L’article suivant a initialement été publié, en anglais, le 29 novembre 2020 sur le site Feminist Current, à cette adresse.
Cet article contient des descriptions de contenus pornographiques. J’ai essayé d’éviter les détails graphiques, mais il n’est pas possible de discuter de l’influence de la pornographie sur le mouvement du genre sans fournir de descriptions. En outre, cet article n’est pas écrit dans l’intention de nier l’existence de la dysphorie de genre, mais pour attirer l’attention sur le phénomène de la dysphorie induite par la pornographie qui promeut simultanément l’objectivation sexuelle extrême et la dégradation de la féminité. Il s’agit d’un bref aperçu mettant en évidence la prévalence des contenus de sissification disponibles publiquement, sans restriction d’âge, sur les réseaux sociaux.
Ces dernières années, la popularité du porno trans a grimpé en flèche. Selon les métadonnées de Pornhub, les recherches de porno « trans » et « transgenre » ont plus que quadruplé au cours des trois années entre 2014 et 2017 et, en 2018, le mot « trans » était le cinquième terme de recherche le plus courant de l’année. [Un article plus récent nous apprend : « En 2022, la popularité du porno “transgenre” a augmenté de 75 % pour devenir la 7e catégorie la plus populaire au monde et la 3e aux États-Unis, selon le dernier rapport [du site PornHub]. »
Au cours de cette même période, une sous-catégorie de porno transgenre a émergé et gagné en popularité. Le « sissy hypno » — abréviation de « sissification hypnosis » (« hypnose sissifiante ») — est une expression qui désigne un type de pornographie destiné aux hommes que l’on peut trouver en ligne sous trois formes principales : vidéos pornographiques, fichiers audio et images avec texte. Cette pornographie met généralement en scène des hommes portant de la lingerie et se livrant à une « féminisation forcée » : il s’agit d’une érotisation de l’idée de « devenir une femme » par l’habillement, le maquillage et la soumission sexuelle, et d’une fétichisation de l’humiliation qui en résulte. Bien que l’expression sissy hypno semble n’avoir gagné en popularité que récemment — et de manière significative depuis 2016 selon les données de recherche Google — il existe déjà plusieurs sites web dédiés à ce type de porno, notamment sissytube.net, sissy.tube et hypnotube.com.
En mai [2020], la revue Transgender Studies Quarterly, affiliée à l’université Duke [une université états-unienne de recherche privée, située à Durham], a publié un article universitaire intitulé « Sissy Remix : Trans Porno Remix and Constructing the Trans Subject » (« Sissy remix : le remix du porno trans et la construction du sujet trans »), écrit par Aster Gilbert, un doctorant dans le domaine des études sur les femmes, le genre et la sexualité à l’université du Kansas. Le profil d’Aster, qui est un homme qui s’identifie comme une femme, nous informe que sa thèse est centrée sur « les communautés de fans de pornographie en ligne, en particulier les fans qui créent leur propre pornographie en remixant et en rééditant le matériel disponible en ligne », et indique qu’il a présenté des recherches sur les trans et la « micropornographie » à la National Women’s Studies Association [NWSA, soit l’« Association nationale des études féminines », une « organisation fondée en 1977, composée d’universitaires et de praticiens dans le domaine des études féminines, également connues sous le nom d’études sur les femmes et le genre »].
Dans son étude, Aster définit la sissification et la féminisation comme « des formes de jeu de rôle de genre dans lesquelles le sujet revêt la tenue du “genre opposé” » et explique que « sissy est également revendiquée par des femmes trans comme une identité » [comme vous pouvez le lire sur la page Wikipédia française qui lui est consacrée, le terme « sissy » qui, à la base, était un diminutif du mot anglais sister, signifiant sœur, est devenu plus récemment un terme péjoratif qui désigne un garçon ou un homme efféminé]. Aster explique ensuite comment les vidéos de sissy hypno [on pourrait dire d’« hypnose sissy »], en particulier celles réalisées par des hommes qui s’identifient comme trans, enjoignent aux hommes de se transformer en femmes (ou en « filles », pour reprendre un terme souvent employée à la place de « femmes » dans l’industrie pornographique). Des mantras sont répétés — souvent une variante de « you are the girl » (« tu es la fille »), ordonnant au spectateur de s’imaginer en femme.
