Traduction d’un entretien avec l’ancienne députée socialiste espagnole Ángeles Álvarez, membre de l’Alliance contre l’effacement des femmes (Alianza contra el Borrado de las Mujeres) au sujet de la « loi trans », initialement paru, en espagnol, sur le site du média The Objective le 12 novembre 2022.
Ángeles Álvarez a été l’une des forces motrices du Pacte d’État contre la violence sexiste lorsqu’elle était députée du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol), et est une féministe reconnue et historique. Elle était une des deux mariées lors du premier mariage entre deux lesbiennes à la mairie de Madrid, célébré par Pedro Zerolo, aujourd’hui décédé, et a été une véritable « guerrière », tant dans le passé, en tant qu’handballeuse, que dans sa vie politique ultérieure, pour défendre les femmes et les groupes féministes. Sur ce dernier point, elle continue de se battre avec acharnement, malgré le fait que son parti — le PSOE — n’a jusqu’à présent pas écouté ses avertissements au sujet du projet de la « loi trans » actuellement en cours de délibération au Congrès des Députés. Certains ont même tenté de qu’une enquête soit lancée à son encontre pour avoir critiqué publiquement de nombreux aspects du projet de loi. Álvarez pose plusieurs questions à voix haute à la ministre de l’Égalité, Irene Montero, dont elle nie qu’elle soit une représentante du féminisme éclairé et lui conseille d’être plus respectueuse des opinions des autres. Elle suggère également à Pedro Sánchez d’écouter les avertissements des professionnels et des autres partis politiques concernant la « loi trans ».
Esther Jaén : Pensez-vous que le projet de loi qui est parvenu au Congrès et dont la ministre de l’égalité refuse de changer une virgule est conforme à la Constitution ?
Dans sa formulation actuelle, absolument pas. Mais ce n’est pas moi qui le dis, c’est le PSOE lui-même qui le reconnaît. Deux des amendements déposés par le groupe socialiste ont trait à deux questions sur lesquelles la Cour constitutionnelle s’est déjà prononcée : la loi sur la violence à l’égard des femmes et la situation des mineurs de moins de 16 ans.
Précisément, la possibilité pour les mineurs de décider de changer de sexe sur la base de l’autodétermination de leur genre est l’un des aspects les plus controversés du projet de loi ?
Dans ce dernier cas, le tribunal constitutionnel a stipulé que, pour changer de nom, et non pour initier le changement de sexe, il faut une persistance de la dysphorie et une maturité suffisante. La question est : qui certifie ces diagnostiques, si ce texte, qui prétend devenir loi, interdit l’intervention de professionnels qualifiés pour les établir ?
Les défenseurs du texte affirment que cela stigmatiserait les personnes qui décident de faire une transition ?
Ils disent, concrètement, que la transsexualité doit être dépathologisée, mais si l’OMS a déplacé la transsexualité dans une rubrique différente, elle reconnaît que c’est quelque chose qui sort du cadre de la norme. La plupart des gens n’ont pas de discordance avec leur sexe. Et ceux qui en ont ont aussi le droit d’avoir des droits. Personne ne le remet en question. En Espagne, une loi reconnaît leurs droits depuis 2007. Cette loi prévoit qu’à titre exceptionnel, les personnes atteintes de dysphorie de genre peuvent modifier leur sexe à l’état civil, mais « à titre exceptionnel », et cela se réfère exclusivement aux personnes ayant officialisé leur transsexualité. Ce projet de loi propose que n’importe qui puisse le faire, sans aucune certification de dysphorie, il suffit que la personne exprime son souhait de changer son sexe dans le registre. Par conséquent, l’autodiagnostic est introduit, l’exceptionnalité est brisée et le sexe enregistré cesse d’être un élément que l’État peut attester sur la base d’une vérité vérifiable. Cela n’est clairement pas constitutionnel.
Le problème vient-il de l’OMS elle-même, qui rejette le terme de dysphorie de genre ?
Oui, mais l’OMS le remplace par une autre expression qui signifie exactement la même chose. Elle la retire de la section sur les maladies mentales pour la placer dans un autre chapitre. Mais qu’il soit clair que, dans ce pays, personne ne prétend que les personnes transsexuelles sont malades. Mais il est également vrai que ces personnes ont besoin de l’aide de professionnels, étant donné qu’elles vont avoir recours, dans de nombreux cas, à des interventions chirurgicales et à des traitements hormonaux. Les professionnels qui doivent administrer les médicaments ou pratiquer les interventions chirurgicales auront leur mot à dire ! C’est là le problème et cela n’implique pas du tout une pathologisation.
