ne voyons pas nos partenaires désireux de coopérer. Nous avons pris note de la lettre des représentants permanents de l’Allemagne, du Danemark et de la Suède indiquant que les autorités de ces États avaient informé la Russie de l’avancement de l’enquête. Les choses sont différentes dans la réalité. Les dirigeants des États en question ont ignoré les communications que le Premier ministre russe, M. Mishustin, leur a adressées en octobre 2022 concernant la participation des agences russes concernées et de Gazprom aux enquêtes. Les demandes pertinentes du bureau du procureur général de la Fédération de Russie ont été rejetées. Puisque nous parlons d’un crime commis au moyen d’un engin explosif, ce qui le soumet à la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif du 15 décembre 1997, nous attendons de tous les États concernés par l’incident, à savoir les États-Unis, la Norvège, le Danemark et la Suède, qu’ils remplissent leurs obligations en vertu de ce document. Mais les dirigeants de ces États ne font preuve d’aucune volonté politique, ou plutôt n’en ont aucune.

Malheureusement, il n’y a pas d’autre moyen pour nous d’atteindre la vérité. Ces soi-disant enquêtes menées par les États scandinaves et l’Allemagne non seulement manquent de transparence, mais, et c’est devenu évident maintenant, elles visent à brouiller les pistes et à disculper le grand frère américain. Nous ne sommes pas autorisés à participer, et toutes nos demandes sont ignorées avec arrogance. D’ailleurs, il est assez bizarre que les États qui mènent les enquêtes n’aient pas demandé à participer au briefing aujourd’hui. Dans d’autres réunions, il n’y a pas de fin à ceux qui veulent prendre la parole. Bien sûr, nous n’avons et ne pouvons avoir aucune confiance en eux. Mais nous avons toujours confiance dans le Secrétaire général et nous espérons que vous aussi. C’est pourquoi nous suggérons qu’il soit chargé de cette enquête.

Nous avons fait circuler comme documents officiels du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale une adresse de la Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie qui contient une demande correspondante, ainsi que des notes verbales sur cette question que nos ambassades respectives ont adressées aux ministères des Affaires étrangères de l’Allemagne, du Danemark, de la Norvège, de la Suède et des États-Unis. Tous ceux qui le souhaitent peuvent lire ces documents.

Si nos collègues américains n’ont effectivement rien à craindre et s’ils ne doutent pas que leur concitoyen [Seymour Hersh] ait eu tout faux, alors les États-Unis ne risquent rien, ce dont nous pourrons bientôt nous assurer. Dans ce cas, nous nous efforcerons d’identifier et de faire rendre des comptes à quiconque a empiété sur la paix et la sécurité internationales par ses actions. Nous espérons donc que notre proposition sera soutenue. Ces jours-ci, les experts sont en train de discuter de notre projet. Après le premier tour, cependant, nous sommes enclins à penser que les experts occidentaux ne sont pas intéressés par une enquête internationale objective, ce qui ne fait que confirmer nos soupçons.

Chers collègues, votre approche de notre projet de résolution, votre intérêt (ou votre manque d’intérêt) à rechercher les auteurs et à les tenir pour responsables définiront nos prochaines étapes dans le contexte de l’acte de sabotage qui a eu lieu. Nous voulons vraiment croire que vous ne nous décevrez pas, ni votre propre peuple, et que vous contribuerez à établir la vérité comme le prescrit la Charte de cette Organisation.

Nous vous remercions.

Vassily NEBENZIA

Source : https://russiaun.ru/en/news/210223_n

Traduction : lhttp://lecridespeuples.fr/

»» https://russiaun.ru/en/news/210223_n

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