Aster mentionne des vidéos spécifiques en guise d’exemples. Une en particulier, appelée « Vidéo 2 », qui s’ouvre sur une femme répétant « Tu n’es pas vraiment un homme. Tu as toujours été une fille, n’est-ce pas ? » Puis : « Tu es une femme depuis bien plus longtemps que tu ne le crois ». Et : « Tu es une femme en ce moment même. Rien qu’en m’écoutant, tu es déjà devenue une femme. » La voix demande ensuite au spectateur de se raser les jambes, de se peindre les ongles et de se « féminiser ».
Aster conclut qu’« il est possible de concevoir cette vidéo comme faisant ressortir une identification refoulée, encourageant la transition, tout en reconnaissant la réalité déjà présente de la féminité [ou de l’être-femme (womanhood)] » (je souligne).
Dans son livre Females, l’écrivain Andrea Long Chu, un homme transidentifié [un homme qui se dit femme, ou femme trans], écrit :
« L’idée maîtresse du porno sissy, c’est que les femmes qu’il dépeint sont en fait d’anciens hommes ayant été féminisés (sissified [soit « sissifiés »]) en étant forcés de se maquiller, de porter de la lingerie et d’accomplir des actes de soumission sexuelle. Les indications textuelles signalent en outre aux spectateurs que le simple fait de regarder du porno sissy constitue en lui-même un acte de dégradation sexuelle, ce qui implique que, qu’ils le veuillent ou non, les spectateurs seront inévitablement transformés en femmes. Cela fait du porno sissy une sorte de métapornographie, c’est-à-dire un porno sur ce qui vous arrive quand vous regardez du porno. Au centre du porno sissy se trouve le trou du cul, une sorte de vagin universel par lequel on peut toujours accéder au fait d’être femelle [femaleness]. Se faire baiser fait de vous une femme parce que baisée [fucked], c’est ce qu’est une femme. »
[Ci-dessous : plus de 76 000 abonnés pour cet homme qui se prétend transgenre et qui s’hypersexualise selon des codes pornographiques, et qui partage énormément de contenu pornographique.]
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— Spectre 🥩 (@SpecTheGhost) September 8, 2021
L’idée fondamentale de la pornographie de sissification, du porno sissy, c’est qu’être une femme est intrinsèquement dégradant — que les hommes qui sont mal à l’aise vis-à-vis de la taille de leurs organes génitaux doivent être transformés en femmes par le biais d’une « féminisation forcée ». Dans ces scénarios, le pénis est qualifié de « clito » et l’anus de « chatte ». Les orgasmes de la prostate sont appelés « sissygasmes ». Souvent, les hommes qui produisent ce contenu, ainsi que ceux qui l’utilisent, utilisent un dispositif appelé « cage de chasteté » qui empêche les érections, et des plugs anaux pour étirer l’anus dans une tentative de le faire ressembler à une vulve. Ils peuvent aussi recourir à des vêtements extrêmement féminins, notamment des robes roses à froufrous qui ressemblent à des vêtements pour enfants version sexualisée, des talons hauts ou un porte-jarretelles. Le BDSM joue également un rôle dans le porno sissy, et souvent une femme dans un rôle de dominatrice — appelée maîtresse — humilie le mâle « sub » (soumis) en se moquant de lui comme s’il était un homme raté devant être féminisé.
Lorsque les promoteurs du transgenrisme sont questionnés au sujet des paraphilies de ceux qui s’adonnent à la sissification et qui consomment du porno sissy, ils affirment généralement que ces hommes ne relèvent pas de la catégorie trans. Pourtant, dans une définition du terme « trans » publiée sur son site web, l’organisation Stonewall UK inclut le travestissement dans la catégorie trans : « Les personnes trans peuvent se décrire en utilisant un ou plusieurs termes parmi une grande variété, y compris (mais sans s’y limiter) transgenre, travesti, non-binaire, queer de genre. » Le recoupement entre la communauté sissy et la communauté transgenre homme-vers-femme (MTF, male-to-female) est manifeste sur les réseaux sociaux comme Twitter, Tumblr et Instagram, où les « images sissy » prolifèrent : des images de femmes dans des vêtements sexualisés avec du texte ajouté, enjoignant aux hommes de prendre des hormones féminines et de se « féminiser » pour ressembler aux femmes sur les photos.