Le conflit entre les collectifs féministes traditionnels et la communauté trans ou d’autres collectifs féministes… comme celui représenté par la ministre Irene Montero, qui se déclare également féministe, était-il inévitable ?
Eh bien… Il y a ici une responsabilité des partis politiques qui ont refusé d’ouvrir ce débat. Ils ont généré un conflit social absolument inutile. Il suffit de regarder les amendements présentés par les groupes parlementaires : aucun d’entre eux ne va à l’encontre des droits de la communauté transsexuelle. Mais il y a des nuances, car la loi ne parle pas des personnes transsexuelles, mais du collectif transsexuel. Il s’agit d’un concept général qui couvre des cas qui vont au-delà de la transsexualité. Il est clair qu’étant donné la façon dont le texte est formulé, il y a un conflit d’intérêts évident.
Pourriez-vous donner un exemple pratique ?
Dans les pays où une législation a déjà été adoptée en la matière, il suffit de voir ce qui s’est passé avec le sport féminin. C’est un exemple de la façon dont la nature prime sur les sentiments. Le législateur ne peut pas légiférer sur des sentiments, mais sur des réalités matérielles. Dans le sport, un corps masculin possède un avantage compétitif sur un corps féminin, tout comme un adulte possède un avantage compétitif sur un mineur. C’est pourquoi il existe des catégories d’âge et de sexe. Le sport est basé sur le fair-play et ce projet de loi supprime le fair-play dans le sport. Les partis politiques auraient dû chercher des accords pour que nous puissions tous vivre ensemble sans qu’il y ait collision des droits et ils ne l’ont pas fait. C’est leur responsabilité. Le féminisme a été obligé d’élever la voix parce qu’il n’a pas été écouté par l’administration.
Faites-vous référence à Podemos et à ceux qui soutiennent ses propositions ?
Je ne fais pas seulement référence à Podemos, mais à tous les partis qui ont fermé les portes aux associations de femmes et qui n’ont pas voulu tenir compte des avertissements que nous leur avons envoyés, comme celui qui concerne l’article 20 de la loi sur l’égalité, qui fait référence à l’obligation pour les administrations publiques de désagréger les données par sexe dans toutes les statistiques. Comment évaluer le sexisme si nous éliminons le sexe comme catégorie vérifiable ? Les amendements que Podemos vient de déposer, avec le soutien d’autres groupes, proposent même l’élimination du sexe comme catégorie de référence [pour l’enregistrement de l’état civil]… Comment allons-nous contrôler l’écart de rémunération si nous ne catégorisons pas par sexe ? Je souhaiterais qu’Irène Montero réponde à cette question.
Vous avez joué un rôle de premier plan, avec le groupe socialiste, dans l’élaboration de la loi contre la violence sexiste, qui a été votée à l’unanimité à l’époque. Si cette loi est adoptée, serait-il nécessaire de changer son nom et de préciser qu’il s’agit d’une loi contre les violences faites aux femmes ?
La loi est parfaitement explicite en ce qui concerne l’identité du sujet actif et passif [de l’agresseur et de la victime de cette violence]. En définissant cette violence, elle précise que le sujet passif est la femme, le sujet actif est l’homme et l’objet est le contrôle et la soumission de la femme, et cela comme conséquence d’un certain système social. Lorsque la loi trans tente d’introduire le concept de violence intra-genres, elle introduit la même demande que Vox fait à propos de la violence domestique. Mais cela n’a rien à voir avec la « loi trans ». Le concept de violence intra-genres correspond à la violence entre les couples de lesbiennes ou de gays, mais ce type de violence est déjà inclus dans le code pénal, à travers le concept de violence domestique. C’est, par exemple, un autre des amendements proposés par le PSOE, parce qu’il s’est rendu compte que la « loi trans » est une bombe pour les fondements de la loi contre la violence sexiste. Comme je le disais, ils disent essentiellement la même chose que Vox en ce qui concerne la violence domestique. Mais ce n’est pas le seul cas…
Y a‑t-il d’autres lois qui sapent la loi contre la violence sexiste ?
