Traduction d’un article de Colin Wright, biologiste de l’évolution, initialement publié en anglais, le 19 février 2022, à l’adresse suivante.
La question « quel est votre pronom ? », qui semble anodine, devient de plus en plus courante. Les pronoms (« préférés ») sont désormais souvent mis en évidence dans les biographies sur les réseaux sociaux, dans les signatures d’e‑mail et sur les badges de conférence. La vice-présidente Kamala Harris utilise les pronoms « she/her » [en français nous dirions le pronom « elle » et les accords grammaticalement genrés au féminin] dans sa biographie Twitter, et le secrétaire aux transports Pete Buttigieg indique « he/him » dans la sienne [en français nous dirions le pronom « il » et les accords grammaticalement genrés au masculin]. Il y a aussi les pronoms « iel » ou « ellui » utilisés par des personnes « non binaires » (qui ne « s’identifient ni à un homme ni à une femme »), parmi une liste croissante de « néo-pronoms » comme « ael », « ille », « ielle », « im », « em », « ol », « ul », « ælle », « al », ainsi que des néo-pronoms encore plus étranges qui, selon le New York Times, se réfèrent à des identités pouvant être liées à des animaux ou à des personnages fantastiques.
Une récente enquête menée auprès de 40 000 « jeunes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers et en questionnement (LGBTQ) » aux États-Unis a révélé que 25 % d’entre eux utilisent exclusivement des pronoms autres qu’elle ou il. La Human Rights Campaign (HRC), qui se présente comme « la plus grande organisation nationale de défense des droits civiques des personnes LGBTQ+ », a récemment écrit sur Twitter que nous devrions tous commencer nos conversations par « Bonjour, mon pronom est _____. Quel est le vôtre ? » On nous dit que demander, partager et respecter les pronoms (« préférés ») est « inclusif » pour les personnes trans et non binaires, et que ne pas le faire pourrait même constituer une violence et une oppression.
Si tout cela vous semble confus et vous met mal à l’aise pour des raisons que vous avez du mal à exprimer, vous n’êtes pas seul. Si le fait d’être soumis à d’incessants rituels d’échanges de pronoms peut sembler, au mieux, stupide ou ennuyeux et, au pire, épuisant, en réalité, la participation à cette pratique apparemment bénigne contribue à normaliser une idéologie régressive particulièrement délétère pour la société. Pour comprendre pourquoi, il vous faut examiner ses principes fondamentaux.
Les partisans de l’idéologie du genre ont complètement dissocié les termes « homme », « femme », « garçon » et « fille » du sexe biologique. L’idéologie du genre prétend que les termes « homme/garçon » et « femme/fille » — et les pronoms correspondants, « il » et « elle » — réfèrent à l’identité de genre d’une personne, et que « mâle » et « femelle » désignent le sexe biologique. Tandis que dans le dictionnaire et le langage usuel, une « femme » est une femelle humaine adulte, l’idéologie du genre soutient qu’une « femme » est un adulte de l’un ou l’autre sexe qui, simplement, s’« identifie » comme une femme.
Mais que signifie « s’identifier » en tant qu’homme ou femme ?
Selon les promoteurs de l’idéologie du genre, être un homme ou une femme, c’est embrasser les stéréotypes de la masculinité ou de la féminité, respectivement, c’est-à-dire les différents rôles sociaux et les attentes que la société assigne aux individus en fonction de leur sexe. D’après le Planning familial, l’identité de genre correspond à « comment vous vous sentez à l’intérieur », et le « genre » à « un statut social et juridique, un ensemble d’attentes de la société, concernant les comportements, les caractéristiques et les pensées », à « la façon dont on attend de vous que vous agissiez, en raison de votre sexe ».
Il est désormais courant, y compris dans le New York Times, de voir la population humaine décrite comme étant composée d’« hommes, de femmes et de personnes non conformes au genre », comme si la « non-conformité au genre » [ou « de genre », on trouve diverses manières de traduire cette expression anglaise, résultat, sans doute, du caractère nébuleux de l’idéologie trans même pour ses propres adeptes] était incompatible avec le fait d’être un homme ou une femme. Selon la « Personne gingenre », un outil pédagogique populaire conçu pour enseigner l’identité de genre aux jeunes enfants, les propriétés de la « masculinité » et de la « féminité » comprennent certains stéréotypes « de traits de personnalité, de métiers, de loisirs, de goûts, de rôles [et] d’attentes ».