[Ci-dessous : le compte Twitter de cet homme qui se dit femme, « femme trans », qui semble francophone, et qui est suivi par plus de 12 000 personnes, regorge de contenu pornographique.]
Tiddies UwU pic.twitter.com/U7JHT0catM
— 💜🏳️⚧️Bakamille/⬡-1712 🏳️⚧️💜 (@MiaouwuZedong) November 24, 2022
Sur Instagram, par exemple, le hashtag #sissification a été utilisé dans plus de 116 000 publications. Il existe également une variété de hashtags connexes : #sissyhypno, #sissytraining, #sissygirl, #sissycaption, #sissymaid, qui se recoupent tous avec d’autres hashtags comme #trans, #tgirl, #mtftransgender, #trap et #genderqueer. Un compte appelé « The Sissy Corner » (le coin sissy), géré par un militant LGBTQ anonyme en Inde, publie des images légendées avec des phrases comme : « Vous avez atteint le point où des mots comme bimbo, beta, bitch, sissy, vous apparaissent comme de doux compliments. » Ou : « Prenez des hormones jusqu’à lui ressembler. » Ou encore : « Tu laisses un gars te baiser comme une fille, et tu crois encore être un homme ? ». Une page Facebook appelée « Sissy Kiss » (« Baiser sissy »), qui compte près de 40 000 adeptes, se décrit elle-même comme suit : « Nous sommes des filles transgenres qui aiment être très fillettes, douces, perverses et mignonnes. Tous ceux qui aiment les sissies sont les bienvenus ! » Dans ses publications, on lit : « Mon but est de te féminiser jusqu’à ce que ton p*nis soit inutile et que tu pleures pour qu’on te l’enlève. » « Si tu t’habilles comme une salope, je vais te regarder te faire baiser comme une salope. » Ou encore : « Il faut augmenter tes hormones et ton tour de taille de façon drastique. »
[Ci-dessous : sur Instagram aussi, les profils d’hommes qui se disent femmes (« femmes trans ») et qui aiment à se prendre en photo dans des situations hypersexuelles, pornographiques, et parfois sadomasochistes, se multiplient.]
Des hommes discutent ouvertement du recoupement sissy/transgenre sur les réseaux sociaux et sur des forums publics. Il existe de nombreux subreddits (discussion consacrée à un thème spécifique sur le très populaire site web Reddit, une sorte de vaste forum) où des hommes se réunissent pour discuter du mode de vie sissy. Dans ces subreddits, on discute de l’essor du porno sissy et on échange des conseils pour mieux se « féminiser ». Le subreddit « Sissy Hypno », qui compte actuellement plus de 339 000 membres [et qui n’en comptait encore que 146 000 il y a environ deux ans, lors de la parution initiale de ce texte de Genevieve Gluck], est décrit comme une communauté dédiée aux « médias d’hypnose qui transforment les participants en sissies sexy et suceuses de bites ». Il existe de nombreux subreddits connexes : r/sissypersonals réunit près de 262k membres ; r/sissydating, 108k ; et r/traps plus d’un million (« trap » est un terme anglais qui désigne les hommes qui se font passer pour des femmes de manière si convaincante qu’ils parviennent à piéger des hommes hétérosexuels et à les amener à avoir des relations sexuelles avec eux).