En ce moment, la nouvelle loi catalane contre la violence sexiste fait l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle. Le PP a fait appel de cette décision, car cette loi fait exactement cela (remettre en cause l’objet de la loi actuelle sur la violence). Dans les débats parlementaires, ils ont même intégré le concept de personnes non binaires dans des termes qui touchaient les refuges… Qu’est-ce que cela a à voir avec le fait de se sentir non binaire par rapport à la loi sur la violence envers les femmes ? Toute personne qui ne se conforme pas aux stéréotypes est non-binaire, mais cela ne change pas son sexe.
En tant que membre de l’Alliance contre l’effacement des femmes (Alianza contra el Borrado de las Mujeres), vous avez présenté une série d’amendements à tous les partis. Lesquels ont été les plus réceptifs ou sensibles à vos positions ?
Notre proposition sur la violence sexiste et une partie de celle qui se réfère aux mineurs, dont j’ai dit qu’elle était inconstitutionnelle, ont été reprises par le PSOE ; le PP en a repris beaucoup et les autres les ont complètement ignorées.
En appliquant l’arithmétique parlementaire, si le PP et le PSOE s’opposent au texte tel qu’il a été présenté, cette loi ne pourrait pas voir le jour sous cette forme, étant donné que les amendements qui proposent sa modification seront approuvés…
Ceux de qui ? Le problème fondamental réside dans le fait de considérer le genre comme une catégorie juridique, sachant qu’il n’est pas non plus une catégorie de référence. La seule chose qui existe en tant que catégorie de référence [pour l’enregistrement de l’état civil], c’est le sexe. Ils nous parlent toujours de l’autodétermination du genre, mais ce qu’ils veulent modifier dans l’état civil, c’est le sexe. Les féministes sont conscientes que le débat est un peu compliqué, mais c’est un débat qui a besoin de temps pour que la société en comprenne les conséquences pratiques.
Par exemple l’impact sur le monde du sport ?
Pas seulement… Il y en a d’autres : qu’une personne transsexuelle figure sur des listes de représentation politiques en tant que femme ce n’est pas la même chose que n’importe qui puisse figurer en tant que femme sur une telle liste. Lors d’élections à Oaxaca (Mexique) en 2018, 17 hommes, avec des moustaches mexicaines, se sont présentés en tant que femmes, en vertu d’une législation similaire, sur les listes électorales. Des transsexuels mexicains se sont plaints en disant qu’il y avait eu un usage inapproprié de cette règle. Si le législateur ne prévoit pas les fraudes possibles, il fera une mauvaise loi.
La question qui touche le plus la société est peut-être celle des enfants. Sur ce point, vous êtes également pleinement impliquée…
Le fait est que, avant l’approbation de la législation étatique, des choses inquiétantes se produisent déjà dans les régions autonomes. Toutes celles qui ont des lois trans ont développé des protocoles éducatifs. Presque tous ces protocoles stipulent que les enseignants ont l’obligation d’observer les comportements non conformes au genre et, s’ils en détectent chez un enfant, ils doivent considérer qu’il peut s’agir de transsexualité et l’orienter vers des organisations spécialisées, qui sont des organisations qui font du militantisme transgenriste, qui pratiquent l’« affirmation de genre ». En d’autres termes, si tu es une fille qui n’aime pas porter de robes, etc., tu risques de te voir proposer une « transition sociale ». Ces organisations disent aux enfants que le sexe peut se choisir et que si vous n’aimez pas le genre, assimilé au sexe, changez-le ! Pour les féministes, cette pratique est scandaleuse. Des professionnels qui travaillent avec des personnes trans dans les hôpitaux nous avertissent que 85% des mineurs qui se présentent comme trans pendant la puberté, s’ils n’ont pas subi cette « transition sociale », cessent de se penser trans au fil la puberté.
Y a‑t-il un terrain d’entente possible entre votre approche et celle des défenseurs du texte juridique tel qu’il existe actuellement ?
Oui, si l’on précise que le sexe est une chose et que le genre en est une autre. C’est ce que nous disons et le législateur doit tenir compte de cette réalité. Rien d’autre. Si c’était le cas, il y aurait une loi qui s’adapte à tous.