L’idéologie du genre prétend que si vous êtes une femme qui ne s’identifie pas aux rôles sociaux et aux stéréotypes de la féminité, vous n’êtes pas une femme ; et que, de la même manière, si vous êtes un homme qui rejette les rôles sociaux et les stéréotypes de la masculinité, vous n’êtes pas un homme. Au lieu de cela, vous êtes considéré comme transgenre ou non-binaire, et, fort heureusement, le Planning familial tient à vous faire savoir qu’il « existe des traitements médicaux que vous pouvez utiliser pour aider votre corps à mieux refléter qui vous êtes ». Selon cette ligne de pensée, certaines personnalités, certains comportements, certaines préférences sont incompatibles avec certains types d’anatomie.
Ainsi, lorsque quelqu’un vous demande votre pronom et que vous répondez « elle », même si vous souhaitez seulement, par-là, communiquer le fait que vous êtes une femme, un idéologue du genre interpréterait cela comme un aveu de votre adhésion à la féminité, aux rôles sociaux et attentes associés à la féminité. Les mouvements de défense des droits des femmes se sont battus pendant des décennies pour dissocier la féminité des stéréotypes et des rôles sociaux rigides. L’idéologie du genre les réunis de nouveau.
Le fait de contraindre les gens à déclarer publiquement leurs pronoms au nom de l’« inclusion » est un cheval de Troie qui affermit l’empire de l’idéologie du genre. Il s’agit de la partie émergée de la stratégie des activistes du genre visant à normaliser leur vision du monde. En participant aux rituels des pronoms, vous vous rendez complice du système de croyances régressif de l’idéologie du genre, et vous lui reconnaissez une légitimité. Loin d’un acte inoffensif en faveur de « l’inclusion », il s’agit d’une approbation implicite de l’idéologie du genre.
Permettez-moi de faire une analogie. Prenons l’exemple de la Human Rights Campaign qui exhorte les gens à commencer leurs conversations par « Bonjour, mon pronom est _____. Quel est le vôtre ? » Imaginez maintenant que la Fédération américaine des astrologues produise une demande similaire, nous enjoignant de commencer toutes nos conversations par « Bonjour, mon signe astrologique est_____. Quel est le vôtre ? » Répondre en donnant votre signe astrologique reviendrait à suggérer que vous adhérez au système de croyances de l’astrologie. Si vous rejetez l’astrologie et répondez à la question par « Je n’ai pas de signe », on pourrait vous rétorquer : « Bien sûr que vous en avez un ! Quand êtes-vous né ? » Mais il s’agit alors d’une question très différente.
De même, si vous rejetez la prétention de l’idéologie du genre selon laquelle les hommes et les femmes sont définis par leur adhésion délibérée aux rôles et aux stéréotypes masculins et féminins, et que vous refusez donc de répondre à une demande de pronoms, votre interlocuteur pourrait vous répondre : « Nous avons tous des pronoms ! Vous identifiez-vous comme un homme ou une femme ? » Mais comme cette conception des hommes et des femmes n’a rien à voir avec la vôtre, décliner un pronom ne fera que normaliser davantage le rituel et valider une vision du monde absurde.
La redéfinition des mots « homme », « femme », « garçon » et « fille » qui les associe à des stéréotypes liés au sexe possède de sérieuses implications dans le monde réel. Le rejet de ces stéréotypes est désormais communément considéré comme un trouble médical (dysphorie de genre) à traiter à l’aide de bloqueurs de puberté (pour les enfants), d’hormones du sexe opposé et d’opérations chirurgicales pouvant entrainer une stérilité définitive, et condamnant les patients à payer des factures médicales à vie. Cette redéfinition menace également la sécurité des femmes dans les prisons, dans les foyers pour femmes battues, dans les centres pour femmes violées, et compromet l’équité et la dignité des femmes et des filles dans les sports, car les hommes qui s’identifient comme des filles ou des femmes sont autorisés à accéder aux espaces, services et sports réservés aux femmes.
Résister contre l’idéologie du genre, c’est défendre la réalité. Nous ne pouvons pas ignorer les réalités fondamentales de notre biologie, la sécurité et la dignité des femmes et des filles, et espérer des résultats positifs pour la société. Les rituels des pronoms jouent un rôle important dans la normalisation et l’institutionnalisation de l’effacement du sexe biologique au profit de l’identité de genre. Ces rituels tirent parti de la confusion et de la compassion des gens pour obtenir leur consentement. La seule réponse appropriée à la question « quel est votre pronom ? » consiste à rejeter la prémisse et refuser de répondre.
Colin Wright
Traduction : Nicolas Casaux
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