[Ci-dessous, une publication assez banale, sur Twitter, d’une personne dont le profil indique qu’elle est transgenre et non-binaire]
😈🦇❤️ pic.twitter.com/8RmcsCbwtL
— Gray (@Poisonneus) February 9, 2023
De plus, d’innombrables fils de discussion ont été postés sur reddit qui demandent si la dysphorie de genre peut être provoquée par l’exposition à la pornographie et le développement d’un fétichisme sissy. Le subreddi « r/itsafetish » était consacré à la documentation du lien entre la pornographie et l’identité transgenre jusqu’à ce qu’il soit supprimé en juillet, prétendument pour « discours haineux », malgré le fait que les fils de discussion comprenaient principalement des captures d’écran — ou des citations — d’autres subreddits. Le chevauchement entre sissification et identité trans est visible dans un fil de discussion posté sur r/sissy en octobre, intitulé « Falling Down the Sissy Rabbit Hole » (« Tomber dans le terrier du lapin sissy ») :
« J’ai commencé à regarder du porno trans il y a environ cinq ans, et je me souviens avoir eu des regrets post orgasme. À l’époque, je m’imaginais être le gars… Il y a environ un an et demi, j’ai commencé à imaginer la possibilité d’être la fille dans ces scénarios. Je… voulais être “forcée” à être baisée par un homme parce que la soumission m’excitait. Je rêvais d’aller dans des gloryholes ou d’avoir les yeux bandés pendant que des hommes m’utilisaient comme objet sexuel. Récemment, j’ai commencé à tout remettre en question. J’aime l’attention et par conséquent me sentir comme une femme. Cela m’a conduit à souffrir d’une certaine dysphorie de genre, car j’aimerais être la femme et voir où cela me mènerait dans ma vie (femme trans entièrement transitionnée). En bref, mon identité sexuelle et de genre a été complètement renversée à cause du porno/hypno sissy. »
[Ci-dessous : un homme qui se dit femme publie, sur son compte Twitter, une photo où, avec deux autres hommes qui se disent femmes, ils exhibent fièrement les « seins » qui se développent sur leur torse en raison des traitements hormonaux qu’ils suivent.]
Ce soir on est 3 ! #FridayBoobs #MercrediSeins pic.twitter.com/A35gJcB7TD
— 🏳️⚧️ 𝔻𝕠𝕣𝕚𝕒𝕟𝕖 ℝ𝕠𝕒𝕣𝕤 ♌️ (@DorianeRoars) January 27, 2023
Un autre fil de discussion Reddit (r/sissy) demande : « Suis-je trans, ou suis-je une sissy ? Peut-être les deux ou aucun des deux ? »
« J’ai commencé à m’intéresser au porno sissy vers l’âge de 16–17 ans. Ça m’a époustouflé ! J’aimais l’idée que quelqu’un (que ce soit un homme ou une femme) me “force” à devenir une salope sissy avec pour seule tâche de plaire aux “vrais hommes”. Je veux être traitée comme un sac à foutre et un esclave à pénis. Ces derniers temps, cependant, mes fantasmes portent moins sur quelqu’un qui me force à être une fille que sur le fait que je sois simplement une fille. Je fantasme généralement sur le fait d’avoir des relations sexuelles avec un homme en tant que femme. »
Significativement, des subreddits qui remettaient en cause la misogynie du mouvement du genre et exposaient la manière dont il était imbriqué avec la communauté fétichiste ont été supprimés, sans avertissement, fin juin et début juillet [2020] au prétexte qu’ils diffusaient des discours de haine. Parmi ceux-ci figuraient les subreddits r/GenderCritical, r/TERFisaslur et r/itsafetish, ce dernier étant consacré à la documentation du lien entre la pornographie et l’identité transgenre et comportant principalement des captures d’écran — ou des citations — de subreddits sissy et trans.
[Ci-dessous : une publication, comme il y en a plein sur Twitter, d’un homme qui se dit femme qui se prend lui-même en photo alors qu’il suit un traitement hormonal pour que son corps ressemble à celui d’une femme.]