C’est ce que l’ancienne vice-présidente Carmen Calvo a longtemps défendu, contre la thèse d’Irene Montero… et elle a fini par être évincée du gouvernement de Pedro Sánchez. Quelle est votre opinion, en tant que socialiste ?
En tant que socialiste, je suis préoccupée par le fait que le parti auquel j’appartiens n’ait pas écouté les féministes du parti, et que les lettres que nous avons envoyées, signées par d’anciens ministres, d’anciens directeurs de l’Institut des femmes et de nombreuses personnalités féministes, aient été méprisées.
Zapatero s’est un jour défini comme féministe, pensez-vous que Pedro Sánchez le soit ?
Je crois que M. Sánchez devrait tenir compte des avertissements qui émanent de différentes sphères professionnelles et politiques et observer les problèmes qui deviennent déjà visibles dans d’autres pays. Les athlètes féminines défendront leurs catégories, les familles veilleront à ce que leurs enfants ne prennent pas de décisions hâtives, les sociologues exigeront des statistiques véridiques et les médias et la société ne toléreront pas une censure qualifiant toute opinion dissidente de « haineuse ».
Dites-vous que Sánchez devrait écouter les avertissements du féminisme ?
Oui, mais le féminisme n’est pas représenté par Irene Montero, du moins pas le féminisme socialiste, qui est le féminisme éclairé, le féminisme de l’égalité. Cette loi heurte les fondements du féminisme de l’égalité.
Ne pensez-vous pas que Sánchez est sous pression en raison de la situation parlementaire et de la nécessité pour lui de céder aux propositions de ses partenaires, afin d’approuver le budget et de poursuivre la législature ?
Je pense qu’il peut terminer la législature sans aucun problème, sans avoir besoin d’ouvrir un fossé idéologique ou social dans le parti, parce que même si la loi est adoptée, la question ne s’arrêtera pas là. En Espagne, les familles s’organisent, car le texte qui est proposé ouvre la porte au retrait de l’autorité parentale aux pères et aux mères qui disent à une école ou à un professionnel que leur enfant a peut-être un problème, mais que ce n’est pas un problème de genre. Cette loi bâillonne les professionnels, la presse et la société dans son ensemble, car elle crée des stigmates et des étiquettes pour ceux d’entre nous qui ne sont pas d’accord avec une certaine norme, ce qui est légitime dans une démocratie. Nous exprimons notre désaccord, nous militons dans le cadre des règles démocratiques. Et nous recevons des insultes pour cela, y compris de la part de la ministre Montero, qui devrait être plus respectueuse des opinions des autres. Certes, nous remettons en question sa façon de comprendre le féminisme. Comment ne pas remettre en question un féminisme qui, par exemple, considère que la prostitution des femmes est légitime ? Nous demandons qu’il y ait un débat démocratique avant d’approuver cette loi.
Mais la ministre Irene Montero veut accélérer l’approbation du texte et ne semble pas donner beaucoup de temps pour un débat serein, sachant qu’ils veulent traiter la loi en urgence…
La seule urgence qu’Irene Montero a avec la « loi trans » consiste à faire taire les opinions critiques. En Espagne, il existe des garanties et des droits pour les personnes transsexuelles. Il y a des décérébrés qui agressent les transsexuels, les homosexuels et les lesbiennes, oui, mais cela ne signifie pas que les Espagnols dans leur ensemble se consacrent à l’attaque de ces groupes. Il existe des lois fortes contre ces énergumènes. Mais ça a été très difficile de nous faire entendre, même dans les médias, parce qu’il y a cette peur qu’on nous colle une étiquette qui nous discrédite socialement. Tout ce que nous demandons, c’est que l’on ne fasse pas de lois qui violent les droits des autres. C’est tout. Les droits des transsexuels sont exactement les mêmes que les vôtres et les miens, mais concourir avec un avantage dans une catégorie sportive n’est pas un droit, pas plus que de dire dans les écoles que le sexe peut se choisir, éliminer ce qui nous permet de mesurer l’inégalité entre les hommes et les femmes n’est pas un droit.
Vous parlez de la peur d’être étiquetée… mais il y en a qui élèvent leur voix contre la « loi trans » depuis un certain temps, comme Lidia Falcón et elle a été expulsée (son collectif) de l’IU…
Elle a été expulsée pour avoir dit des choses comme celles dont je parle…
Avez-vous peur que des représailles soient également exercées contre vous et d’autres de vos collègues du PSOE ?