Et imagine, ta femme c’est Yennefer 😌. pic.twitter.com/qdLaU1rbPC
— Yennefer 🔞🏳️⚧️ (@LJPizza1) January 18, 2023
Twitter est également saturé de comptes et de publications qui diffusent du porno sissy, souvent en contournant le filtre de contenu sensible par l’utilisation de gifs. Un utilisateur de Twitter avec pour identifiant @tsnicole3, qui se décrit comme « un transgenre refoulé » avec « un fantasme de tomber enceinte », a tweeté : « Mon rêve est de vivre dans une société où les mâles sissy sont féminisés et soumis aux mâles alpha. Je veux m’habiller avec de la jolie lingerie, tomber enceinte, et être une épouse et une mère. » Un activiste trans avec plus de 76 000 followers et un compte OnlyFans, se faisant appeler « BoringKate » (@boringnerdykate), publie presque exclusivement des choses portant sur le sexe et la pornographie et a un intérêt particulier pour le sissy hypno. En avril [2020], il a tweeté : « Puisque les publicitaires surveillent l’activité Internet de tout le monde, ils devraient au moins promouvoir agressivement un traitement hormonal substitutif auprès de tout ‘garçon’ qui a cherché du porno hypno. »
So basically… I’m twink 😳 pic.twitter.com/nrK7NLji7f
— Lawren 💫🦆 (@Stardust_Sigil) December 4, 2022
[Ci-dessus et ci-dessous, des publications assez typiques de la part d’hommes qui se disent femmes (femmes trans), parmi beaucoup d’autres du même genre qu’on trouve sur Twitter.]
Je… oh.. bah je devais tenir pour pas que ma chérie tombe… évidemment 😇 pic.twitter.com/3KYKOcIhe5
— Princesse Chipie 🌹💙☃️❄ (@CountessNyreen) February 18, 2023
Il existe également des livres qui servent à la fois de littérature érotique et de manuels d’instruction, et c’est dans ce type de médias que l’influence du mouvement incel est la plus apparente. On trouve dans les guides d’instruction des termes utilisés dans la « manosphère » (terme qui désigne les forums de militants des droits des hommes et du mouvement incel) comme « mâle alpha » et « mâle bêta ». Dans l’argot incel, le terme « bêta » désigne un homme considéré comme n’ayant pas de succès auprès des femmes, en raison de son caractère moins agressif, de son physique efféminé ou de son manque de qualités masculines stéréotypées en général. Le livre The 10 Steps to Become a Sissy : Forced Feminization (« 10 étapes pour devenir une sissy : la féminisation forcée »), autopublié sur Amazon par un utilisateur nommé « Hotwife Kim » (« Femmechaude Kim »), prétend, dans sa description, transformer les « mâles bêta » en femmes, et également qu’il s’agit de la seule façon pour ces hommes d’être sexuellement désirables :
« Si tu continues à vivre comme un mâle bêta, tu seras destiné à une vie de célibat et de tristesse. Alors qu’en devenant une fille, tu auras beaucoup de sexe — toutes les filles en ont. Celui qui admire vraiment la beauté féminine ne se contente pas simplement de désirer la posséder, d’avoir une petite amie ou une épouse, d’avoir des relations sexuelles avec une femme. Ton amour est plus grand. Tu veux devenir une femme toi-même. Il n’y a rien de mal ou même d’inhabituel dans ce désir, et grâce à la technologie moderne, il est de plus en plus possible de réaliser vos rêves.
En fait, une grande transition s’opère également dans notre culture au sens large. Les mâles bêtas s’adoucissent et deviennent plus féminins, tandis que les femmes s’affirment et prennent confiance dans leur sexualité. Je ne peux vraiment pas te reprocher d’être jaloux. Je ne serais pas heureux en tant que mâle bêta moi non plus. Tu te fais probablement rejeter par les filles tout le temps, alors tu es obligé de les regarder sortir avec des mâles alpha. Et tu sais qu’ils ont beaucoup de rapports sexuels incroyables, le genre d’expérience sexuelle qui te sera toujours refusé. Ou alors, tu seras contraint à une vie de célibat humiliante — à moins que tu n’acceptes ton destin de sissy. »
Ce type de matériel est de plus en plus disponible grâce à l’autopublication. Outre Amazon, Walmart propose également des manuels érotiques de féminisation forcée en ligne. Une recherche sur leur site Web permet de trouver plus d’une douzaine de titres, dont Feminization from Alpha to Sissy Due to His Inadequate Sized Manhood ! (« Féminisation de l’alpha en sissy à cause de sa masculinité inadéquate ! ») et Forced Feminization : Abduction, Hypnosis Training, Sissy Slave Maid (« Féminisation forcée : enlèvement, formation à l’hypnose, femme de chambre esclave et sissy ») dont voici la description :
« Greg se réveille attaché et habillé. Une mystérieuse femme hypnotiseur dit à Greg que son nouveau nom est Ashley, et avec un fouet, il oublie tout de son passé. L’idée qu’Ashley se faisait de “Greg” a disparu. L’hypnotiseur en latex révèle qu’Ashley fait maintenant partie d’un culte de féminisation. Le Don est le puissant alpha derrière tout le culte de la transformation, affirmant et démontrant clairement sa domination à maintes reprises. À chaque éclipse lunaire, il choisit une sissy fraîchement transformée pour vivre dans son manoir privé. Ce que Don pensait être juste une autre femme de chambre, s’avère être plus que cela. Ashley… transforme sa vie pour de bon. »
***
« Être une sissy, c’est toujours perdre l’esprit. Le terme technique pour cela est bimboification [ou bimbofication]. Les légendes sur les images enjoignent souvent aux spectateurs de se soumettre à l’hypnose, au lavage de cerveau, à la fonte des cerveaux, à l’abrutissement et à d’autres techniques d’écopage de l’intelligence.
Les gestes les plus souvent mis en boucle au format GIF signifient presque toujours l’évacuation de la volonté : visages flétris, jambes tremblantes, yeux révulsés dans la tête. Le format GIF lui-même communique cette idée, une sorte de centrifugeuse pour distiller la féminité [le fait d’être femme, femaleness] jusqu’à l’essentiel — une bouche ouverte, un trou du cul qui attend, des yeux vides. Le porno sissy m’a fait devenir trans. »
— Andrea Long Chu, Females
***
Le sissy hypno [on pourrait aussi dire, en français, « l’hypnose sissifiante »] passe aussi par des fichiers audio visant à « laver le cerveau » des auditeurs masculins en leur faisant croire qu’ils sont des femmes. Par des répétitions de mantras, les créateurs de contenu de sissy hypno prétendent transformer les hommes en « bimbos » et en « f*ck dolls », en « poupées à baiser ». On trouve par exemple du contenu audio d’hypnose sissy sur le site BambiSleep.com. Sur sa page d’accueil, le slogan « Deep Bimbo Erotic Hypnosis » (« Hypnose érotique profonde pour bimbo ») est accompagné de la description suivante : « Bambi sleep est destiné à TOUTE PERSONNE qui souhaite devenir une bimbo sexy. Les fichiers ne sont pas spécifiques au genre (gender) de l’auditeur. » Une explication plus détaillée est fournie dans l’onglet « Comment démarrer » :
« Bambi Sleep est l’un des systèmes les plus avancés et les plus complets dans le domaine de l’hypnose érotique. Ces séances vous transformeront, quel que soit votre genre (gender), en une belle bimbo écervelée nommée Bambi. Bambi aime porter des talons hauts, des vêtements moulants et un maquillage parfait. Livrée à elle-même, elle modifiera son corps avec de gros implants et des injections dans les lèvres. Si votre travail ne vous permet pas de modifier votre apparence extérieure, ce n’est peut-être pas un endroit pour vous. »
La première vidéo de Bambi Sleep a été publiée sur YouTube en 2018 et a été vue plus de 110 000 fois. Intitulée « Bambi Bimbo Doll Conditioning » (« Conditionnement de la poupée Bambi Bimbo »), la description explique qu’il s’agit « d’un programme d’entraînement complet et puissant qui transformera l’auditeur en une parfaite bimbo muette appelée Bambi ». La vidéo ne comporte qu’une photo fixe d’une femme portant des lunettes de soleil, tandis qu’une spirale en noir et blanc tourne lentement en arrière-plan. On entend un bourdonnement lointain et une voix féminine générée par ordinateur, manifestement fausse, demande à l’auditeur de se détendre et de se mettre en état d’hypnose en entendant l’expression « bimbo doll » (« poupée bimbo »), accompagnée d’un gémissement féminin. En arrière-plan, des voix plus faibles répètent les mots « bimbo doll ».