Eh bien, quelqu’un a essayé d’ouvrir un dossier contre un groupe important de femmes historiques (Matilde Fernández, Amelia Valcárcel, Rosa Peris, Altamira Gonzalo, Alicia Millares…), mais les organismes compétents ont répondu que la plainte déposée contre nous était invalide. Dans mon cas précis, ils ont estimé qu’il était scandaleux que je dise qu’une personne ayant des organes génitaux masculins ne peut pas être lesbienne. Ils ont trouvé cela scandaleux et répréhensible… Eh bien, je le maintiens toujours ! L’affaire a été résolue, et non pas en notre faveur, mais en faveur du bon sens.
Quelle modification apporteriez-vous aux 37 amendements présentés par le PSOE au Congrès ?
À mon avis, ils passent à côté de l’essentiel, à savoir l’autodétermination du genre. Deuxièmement, les amendements liés aux mineurs sont restés lettre morte et ceux liés aux détransitions nous ont laissées stupéfaites. Cette loi rend plus difficile d’inverser la transition administrative [dans l’état civil] que de l’entreprendre. En d’autres termes, l’amendement vise à rendre plus difficile le fait de faire marche arrière.
Pensez-vous que concernant un sujet aussi délicat, le groupe socialiste devrait permettre un vote de conscience ?
Mais ils ont même empêché la loi d’aller en plénière ! La capacité législative de l’assemblée plénière a été supprimée…
Avez-vous essayé d’avoir ce débat serein avec une ou plusieurs personnes de votre parti ou non défendant la « loi trans » tel qu’elle existe ?
Jusqu’à l’épuisement, en compagnie d’autres collègues : nous avons envoyé des lettres au président du gouvernement, au vice-président… Nous avons essayé avec tout le monde. Mais rien. La question est de savoir pourquoi. La seule chose que je peux dire c’est que Podemos n’est pas de bon conseil concernant les politiques d’égalité.
Sánchez approuve-t-il vraiment la « loi trans » ou est-il obligé de l’approuver pour des raisons d’arithmétique parlementaire ?
Je ne sais pas, mais en ce moment il a un problème politique : le PSOE a présenté ses amendements, que personne ne va soutenir, Podemos a présenté ses amendements, qui malgré les appuis qu’il a ne passeront pas, et le PP a présenté ses amendements, que personne ne va voter non plus. Il semble que nous nous trouvions dans une situation d’impasse.
Pourrait-il se passer quelque chose de similaire à ce qui s’est passé avec la loi « Seul un oui est un oui », lorsque le PSOE a retiré ses propres amendements — malgré le fait que le PP aurait pu les approuver — et a fini par permettre l’approbation du texte tel que présenté par le ministère d’Irene Montero ?
Je ne sais pas si le PSOE va revenir sur ses propres amendements, alors qu’il les a présentés sur la base de la non-constitutionnalité des articles qu’il modifie. C’est la question que je me pose.
Pourrons-nous avoir la réponse le 18, comme prévu par la ministre Montero ?
Eh bien, je ne sais pas s’ils donnent les dates… Le 18, ça me paraît difficile… De toute façon, la date n’est pas importante.
Si ce n’est pas le cas, pourquoi la procédure d’urgence est-elle appliquée ?
Parce qu’ils veulent empêcher le débat. Il n’y aura pas d’audition d’experts, les questions dont nous parlons dans cette interview ne seront pas soulevées : l’impact de cette loi sur le sport, sur les politiques d’égalité, dans le domaine de la santé… Tout ça est très surprenant. Mais je peux vous dire que lorsque cette législation a été adoptée au Royaume-Uni, un rapporteur parlementaire a exprimé sa surprise de voir qu’une question aussi épineuse et ayant un tel impact social était traitée en urgence, au lieu de faire l’objet d’un large débat. Il a découvert un manuel produit par l’un des principaux cabinets d’avocats européens, proposant des directives sur la manière de faire passer cette législation et d’avoir un impact sur la politique. Il s’avère que l’une des astuces offertes consiste à joindre ces législations à des lois qui bénéficient de la sympathie sociale et évitent le débat public. Irene Montero cherche désespérément à introduire l’idéologie trans dans le féminisme, mais le féminisme résiste et lui dit non. Elle a toutefois réussi à l’introduire dans les mouvements LGTBI, qui avaient déjà obtenu la loi de 2007. Mais les gens doivent savoir que cette loi n’est pas pour les personnes transsexuelles, mais pour ouvrir la porte au transhumanisme.