La vidéo dure deux heures et demie. Une voix ordonne à l’auditeur « d’obéir sans poser de questions, d’obéir en renonçant à tout libre arbitre » et de devenir « une marionnette avide et consentante, vos propres désirs étant instantanément remplacés par un besoin d’obéir, une marionnette sans aucun libre arbitre », suggérant que le QI de l’auditeur va « descendre en flèche à mesure que ses seins gonfleront ».
Sous la vidéo, un utilisateur appelé « Diaper Lover » (« Amateur de couches ») commente : « Je suis accro à ces vidéos d’hypnose que je regarde tous les soirs maintenant, je me sens tellement bien […] il est si bon d’être une marionnette de baise écervelée. » Un autre commentaire, rédigé par un utilisateur appelé Amanda Grey, dont la photo de profil est un homme maquillé et portant des vêtements féminins stéréotypés, explique qu’il est désormais incapable d’enlever ses sous-vêtements sans mettre d’abord un sex-toy dans sa bouche : « Je ne peux tout simplement pas aller aux toilettes sans avoir une bite dans la bouche. Maintenant, je vais devoir trimballer un gode dans mon sac à main. » Compte tenu de la nature de ce type de pornographie, il n’est pas difficile d’imaginer que cet homme, et d’autres comme lui, préfèrent utiliser les installations des femmes en s’adonnant à leur fétichisme sexuel.
Un autre commentateur affirme que son père était devenu dépendant de l’hypnose sissy :
« Il fait ça depuis des années, ça occupe tout son temps et ça rend ma mère littéralement folle. Ils sont tous les deux âgés et il peut à peine marcher ou se rendre aux toilettes à temps, mais d’une manière ou d’une autre, il trouve le temps de faire ces bêtises et d’acheter du poppers… Cela… a ruiné ma famille et a possédé mon père pendant les dernières années de sa vie. »
« Poppers » est un terme d’argot qui désigne des drogues inhalées afin de détendre les muscles lisses, notamment le sphincter, et d’augmenter le rythme cardiaque, ce qui entraîne une sensation de chaleur et d’excitation. On trouve souvent des références à l’utilisation de poppers dans les discussions en ligne portant sur le porno sissy.
Le subreddit r/TGandSissyRecovery est un groupe de soutien pour les hommes qui veulent arrêter la pornographie transgenre et le sissy hypno (la pornographie sissy), qui compte environ 13 000 membres. La plupart des messages sont centrés sur des histoires personnelles de dépendance et sur la façon dont la dépendance au contenu sissy, en particulier, a conduit les membres du groupe à croire qu’ils étaient transgenres.
Dans un message du 13 novembre intitulé « Je ne sais pas si je suis trans ou si c’est juste un kink », on peut lire :
« J’aimerais transitionner, mais je n’ai pas le courage de l’assumer publiquement. Mais j’ai essayé de me travestir et ça m’excite, j’ai aussi envie que des hommes me baisent quand je me travestis, j’ai essayé le sexe gay et je pense que je suis plus intéressé par les femmes, mais quand je suis une fille, j’ai envie de me faire baiser. »
Dans une publication du 21 novembre simplement intitulée « Conseils ? », on lit :
« Je pense que je souffre de fétichisme de travestissement. Cela a commencé très jeune, très jeune, et s’est transformé en désir sexuel au fur et à mesure de ma puberté. La première fois que je me suis masturbé, c’était en portant les vêtements de ma belle-mère, et maintenant j’ai l’impression que j’ai besoin de me masturber en portant des vêtements féminins pour soulager mes pensées, parfois je ne suis pas capable de me concentrer du tout avant de porter les vêtements. J’ai été plusieurs fois chez mon thérapeute actuel habillé de façon féminine, alors ça me semble mal de lui parler du fait que ça me procure du plaisir sexuel… Le fait que je fasse ça… la mettrait incroyablement mal à l’aise. »
Dans un fil posté sur r/sissy en octobre [2020], intitulé « Unprogramming and realizing I miss the old me » (« Se déprogrammer et réaliser que le vieux moi me manque »), qui a depuis été supprimé, on pouvait lire :
« Je pense que cette m*rde est sinistre et que c’est du grooming [du conditionnement d’individus en vue de les amener à participer à des choses sexuellement dégradantes]. J’étais dans mon adolescence quand je suis arrivé au sissy hypno. J’avais de meilleures relations avec les femmes. Maintenant, je les déteste. J’étais cis, maintenant je suis en pleine confusion des genres. Je déteste le porno sissy hypno maintenant… Le porno a un impact négatif sur beaucoup d’entre nous. Avant de vous lancer là-dedans, comment étiez-vous ? Comment étions-nous tous ? Je refuse d’appeler ma bite une bite de femme… C’est le porno qui nous a fait ça… C’est vraiment un lavage de cerveau et je préfère retrouver mon esprit. »
Put your hands on me pic.twitter.com/4P55dfD8iw
— Phox in socks — UwU (@PhoxLewd) January 13, 2023
[Ci-dessus, un autre aperçu du genre de choses que publie une « femme trans », un homme qui prétend être une femme, assez banal, sur Twitter.]
L’hypnose sissy diffère de la pornographie classique dans la mesure où elle s’adresse au spectateur et lui donne des instructions, utilisant délibérément le pouvoir du média pour tenter de modifier l’identité de l’individu et d’encourager la dysphorie. De multiples études menées depuis des décennies ont démontré une corrélation entre la consommation de pornographie, les attitudes sexistes envers les femmes et l’augmentation des actes de violence et d’agression. Les régions du cerveau activées par la pornographie sont les mêmes que stimule un rapport sexuel réel, grâce aux neurones miroirs du cerveau. Selon Marco Iacoboni, professeur à l’université de Californie à Los Angeles, il s’agit de la raison pour laquelle la pornographie a un fort impact sur notre esprit, si fort qu’il peut encourager le recours à un comportement violent : « La capacité miroir du cerveau suggère également que nous sommes automatiquement influencés par ce que nous percevons, proposant ainsi un mécanisme neurobiologique plausible pour la reproduction des comportements violents. »
18 Months on HRT 🙂 pic.twitter.com/xjfwo1NpVQ
— Aoife 🐝 Bee (@Aoife_Bee_) January 9, 2023
[Ci-dessus, un autre homme qui prétend être une femme, fier d’exhiber son corps après « 18 mois de traitement de substitution hormonale ». L’hypersexualisation et l’influence du porno. L’autogynéphilie. Et ci-dessous, un autre.]
This is what the left wants boys to look like 🤬 pic.twitter.com/icdDiX6g9L
— Yona 🏳️⚧️💕 (OF in bio) (@Yona_Mlem) January 30, 2023
De récentes études ont montré que la pornographie peut détourner le centre de récompense de la dopamine du cerveau. Comme la pornographie provoque de fortes bouffées de dopamine, le cerveau développe une tolérance à son contenu, et requiert des médias toujours plus choquants pour susciter le même frisson. En conséquence, la pornographie peut entraîner des dysfonctionnements sexuels et la dépression. En outre, certaines recherches suggèrent que la consommation de pornographie peut induire un trouble dysmorphique du corps (TDC), ou dysmorphophobie, et en particulier une dysmorphophobie du pénis chez les hommes. Étant donné que la dysphorie de genre est un type de trouble dysmorphique corporel caractérisé par un malaise que l’individu ressent vis-à-vis de ses caractéristiques sexuelles primaires et secondaires, et que la pornographie peut déformer la perception de soi, l’on peut raisonnablement supposer qu’elle ne fait pas qu’extérioriser une condition préexistante, mais qu’elle induit la dysphorie de genre.
Autrefois, on considérait comme un fait incontesté que les médias que nous consommons peuvent façonner notre esprit et notre comportement. Pourtant, alors que nos vies sont de plus en plus saturées par les médias, notre capacité à réfléchir de manière critique à leur impact sur l’identité et le moi est de plus en plus limitée et souvent réduite à des observations individuelles, plutôt que sociétales. Nous devrions considérer la possibilité que le récent essor de la revendication d’une identité transgenre puisse être lié à la prolifération de la pornographie en ligne et à l’élargissement de son accessibilité. Ce phénomène est trop important pour être ignoré.
Genevieve Gluck
Traduction : Nicolas Casaux
Source: Lire l'article complet de Le Partage