De grands cabinets d’avocats internationaux établissant des modèles d’action… cela ressemble à des lobbies qui encouragent une certaine action gouvernementale dans différents pays…
Eh bien, regardez la dernière célébration de la Gay Pride. Deux entreprises pharmaceutiques ont défilé avec des banderoles disant « Soyez ce que vous voulez » et, par coïncidence, ce sont deux grandes entreprises pharmaceutiques qui distribuent des hormones, avec lesquelles le ministère de la Santé lui-même a des accords pour l’achat de ces produits. Il est également nécessaire de réfléchir à qui est intéressé par le développement de ce type de droit et dans quelle mesure. Ceux d’entre nous qui sommes allées à la Pride ont été témoins de ces bannières… Ils essaient d’utiliser les personnes transsexuelles à d’autres fins qui vont au-delà de la transsexualité.
Avez-vous eu l’occasion de parler de tout cela avec votre collègue de parti, jusqu’à récemment, Carla Antonelli ?
Non. Je ne lui ai pas parlé depuis longtemps, entre autres parce qu’elle m’a bloqué et m’insulte dès que l’occasion se présente. J’ai beaucoup de respect pour tout le monde. J’aimerais beaucoup qu’on puisse s’asseoir et discuter calmement de tout cela, car je suis sûre qu’elle trouve injuste que des personnes au corps masculin occupent des podiums féminins. Je suis certaine qu’elle ne pense pas que c’est un droit.
Qu’en est-il de son départ du PSOE ?
Je ne sais pas ! Peut-être que dans quelques mois, nous comprendrons pourquoi elle est partie.
Pensez-vous que si la « loi trans » est adoptée telle quelle, il y aura des répercussions électorales négatives ?
Oui, il y aura des répercussions sur l’ensemble de la gauche.
Pour le PSOE ?
Pas seulement pour le PSOE. Pour l’ensemble de la gauche, ce sera un problème électoral. Je n’ai aucun doute à ce sujet. Le mouvement des femmes est très surpris par tout ce qui se passe. Et dénigrer le mouvement des femmes est une erreur politique, car nous sommes la moitié de la population. Nous ne demandons aucune suppression de droits… Pas du tout ! Celui ou celle qui accepterait de nous écouter le réaliserait immédiatement. Et ne dites pas que nous sommes d’accord avec l’extrême droite, car ce n’est pas vrai. Le féminisme est un mouvement très rationnel, qui réfléchit beaucoup à ses positions politiques et qui a établi une grande complicité avec les partis politiques. Les féministes ont obtenu des alliances entre la droite et la gauche, j’en ai été témoin. Les femmes ont leur propre agenda et les partis, qui ont été très proches de la cause féministe, prennent leurs distances.
Est-ce un phénomène qui ne se produit qu’en Espagne ?
Non. C’est un phénomène mondial. C’est un courant idéologique qui s’infiltre dans les sphères du gouvernement et de la prise de décision. Ils ont construit des discours qui n’ont pas été remis en question, parce qu’ils étaient protégés par la sympathie à l’égard des droits des femmes, du mouvement LGTB, etc. Il nous a fallu un certain temps pour nous rendre compte que les discours qui se glissaient étaient en fait des chevaux de Troie et qu’ils constituaient une attaque contre notre propre discours.
Dans quelles autres lois l’idée que le genre est une identité a‑t-elle été incluse ?
Dans toutes celles qui ont été adoptées au cours de cette législature. Ils l’incluent dans les clauses anti-discrimination, qui découlent de la clause constitutionnelle, laquelle stipule que les Espagnols et les Espagnoles ne peuvent faire l’objet d’une discrimination fondée sur la race, le sexe, les croyances, etc. Eh bien, à l’heure actuelle, toutes les nouvelles lois ou celles qui sont renouvelées dans cette législature mentionnent le genre comme identité. Il va être très difficile de défaire tout ce cadre.
Eh bien, le PP et son président, Alberto Núñez Feijóo, ont promis de revenir sur cette décision s’ils arrivent au pouvoir.…..
Eh bien, ils devront modifier de nombreuses lois…
Traduction : collective
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